saint grégoire de nysse, éléments d`anthropologie dans son traité

SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE, ÉMENTS
DANTHROPOLOGIE DANS SON TRAITÉ DE LA
VIRGINITÉ
Pr.Lect.Dr. Adrian Lucian Dinu
I. Introduction
Saint Grégoire de Nysse est né, environ, en 335 à Césarée de Cappadoce et il
est le frère cadet de saint Basile le Grand. Il a été consacré Evêque par son frère
qui était l’un des plus illustres hommes de son temps. La connaissance
théologique et son talent oratoire étaient appréciés par les Pères du II-e Concile
Oecuménique et il a été nommé: „Défenseur et pilier de l’Orthodoxie”1. Il est mort
entre 394-395.
St. Grégoire a composé et publié, à une cadence rapide, des nombreux
ouvrages et le Traité de la virginité, que nous allons étudier, remonte en 371, juste
avant son ordination épiscopale2. Il a enseigné la rhétorique pendant plusieurs
années, lorsque à l’âge de 40 ans il a écrit Peri parqeniaj à la demande de son
frère Basile3. Cette œuvre est plus un éloge (egkwmion) de la virginité avec des
nombreuses observations ascétiques qu’ un traité spécial d’anthropologie. Saint
Grégoire a précisé dans sa „Lettre préface” que „ce traité a pour but d’inspirer aux
lecteurs le sir de la vie vertueuse (I, 1)”4, d’inspirer l’amour pour un état de vie
qu’il admire et qu’il le considère possible et digne de nous. Son œuvre demeure
comme une exhortation efficace (paraainesij)5, capable de donner à
l’interlocuteur la proposition de suivre la vie vertueuse.
Nous allons essayer de faire une synthèse de l’anthropologie, telle qu’elle est
comprise par St. Grégoire en soulignant la nouveauté de sa pensée dans ce Trai
de la virginité. Ce travail sera divien quatres parties: L’homme; La constitution
de l’homme: âme et corps; Le péché; La virginité de l’homme et le modèle de la
Vierge Marie pour les chrétiens.
1 Patrologie, Manuel pour les Instituts de théologie, Bucarest, 1965, p. 168.
2 Grégoire de Nysse, Traite de la virgini, introduction, texte critique, traduction,
commentaire et index de Michel Aubineau, Les éditions du Cerf, Paris, 1966, p. 31.
3 Ibidem, Introduction, p. 83.
4 Ibidem, Introduction, p. 84.
5 Ibidem, Prologue, 2, 9, p. 144.
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II. L’homme (o anqrwpoj) dans la pensée de St. Grégoire
Plusieurs patrologues et théologiens ont considéré que St. Grégoire de Nysse
est le créateur au sens propre et scientifique de l’anthropologie chrétienne. Ce
Père de l’Église a fait pour l’homme et sa condition l’une de ses préoccupations
permanentes dans des œuvres comme: De la création de l’homme, De l’âme et
résurrection, La vie de Moïse. Pourtant nous rencontrons ce qu’on pourrait
appeler une doctrine élaboréede la personne humaine dans le traité qui nous
venons d’étudier. L’homme est vu comme sujet unique, personnel, créé d’après
l’image et la ressemblance de Dieu, qui se refère surtout à son mystère de l’ Etre
Humain.
L’homme (o anqrwpoj) est, dans la pensée de saint Grégoire de Nysse,
„l’œuvre et l’imitation (mimhma) de la nature divine”6 et „l’image et la similitude
(eikwn kai omoiwma) de la puissance qui règne sur tous les êtres”7.
„Cet animal intelligent et raisonnable, l’homme, œuvre et imitation de la
nature divine et sans mélange - car, c’est ainsi que dans le récit de la Création il
est écrit de lui: „Il le fit à l’image de Dieu” - cet animal (to zwon) donc, l’homme,
n’avait pas en lui-même par nature, ni comme propriété essentielle jointe à sa
nature, la capacité de pâtir et de mourir...8.
On peut voir dans ce premier texte la grande consiration pour l’homme et
son état de la part de St. Grégoire. Sa pensée chrétienne se relève ici comme un
accomplissement et un développement de l’ancienne philosophie grecque en ce
qui concerne notre origine et la relation avec Dieu. Dans la perspective de
l’anthropologie des anciens grecs il s’agissait d’analyser l’homme comme
microcosme qui unit deux mondes (spirituel et matériel). La conception de St.
Grégoire est différente: l’homme est un être supérieur, créé par Dieu qui
s’exprime dans ses divers aspects.
Saint Grégoire souligne dans plusieurs passages que l’homme n’est pas son
propre créateur en soulignant sa condition éphémère9. Dieu l’a créé par son amour
et pour cette raison il doit suivre les raisons (les pensées) élevées”10, c’est-à-dire
de „vivre par l’âme seule et imiter, dans la mesure du possible, le mode de vie des
puissances incorporelles”11. St. Grégoire veut dire que l’homme a une valeur
supérieure dans le monde et un destin surnaturel. Il est créé par Dieu et pour Dieu.
6 Ibidem, XII, 2, 1, p. 399.
7 Ibidem, XII, 2, 11, p. 403.
8 Ibidem, XII,2, 5, p. 401.
9 Ibidem, IV, 3, 25 – 30, p. 311; aussi IV, 4, 2, p. 313.
10 Ibidem, IV, 4, 33, p. 317.
11 Ibidem, IV, 8, 10, p. 331.
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La vocation de l’homme était de conduire le monde et de s’approcher de son
Créateur. Mais il a commis le péché et pour cela „il demeure mortel en effet
l’homme mortel, qu’on l’honore ou non !”12. L’aspect tragique de l’homme
comme on peut le voir un peu plus loin vient de ce fait: il a été créé comme
personne libre, mais le péché l’a individualisé. C’est pour cela que St. Grégoire
insiste sur le retour de l’homme vers Dieu par la pratique de la virginité qui veut
dire par une vie vertieuse.
La plus belle finition acceptée par saint Grégoire est que l’homme est un
être grand et précieux”13, qui, disait-il, est écrit aussi dans l’Ecriture. Il a utilise ici
une formule platonicienne, mais qui existe aussi dans l’Ancien Testament dans le
livre des Proverbes”. On peut dire premièrement que c’est un texte qui atteste la
continuité de la pensée grecque dans l’Eglise du IV-e siècle. Il existe aussi une
distinction claire, car l’homme nest pas considéré comme un être produit par
matière (les théories cosmologiques), ni ayant la même nature avec la divinité
(comme disait la mythologie ancienne). St. Grégoire considère lhomme en étant
créé d’après „l’archétype”14, qui ne peut pas être que le Verbe de Dieu.
Dans son œuvre saint Grégoire parle de la distinction des sexes homme et
femme – qui n’est pas du tout une séparation ou une rupture dans l’humain. Le but
de l’existence est la procréation et la transmission de la vie.
Ces quelques éléments nous montrent que St. Grégoire prend en
considération l’origine divine de l’homme et sa dignité dans le monde. Celui-ci est
vu dans sa structure unitaire en allant vers la ressemblance avec Dieu, fait qui
n’est pas possible sans l’Incarnation du Christ. Ces choses seront mieux clarifiées
quand nous parlerons de l’homme dans sa véritable réalité: âme et corps.
III. L’âme et le corps de l’homme
St. Grégoire se base dans ce livre sur la doctrine de saint Paul en affirmant
„qu’il y a deux hommes en chacun de nous: l’un vu de dehors, destiné par nature à
se corrompre, l’autre connu dans le secret du cœur et susceptible de
renouvellement”15. On a ici la doctrine biblique de la structure humaine composée
de deux parties: l’âme et le corps.
Dans dautres passages il considère l’homme comme la création de Dieu:
„œuvre et imitation de la nature divine” 16, et „image et similitude de la puissance
qui règne sur tous les êtres”17.
12 Ibidem, IV, 3, 25, p. 311.
13 Ibidem, XII, 2, 53, p. 409.
14 Ibidem, XII, 2, 9, p. 403.
15 Ibidem, XX, 1, p. 493.
16 Ibidem, XII, 2, 2, p. 399.
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L’auteur fait, même dans cet œuvre qui ne traite pas de l’anthropologie, la
distinction claire des deux niveaux dans la personne humaine. L’homme est l’âme
animée par l’esprit de vie et la chair qui l’extériorise. Dans les citations ci-dessus
apparaît tout le vocabulaire que St. Grégoire utilise pour exprimer la ressemblance
de l’homme à Dieu: omoiwma, mimhma, eikwn, sans faire des distinctions techniques
entre l’un ou l’autre terme.
Quand il parle de la ressemblance et de l’image de Dieu dans l’homme, il
pense surtout à son âme ! Cette ressemblance s’inscrit dans l’âme dont la beauté
déforme est faite à l’imitation du „prototype”. St. Grégoire montre en détaille ce
que signifie les richesses qu’impliquent dans l’âme cette similitude, car il évoque
l’état paradisiaque par l’antithèse avec l’état de l’homme déchu: „Mais lorsque...
l’engrenage corrupteur du pèche eut saisi la vie des hommes, qu’a partir d’une
origine de peu d’importance, la malice se fut répandue à l’infini dans l’homme, et
que cette beauté déforme de l’âme, fait à l’imitation du prototype, eut été
obscurcie comme un morceau de fer par la rouille de la malice, l’âme ne conserva
plus désormais cette grâce d’image qui lui etait propre et selon sa nature, mais elle
se transforma en la laideur du péché”18.
D’autre part, la nature humaine, avant le péché originel, était conçue comme
presque une nature angélique:
„...l’homme n’avait pas en lui-même, par nature, ni comme propriété
essentielle jointe a sa nature, la capacité de pâtir et de mourir...; ...c’est plus tard
que s’insinua en lui la nature passible”19. Après la chute, l’homme a ru en soi la
nature passible (to paqoj). Ce mot désigne „non seulement les impulsions
mauvaises, mais encore toutes les servitudes biologiques, animales, d’un être allié
à la matière”20. L’auteur utilise plusieurs fois l’image de la tunique de peaux” en
se référant à la nature humaine pechereuse21. Dans un autre passage l’auteur
semble à approuver la théorie de l’existence dans le corps des quatre éléments:
l’air, l’eau, le feu, la terre22. Cette partie est considérée comme une interpolation
par les spécialistes ou bien un argument avec des idées stciennes, par exemple
que l’homme doit vivre en bonne santé spirituelle (dans l’équilibre des ces quatre
éléments)23.
17 Ibidem, XII, 2, 15, p. 403
18 Ibidem, XII, 2, 50, p. 407.
19 Ibidem, XII, 2, 10, p. 401
20 Ibidem, Introduction, p. 155.
21 Ibidem, XII, 4, 20, p. 421.
22 Ibidem, XXII, 1, 20, p. 515.
23 Ibidem, voir la note 2.
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En ayant une nature composée d’une âme immortelle et d’un corps mortel et
qui restent dans une union inséparable, la personne humaine ne se réduit pourtant
à ces éléments. Sans „le souffle de vie” l’homme ne peut pas vivre comme vrai et
raisonnable créature de Dieu. Pour souligner l’élément divin dans l’homme et sa
plénitude ontologique, saint Grégoire parle de l’esprit (nouj) qui est
complémentaire à l’âme et au corps. Le nouj est, pour St. Grégoire, la rationalité
de l’homme, l’intelligence qui l’enlève „vers le désir des biens supérieurs par sa
disposition naturelle à se mouvoir…”24. Dans le nouj l’homme s’accompli
comme une personne entière et il réalise sa dignité et sa condition: … De même,
l’intelligence humaine, après avoir délaissé cette vie trouble et sale, apres que,
purifiée par la puissance et le soufle de l’Esprit, elle est devenue lumineuse et
qu’elle s’est mêlée à la pureté véritable et sublime, l’intelligence humaine elle-
même resplendit en celle-ci comme par transparence, se charge de rayons et
devient lumière selon la promesse expresse du Seigneur…”25.
Tous ces textes montrent que l’homme est la créature de Dieu, composé de
deux parties et que le nouj n’est qu’un attribut sans lequel il ne peut pas exister.
A aucun moment St. Grégoire ne soutien l’existence de trois parties séparées dans
la structure de l’homme (le trichotomisme).
Il faut dire en conclusion que St. Grégoire utilise la distinction ancienne entre
l’âme et le corps, mais il va plus loin en parlant de la réalité concrète du péché
dans l’être humain. Il met ainsi en opposition l’homme extérieur avec l’homme
intérieur, l’homme spirituel avec l’homme charnel. Saint Grégoire ne perd de vue
à aucun moment l’unité de l’âme et du corps. La dualité philosophique corpsme
est présente toujours dans ces pages, mais St. Grégoire a insisté sur la supériorité
de l’âme pour suggérer que l’homme doit participer à la vie divine. Le nouj est la
faculté par laquelle l’homme peut se déterminer par soi-même et lui donne son
caractère dêtre créé à l’image de Dieu, ce que nous pourrions appeler sa dignité
de personne. C’est pour cela qu’il emploie, par exemple, le mot „apparentée”
(suggenhj) 26 entre Dieu et l’homme.
IV. Le péché
Un autre élément d’anthropologie utilisé par St. Grégoire dans cette œuvre est
la notion du péché. L’homme a été créé bon, „image du Dieu incorruptible”27,
24 Ibidem, VI, 2, 23, p. 347.
25 Ibidem, XI, 4, 30, p. 391.
26 Ibidem, V,5, p. 334.
27 Ibidem, XII, 2, 55, p. 409.
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