Assignement du spectre de matrices de la forme AKH
par Bernard Beauzamy
Soci´et´e de Calcul Math´ematique SA
111 Faubourg Saint Honor´e, 75008 Paris
Mars 1996
esum´e. – Adaptant la m´ethode de Beauzamy-Enflo [1], nous montrons que pour
λ1, . . . , λnr´eels donn´es, pour Aet Hmatrices r´eelles donn´ees, on peut en g´en´eral calculer la matrice r´eelle
Kpour que le spectre de AKH soit pr´ecis´ement λ1, . . . , λn.
En application du march´e ETCA/CREA/95.01.181, Minist`ere de la D´efense, France
Nous donnons ici une adaptation de la m´ethode g´en´erale d’assignement de spectre (Beauzamy-Enflo [1])
`a un cas particulier important en pratique : celui de matrices de la forme AKH .
Toutes les matrices consid´er´ees sont `a coefficients r´eels ; Aest n×n,Hest p×n(o`u p < n) et K
est n×p.
On cherche `a d´eterminer Kpour que le spectre de AKH soit pr´ecis´ement un ensemble donn´e
{λ1, . . . , λn}
o`u l’on suppose que :
– les λisont r´eels, deux `a deux distincts,
– aucun d’eux n’est dans le spectre de A.
Cet assignement est possible si et seulement si il existe nvecteurs x1, . . . , xn, tous non nuls, tels que
(AKH)xj=λjxj, j = 1, . . . , n. (1)
Remarque : comme les λjsont distincts, les xjseront n´ecessairement ind´ependants.
On r´ecrit (1) sous la forme :
(AλjI)xj=KHxj, j = 1, . . . , n. (2)
Comme λjn’est pas valeur propre de A, le r´esolvant R(λj) = (AλjI)1existe.
Soit yj= (AλjI)xj. On a xj=R(λj)yj,j= 1, . . . , n, et (2) s’´ecrit :
yj=KHR(λj)yj, j = 1, . . . , n. (3)
Les yjsont non nuls (car R(λj) est un isomorphisme) et (3) et (1) sont ´equivalents.
Remarque : voyons un cas o`u (3) est impossible.
Prenons A=I,p= 1, H= (1,0, . . . , 0), K =
k1
.
.
.
kn
,KHx =x(1) ~
ko`u ~
kest le vecteur de
composantes (k1, . . . , kn) et x(1) repr´esente la premi`ere coordonn´ee de x.
Alors
R(λj)y=1
1λj
y.
Donc (3) s’´ecrit :
yj=1
1λj
yj(1) ~
k,
o`u yj(1) est la premi`ere coordonn´ee de yj.
On obtient :
yj
1λj
yj(1) =~
k.
Le membre de gauche doit dont ˆetre ind´ependant de j. En prenant la premi`ere coordonn´ee, on trouve 1λj,
qui doit donc ˆetre ind´ependant de j, ce qui est impossible puisque les λjsont au contraire tous distincts.
Donc si A=I,p= 1 et H= (1,0, . . . , 0), l’assignement est impossible.
1
Revenons la construction g´en´erale.
Supposons que l’on puisse trouver pvecteurs ind´ependants y1, . . . , yperifiant (3). Alors les xj=
R(λj)yj,j= 1, . . . , p, sont automatiquement ind´ependants, puisque KHxj=yj, et les (Hxj)j=1,...,p sont
aussi ind´ependants. Donc, puisque Kop`ere de RI pdans RI n, l’´equation
K(Hxj) = yj, j = 1, . . . , p, (4)
d´etermine Kcompl`etement : il existe un et un seul Kde RI pdans RI n, v´erifiant (4).
Inversement, ´etant donn´es des points x1,. . . ,xp, des points ind´ependants y1,. . . ,yp, on peut trouver
Kv´erifiant (4) si et seulement si les points x1,. . . ,xpsont ind´ependants dans RI n/Ker H (ce qui veut dire
qu’aucune combinaison lin´eaire de ces points, sauf la combinaison nulle, n’appartient `a Ker H ).
Le choix des points x1,. . . ,xp,y1,. . . ,ypest donc arbitraire, sous r´eserve que les premiers soient
ind´ependants dans RI n/Ker H et les seconds dans RI n.
Nous allons chercher les yj,j=p+ 1, . . . , n, sous la forme de combinaisons lin´eaires des ppremiers :
ceci est in´evitable, car le rang de KH ´etant p, il ne peut y avoir plus de pvecteurs libres parmi les yj.
On ´ecrit une d´ecomposition avec des coefficients ind´etermin´es
yj=α(j)
1y1+· · · +α(j)
pyp, j =p+ 1, . . . , n, (5)
donc, pour j=p+ 1, . . . , n,
KHR(λj)yj=α(j)
1KHR(λj)y1+· · · +α(j)
pKHR(λj)yp.(6)
Dans le membre de gauche de (6), rempla¸cons KHR(λj)yjpar yjet utilisons (5). Nous obtenons :
α(j)
1y1+· · · +α(j)
pyp=α(j)
1KHR(λj)y1+· · · +α(j)
pKHR(λj)yp(7)
et rempla¸cant y1par KHR(λ1)y1, . . . , yppar KHR(λp)ypdans le membre de gauche, on obtient :
α(j)
1KHR(λ1)y1+· · · +α(j)
pKHR(λp)yp
=α(j)
1KHR(λj)y1+· · · +α(j)
pKHR(λj)yp, j =p+ 1, . . . , n, (8)
ou encore
α(j)
1KH (R(λ1)R(λj)) y1+···+α(j)
pKH (R(λp)R(λj)) yp= 0.(9)
On utilise l’´equation r´esolvante :
R(λ)R(λ0) = (λλ0)R(λ)R(λ0),
et on r´ecrit (9) sous la forme :
α(j)
1KH(λ1λj)R(λ1)R(λj)y1+· · · +α(j)
pKH(λpλj)R(λp)R(λj)yp= 0
ou encore
KH(R(λj)³α(j)
1(λ1λj)R(λ1)y1+· · · +α(j)
p(λpλj)R(λp)yp´= 0.(10)
Les conditions (4) font que Kest un isomorphisme sur son image (il transforme une base en une base).
Donc (10) est ´equivalent `a :
HR(λj)³α(j)
1(λ1λj)R(λ1)y1+· · · +α(j)
p(λpλj)R(λp)yp´= 0.(11)
Posons
β(j)
1=α(j)
1(λ1λj), . . . , β(j)
p=α(j)
p(λpλj).
Comme les λ1λj, . . . , λpλjsont tous non nuls, si l’un des β(j)
1, . . . , β(j)
pest non-nul, il en sera de mˆeme
du α(j)correspondant, et le point yjsera non-nul.
L’´equation (11) se r´ecrit avec ces notations :
HR(λj)³β(j)
1R(λ1)y1+· · · +β(j)
pR(λp)yp´= 0, j =p+ 1, . . . , n. (12)
Nous avons obtenu :
2
Proposition 1. – S’il existe pvecteurs ind´ependants y1, . . . , yp, tels que :
R(λ1)y1, . . . , R(λp)yp
soient aussi ind´ependants dans RI n/Ker H , et s’il existe, pour chaque j=p+ 1, . . . , n,pcoefficients
β(j)
1, . . . , β(j)
pnon tous nuls, tels que (12) soit satisfait, alors l’assignement du spectre de AKH `a l’ensemble
{λ1, . . . , λn}est possible grˆace au Ketermin´e par (4). Ce Kest unique.
Nous allons maintenant transformer (12) en propri´et´es d’intersection de sous-espaces vectoriels.
Soit N=Ker H (sous-espace de dimension np), et soient
Nj=Ker HR(λj) = {z, HR(λj)z= 0}
={z, R(λj)zN}= (AλjI)N.
Chaque Njest un sous-espace vectoriel de dimension np,j=p+ 1, . . . , n.
Soit E= span{R(λ1)y1, . . . , R(λp)yp}. La condition (12) signifie simplement :
“L’intersection de Eavec chaque Njn’est pas r´eduite `a 0.”
Nous avons donc obtenu :
Proposition 2. – Si l’on peut trouver ppoints x1, . . . , xp, ind´ependants dans RI n/N , tels que :
a) les (Aλ1I)x1, . . . , (AλpI)xpsoient aussi ind´ependants,
b) E= span {x1, . . . , xp}intersecte (non trivialement) les sous-espaces Np+1, . . . , Nn(qui sont des
sous-espaces fix´es, de dimension np), alors l’assignement de λ1, . . . , λnest possible. Le Kcorrespondant
est d´etermin´e par (4), et est unique.
Remarque. – L’assignement est impossible s’il existe un sous-espace FN, stable par A(c’est `a dire
v´erifiant AF =F). Ceci rejoint un r´esultat classique d’automatisme.
Supposons en effet que l’on puisse trouver x1,...,xp, ind´ependants dans RI n/N , tels que l’espace
vectoriel span {x1, . . . , xp}intersecte non trivialement les Nj,j > p. Soit Gun suppl´ementaire de Fdans
N; on a N=FG, et dimG < n p. Puisque Fest stable par A, il l’est aussi par AλjI, et comme
ce dernier op´erateur est un isomorphisme, on obtient
(AλjI)N=F(AλjI)G , j > p. (13)
Notons Gj= (AλjI)G,j > p. On a donc, d’apr`es (13),
Nj=FGj, j > p.
Maintenant, l’hypoth`ese span {x1, . . . , xp}intersecte non trivialement les Nj,j > p se traduit par : Pour
tout j > p, il existe β(j)
1,. . . ,β(j)
pnon tous nuls tels que
β(j)
1x1+· · · +β(j)
pxpNj,
d’o`u
β(j)
1KHx1+· · · +β(j)
pKHxpKHGj.
Mais si KHx1= (Aλ1I)x1,. . . ,KHxp= (AλpI)xp, on en d´eduit
β(j)
1(Aλ1I)x1+···+β(j)
p(AλpI)xpKH(Aλj)G.
Or nous savons que Gest inclus dans N=Ker H , et donc les termes KH λjGau second membre valent
0. Il nous reste donc :
β(j)
1(Aλ1I)x1+· · · +β(j)
p(AλpI)xpKHA G.
Comme Gest de dimension strictement inf´erieure `a np, il en est de mˆeme de KHA G. Or il y a np
valeurs possibles de j, donc nppoints de la forme β(j)
1(Aλ1I)x1+···+β(j)
p(AλpI)xp. Il est donc
clair que ces points ne peuvent ˆetre ind´ependants, et donc que les (Aλ1I)x1,. . . , (AλpI)xpne sont
pas ind´ependants.
3
La condition a) n’est pas une restriction en g´en´eral : si x1, . . . , xpsont ind´ependants, leurs transform´ees
par les pisomorphismes (Aλ1I), . . . , (AλpI) seront aussi ind´ependants (mais ceci peut ˆetre faux dans
des cas particuliers). La condition a) sera omise dans la suite.
Nous traitons maintenant la condition b).
Pour xRI n, notons x= (x0, x00 ), o`u x0esigne les ppremi`eres coordonn´ees, x00 les npderni`eres.
Quitte `a changer de base, on peut ´ecrire
Nj={zRI n, z0=Vjz00 }
o`u Vjest un op´erateur de RI npdans RI p. Ceci signifie simplement que zest enti`erement d´etermin´e par ses
npderni`eres coordonn´ees (puisque Njest de dimension np).
On cherche donc ppoints ind´ependants x1, . . . , xpdans RI n/N , et pour tout j > p, des scalaires
β(j)
1, . . . , β(j)
p, non tous nuls, tels que :
β(p+1)
1x0
1+· · · +β(p+1)
px0
p=Vp+1 ³β(p+1)
1x00
1+· · · +β(p+1)
px00
p´
.
.
.
β(n)
1x0
1+· · · +β(n)
px0
p=Vn³β(n)
1x00
1+· · · +β(n)
px00
p´
(14)
La premi`ere ligne exprime en effet que l’espace vectoriel engendr´e par x1, . . . , xprencontre Np+1 ; il
faut que sur chaque ligne l’un au moins des β(j)soit non nul.
Il y a np´equations. Dans la derni`ere, prenons β(n)
p= 1, les autres 0. On trouve x0
p=Vnx00
p. De
mˆeme, dans la pr´ec´edente, on prend β(n1)
p1= 1, les autres 0, ce qui donne x0
p1=Vn1x00
p1, et ainsi de
suite tant que cela est possible.
– Si le nombre d’´equations est inf´erieur ou ´egal au nombre de variables, c’est `a dire si npp, ou
pn/2, c’est un cas trivial : chaque ´equation de (14) se r´eduit `a x0
pj=Vnjx00
pj, ou x0
l=Vnp+lx00
l,
l= 1, . . . , p. Il suffit de choisir les x00
1, . . . , x00
parbitraires dans RI npet de calculer les x0
1, . . . , x0
lpar les
´equations
x0
l=Vnp+lx00
l.(15)
Les xl= (x0
l, x00
l) seront en g´en´eral automatiquement ind´ependants dans RI n/N .
Par exemple, si np= 1, p=n1, il n’y aura qu’une seule ´equation, qui sera
β(n)
1x0
1+· · · +β(n)
n1x0
n1=Vn³β(n)
1x00
1+· · · +β(n)
n1x00
n1´.
Nous prendrons x0
n1=Vnx00
n1, et les x1, . . . , xn2seront arbitraires.
– Si par contre p < n/2, on se sert des pderni`eres ´equations (14) pour calculer x0en fonction de x00 :
x0
p=Vnx00
p
x0
p1=Vn1x00
p1
.
.
.
x0
1=Vnp+1 x00
1
(16)
et ceci utilise p´equations. Comme nous avons np´equations, avec np > p, il en reste n2p, dans
lesquelles on substitue x0
1, . . . , x0
pdonn´es par (16). On trouve :
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