Progrès en urologie (2011) 21, supplément 2, S53-S57 Volume 21 - Février 2011 - Supplément 1 Journées d’Onco-Urologie Médicale : La pratique, les protocoles 67038 ISSN 1166-7087 25 et 26 juin 2010 Séminome de stade I : les choix thérapeutiques : surveillance, radiothérapie, chimiothérapie. À propos d’un cas Stage I seminoma: therapeutic strategy: surveillance, radiotherapy, chemotherapy. A case-report P. Bigot1,* D’après les communications de S. Droupy2, A. Houlgatte3, R. De Crevoisier4 et A. Fléchon5 Service d’Urologie, CHU d’Angers, 4 rue Larrey, 49933 Angers CEDEX, France. Service d’Urologie, CHU Carémeau, place Professeur Robert Debré, 30029 Nîmes CEDEX 9, France. 3 Service d’Urologie, hôpital Val-De-Grâce, 74 boulevard Port Royal, 75230 Paris CEDEX 05, France. 4 Département de Radiothérapie, Centre Eugène-Marquis, avenue Bataille Flandres Dunkerque, 35042 Rennes CEDEX, France. 5 Département d’Oncologie Médicale, Centre Léon-Bérard, 28, rue Laennec, 69373 Lyon CEDEX 08, France. 1 2 MOTS CLÉS Séminome testiculaire ; Radiothérapie ; Surveillance ; Chimiothérapie Résumé Les recommandations thérapeutiques dans la prise en charge des séminomes de stade I (pT1 à pT4, No, Mo) proposent la réalisation d’une surveillance, d’une chimiothérapie ou d’une radiothérapie adjuvante. Ces différentes options thérapeutiques ne sont pas équivalentes concernant la survenue d’effets secondaires et le risque de récidive. La surveillance est indispensable car près de 15 % des patients sans traitement adjuvant présentent des récidives tumorales. La survenue d’une récidive au cours d’une surveillance ne diminue cependant pas la survie spécifique. La radiothérapie lombo-aortique à la dose de 20 Gy permet de diminuer le risque de rechute. Cette option a tendance à être moins utilisée en raison du risque à long terme de cancer secondaire. La chimiothérapie par carboplatine permet également de réduire le risque de récidive. Peu d’études évaluent à long terme les risques de rechute et d’effets secondaires après chimiothérapie. Finalement, la décision thérapeutique doit être partagée avec le malade après l’avoir informé de l’ensemble des possibilités thérapeutiques. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. S54 KEYWORDS Seminoma of the testis; Radiotherapy; Chemotherapy; Surveillance P. Bigot Summary The management guide-lines about stage I seminoma (pT1 à pT4, No, Mo) recommend to perform a surveillance, an adjuvant chemotherapy based on carboplatine, or a radiotherapy. However, these options are not equivalent for side effects and relapse risk. Debates are in progress in order to simplify the surveillance protocols which remain essential because of the tumoral relapses for 15% of the patients. The occurrence of a tumoral relapse during the follow-up does not decrease the specific survival. The paraaortic 20 Gy radiotherapy is efficient on the seminoma and decreases the relapse risk. Its main side-effect is a long-term risk of secondary cancer. Carboplatine chemotherapy is also an efficient option which provides good results on the specific survival and the survival without progression. Very few studies assess the long-term side effects of chemotherapy. In the end, the therapeutic decision must be taken with the patient after informing him about all the therapeutic options. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Le cas clinique est le suivant Un homme de 40 ans a subi une orchidectomie gauche après la découverte par autopalpation d’une tumeur testiculaire. Les marqueurs tumoraux pré-opératoires étaient un HCG à 10 UI, une alphafœtoprotéine normale et des LDH normaux. Le scanner thoraco-abdominopelvien n’était pas en faveur de localisations secondaires. En post-opératoire, le dosage de l’HCG s’est normalisé et l’examen anatomopathologique a révélé un séminome testiculaire pur de 4,5 cm de diamètre associé à des emboles tumoraux vasculaires (pT2) et à une infiltration du rete testis. Quelle prise en charge ? Selon les recommandations de l’Association Européenne d’Urologie (EAU) et de l’Association Française d’Urologie (AFU), en cas de séminome testiculaire de stade I (pT1 à pT4, N0, M0) les options thérapeutiques possibles sont [1-3] : • la surveillance, qui comprend le dosage des marqueurs et un scanner thoraco-abdominopelvien tous les 6 mois pendant 5 ans ; • la chimiothérapie adjuvante sous la forme d’une injection de carboplatine AUC 7 ; • la radiothérapie adjuvante para-aortique à une dose totale de 20 Gy. Vous exposez au patient toutes les options thérapeutiques. Après vous avoir confirmé qu’il avait parfaitement compris que ses chances de guérison sont de 99 %, il vous demande de l’orienter dans son choix. Quelle option thérapeutique proposez-vous préférentiellement à ce patient ? Quelle information donnez-vous au patient concernant les risques immédiats et à long terme du traitement ? La surveillance Ce choix permet d’éviter tous les effets secondaires à court et à long terme que l’on peut attribuer aux autres options thérapeutiques, qu’il s’agisse de la radiothérapie ou de la chimiothérapie. Il est néanmoins plus à risque de récidive tumorale. Ainsi, au cours de la surveillance, les récidives tumorales surviennent principalement la première année et concernent 13 à 19 % des patients. Les récidives tardives après la deuxième année sont rares et estimées de 1 à 3,6% des patients. La majorité des récidives se situent au niveau des ganglions para-aortiques et leur traitement par radiothérapie lomboaortique permet d’obtenir des résultats équivalents à la radiothérapie de première intention sur la survie spécifique [4-6]. Les modalités de la surveillance ne sont pas similaires entre les recommandations européennes et françaises. Les guidelines 2010 de l’Association Européenne d’Urologie (EAU) recommandent : • la réalisation d’un dosage des marqueurs tumoraux (βHCG, alphafœtoprotéine et LDH) et un examen clinique tous les 4 mois les deux premières années, deux fois par an la deuxième année puis une fois par an jusqu’à 5 ans ; • une radiographie thoracique et un scanner thoraco-abdominopelvien deux fois par an les deux premières années puis une fois par an les trois années suivantes. Le Comité de Cancérologie de l’Association Française d’Urologie recommande [2,3,7] : • la réalisation d’un dosage des marqueurs tumoraux (βHCG, alphafœtoprotéine et LDH) et un examen clinique deux fois par an pendant 5 ans puis une fois par an jusqu’à 10 ans ; • un scanner thoraco-abdominopelvien deux fois par an pendant 5 ans puis une fois par an jusqu’à 10 ans. Ainsi, la surveillance proposée par les guidelines de l’EAU recommande la réalisation de 7 scanners abdominopelviens alors que celle proposée par le CCAFU recommande 15 scanners thoraco-abdominopelviens. Cependant, le nombre et la nature des examens d’imagerie influent sur le coût de la surveillance et l’irradiation induite. Il semble ainsi nécessaire d’alléger et d’harmoniser les protocoles de surveillance. Plusieurs études prospectives vont dans ce sens et évaluent l’intérêt de l’IRM ou la suppression de la radiographie pulmonaire [8,9]. Des auteurs ont également proposé d’opter pour une surveillance uniquement en Séminome de stade I : les choix thérapeutiques : surveillance, radiothérapie, chimiothérapie. À propos d’un cas l’absence ou en présence d’un seul facteur anatomopathologique de mauvais pronostic (invasion du rete testis et taille tumorale supérieure à 4 cm) [10]. Radiothérapie adjuvante Le séminome est une tumeur très radiosensible et ce choix permet de réduire le risque de récidive tumorale à 3 %. La majorité des récidives (80 %) surviennent dans les 3 ans qui suivent l’irradiation et sont localisées dans le pelvis. Après récidive, les traitements par chimiothérapie conservent leurs efficacités [11]. Les modalités de la radiothérapie ont fortement évolué. Ainsi le standard thérapeutique est aujourd’hui une irradiation lombo-aortique conformationnelle de 20 Gy en 10 séances et a une efficacité comparable aux protocoles antérieurs (irradiation lombo-aortique, iliaque, médiastinale et sus claviculaire de 30 Gy) [12,13]. Cette évolution a permis de limiter les toxicités. Les principales toxicités aiguës retrouvées après radiothérapie sont digestives (nausées, vomissements, diarrhées, gastrites) et les toxicités tardives « historiques » ont quasiment disparu [14]. En effet, les grêles radiques étaient liés à une irradiation de 30 Gy concentrée sur l’abdomen, la toxicité cardiaque était consécutive à la radiothérapie médiastinale et l’insuffisance rénale était liée à l’irradiation des reins qui sont à présent épargnés par la radiothérapie conformationnelle. Cependant, l’hypofertilté secondaire à la radiothérapie lombo-aortique atteint toujours 11 % des patients et se traduit par une diminution de la paternité après un traitement pour cancer du testicule. Ainsi Brydnoy et al. ont rapporté respectivement 70 % et 92 % de paternité à 15 ans après radiothérapie adjuvante et surveillance [15]. Mais la principale problématique de la radiothérapie adjuvante concerne le risque de second cancer. Ce risque est dépendant du volume et de la distance après l’irradiation et correspond à un risque relatif à 15 ans de second cancer multiplié par 2 (1,1-3,6). Les principales localisations tumorales secondaires sont digestives, rénales, hématologiques et bronchiques. Ce risque serait majoré chez les patients jeunes et après chimiothérapie [16,17]. Enfin, il n’existe pas de recommandations spécifiques de surveillance après radiothérapie adjuvante et classiquement ses modalités rejoignent celles éditées pour la surveillance par l’EAU et le CCAFU. S55 Cette étude a inclus 1447 patients avec un suivi médian de 4 ans. Les auteurs concluaient à une efficacité similaire des deux options thérapeutiques avec une survie spécifique à 5 ans de 96 % pour le groupe traité par radiothérapie et de 94,5 % pour celui traité par chimiothérapie (Fig. 1). Le taux de récidive des patients traités par radiothérapie était de 4,7 % et 75 % des rechutes se situaient au niveau lombo-aortique. Les effets secondaires précoces retrouvés chez les patients traités par carboplatine étaient peu nombreux avec principalement une asthénie modérée de grade I-II (17 %) et plus rarement des toxicités neurologiques de grade I (0,07 %), des nausées et vomissements de grade III-IV (12,5 %) et des troubles hématologiques à type de neutropénie (2 %) et thrombopénie (5 %) de grade III-IV. Concernant la toxicité à long terme, peu de données sont publiées sur la fertilité après chimiothérapie par carboplatine et il est indispensable de réaliser une conservation du sperme avant de débuter le traitement. En revanche, le traitement adjuvant par carboplatine ne semble pas provoquer de toxicité cardiovasculaire, rénale ou de cancers secondaires à long terme. Enfin, les patients traités par chimiothérapie adjuvante conservent un risque élevé de cancer sur le testicule controlatéral et le risque de récidive après 5 ans n’est pas connu [23]. La surveillance après chimiothérapie adjuvante est donc essentielle. Cependant, il n’existe pas de recommandations précises concernant ses modalités. Conclusion Les trois modalités thérapeutiques sont possibles chez ce patient et la préservation de sa qualité de vie est un objectif essentiel dans la mesure où sa guérison sera obtenue dans plus de 95 % des cas. En cas de surveillance, le risque de rechute sera plus important mais le risque de cancer secondaire bien moindre. Radiothérapie et chimiothérapie permettent de diminuer le risque de récidive au prix de toxicités aiguës peu importantes mais de risques de cancers secondaires plus élevés en cas de radiothérapie et de récidives tardives non connues en cas de chimiothérapie. Dans les trois configurations, les modalités de la surveillance après traitement nécessitent d’être redéfinies afin de diminuer Survie sans récidive – Carboplatine vs Radiothérapie Chimiothérapie adjuvante 75% Survie sans récidive Ce choix a pour objectif de diminuer le risque de rechute tout en diminuant les toxicités à long terme par rapport à la radiothérapie. De nombreuses études ont montré que cette option était efficace et permettait d’obtenir un taux de rechute après traitement des séminomes de stade I allant de 1,8 à 8,2 % (Tableau 1) [10,18-24]. Le standard thérapeutique utilisé actuellement est un cycle de carboplatine AUC 7 administré sur une période de 21 jours. Dans une étude prospective de phase III randomisée, Oliver et al. ont comparé les résultats, en termes de survie globale et de récidive, de la chimiothérapie adjuvante par carboplatine AUC 7 versus une irradiation lombo-aortique de 20 ou 30 Gy chez des patients atteints d’un séminome de stade I [24]. 100% Survie sans récidive à 5 ans (IC95%) Carboplatine : 94,7% ([92,5 ; 96,3]) Radiothérapie : 96,0% ([94,5 ; 97,1]) 50% Carboplatine Différence de survie sans récidive à 5 ans Radiothérapie – Carboplatine : 1,34% IC90% = [-0,7 ; 3,5] Radiothérapie 25% 0 571 901 551 879 533 838 495 800 464 762 407 690 338 529 219 365 116 195 49 85 8 22 Figure 1. Survie spécifiques après radiothérapie adjuvante et chimiothérapie adjuvante par un cycle de carboplatine AUC7 [24]. 1994 1997 2000 2001 2002 2003 2005 2005 2005 2008 2010 2010 Oliver et al. Krege et al. Dieckmann et al. Reiter et al. Steiner et al. Aparicio et al. Argirovic et al. Aparicio et al. Oliver et al. Powles et al. Swenoteca Aparicio LA : Lomboaortique Année Auteurs 74 185 199 571 131 163 60 108 107 82 43 78 Nb. de patients j j mg/m2//28 AUC7//21 j AUC7//21 j 14 : 450 149 : AUC7 8 : AUC8 23 : 450 mg/m2 7 : AUC7 mg/m2 AUC 7//21 j AUC 7//21 j 400 mg/m2//21 j 400 400 mg/m2//21 400 mg/m2//21 j 400 mg/m2//21 j 400 mg/m2//21 j 450 mg/m2 Dose de carboplatine 2 1 0 8(4,2 %) 0 4(2 %) 1 2 29 (5,2 %) 7 (3,3 %) 3 (1,9 %) 2 (3,3 %) 2 (1,85 %) 1 2 2 2 2 0 8 (8,6%) 0 1 : 93 2 : 32 2 0 0 1 (1,9 %) 01 : 25 02 : 53 2 Rechute Nb. de cycle - - 2 LA 1 poumon 1 foie 32 mois 100 % 95,8 % 98 % 108 mois 56 mois 94,8 % 96,2 % 98,90 % 96,60 % 98,10 % 100 % 91,10 % 100 % 100 % 98 % Survie sans récidive à 5 ans 48 mois 34 mois 6 LA 1 cordon LA 48 mois 52 mois 60 mois 74 mois 48 mois 45 mois 28 mois 29 mois 51 mois Médiane surveillance LA - LA - LA LA LA Site de la rechute Tableau 1 Résultats des principales études de chimiothérapie adjuvante dans le séminome de stade I 100 % 100 % 100 % - 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % - 100 % 100 % 100 % Survie spécifique S56 P. Bigot Séminome de stade I : les choix thérapeutiques : surveillance, radiothérapie, chimiothérapie. À propos d’un cas l’irradiation secondaire aux examens d’imagerie tout en conservant l’opportunité de dépister les récidives à un stade précoce. Dans cette situation, l’information au patient des différentes modalités thérapeutiques, de leurs avantages et de leurs inconvénients est donc primordiale car ce sont principalement ses exigences qui guideront le choix entre surveillance, radiothérapie et chimiothérapie adjuvantes. Déclaration d’intérêts Aucune. Références [1] Kreger S, Beyer J, Souchon R, Albers P, Albrecht W, Algaba F, et al. European consensus conference on diagnosis and treatment of germ cell cancer:a report of the second meeting of the European Germ Cell Cancer Consensus group (EGCCCG):part I. Eur Urol 2007;53:478-96. [2] Mottet N, Culine S, Iborra F, Avances C, Bastide C, Lesourd A, et al. Tumeurs du testicule. Prog Urol 2007;17:1035-45. 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