MODULE ”ANALYSE DE FOURIER”. CHAPITRE 1.
COMPLEMENTS SUR LES ESPACES Lp.
1. D´efinitions.
Nous emploierons dans la suite les espaces Lp(IRn) introduits en MA62 (1 p≤ ∞). En toute rigueur,
il faudrait les noter Lp(IRn,B, µ), mais nous sous-entendrons toujours B(qui sera toujours la tribu Bor´elienne
compl´et´ee) et µ(qui sera toujours la mesure de Lebesgue). Sauf indication contraire, toutes les fonctions
sont `a valeurs dans C. Rappelons la d´efinition de ces espaces.
efinition 1. Si 1p < , une fonction f: IRnCest dans Lp(IRn)si:
1) fest mesurable.
2) On a RIRn|f(x)|pdx < +.
Pour tout f∈ Lp(IRn), on posera:
kfkp=ZIRn|f(x)|pdx1/p
En MA62, on ´ecrivait au lieu de dx. Ici, nous changeons de convention.
efinition 2. Si Une fonction f: IRnCest dans L(IRn)si:
1) fest mesurable.
2) Il existe A0tel que l’ensemble {xIRn,|f(x)|> A}soit de mesure nulle.
La plus petite constante Aayant cette propri´et´e sera not´ee kfk.
Si Eest un sous-ensemble de IRn, qui sera souvent une boule, ou son compl´ementaire, ou, si n= 1, une
demi-droite, on d´efinit de mˆeme Lp(E).
Exemples. 1. Si fest continue sur IRn,fest mesurable, et fsera dans Lp(IRn) (1 p < ) si, et
seulement si, l’int´egrale RIRn|f(x)|pdx converge.
2. De mˆeme, f, continue sur IRn, est dans L(IRn) si, et seulement si, fest born´ee, et on a alors:
kfk= sup
xIRn|f(x)|
3. De mˆeme, si n= 1, et si fest localement inegrable au sens de Riemann (c’est-`a-dire Riemann-inegrable
sur tout segment [a, b]), fest mesurable, et la conclusion du point 1 s’applique.
4. Il existe un seul chapitre du cours de licence L2 qui n’a pas d’analogue dans le cadre de l’inegrale de
Lebesgue: c’est celui des int´egrales semi-convergentes. Ainsi, en L2, on a appris `a donner un sens (et `a
calculer) l’inegrale: Z
0
sin t
tdt =π
2
alors que la fonction sous le signe d’inegration n’est pas dans L1(IR+) (si elle ´etait dans L1(IR+), l’int´egrale
ci-dessus serait absolument convergente, ce qui n’est pas le cas.
1
5. Soit Ela boule unit´e de Rn, et soit αIR. Alors la fonction fefinie (sauf pour x= 0) par f(x) = |x|α
est dans L1(E) si, et seulement si α > n. Pour quelles valeurs de αest-elle dans Lp(E)?
6. Soit Fle compl´ementaire de la boule unit´e dans IRn, et soit et αIR. Alors la fonction gd´efinie par
g(x) = |x|αest dans L1(F) si, et seulement si α < n. Pour quelles valeurs de αest-elle dans Lp(F)?
7. Si fest une fonction d´efinie ’explicitement’, la question de son appartenance `a Lp(IRn) peut parfois ˆetre
r´esolue par comparaison avec les fonctions ci-dessus. Les fonctions suivantes sont-elles dans L1(IR)?
f(x) = ex2g(x) = (1 + x2)1
2h(x) = g(x)
1 + (ln x)2
Si Qest une forme quadratique sur IRn, `a quelle condition la fonction xeQ(x)est-elle dans L1(IRn)?
8. Enfin, les fonctions continues `a support compact (c’est-`a-dire nulles hors d’une partie compacte de IRn)
sont dans Lp(IRn) pour tout p1.
Rappelons le plus important. Si f∈ L1(IRn), on peut d´efinir l’int´egrale RIRnf(x)dx , et on a l’in´egalit´e,
dite ’triangulaire’: ZIRn
f(x)dx≤ kfk1
Les classes d’´equivalence. Si fest dans Lp(IRn), l’´egalit´e kfkp= 0 entraˆıne que f(x) = 0 presque
partout, mais n’entraˆıne pas f= 0, de sorte que k kpne peut pas ˆetre une norme sur Lp(IRn). On d´efinit
une relation d’´equivalence sur Lp(IRn) en ´ecrivant fgsi f(x) = g(x) presque partout. On note Lp(IRn)
l’espace quotient de Lp(IRn) par cette relation d’´equivalence. On voit que fgimplique kfkp=kgkp, de
sorte que l’application k kpest bien d´efinie sur l’ensemble quotient Lp(IRn).
Th´eor`eme. (In´egalit´e de H¨older.) Soient p1et q1erifiant 1
p+1
q= 1. (On dit parfois que pet q
sont conjugu´es.) Alors, si fest dans Lp(IRn)et gdans Lq(IRn), le produit fg est dans L1(IRn)et l’on a:
kfgk1≤ kfkpkgkq
Lorsque p=q= 2, (cas le plus important), cette in´egalit´e porte le nom de Cauchy-Schwarz.
Th´eor`eme. L’application f→ kfkpest une norme sur Lp(IRn).
Etant donn´ee fLp(IRn), parler de sa restriction `a un hyperplan, `a la sph`ere unit´e, etc.. ou mˆeme de
sa valeur en un point n’a aucun sens, puisque les hyperplans, les sph`eres et les points sont des ensembles de
mesure nulle. Cependant, nous ferons souvent la confusion entre Lp(IRn) et Lp(IRn).
2. Espaces complets.
Signalons maintenant la propri´et´e qui est la raison d’ˆetre de la th´eorie de l’inegration vue en MA62.
Th´eor`eme. L’espace Lp(IRn)est complet pour la m´etrique associ´ee `a sa norme.
Autrement dit, Lp(IRn) est un espace de Banach. Cette propri´et´e n’a pas d’analogue dans la th´eorie de
l’inegrale de Riemann. Si (fn) est une suite de fonctions Riemann-int´egrables sur un segment [a, b] telle que,
par exemple Rb
a|fn(x)fm(x)|dx < 2msi m<n, rien, dans la th´eorie de Riemann, permet de conclure `a
l’existence d’une fonction f, inegrable sur [a, b], telle que Rb
a|fn(x)f(x)|dx tende vers 0. Au contraire, la
propri´et´e analogue est vraie avec la th´eorie de Lebesgue.
2
Cette propri´et´e nous permet d’appliquer `a de nombreux probl`emes (souvent des d´emonstrations d’exis-
tence de fonctions), tous les th´eor`emes connus sur les espaces de Banach.
Exemple 1. Soit (an)nZZ une suite de nombres complexes telle que P+
−∞ |an|2<+. Montrer qu’il existe
fL2([0,2π]), unique, telle que:
1
2πZ2π
0
f(x)einxdx =annZZ
Combien vaut R2π
0|f(x)|2dx?
Exemple 2. Soit Tune application T:L1([a, b]) L1([a, b]) telle que, pour tous fet gdans L1(a, b)
(?)Zb
a|T f(x)T g(x)|dx 1
2Zb
a|f(x)g(x)|dx
Montrer qu’il existe une fonction fL1([a, b]) unique telle que T f =f.
3. Techniques de calcul. Densit´e.
Parmi les anciennes techniques (changements de variable, int´egration par parties), lesquelles sont encore
applicables dans la th´eorie ’moderne’? Pour les changements de variables (du moins lin´eaires), il n’y a pas
de probl`eme.
Proposition. Soit fL1(IRn). Soit ϕune application lin´eaire inversible dans IRn. Alors fϕest dans
L1(IRn), et on a: ZIRn
(fϕ)(x)dx =|det(ϕ)|1ZIRn
f(x)dx
Application. Admettons que: ZIRn
e|x|2
2dx = (2π)n/2
Soit Qune forme quadratique d´efinie positive sur IRn. Calculer l’int´egrale
I=ZIRn
e1
2Q(x)dx
Pour les int´egrations par parties, comme pour tout calcul faisant intervenir une d´eriv´ee, il faut au moins
supposer que les fonctions concern´ees sont d´erivables. Si fet gsont dans C1(IRn), l’une des deux ´etant `a
support compact, on a: ZIRn
f(x)g
xj
(x)dx =ZIRn
f
xj
(x)g(x)dx
On ne peut pas appliquer directement ces techniques `a des fonctions dans Lp(IRn). Mais beaucoup de
propri´et´es peuvent ˆetre prouv´ees en les d´emontrant d’abord pour les fonctions C1`a support compact, puis
en appliquant le th´eor`eme suivant:
Th´eor`eme. Pour tout ptel que 1p < , l’ensemble des fonctions Csur IRn, `a support compact, est
dense dans Lp(IRn).
3
Cette propri´et´e signifie que, pour tout fLp(IRn), il existe une suite de fonctions (gj)(j1),Csur
IRn, `a support compact, telle que kfggkptende vers 0 quand j+. A votre avis, cette propri´et´e
est-elle encore vraie pour p= +?
Voici un exemple de raisonnement combinant les inegrations par parties et l’argument de densit´e.
Application 1. Lemme de Riemann-Lebesgue. Soit `une forme lin´eaire non nulle sur IRn(c’est-`a-dire une
fonction de la forme `(x) = a1x1+... +anxn, l’un des ajn’´etant pas nul. Soit fune fonction dans C1(IRn),
`a support compact. emontrer que, si aj6= 0 et λ > 0:
ZIRn
f(x)eiλ`(x)dx =i
λajZIRn
eiλ`(x)f
xj
(x)dx
En d´eduire, sous les mˆemes hypoth`eses, que
lim
λ+ZIRn
f(x)eiλ`(x)dx = 0
Montrer que cette propri´et´e est encore vraie si fL1(IRn).
Application 2. Espaces de Sobolev sur le cercle. Montrer que L2([0,2π]) est inclus dans L1([0,2π]). Pour
tout fdans L1([0,2π]), et pour tout nZZ, posons:
cn(f) = 1
2πZ2π
0
f(x)einxdx
Notons H1(0,2π) le sous-espace de L2([0,2π]) form´e des fonctions ftelles que PnZZ n2|cn(f)|2<+.
Munissons cet espace de la norme k kH1telle que:
kfk2
H1=|c0(f)|2+X
nZZ\{0}
n2|cn(f)|2
Montrer que l’ensemble des polynˆomes trigonom´etriques est dense dans H1(0,2π). Montrer que la d´erivation
(l’application ff0), d´efinie sur les polynˆomes trigonom´etriques, se prolonge de mani`ere unique en une
application lin´eaire continue de H1(0,2π) dans L2([0,2π]).
4. Passage `a la limite.
Th´eor`eme de convergence domin´ee de Lebesgue. Soit (fn)(nIN) une suite de fonctions dans L1(E),
o`u Eest une partie mesurable de IRd(d1), (par exemple IRd). On suppose qu’il existe une fonction
gL1(E),ind´ependante de ntelle que:
|fn(x)| ≤ g(x)xEn1
On suppose aussi que la suite de fonctions fn(x), converge, presque partout, vers une limite f(x). Alors:
1. La limite fest dans L1(E).
2. On a:
(4.1) lim
n+kfnfkL1(E)= 0
(4.2) lim
n+ZE
fn(x)dx =ZE
f(x)dx
4
L’affirmation (4.2) r´esulte imm´ediatement de la pr´ec´edente d’apr`es l’in´egalit´e triangulaire:
ZE
fn(x)dx ZE
f(x)dx≤ kfnfkL1(E)=ZE|fn(x)f(x)|dx
Dans la plupart des applications, Esera une boule, ou le compl´ementaire d’une boule, ou une demi-droite
si d= 1, etc...)
Montrons la sup´eriorit´e de ce th´eor`eme sur celui, vu en licence L2, qui reposait sur la convergence
uniforme.
Exemple 1. emontrer que :
(4.3) lim
n+Z1
0
xn
1 + x2dx = 0 lim
n+Z1
0
xn
1x2dx = 0
Ni l’un ni l’autre de ces passages `a la limite ne peut ˆetre justifi´e en appliquant directement le th´eor`eme de
licence L2 o`u l’on suppose qu’une suite de fonctions inegrables sur [0,1] tend uniform´ement sur [0,1] vers
une limite. Dans le premier exemple la convergence n’est pas uniforme, et dans le second les fonctions ne
sont pas Riemann-int´egrables sur [0,1] (en th´eorie de Riemann, les inegrales du deuxi`eme exercice sont des
inegrales impropres). En licence L2,pour prouver les passages `a la limite ci-dessus, il faudrait proc´eder en
deux temps (’couper les epsilon en deux’).
Par ailleurs, le th´eor`eme de Lebesgue s’applique directement `a des inegrales sur IR ou IRn.
Exemple 2. Soit fune fonction continue, born´ee sur IR. emontrer que:
lim
n+ZIR
ft
net2
2dt =2πf(0)
On peut aussi combiner le th´eor`eme de Lebesgue et un changement de variable. De plus, le th´eor`eme de
Lebesgue ne s’applique pas qu’`a des suites.
Exemple 3. Sous les hypoth`eses pr´ec´edentes, montrer que:
(4.4) lim
λ+
λZIR
f(t)eλt2
2dt =2πf(0)
En revanche, le th´eor`eme de Lebesgue ne s’applique pas directement `a des int´egrales sur IR ou IR+semi-
convergentes. Voici un exemple tr`es classique:
(4.5) lim
λ0+Z
0
eλt sin t
tdt =Z
0
sin t
tdt
(L’application est aussi classique: on montre, en d´erivant par rapport `a λ, que le membre de gauche est ´egal
`a Arctan(1). Le passage `a la limite ci-dessus permet d’en conclure que le membre de droite vaut π/2.
Z
0
sin t
tdt =π
2
Le passage `a la limite (4.5) ne peut pas ˆetre obtenu directement par le th´eor`eme de Lebesgue.
On peut d´eduire du th´eor`eme de Lebesgue une multitude de corollaires. En voici un.
Th´eor`eme. Soit (fn)(nIN) une suite de fonctions dans Lp(E), o`u Eest une partie mesurable de IRd(par
exemple IRd), et 1p < +. On suppose qu’il existe une fonction gLp(E),ind´ependante de ntelle
que:
|fn(x)| ≤ g(x)xIRdn1
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