Actualités des marchés financiers Décembre 2016
L’envolée des prix des actifs observée dans le sillage de la victoire électorale de Donald Trump a
jusqu'à présent reposé sur les espoirs d'une reprise économique basée sur la déréglementation,
le rapatriement des bénéfices des sociétés américaines réalisés à l'étranger et une bonne dose
de relance budgétaire centrée sur les dépenses d'infrastructures et les réductions d'impôt. La
question pour les investisseurs est maintenant de savoir si ce sursaut d’appétit pour le risque
est durable et s’il s’agit d’une manifestation sismique annonciatrice d’un changement fonda-
mental de l'environnement d'investissement : le début d'un nouveau cycle inflationniste durable.
Le rebond actuel rappelle de façon saisissante le comportement du marché entre mai et
septembre 2013, lorsque la Réserve fédérale (Fed), percevant une embellie de l’économie,
avait menacé de mettre un terme au cycle d’assouplissement monétaire (taper tantrum). Le
rendement du bon du Trésor américain à 10 ans avait alors grimpé en flèche, s’adjugeant 137
points de base. Cette fois-ci, il a progressé de 60 points de base. L’indice S&P 500 achait une
progression de 4 % à l’époque, contre 5 % actuellement. Les petites capitalisations avaient
alors bondi de 10 %, contre un peu plus de 16 % cette fois. Même le segment des actions a-
chait des performances sectorielles similaires. Une forte rotation avait vu les investisseurs
délaisser des secteurs défensifs sensibles aux taux d’intérêt, tels que les services aux collec-
tivités, l'immobilier et les biens de consommation de base. Les gagnants de l'époque étaient
les mêmes qu’aujourd'hui : les matériaux, l'industrie et la finance, notamment.
S’agissant du programme économique du Président nouvellement élu, Donald Trump, il
y a l’espoir et la réalité. Certes, la liste des souhaits de Trump comprend un programme
de dépenses d’infrastructure de USD 1.000 milliards, mais il va devoir négocier avec
les faucons budgétaires du Congrès. Un accroissement massif du déficit budgétaire de
quelque USD 5.000 milliards (incluant les réductions d’impôt) au cours des 10 prochaines
années se heurtera à une résistance considérable. L’application du plan Trump verrait la
dette publique passer de 76 % à 105 % du PIB.
De nombreux observateurs se plaisent à comparer Donald Trump à Ronald Reagan.
Cependant, lorsque le président Reagan a réduit les impôts au début des années 1980
et augmenté les dépenses budgétaires (principalement les dépenses militaires), le ratio
dette publique/PIB était de 30 % et non de 76 % comme aujourd'hui. L’indice S&P 500
achait un ratio cours/bénéfices de 8, contre 20 actuellement. De même, les taux d’inté-
rêt s'établissaient à 13 % et non à un niveau proche de 2 %, comme c'est le cas aujourd'hui.
Reste à savoir si la récente hausse des rendements obligataires à long terme est étayée par les
fondamentaux ou s’il s’agit simplement d’un nouveau sursaut, qui pourrait être mis à profit pour
acheter des obligations. Il semble logique de penser que le fait de stimuler une économie qui
flirte avec le plein emploi finira par alimenter l'inflation. Pour l'instant, le marché obligataire est
prêt à accorder au Président élu Donald Trump le bénéfice du doute quant à la mise en œuvre
de mesures de relance budgétaire appropriées. La durabilité de la hausse de l’inflation attendue
dépendra de la vitesse à laquelle les écarts de production pourront être comblés, ce qui signifie
que la structure et l’ampleur de tout programme budgétaire sont primordiales. Dans ce contexte,
il faut souligner que, par le passé, les dépenses d'infrastructures ne se sont pas traduites par
une poussée inflationniste (exemples : le « New Deal » de Franklin Roosevelt dans les années
1930, le financement des autoroutes inter-états initié par Dwight Eisenhower dans les années
1950), car l'amélioration des infrastructures accroît l'ecacité, et a donc un eet déflationniste.
En raison d’un eet de base, les taux d’inflation sont appelés à augmenter dans les pro-
chains mois et les bases nécessaires à l’amorce d’une hausse durable des prix ne sont
selon nous pas encore en place, même si nous assistons à une « fausse poussée » à court
terme. Soyons clairs : tout programme de dépenses qui sera eectivement mis en place
par l'administration Trump au début de 2017 amplifiera l’évolution récemment observée.
Comme souvent, le marché semble acheter la rumeur et, selon toute probabilité, vendra
la nouvelle. En définitive, si le programme approprié est en place, de nombreux observa-
teurs estiment que le pic du cycle de croissance du PIB pourrait avoir lieu en 2018.
Quelles implications pour les marchés financiers ?
L'augmentation actuelle des rendements repose sur une anticipation de relance budgétaire
massive par la nouvelle administration. Une autre inconnue est de déterminer jusqu’où
les taux d’intérêt peuvent remonter alors que de nombreux gouvernements occidentaux
doivent assurer le service d’une dette considérable résultant de la grande récession de 2008.
L’endettement total de l’économie mondiale s'élève à USD 152.000 milliards (selon le FMI),
un niveau plus élevé qu'avant la Grande Récession. Dans ces circonstances, il est quasiment
impossible que les rendements augmentent rapidement sans paralyser l’économie mondiale.
D’autre part, les actions américaines sont chères et demeurent dans une phase de conso-
lidation, tout en restant une alternative viable aux obligations compte tenu des rende-
ments sur dividendes attrayants. Sur la base d’un taux d’inflation aux États-Unis de 3 %
en 12 mois, force est de reconnaître que les actions ne sont pas bon marché : elles ne sont
à leur juste valeur que dans l’hypothèse d’une progression des bénéfices de l’ordre de 12
% au cours de cette période. Nous sommes cependant conscients que les valorisations
pourraient devenir excessives à court terme.
Lite
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