L`humanité de l`embryon (St Grégoire de Nysse)

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L’humanité de l’embryon (St Grégoire de Nysse)
Que l'embryon soit vivant, personne ne le conteste. Mais de quelle forme de vie ? Grégoire de Nysse lie
fortement la question de l'âme à celle de la nature de l'acte créateur de Dieu. Dieu ne crée pas d'un côté une
âme et de l'autre un corps, mais d'emblée un être humain. Cependant, cette créature est soumise au temps et
donc à une évolution.
L'âme.
Grégoire de Nysse reproche aux Epicuriens de ne reconnaître d'existence qu'aux seules réalités sensibles et
visibles. L'âme, disent-ils, n'est pas dans les éléments du corps, et il n'existe rien d'autre au monde où elle
pourrait se trouver. Ce qui n'existe nulle part n'a pas d'existence. La question déborde de beaucoup celle de
l'âme ou de l'embryon : il s'agit de savoir s'il existe une réalité non matérielle, non saisissable, un esprit. Les
Epicuriens « ont l'esprit trop étroit » ; ils ne peuvent discerner « d'où viennent les éléments » dont ils
observent l'existence, ni « en quoi ils se trouvent », ni « ce qui les supporte ». En un mot, pour Epicure, « la
saisie de toute chose était mesurée par la sensation, il avait les sens de l'âme complètement fermés. »[1]
Et ce ne seront pas les sciences médicales qui trancheront la question, ce sont « les sens de l'âme ». (Sur les
sens de l'âme et les fenêtres de l'âme, voir en approfondissement).
« Voici quelle est notre doctrine : l'âme est une substance créée, une substance vivante, qui introduit par
elle-même dans un organisme corporel capable de sensation une puissance vivifiante et propre à saisir les
réalités sensibles, tant que l'être capable de recevoir ces dernières présente ses éléments rassemblés »[2]
L'âme et le corps par un unique acte créateur.
« L'âme n'existe pas avant le corps et le corps n'est pas formé avant l'âme, mais ils viennent simultanément à
la vie »[3].
Par cette phrase, Grégoire de Nysse s'oppose à l'idée de la préexistence de l'âme (une théorie qui conduit à la
métempsycose ou à la réincarnation).
Grégoire de Nysse s'oppose aussi à l'idée d'une âme qui viendrait après le corps, comme l'enseignait
Méthode d'Olympe en s'appuyant sur une lecture littérale du récit de la Genèse où c'est seulement après
avoir modelé l'homme que Dieu lui insuffle son âme. Grégoire de Nysse explique que cette lecture trop
littérale est illogique : dire que l'âme ne peut venir que dans un corps déjà modelé, c'est dire que l'âme que
n'existe que pour un corps et en dépendance de lui. Et surtout, cette lecture trop littérale est contraire à la
révélation sur Dieu créateur prise dans son ensemble.
« Maintenant, en ce qui concerne chaque être, on ne doit pas placer la création de l'une de ses composantes
avant celle de l'autre : ni la création de l'âme avant celle du corps, ni l'inverse ; car alors l'homme serait mis
en conflit avec lui-même si on le divisait par une distinction temporelle »[4]
« Notre nature doit être conçue comme double, selon l'enseignement de l'Apôtre : il y a l'homme visible et
l'homme caché ; mais alors que si l'un préexistait, l'autre étant postérieur, la puissance du Créateur se verrait
convaincue d'imperfection, parce qu'elle ne suffirait pas à tout créer en une seule fois et qu'elle diviserait son
œuvre pour s'occuper tour à tour de chacune des deux moitiés. »[5]
C'est l'acte divin créateur qui est à l'origine de l'être humain individuel.
« Quand la procréation de l'homme se fait sous sa forme naturelle, c'est par un effet de la puissance divine...
que l'initiative des parents, même s'ils n'invoquent pas la divinité dans une prière, parvient à façonner l'être
engendré, tandis que sans elle leur effort serait inutile et vain. »[6]
La création d'un homme est un acte divin qui unit une fois pour toute l'âme et le corps, cette union demeure
d'une manière mystérieuse après la dissolution du corps pour se reformer à la résurrection. [7]
Le développement humain.
L'homme n'est pas successivement un végétal puis un animal puis un homme. Si Grégoire de Nysse utilise
parfois l'idée stoïcienne d'une âme végétative, animale et rationnelle, c'est pour désigner divers rapport au
monde et non pas une division de l'âme ou une succession d'âmes : l'homme est un, et il est créé dans un
acte unique.
Ceci étant dit, la créature, avec son corps et son âme, est en développement.
« La forme de l'âme est en rapport avec le corps qui la contient ; elle est inachevée dans un corps inachevé,
puis achevée dans un corps achevé. »[8] Mais il ne faut pas oublier que corps et âme ont un but unique : la
béatitude et la divinisation. Un corps achevé est donc un corps ressuscité : « Le but des êtres, c'est que la
puissance qui est au-dessus de tout soit glorifiée dans toute la création, au moyen de la nature intelligible, et
que les êtres célestes et les êtres terrestres soient unis les uns aux autres dans une même activité, je veux dire
regarder vers Dieu dans un but identique. »[9].
Grégoire de Nysse explique alors que si l'on dit que l'embryon n'est pas un homme parce que ces capacités
sont seulement « en puissance », alors un homme n'est pas non plus un homme puisqu'il n'est pas non plus
achevé et n'a pas encore atteint son but qui est la vie en Dieu[10].
Conclusion.
A la conception, l'âme et le corps sont créés ensemble. L'action des parents serait inefficace si elle n'était pas
accompagnée de l'acte créateur de Dieu.
Il y a un développement entre l'embryon et l'homme adulte mais il est absurde de dire que l'embryon n'est
pas un homme : il faudrait dire aussi que nous ne sommes pas des hommes parce que nous ne sommes pas
encore arrivés au but, qui est la béatitude en Dieu.
La doctrine de Grégoire de Nysse, en unissant l'âme et le corps dans un seul et même acte créateur de Dieu
est aussi extrêmement cohérente en disant que « leur nourriture est la pureté, la bonne odeur et toutes les
choses de ce genre, dont les vertus portent des fruits en abondance »[11], ou quand il affirme, au sujet de
l'Eucharistie, que le salut arrive à l'âme par la foi et au corps par la nourriture et la boisson.
Résumé par Françoise Breynaert de : Mariette CANEVET, L'humanité de l'embryon selon Grégoire de
Nysse, dans NRT (Nouvelle revue théologique) sept-oct 1992, tome 114, p. 678-695.
Conséquences[12] :
La première conséquence est le respect de la vie de l'embryon dès sa conception, et le refus de
l'avortement (notifié dès la « Didachè » au 2° siècle), y compris la pilule du lendemain ou le stérilet
qui agissent très rapidement après la conception.
La seconde conséquence est un éclairage sur le dogme de l'Immaculée conception de Marie, un
dogme qui ne nécessite ni la préexistence de l'âme de Marie ni la conception virginale de la part des
parents de Marie puisque chaque conception par les voies naturelles est accompagnée d'un acte
créateur de Dieu. Marie, par grâce anticipée du Christ Rédempteur est toute sainte, et cela dès sa
conception.
La troisième conséquence est que ces réalités sont inaccessibles aux sciences physiques et ne sont
perçues et comprises que par ceux qui ont « les sens de l'âme » purifiés et éveillés.
[1]Grégoire de Nysse De anima et Resurrectione, PG 46, 21B à 24A cités par Mariette Canevet dans :
Mariette Canevet, L'humanité de l'embryon selon Grégoire de Nysse, dans NRT (Nouvelle revue
théologique) sept-oct 1992, tome 114, p. 678-695, p. 680
[2]Grégoire de Nysse De anima et Resurrectione, PG 46, 29,B cités par M. Canevet dans Ibid., p. 683.
[3]In Canticum VII, GNO VI, p. 240,20 - 241,8. cités par M. Canevet dans Ibid., p. 686.
[4]Grégoire de Nysse, La création de l'homme, chapitre XXIX. cités par M. Canevet dans Ibid., p. 687.
[5]Grégoire de Nysse, La création de l'homme, chapitre XXIX. cités par M. Canevet dans Ibid., p. 687.
[6]Grégoire de Nysse, La catéchèse de la foi, traduction d'A. Maignan, DDB, Paris 1978
[7]PG 46, 45A et PG 48 cités par M. Canevet dans Ibid., p. 688-689
[8]Grégoire de Nysse, La création de l'homme, chapitre XXX. cités par M. Canevet dans Ibid., p. 692-693.
[9]Grégoire de Nysse, De Infantibus, PG 46, p. 173 B--C
[10]Cf. Grégoire de Nysse, De mortuis, PG 46, 520C - 521 A. Et Adversus Marcianos, GNO III, 1, p. 101,
9-25
[11]Grégoire de Nysse, In Canticum VII, GNO I, p. 241, 6-7
[12]Par F. Breynaert. Cf. Les articles en approfondissement.
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