Rachi de Troyes, une grande figure médiévale
Extrait du Judaiques Cultures
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900ième anniversaire
Rachi de Troyes, une grande
figure médiévale
- Histoire - Les Juifs en terre Chrétienne -
Date de mise en ligne : mercredi 4 mai 2005
Description :
Un homme attachant, une oeuvre cruciale pour le judaïsme et le christianisme, un apport considérable à la connaissance du Moyen Age en Champagne et pour les
linguistes, un esprit moderne.
Judaiques Cultures
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Rachi de Troyes, une grande figure médiévale
Rachi est un outil précieux pour les linguistes français, et fut exemplaire quant à son
approche émancipatrice des femmes, et le respect qui leur est dû. Voir par ailleurs, le compte
rendu en 18 conférences, du Colloque qui lui fut consacré en juin 2005, à Troyes.
RACHI DE TROYES (1040 - 1105)
1) Brève biographie : Eminent commentateur juif de la Bible et du Talmud, Rabbi Shlomo Ytshaki (Rabbi Salomon
fils d'Isaac) dit Rachi est né à Troyes, en Champagne, région dans laquelle, durant la majeure partie de sa vie, les
Juifs bénéficiaient de bonnes conditions de vie.
Un manuscrit évoquant le jour de sa mort "jeudi 29 Tammouz 4865", [1] évoque aussi son père "saint Rabbi Isaac le
Français" (Tsarfati) [2], le mot saint laisse supposer que le père de Rachi mourut en martyr, victime de quelque
persécution. Rachi débuta ses études probablement sous la direction de son père qu'il appelait "mon maître". Puis il
reçut l'enseignement de son oncle maternel Simon l'Ancien qui fut disciple du grand Rabenou Guerchom qui
marqua le judaïsme médiéval de Rhénanie, à Mayence puis à Metz. Rachi eut sans doute la chance d'étudier les
notes mêmes de Rabenou Guershom.
La circulation des manuscrits (l'imprimerie n'existe encore pas), étant difficile, Rachi devait engranger les
connaissances et devait être doué d'une "mémoire encyclopédique" (...) pour rédiger son commentaire du Talmud, il
devait connaître tout le Talmud par coeur. Troyes devait déjà abriter au milieu du XI° siècle une bibliothèque de
manuscrits hébraïques considérable (...)." [3]
Vers l'âge de 20 ans, il alla étudier à Mayence où il devint l'élève de Jacob ben Yakar qui l'initia à "la critique des
textes", puis après la mort de son maître il suivit les cours de son successeur Isaac ben Juda, puis il se rendit à
Worms, l'un des principaux foyer d'études bibliques et talmudiques d'Europe à l'époque (avec Mayence, Metz etc..)
Ses principaux professeurs furent parmi les plus grands maîtres du judaïsme médiéval européen. "A cette époque, il
n'y avait ni codes, ni recueils d'usages (le Shulhan Aroukh [4] date de la fin du XVI° siècle) ;
Rachi prit épouse vers 1067, et semble vivre dans le dénuement matériel. On ne sait si c'était avant ou juste après
son retour à Troyes. Il devint père de trois filles : Myriam, Jokhebed, Rachel. Rachi de retour à Troyes fonde sa
propre école, et bien qu'il remplît également la fonction de Juge rabbinique de la communauté, il gagnait sa vie
comme viticulteur, il produisait du vin de Champagne [5].
Le problème de la subsistance est entier ; Il fallait à Rachi dégager beaucoup de temps pour la rédaction de son
oeuvre, pour assurer les cours auprès d'élèves qui affluaient depuis toute l'Europe, il lui fallait aussi assurer le gîte et
le couvert de ses étudiants.
Rachi enseigna à ses trois filles jusqu'à ce qu'elles devinssent des femmes érudites, qui épousèrent d'éminents
disciples de Rachi, qui donnèrent naissance aux Tossafistes.
Myriam épousa Juda ben Nathan, que l'on connaît sous le nom de Rivan. "son nom s'est préservé dans notre
littérature traditionnelle grâce à un de ses descendants, qui écrit : "J'ai posé la question à la veuve de mon oncle R.
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Isaac ben Meir, et elle m'a répondu que son mari ne s'opposait pas à cette coutume qui était déjà en usage dans la
maison de mon grand-père, Rabbi Meir (le gendre de Rashi), et dans la maison de Myriam, la fille de la fille de
Rashi." [6]
Jokhebed épousa Meïr ben Samuel, de Lotharingie, qui s'installèrent ensuite à Ramerupt près de Troyes, où il fonda
aussi une école célèbre. Ils donnèrent naissance à de célèbres rabbis, comme Rabbi Samuel dit Rachbam qui put
étudier avec Rachi, puis à Ramerupt, puis Caen et Paris. Il y eut Isaac, surnommé Rivam qui mourut alors qu'il était
père de sept enfants. Il y eut Jacob, que l'on appela Rabénou Tam [7], fut sans conteste le plus célèbre de tous les
Tossafistes. Sa vie fut marqué par l'accusation de meurtre rituel qui frappa la communauté de Blois en 1171, et qui
s'acheva par le massacre de la communauté juive de Blois à la mémoire de laquelle, Rabénou Tam ordonna un jour
de jeûne.
Rachel qui portait le sobriquet de Belleassez, épousa Wecelin [8] qui la répudia par la suite.
Rachi s'est distingué entre autres, outre son oeuvre gigantesque de commentaires bibliques et talmudiques, par de
célèbres responsa aux questions qui lui étaient adressées de partout en Europe, notamment en faveur des femmes
et de la considération qui leur était due. Ses réponses sont révélatrices de sa personnalité, de sa gentillesse et de
son humilité.
Parmi ses élèves on peut citer encore Rabbi Chemaya qui fut son secrétaire, et Joseph Qara [9], ainsi que Simha
ben Samuel de Vitry dont le rituel, le Mahzor de Vitry, est un guide du fidèle (prières et lois). [10]On sait que c'est
Myriam, la soeur de Rabbénou Tam et petite fille de Rachi, qui fut l'épouse de Rabbi Simha ben Samuel de Vitry et
qu'elle donna naissance à une lignée de Tossafistes.
Les dernières années de sa vie furent assombries par les débordements violents de la première croisade de 1095.
Les communautés juives furent dévastées et Rachi en fut affecté, et son angoisse devant le destin funeste de son
peuple transparaît dans des commentaires de Psaumes ou de livres bibliques. A l'époque ses travaux et
commentaires sur la Bible et le Talmud étaient presque achevés, à l'exception des Chroniques. Son commentaire du
Pentateuque qui devint le modèle de tout étudiant au cours de ses études, fut le premier livre imprimé en hébreu, en
1475 à Reggio, en Italie.
L'objectif de Rachi est simple, donner le sens obvie, du texte. Son style est net et concis, son hébreu simple. Sa
propre familiarité avec les tâches quotidiennes d'un fermier, d'un artisan ou d'un marchand le rendait capable de
ponctuer ses explications de commentaires inattendus afin d'éclairer le sens du texte pour ses disciples. De plus
chaque fois qu'il le juge utile, Rachi donne, dans une translittération hébraïque, l'équivalent en vieux français d'un
mot difficile. On trouve ainsi, environ 1500 mots dans son commentaire biblique et 3500 mots dans son commentaire
du Talmud. Connus sous le nom de Laazim "en langue étrangère", ils sont extrêmement précieux pour ceux qui
étudient l'ancien français. Rachi étendit ses investigations à la grammaire hébraïque. Son commentaire contient
donc de nombreuses notes, qui constituent une première contribution précieuse à la grammaire de l'hébreu.
L'influence de Rachi s'étendit bien au-delà de la sphère du judaïsme. Le moine franciscain Nicolas de Lyre
(1270-1340), lisait Rachi dans le texte original et, dans son propre commentaire biblique, il cite fréquemment Rachi,
reconnaissant sa dette envers lui. Martin Luther emprunta beaucoup à Rachi pour sa propre traduction de la Bible,
et par conséquent les érudits de la Réforme.
Le seul but poursuivi de Rachi étant d'élucider le texte pour ses élèves. L'école française dite l'école des Tossafistes,
poursuivit son oeuvre encore deux cents ans. Désormais, toutes les éditions courantes du Talmud comportent sur la
colonne extérieure de chaque page, le commentaire des Tossafistes, et à l'opposé, sur la colonne intérieure celui de
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Rachi.
Rachi est probablement mort à Troyes le 13 juillet 1105. Personne ne peut attester du lieu de sa sépulture, certains
pensent qu'elle s'est trouvé à Troyes (aucune trace), d'autres pensent qu'elle se trouve dans le vieux cimetière de
Worms (sans preuve). Il semble avoir fini sa vie dans la souffrance de la maladie, et affecté par le sort réservé aux
Juifs à cette époque de la première croisade (1095-1096) où un pogrom succédait à un autre pogrom, dévastant les
communautés juives de Rhénanie par le rançonnage ou le sang (Worms, Spire, celui de Mayence fut sans doute le
plus terrible...). Le silence de Rachi à cet égard est plus lourd de sens que s'il s'était exprimé ; quelques psaumes et
piyoutim évoquent sa douleur.
Rachi et probablement la communauté juive de Troyes qui devait s'élever à quelques dizaines de familles pour une
ville de 4000 habitants, entretenaient des relations de bon voisinage, c'est une époque où les Juifs pouvaient encore
cultiver la terre, employer des chrétiens, échanger des cadeaux (à Pourim, à Pessah [11]), ils pouvaient louer les
bêtes de labour, posséder moutons, boeufs et chevaux etc..
Quelques exemples de Responsa :
"Chez nous, les chrétiens ne rendent pas le vin interdit
grâce à des manoeuvres idolâtres" (puisque le rite des
libations a disparu) (Responsa n° 168 et 327). D'où il
ressort que Rachi distingue les chrétiens des idolâtres qui
devaient être tenus à l'écart de la manipulation du vin.
La validation du serment émis sur une relique, en y
apposant une pièce de monnaie "en signe de dévotion".
Rachi l'admit d'abord par respect pour l'usage, puis
l'interdit (refusant par là de reconnaître un pouvoir aux
reliques.) (Responsa n°180.)
Les conversions forcées : Rachi se prononça considérant
un converti comme un Juif en puissance, "Israël pêcheur
reste Israël", aussi la loi continue de s'appliquer à lui.
Les responsa de Rachi évoquent très peu les problèmes
liés au prêt d'argent, ce qui laisse supposer que la période
qui va astreindre les Juifs à vivre de l'usure, n'a pas
débuté. Rabénou Tam y sera confronté, une génération
après.
"Au temps de Rashi, il n'était malheureusement pas rare
que les persécutions entraînent des cas d'apostasie,
comme celui de cette veuve qui était obligée d'obtenir le
désistement - halitsah - de son beau-frère converti au
christianisme. A leur époque déjà, les Gaonim avaient
affronté ce problème. Dans ce cas précis, Rashi décida
que l'opinion des Gaonim était contradictoire et annula
leur décision exemptant la femme de la cérémonie de
halitsah . Ne voyant aucun moyen de permettre à la
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veuve de se remarier en l'absence de halitsah , il conclut
de façon caractéristique : "Puisse le Rocher d'Israël nous
éclairer de la lumière de la Torah..."" [12]
"(...) Il est intéressant d'examiner le style des Responsa et
les sentiments qui sous-tendent les décisions de Rashi [
13]. Prenons ce cas de fiancailles entre un oncle et sa
nièce ou les deux parties avaient respectivement déposé
en fidéicommis un montant d'argent qui, en cas de
violation de promesse de mariage par l'une des parties,
reviendrait à l'autre. Ayant rompu son engagement au
bout de plusieurs années, le fiancé s'était fait restituer son
dépôt alors que le père de la fiancée le réclamait au
fidéicommissaires. Un certain érudit, dont le nom n'est pas
mentionné, avait pris le parti du fiancé. Le cas fut soumis
à Rashi qui, malgré sa modération, ne put s'empêcher de
condamner ce savant pour s'être trompé sur toute la ligne
(ta'ah hatalmid bekhol hat sedadim).
Il est très intéressant de connaître le point de vue de
Rashi à l'égard de la compétence des tribunaux locaux,
c'est à dire de tout groupe de trois juges désignés par des
Juifs pour leur rendre la justice, et qui ont en principe la
même autorité que les juges désignés par notr maître
Moïse. Ce point de vue est répété à plusieurs reprises
dans les écrits de Rashi. Il souligne que, dès les temps les
plus reculés, nos encêtres ont toujours été soucieux de ne
pas déshonorer les filles et les femmes d'Israël et de ne
pas les désavantager sur le plan matériel. Et il conclut sa
lettre en ces termes : "Cet homme (qui déshonore une
jeune fille juive) doit être condamné à une amende et puni
conformément à la législation juive. L'érudit qui apporte
son soutien à cet homme ne fait pas honneur à son
érudition car il fortifie les scélérats, et le Ciel l'a dépossédé
de son honneur en Israël, et les lois les plus apparentes
de la Torah lui ont été dissimulées de sorte qu'il n'a pas
saisi leur profondeur. Les censeurs connaîtront la
délectation et auront en partage la bonne bénédiction."
(Salomon ben Isaac) "Ces quelques lignes donnent une
idée vivante du style de Rashi, de son sens de la justice et
de ses sentiments humains. Ce n'est d'ailleurs pas la
seule fois où il prend la défense des droits de la femme.
Dans le cas d'un mari qui a diffamé sa femme et tenté de
lui faire du tort, Rashi écrit : " Cet homme a manifsté son
caractère malfaisant et prouvé qu'il était indigne de figurer
parmi les enfants de notre père Abraham, qui avait pour
principe d'aimer ses semblables en général, un exemple
de tout Juif doit imiter. Combien plus aurai-il dû être
clément et généreux envers sa propre femme qui lui est
unie par les liens sacrés du mariage. Il était de son devoir
de la rapprocher de lui, mais il l'a rejetée même ceux qui
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