Proust sous quelques aspects - Collectif pour la confiance

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Proust sous quelques aspects
Article rédigé par Hubert de Champris, le 05 octobre 2012
Comme tout créateur embrassant, embrasant de la subtilité et de la puissance de son style l’immensité
du Temps, le frêle Marcel s’envisage sous moult angles, comporte bien des aspects, ceux qu’indique
son thème astral par exemple. Proust est nostalgique, Proust est mélancolique,- mais Proust est tout
autant politique. Et il continue de vivre, de nous enseigner à l’enseigne d’un passé qui jamais ne doit
passer.
Dans un an ou deux devrait paraître chez Plon, l’éditeur de la littérature légère, de De Gaulle et des
militaires, un Dictionnaire amoureux de Proust dont on croit supposer à bon droit qu’il sera plein
d’états d’âme. Laissons donc s’exprimer celle de son maître d’œuvre.
On n’entre point chez un Cancer. A moins d’avoir pris mille précautions, d’avoir recueilli toutes les
autorisations. « Astrologie » : voilà une incongruité, une entrée qu’on ne saurait rencontrer dans un
dictionnaire, fut-il ‘‘amoureux’’, consacré, non pas dédié à Marcel Proust. Pourtant, à y bien réfléchir,
l’observation du thème astral est un spectacle de rue, gratuit, offert en permanence au distingué badaud qui
se laisse prendre au jeu. Un jeu sérieux s’entend qui, comme le fou du roi, du jeu n’a que le nom pour que
vous vous laissiez prendre à son piège. Alors, le jeu des quatre vérités ? Quatre, c’est beaucoup dire. En l’
occurrence, il n’y a probablement qu’une seule vérité avérée : quatre-vingt-dix ans après son trépas, les
mânes de Proust continuent à parler. Et son thème astral nous paraît avoir été choisi comme son médium,
son petit messager.
Dans la nuit du 10 juillet de l’an 1871 de triste mémoire, un astre apparaissait à l’ascendant Bélier de celui
qui allait transmuer en un hymne au Temps la matière que recouvrait les potins, babils et sentiments en tous
genres d’un monde qu’on disait grand.
Moi-même, puis-je en refaire l’aveu ?- aime-je à fureter dans l’avenir par le truchement de diverses mancies
comme pour me conforter dans la certitude que celui-ci me garantirait de la poursuite des plaisirs de
l’instant, les plaisirs et les jours de deux mille douze et d’après. Je compris que, plus ferme sans ses
attendus, plus chaleureuse (mais non moins géométrique, et m’assurant par sa géométrie même),
l’astrologie pouvait me renseigner avec plus de force encore sur ce que j’étais. C’était là, avais-je vérifié,
l’octroi d’un contentement qui tendait à substituer un certain bonheur au guet de plaisirs âpres et incertains.
Après tout, me disais-je, tu rédiges un dictionnaire amoureux. Il t’autorise à dire je et voici que tu peux
inviter qui tu veux, comme cette astrologie de bonne et utile compagnie. Oui, songeais-je, l’astrologie me
permet de dire qui je suis, où je suis et, grâce aux transits, où j’en suis. Elle nous apprend, plutôt nous
confirme, que tout est relation. Celle que j’entretenais avec le grand écrivain (figure qui nous oblige plus
qu’elle n’est, dans la littérature, obligée) s’ancrait aux racines de mon être : c’est la première information
qu’elle daignait me livrer. Du grand écrivain, celle-ci, du même pas éclaircissait l’image. (Un peu de mon
image entendis-je même susurrer !) Et, à son fronton, un fin critique aurait pu voir inscrit cette ode – qui
était un ordre et, aussi, en forme de sempiternelle ligne de fuite, un nouvel ordonnancement des sens - :
impression, soleil levant.
Mais, c’était Neptune qui se levait. L’astre qui, en l’occurrence, absorbait la Lune – et, avec elle, l’humidité
maternelle, sa salinité amniotique, tout ce confinement, là dans une chambre tapissée de liège, dans ce culte
du passé qu’on ne voudrait surtout pas laisser passer, ailleurs dans ces amours singuliers qu’un adolescent
retient lovés, à peine quitté le stade premier, plus loin, dans ces câlins de nursery, ces caprices de duchesses
mâtinés de volonté d’éternité dont seule une manière géniale de style abolit l’incongruité – charriait tout un
monde et le Tout d’un monde (totalité psychique de la phrase qu’avaient relevée Curtius, Fernandez et
Thibaudet) [1], diluait sur la page, comme exécré de l’écume mais à l’encre sèche, d’un trait sûr et sinueux à
la fois, un pauvre hère du nom de Marcel Proust.
Depuis ma naissance avais-je donc arpenté le globe, remonté de l’hémisphère austral à l’hémisphère boréal,
du Capricorne au Cancer, de moi-même à ce tout autre qui était un peu moi, qui contenait un peu de mon
moi. Capricorne et Cancer. Je conçus qu’il était temps, temps d’arrêter ces allers-retours de l’un à l’autre, de
me poser sur l’équateur. Et plus que le temps : l’heure d’entendre, de l’entendre cet hymne, cette symphonie
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dédiée au Temps que Proust avait composée et qui me revenait comme un effetLarsen, comme, tout orgueil
bu, une symphonie… une symphonie d’Enthoven.
Si l’astrologie est une science, elle est la science du temps ; si elle est un art, l’art de durer, si faire se peut,
de bien durer dans le temps. (Bergson eut été intrigué par les ressources de l’astrologie et aimé goûter à la
phraséologie du temps telle que Proust l’avait dégagée, en laissant fondre sous son palais, hommage à la
durée, viatique vers sa sensation, un macaron, au café s’entend.)
Donc, vers vingt degrés chacun, le mien dans le Capricorne, le sien dans le Cancer, nos Soleils se
regardaient en chiens de faïence. Lequel de nous deux s’intéressa-t-il à l’autre en premier ? Etait-ce lui
puisque ce genre d’homme aime voir Venise, voir Vénus, voir venir… ? L’astrologie nous apprend que ce
genre de question n’est guère pertinent : l’être et l’événement, l’instance et la circonstance sont
perpétuellement synchrones. Liberté et nécessité. Spinoza eut aimé l’astrologie (parce que son panenthéisme
l’aurait approuvée.)
Ainsi étions-nous l’un l’autre exactement dans l’axe, ainsi nous faisions-nous face. J’étais déjà compris
(comprimé) en lui et, en cet état pénétrais-je dans la fascinante et douloureuse dialectique de nos origines.
Comment avait-il réfléchi, «résolu» son enfance ? (Si je me reportais à mon carré natal de la Lune à Saturne,
ce dernier maître à la fois de mon signe solaire et de mon signe ascendant, puisqu’ils étaient mêmes, la
chose ne devait pas être piquée des hannetons.) Oui, quand nous rodons autour d’un être, d’une idée,
savons-nous que nos planètes, elles, frayaient ensemble depuis nos naissances respectives, qu’elles étaient
depuis longtemps en terrain de connaissance (ou de méconnaissance, l’inimitié, pas plus que son contraire
n’ignorant leurs justifications.) Dans cette veine, j’appris que ma sympathie envers Stendhal ne provenait
pas du côtoiement de nos Soleils respectifs (l’astrologie est pleine de faux-amis) mais de l’amas planétaire
Soleil/Vénus/Mercure du susdit en Verseau conjoint à ma propre conjonction Mercure/Mars. Et que la
tendre compréhension de nos dynamiques s’augmentait du trigone que ma Lune formait avec ces
conjonctions. Mon daemon me souffla aussi qu’une complicité de même acabit avec Franz-Olivier Giesbert
tenait moins à l’identité de mon ascendant (Capricorne) à son signe solaire qu’à la superposition de sa
Vénus à la pointe de mon ascendant. Lorsque nous comparons des thèmes astraux, nous détectons ou non
l’existence de ces relations inter-planétaires et relevons que l’entente (la détente, l’attention, l’affection) ou
la mésentente (la tension, l’opposition) pour l’essentiel s’établissent sur le mode du carré et de l’opposition
ou du trigone et du sextile, la nature de la conjonction dépendant quant à elle de celle des planètes
concernées.
Ainsi, Proust et moi étions déjà en résonance. Cet éternel vieux jeune homme m’attirait. Nos Soleils nous le
disaient. L’ami était du Cancer : son Soleil habitait le signe de la mère, du passé, de l’Histoire, le signe
d’une mémoire en miroir qui à perpétuité renvoie l’adulte aux fluides de l’enfance comme un flux qui
s’abonde de son propre ressassement, qu’il est inutile de favoriser ou de contrarier tant cette énergie douce
conjuguant le cœur à la rancœur fut en abondance emmagasinée au cours des ans. Ce petit enfant là n’a
jamais émergé de son tub, doucereux, savonneux bain de mère qui forme la matière première de son œuvre.
Il ne faut pas sourire de cet incident, si symptomatique de notre Cancer qu’il fut pour lui un drame. Enceinte
vers son troisième mois de Marcel, Jeanne Proust tressaillit d’angoisse lorsqu’elle apprit que son mari
médecin, venu leur prêter secours, avait été blessé par les vilains communards. Pour le Cancérologue, nul
doute que ce premier émoi fut le premier trauma, que l’enfant ne trembla d’effroi, partageant là, avec sa
mère, une émotion fondatrice. L’osmose opérait déjà qui, pour le futur grand-homme allait devenir le mode
initial, la matrice de tous types de connaissance.
Car, voyez-vous, ce qui frappe (non, vous ne le voyez pas encore, mais nous aimerions précisément le
donner à voir), pour qui tombe sur la carte du ciel de naissance de Marcel, c’est bien cette planète lente,
lourde et lointaine, que l’on suppose pourtant en émulsion perpétuelle avec l’inconscient de l’univers, ce
dieu des océans de l’imagination, catalyseur de l’hypersensibilité, c’est bien cette nébuleuse qui se lève, là, à
son Ascendant. Même fugace, cet aperçu vous laisse une première impression de génie, de celui qui fait
corps et âme avec le monde environnant, qui opère avec lui en une permanente fusion/absorption. Le
Neptunien ‘‘âme’’ avant d’aimer.
La Lune, quant à elle, maîtresse du Cancer, avec son amour du passé, de l’histoire, des antiquités entre
autres familiales, sa psychogénéalogie constitutive, son culte de la mère et sa grande réceptivité n’est pas
sans parenté avec les «valeurs» neptuniennes. Mais, alors que l’eau lunaire, l’eau du Cancer est l’eau câline,
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l’eau du ruisseau, l’eau de Rousseau (ce Cancer), une eau bucolique et champêtre (voici François le Champi
qui s’avance sous la plume de cet autre Cancer, George Sand, et le regard de Marcel…), une eau des rivières
et des écrevisses (songez au symbole), une eau douce en vérité, miroitant en ses méandres sous la lumière
nocturne, nourrissant de rêves l’enfant tout confiant, celle de Neptune est une eau salée comme la note à
payer (et, pour l’écrivain, semblable aux épreuves qui vous corrigent – parce qu’on en a vécu le contenu avant qu’on les ait corrigées), l’eau des oedèmes, de celle, aussi, qui, du poumon suinte lors le sacrifice
suprême. Eau puissante, dévastatrice et salvatrice qui fait du Neptunien – et Proust à coup sûr en est un – un
écorché-vif, un médium très humain, vivant, sentant et ressentant de l’intérieur tous êtres et toutes choses. (
Eau d’Aime de Proust pour la saint Valentin, pour les petits malins, tiens…)
Marcel Proust nage avec maestria entre ces deux eaux. Gardons à l’esprit leur confluence. Et comprenons
que Proust va relier deux mondes. Il transvasera l’eau du Cancer dans l’océan du Grand Tout neptunien.
Reprenons : le Soleil de Proust en Cancer et en secteur IV (soit l’obnubilation des origines au carré, la
Maison IV regroupant les thèmes liés à ce signe) figure une mémoire quasi spongieuse, les affinités avec le
monde de la nuit, le culte de la mère, de l’enfant qu’il était (et dont il ne saurait se séparer), un besoin accru
de sécurité affective, une certaine intuition (qui diffère du prophétisme certain que Neptune confère), le goût
de la famille, de la casa et toute cette claustrophilie qu’il déclinera tant dans la composante phylogénétique
que personnelle de son œuvre. Proust est d’abord le reclus consentant d’un univers clos [2] : son moi tout en
émois, qui revient constamment à soi, à son passé, à son noumène individuel, dont, tel un Protagoras des
confins, il ferait la mesure de toutes choses ; puis, un deuxième monde un peu plus élargi, le petit monde du
grand-monde dont nous dirons après Ghislain de Diesbach qu’il est délimité par le lycée Carnot, l’Elysée et
l’Orée du Bois. Morne plaine du dimanche, hormis les mœurs, parfois particulières comme leurs hôtels.
Mais Proust en décèle le caractère en tous points passionnant. Proust s’âme. Mais c’est un Neptunien qui ne
cesse de percevoir et de traduire en images spatio-olfactives ce qu’il reçoit. Le Soleil en Cancer en IV, lui
favorise en premier la faculté de recevoir (impressions, soleil couchant du petit enfant), en second, celle de
conserver dans son corps, dans sa mémoire (c’est tout un) ce passé à peine tamisé devenant un insistant
présent (mais pas toujours un cadeau, sauf, in fine, pour le lecteur.) Proust écrivain ne pouvait en préalable
faire moins que de s’instaurer Grand Croix de l’Ordre du Chagrin fédérant en lui toutes ses émotions
orphelines, puis chez ses personnages, afin de leur donner un lien, un sens, du sens, instillant du même coup
formes et structure à un tumulte auparavant aussi éreintant pour son pauvre cerveau que celui d’une usine en
marche.
L’essentiel du geste de Proust va consister à amener avec âme, armes et bagages son histoire personnelle
(Soleil/Cancer[Lune],IV) vers une Histoire élargie au périmètre sus-indiquée, qui est aussi un second
monde, un milieu dont il envie l’écologie, où il vit, d’où il sent, voit et perçoit (Neptune conjoint à
l’ascendant). Proust alliera de la sorte son immense émotivité à une incommensurable et universelle
hypersensibilité. Ce mouvement de translation puis d’union d’un monde à un autre se déduit aussi de la
présence de la Lune (maîtresse de son signe natal) en Taureau, quasi conjoint à l’Ascendant (lui-même
accolé à Neptune.) Certes s’agit-il d’une conjonction large (10°), d’un spectre que trop d’analyses astrales
de Proust ne prennent pas en compte. Pourtant, la proximité du moi intime proustien avec le moi social
apparent (Ascendant) (et sa capacité de perception quasi médiumnique) nous offre une idée plus certaine
encore de la réalité de l’opération de remémoration-restitution clinique d’une vie dont les diverses modalités
mondaines disséquées au scalpel de la plume même de celui qui en est l’acteur vont, à l’épreuve du temps,
s’analyser comme autant de remarquables œuvres d’art. La Lune est en Taureau, signe matériel, matérialiste,
signe bourgeois s’il en est, signe du restaurateur qui prend son temps, de l’architecte qui pense les formes
avant de dresser son plan. Ainsi nous indique-t-on l’effort, le patient labeur d’un Proust qui, mine de rien, va
élaborer à nouveau puis retranscrire dans son flux d’origine des émotions à la fois débilitantes et coruscantes
amoncelées dès avant sa naissance.
Neptune à l’Ascendant figure la dominante astrale de Proust, en constitue l’éminente signature. Mais cet
Ascendant, à soi seul, en lui-même participe de l’énergie intrinsèque de l’œuvre et de l’énergie mise en
œuvre pour l’entreprendre et la conduire à bonne fin.
Quel contraste entre le petit Cancer rêveur, fragile, maternel, lunaire et lunatique, passif et passéiste et le
Bélier, personnel pour ne pas dire égoïste, ambitieux, qui trace comme le baron Haussmann perçait de ses
avenues le vieux Paris. Ainsi, la brume, la mystique et le mysticisme proustien (avec ses vapeurs) liés à
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Neptune s’arriment-t-ils curieusement à un fort phénomène d’individuation. On palpe là toute la passion et
la concentration d’un Proust qui croit en lui, aux mérites d’une œuvre qu’il sait en son for intérieur digne de
ce terme.
Au reste, Saturne conjoint au Milieu du Ciel nous laisse à entendre que cette œuvre considérable fut en fait
écourtée. Nous supposerions à tort qu’un Proust vaillant lui avait en 1923 posé le point final. La Recherche
du Temps perdu a été interrompue bien avant l’heure. Celle-ci, nul ne la connaît, et ce parangon de
judéo-chrétien que fut Marcel Proust devait bien être le premier à le savoir, à en avoir pris acte dès la pose
de la première pierre. Le Maître des Poissons symbolise le judéo-christianisme. Neptune, de son faciès
goyesque l’inaugure. Dunoyer de Segonzac nous le représente sur son lit de mort prochaine, barbe
broussailleuse, teint de cire, yeux fiévreux. Oui, en vérité, un Christ espagnol qui corrige et vit ses épreuves
jusqu’au dernier instant. Digression, dégression, dépression : là n’en sont pourtant que les apparences
formelles. Observez bien la phrase : Proust n’est jamais hors sujet (il n’en connaît d’ailleurs qu’un) ; il ne
descend quelques marches que pour remonter aussi haut avant qu’il n’ait terminé sa phrase ; le jour, il broie
du noir pour mieux apprécier la lumière du soir qui le guérira.
Avec le petit Marcel, l’ère des Poissons ne nous semble pas avoir dit son dernier mot. Neptune, c’est la
Tradition, une certaine gnose dont notre écrivain fut somme toute l’initié ; Neptune nous induit aussi le
même en vigile de la compassion dont, faute de temps, il ne put, comme c’était sa mission morale initiale,
nous laisser ressentir par le menu de chapitres non advenus qu’elle débouchait de droit sur l’Amour. On
relèvera là le chaînon manquant, pour ainsi dire ce qu’aurait pu être le point de passage entre une première
Recherche envisagée comme philosophie de la connaissance et une seconde, et parallèle, représentée comme
philosophie morale.
La signature neptunienne de Proust nous ouvre à de plus vastes perspectives puisqu’elle tend par essence à
permettre des ascensions vers des domaines de connaissances de plus en plus sophistiqués, d’une profondeur
encore inédite. Vous en avez là un avant-goût,- un arrière-goût préférerez-vous dire si ces conjectures
pourtant prometteuses vous indisposent.
Quant à moi, j’avais d’abord cru entendre un hymne dont la recension du thème de Proust m’aurait ramené
l’écho restreint. Mais, au fond, ne serais-je pas devenu ainsi que l’échotier du vulgaire qui, en un tour de
braguette magique, aurait sourdement conçu de convertir en ceux de sa commère les potins mondains
proustiens ? La vérité de Proust était bien d’une toute autre ampleur.
Après quel combat (si ce n’est pour que, de ce qui fut, jamais rien ne meurt), pour quel triomphe et autour de
quels combattants (si ce ne sont les conjurés de la nostalgie), la prochaine commémoration aura-t-elle lieu ?
(Montherlant nous rappelait que l’avenir est assis sur les genoux des dieux et l’astrologie nous enseigne que,
pas plus que nous n’avons un corps, nous n’avons un destin : nous sommes notre destin. C’est là, déjà, une
réponse.) Pour le moment, je compris, et c’était déjà bien, que Proust par son œuvre n’avait organisé rien
d’autre que ceci, mais d’une manière méticuleuse et grandiose : une cérémonie,- une Cérémonie du Souvenir
.
Jean-Paul Enthoven
p.c.c./ Hubert de Champris
[1] cf. Ramon Fernandez, Proust, Les Cahiers Rouges, Grasset et Newman, préface d’Irène Fernandez,
post-face de Dominique Fernandez, Ad Solem ; Jean-Yves et Marc Tadié, Le sens de la mémoire,
Gallimard.
[2] Des fables de ce Cancer de La Fontaine, en passant par ce temple de la Madeleine qu’il pouvait
apercevoir du 9, bd Malesherbes, le palais japonais de la rue de Courcelles, le 102, bd Haussmann, le
meublé de Réjane du 8bis, rue Paul de Larminat et son Palais Rose de l’ancienne avenue du Bois, pas très
lointain jusqu’à la rue Hamelin, Proust fut un sédentaire dromomane qui trottait dans sa tête, mais ayant
toujours besoin de points de repères, à défaut d’avoir pu, comme le chante Aznavour, vivre toute sa vie
enfermé seul avec Maman dans un très vieil appartement.
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