M I S E A U P O I N T Conduite à tenir devant un purpura chez un patient sous antiagrégant plaquettaire ● G. Helft* Points forts ■ Le purpura, extravasation de sang au niveau des vaisseaux cutanés, traduit une anomalie de l’hémostase primaire en rapport avec une angiopathie, une thrombopénie ou une thrombopathie. ■ Les purpuras vasculaires sont liés à une atteinte de la paroi des capillaires artériels d’origine immunologique, infectieuse ou, souvent, indéterminée. Les médicaments responsables de thrombopénies immuno-allergiques sont nombreux et incluent les inhibiteurs des fonctions plaquettaires (aspirine et clopidogrel notamment). Mots-clés : Purpura - Thrombopénie. U n purpura est un syndrome clinique fait d’une éruption spontanée de taches hémorragiques ne s’effaçant pas à la vitropression. Il correspond à une extravasation de sang au niveau des vaisseaux cutanés. Il peut être pétéchial et/ou ecchymotique. On distingue les purpuras vasculaires, qui sont généralement pétéchiaux, localisés, respectant les muqueuses, ne s’accompagnant pas de saignements externes, et les purpuras thrombopéniques, plus volontiers disséminés, cutanéomuqueux, pétéchiaux et ecchymotiques, pouvant s’accompagner d’hémorragies externes ou internes, de type hémorragie cérébroméningée. Les purpuras traduisent une anomalie de l’hémostase primaire. Devant un purpura, on éliminera d’abord un purpura fulminans méningococcique, qui est un purpura vasculaire d’origine infectieuse à évoquer en cas de fièvre ou si l’état général est brutalement altéré. Il s’agit d’une urgence majeure, en particulier chez l’enfant. * Service de cardiologie, groupe Pitié-Salpêtrière, Paris. 34 Dans les autres cas, on pratiquera une numération formule sanguine et une numération des plaquettes pour distinguer les purpuras thrombopéniques des autres purpuras. Si les antiagrégants plaquettaires peuvent rarement être impliqués dans la pathogénie des purpuras thrombopéniques, les purpuras vasculaires ne sont, eux, pas liés aux antiagrégants plaquettaires. Il n’est cependant pas inutile d’en rappeler quelques caractéristiques. PURPURAS VASCULAIRES Les purpuras vasculaires (figure 1) sont liés à une atteinte de la paroi des capillaires artériels d’origine immunologique, infectieuse ou, souvent, indéterminée. La coagulation et les plaquettes sont normales. Le pronostic est lié à l’existence éventuelle de lésions viscérales. On distingue, mis à part le purpura fulminans méningococcique, les purpuras par vascularites leucocytoclasiques, les purpuras par vascularites septiques et les purpuras par fragilité capillaire. ✔ Purpura par vascularite leucocytoclasique : une atteinte viscérale rénale ou nerveuse peut lui être associée. Il résulte de dépôts d’immuns-complexes circulants dans les vaisseaux cutanés du derme. Il peut exister une cryoglobulinémie. Certains médicaments comme les sulfamides, pénicillines ou diurétiques peuvent être impliqués. Figure 1. Purpura vasculaire. La Lettre du Cardiologue - n° 358 - octobre 2002 M ✔ Purpura par vascularite septique au cours des septicémies à Gram positif ou négatif, duquel on peut rapprocher le purpura de la maladie d’Osler, à évoquer dans l’enquête étiologique d’un souffle valvulaire chez un patient fébrile. ✔ Purpura par fragilité capillaire de causes diverses : amylose, atrophie sénile, corticothérapie prolongée, scorbut, cause dermatologique associée à une dermite ocre et à une stase veineuse. Il existe aussi des purpuras vasculaires ecchymotiques de la femme, surtout au moment des règles, et, exceptionnellement, des purpuras par fragilité capillaire familiale autosomique dominante. Dans un cas de purpura chronique non thrombopénique comme dans celui d’un purpura par fragilité capillaire, la prescription d’aspirine à doses antiagrégantes plaquettaires, si elle est justifiée, est théoriquement possible, sous le couvert néanmoins d’une surveillance clinique attentive et régulière. I S E A U P O I N T PURPURAS THROMBOPÉNIQUES La thrombopénie est définie par une diminution des plaquettes en dessous de 150.109 plaquettes/l. On se méfie des fausses thrombopénies par agglutination in vitro lors des prélèvements sur EDTA. Une vérification de la numération sur citrate est alors nécessaire. Le risque hémorragique, bien que non strictement corrélé à la thrombopénie, est apprécié en fonction de son importance. L’enquête étiologique se fera préférentiellement en milieu hospitalier dans le cas d’un purpura thrombopénique. Les étiologies des thrombopénies sont nombreuses et ne seront pas détaillées ici. Elles sont énumérées dans le tableau ci-dessous. Rappelons que, en plus de l’hémogramme complet et des tests de l’hémostase, un myélogramme est souvent nécessaire. Diagnostic pratique d’une thrombopénie Thrombopénie Myélogramme Mégacaryocytes Peu nombreux Nombreux Thrombopénie centrale Thrombopénie périphérique ✔ Leucémie aiguë ✔ Envahissement médullaire ✔ Aplasie médullaire ✔ Myélodysplasie ✔ Déficit en B12, acide folique ✔ Alcoolisme ✔ Purpura thrombopénique idiopathique ✔ Thrombopénies secondaires – hypersplénisme – toxiques, médicamenteuses – infectieuses – PTT – immunes (lupus...) – allo-immunes – CIVD La Lettre du Cardiologue - n° 358 - octobre 2002 35 M I S E A U P O I N T Les médicaments responsables de thrombopénies immunoallergiques sont nombreux : quinine, quinidine, sulfamide, rifampicine, cimétidine, digoxine, thiazides, pénicilline... et aspirine. Si ce dernier diagnostic était retenu, en cas d’indication à un traitement antiagrégant plaquettaire, la substitution par une thiénopyridine est licite. À noter que d’exceptionnels cas de thrombopénie isolée sous clopidogrel ont également été observés. Le purpura thrombotique thrombopénique (PTT) ou syndrome de Moschcowitz est une affection rare, potentiellement fatale, associant thrombopénie habituellement sévère, schizocytose (hématies fragmentées) et signes d’hémolyse. En plus de la fièvre, des manifestations variables de lésions ischémiques de multiples organes comme des signes neurologiques centraux sont associées. La ticlopidine fait partie des médicaments pouvant entraîner un PTT, avec une incidence de l’ordre de 1 pour 5 000 patients. Le clopidogrel (Plavix®) est, quant à lui, nettement moins en cause dans cette affection, même si de très rares cas lui ont été imputés. AUTOQUESTIONNAIRE Les thrombopénies à l’héparine sont également de mécanisme immuno-allergique. Elles sont redoutables par leur risque (paradoxal en apparence) thrombotique, artériel ou veineux. À côté des purpuras thrombopéniques, il existe aussi des purpuras thrombopathiques liés à des anomalies fonctionnelles des plaquettes, dont le nombre est par ailleurs normal. Ce trouble peut être primitif (dans la maladie de Glanzmann) ou secondaire (dans des leucémies myéloïdes chroniques ou la maladie de Vaquez). CONCLUSION Les antiagrégants peuvent entraîner des purpuras de causes très variées ou coexister avec eux. L’anamnèse, la numération plaquettaire permettent d’orienter le diagnostic. En cas de purpura thrombopénique, le risque d’hémorragies associées justifie une hospitalisation pour prise en charge spécialisée. ■ C FM 1. Quel est le premier diagnostic à éliminer devant un purpura fébrile ? RÉPONSES FMC 1. Purpura fulminans méningococcique. 2. Quelle est la première mesure à prendre devant la découverte d’une thrombopénie sur EDTA ? 2. Un contrôle de la numération plaquettaire sur tube citraté. 3. Purpura vasculaire - Purpura thrombopénique. 3. Citer les deux cadres nosologiques principaux des purpuras. Précision À propos du texte paru dans La Lettre du Cardiologue (n° 357 - septembre 2002, p. 6-8), rubrique Informations, résumant le “Congrès du Groupe de réflexion sur la recherche cardiovasculaire”, nous tenons à préciser que le professeur Luc Hittinger apparaissait dans cet article en tant que représentant du GRRC. 36 La Lettre du Cardiologue - n° 358 - octobre 2002