Prise en charge des AVC en phase aiguë en soins intensifs neurovasculaires Pr F NICOLI Unité d’Urgences Neuro-Vasculaires, CHU Timone, Marseille La prise en charge des AVC en unité neuro-vasculaire (UNV) diminue la morbimortalité de cette pathologie de 30 à 45%. Il est démontré que ce bénéfice persiste sur le long terme, malheureusement, la couverture de notre territoire avec ces UNV est encore très insuffisante. Ces UNV sont des unités dédiées aux AVC et gérées par des neurologues vasculaires. Il ne s’agit aucunement d’unités de réanimation ou de soins intensifs polyvalents. La thrombolyse par voie intra-veineuse appliquée avant la 3e heure suivant la survenue des symptômes déficitaires est d’autant plus efficace qu’elle est réalisée tôt et avec une sélection par IRM. L’accès libre, 24 h sur 24 et 7 j sur 7 à la neuro-imagerie est donc la condition première nécessaire au fonctionnement d’une UNV. Le traitement thrombolytique IV est actuellement banalisé mais, pour être appliqué, il nécessite la mise en place d’une collaboration très étroite entre les neurologues vasculaires, le centre 15 et les urgentistes pour réduire les délais d’acheminement des patients. Il est impératif que ces UNV aient constamment des lits réservés pour les candidats potentiels à la thrombolyse afin de pouvoir répondre aux besoins à tout moment. Chaque minute perdue représente 4 millions de neurones en moins. La rapidité d’acheminement est donc cruciale et tout patient potentiellement candidat à la thrombolyse sur sélection téléphonique doit être transféré au plus vite, sans aucune imagerie préalable ni passage via les urgences, dans l’UNV la plus proche habilitée à thrombolyser. Toutefois, pour qu’une UNV puisse accueillir des patients dans ces conditions, il faut qu’elle puisse aussi gérer les patients qui finalement se révèlent avoir, par exemple, une hémorragie cérébrale ou cérébro-méningée sévère que la clinique ne faisait pas suspecter initialement. La présence sur le site de l’UNV d’un service de neuro-chirurgie, de neuro- réanimation et de neuro-radiologie interventionnelle est donc indispensable dans le cadre de ce mode de fonctionnement. Compte tenu de ses risques, le traitement thrombolytique IV ne peut être réalisé qu’en UNV disposant de Soins Intensifs Neuro-Vasculaires (SINV) composés de lits strictement dédiés aux AVC et gérés par des neurologues vasculaires, avec un personnel médical et paramédical en nombre suffisant et avec une garde de neurologie 24h sur 24 et 7 j sur 7. Les heures suivant la thrombolyse sont les plus critiques et nécessitent cette prise en charge et cette surveillance spécialisée et intensive, car une fois l’artère désobstruée, le patient peut se ré-aggraver (30% des cas), par exemple en rapport avec une réocclusion de l’artère comme au cours de la thrombolyse pour infarctus du myocarde voire avec une hémorragie, beaucoup plus rare en pratique entre les mains d’une équipe expérimentée. Le plus souvent, cette ré-aggravation précoce, détectée très vite grâce à la surveillance rapprochée du patient par un personnel spécialisé, peut être corrigée de façon efficace grâce aux mesures spécifiques mises en œuvre immédiatement par l’équipe des SINV. Le délai des 3 heures n’est nullement la limite temporelle au delà de laquelle il n’est plus possible de « sauver du cerveau », c’est uniquement la limite au delà de laquelle la perte d’efficacité et le risque hémorragique de la thrombolyse IV deviennent significatifs. Notre expérience quotidienne démontre, qu’à la condition que le patient soit pris en charge en SINV assez tôt, mais même après 3 heures et jusqu’à 8 heures même, des mesures spécifiques (thrombolyse exclue) permettent d’obtenir une récupération neurologique fréquente et très significative. L’IRM cérébrale permet très facilement de repérer ces patients qui peuvent tirer un bénéfice majeur d’une prise en charge spécialisée précoce, même sans thrombolyse. L’angioscanner tient aussi actuellement une place essentielle dans la prise en charge des AVC en phase aiguë car il apporte, en quelques secondes, une information à haute résolution (très supérieure à celle de l’angio-IRM) sur la perméabilité et l’état des axes artériels cervico-encéphaliques, de la crosse de l’aorte jusqu’au vertex. Cette information, aussi bien supérieure à celles apportées par les techniques d’échodoppler cervical ou transcranien, permet de guider au mieux la thérapeutique durant ces premières heures critiques concernant tous les accidents ischémiques cérébraux non thrombolysés. D’autres techniques sont en cours d’évaluation (thrombectomie ou thrombolyse IA en seconde intention en cas de persistance de l’occlusion artérielle post-thrombolyse IV). Toutefois, dans notre expérience, le recours à ces techniques est très exceptionnel compte-tenu des excellents résultats de la Thrombolyse IV dans le délai des 3 heures sous réserve d’une sélection optimale des patients par IRM (4 thrombolyses IA pour 97 thrombolyses IV). Aucun médicament dit neuroprotecteur n’a actuellement fait montre d’une quelconque efficacité. Les hémorragies cérébrales bénéficient également des progrès thérapeutiques puisque certains patients amenés en urgence pour une éventuelle thrombolyse, donc en moins de 3 heures, présentent en fait une hémorragie cérébrale. Or, certains traitements spécifiques utilisés chez ces patients dans ce délai pourraient avoir un bénéfice majeur. Au total, rapidité d’intervention, prise en charge spécialisée en UNV et accès libre à un plateau technique adéquat sont les conditions essentielles pour offrir le maximum de chance de récupération à un patient en phase aiguë d’un AVC.