
Solidarité rurale du Québec Page 5
réalité ethnographique et culturelle qui résulte de l’utilisation successive ou nouvelle des
ressources par les femmes et les hommes qui l’habitent. Ancien président du Comité National
des Produits Laitiers de l’Institut national des appellations d’origine (INAO), André Valadier
mentionnait en 1998 que cette notion de terroir ne relève pas seulement du domaine des
traditions populaires, mais qu’elle est avant tout la concrétisation d’un partenariat économique
interprofessionnel parfaitement réussi. Ainsi, une observation attentive montre bien que la
notoriété d’un terroir résulte toujours de la notoriété d’un produit, d’un objet, et donc de l’action
des hommes. Les produits du terroir sont d’abord qualifiés par le consommateur qui souhaite les
identifier et s’assurer de leur authenticité, de leur qualité. Ces produits portent le nom de leur lieu
d’origine, de leur village ou de leur région. Le lieu ne peut pas toujours être retenu comme le
seul élément complémentaire de classification ou d’identification. Mais l’attribution
géographique à une production donnée suppose une délimitation rigoureuse du terroir d’origine
et «la constatation du maintien sur la longue durée d’usages locaux, loyaux et constants.»
(Bardinet et Corpat, 1998 :15)
Le produit du terroir québécois vise donc à mettre en relation et à superposer une filière de
production à une filière rurale pour ensuite développer des stratégies de commercialisation et de
distribution afin de rentabiliser le produit. Seule une ressource collectée, exploitée et transformée
dans un territoire rural figure dans ce type de produits. Dans cette optique, l’alcool conçu à
Montréal par la SAQ à partir des baies de chicouté cueillies sur la Côte-Nord n’est pas un produit
du terroir. Il en va tout autrement pour le Pied-de-Vent, un fromage au goût de terroir très
marqué, entièrement produit, distribué et vendu à partir des Îles-de-la-Madeleine.
La filière de production d’un produit du terroir met en œuvre un ensemble d’éléments qui
expriment avant tout une différence, généralement reconnue en Europe par un mode de
certification ou de labellisation. Chaque élément du terroir entre en jeu afin de personnaliser et
de différencier le produit. Essentiellement, ce processus obligé s’exprime par l’utilisation de
l’ensemble des conditions requises qui typeront la ressource, de son lieu d’origine jusqu’à sa
production finale. Cette filière doit donc être respectée à chaque fois que l’on désire à partir d’un
produit, atteindre une expression totale et optimale de valeurs, de qualité et de goût dans un
terroir. Seule cette conjonction, cette complicité établissent un état réel d’esprit des lieux pour
que les produits puissent naturellement parler de leur terroir.
Pour Solidarité rurale du Québec, les produits du terroir peuvent être regroupés sous différents
genres. On y retrouve des ressources transformées ou à l’état brut, des produits de l’artisanat et
des recettes culinaires. Ils sont parfois issus d’une génétique ancienne ou encore le résultat d’une
récolte d’origine végétale, minérale ou d’une collecte animale. Ces produits sont donc
directement le fruit de pratiques culturelles innées ou acquises, qu’elles soient alimentaires,
vestimentaires, esthétiques, agricoles ou forestières. Tous ces produits fortement enracinés au
territoire expriment des forces créatrices, une diversité à promouvoir. Ils sont un miroir, voire
une fenêtre sur la manière de vivre des ruraux. L’économie rurale ne s’arrêtant pas uniquement
aux limites de la production agricole, le Québec rural est aussi une terre d’eau, une terre de
forêts. Dans cet esprit, les produits du terroir sont autant l’ardoise de Saint-Marc-du-Lac-Long, le
duvet d’eider des Îles du Bas-Saint-Laurent, la boutonnue de Charlevoix, la chaloupe de
Verchères, les paniers en hart rouge de Rivière-Ouelle, les agates de Gaspé que l’agneau des