L’embryon est créé âme-et-corps
De manière schématique,
Dans l'Antiquité, la pensée (païenne) d'Aristote distinguant l'âme végétative animale et intellective,
conduisait à penser que l'âme venait après la formation du corps, ce qui séduisit certains chrétiens car cela
correspondait à une lecture littérale du second récit de la Genèse (mais trop littérale selon Grégoire de
Nysse ! On pourrait d'ailleurs prendre le Ps 118 qui diffère du langage de la Genèse)
En Orient, Grégoire de Nysse (4° siècle), qui connaissait bien la médecine et la philosophie de son temps,
se distancia d'Aristote et de l'idée d'une âme venant dans un corps existant avant elle : il montre par un
raisonnement théologique que la conception de l'embryon est un seul et unique acte de Dieu qui crée
simultanément le corps et l'âme, et sans lequel l'acte procréateur des époux serait impuissant[1].
En Occident, la pensée d'Aristote, redécouverte au Moyen Age, a conduit saint Thomas[2], mais aussi
Luther[3] et bien des mystiques catholiques[4], à penser que l'âme était « insufflée » après la formation du
corps (en général 40 jours après la conception). On en venait à dire que Marie héritait d'un corps marqué par
le péché, mais qu'elle avait reçu une âme immaculée.
Le renouveau patristique du XX° siècle a rapproché l'Eglise d'Occident de l'Eglise d'Orient.. Ainsi, la
congrégation pour la doctrine de la foi, en 1987, publie un document qui reprend la doctrine de saint
Grégoire de Nysse et affirme que « l'âme spirituelle de tout homme est immédiatement créée par Dieu », ce
qui implique des conséquences morales :
« Dès le moment de sa conception, la vie de tout être humain doit être absolument respectée,
car l'homme est sur terre l'unique créature que Dieu a voulue pour lui-même et l'âme spirituelle
de tout homme est immédiatement créée par Dieu; tout son être porte l'image du Créateur. La
vie humaine est sacrée parce que, dès son origine, elle comporte l'action créatrice de Dieu et
demeure pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur, son unique fin.
Dieu seul est le Maître de la vie de son commencement à son terme: personne, en aucune
circonstance, ne peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un être humain
innocent.
La procréation humaine demande une collaboration responsable des époux avec l'amour fécond
de Dieu ; le don de la vie humaine doit se réaliser dans le mariage moyennant les actes
spécifiques et exclusifs des époux, suivant les lois inscrites dans leurs personnes et dans leur
union. »[5]
[1]Grégoire de Nysse, La création de l'homme, chapitres XXIX et XXX, cités par Mariette Canevet dans :
Mariette Canevet, L'humanité de l'embryon selon Grégoire de Nysse, dans NRT (Nouvelle revue
théologique) sept-oct 1992, tome 114, p. 678-695, p. 680
[2]St Thomas, ST 1a, Q.118, a. 2, ad 2