56 KRANKENPFLEGE 4/2001
SOINS INFIRMIERS
CULTURE DES SOINS
tient soit confus ou dément –
à une véritable réaction de
catastrophe, la souffrance
psychologique du patient
s’exprimant alors sous la
forme de pleurs incontrôlés,
de colère, de dépression.
Des pertes
à tous les niveaux
Les conséquences psycholo-
giques et émotionnelles de
l’aphasie sont nombreuses et très fré-
quentes, d’où l’importance de les con-
naître pour pouvoir les prendre en consi-
dération dans la démarche de soins et
d’accompagnement.
La solitude et l’isolement en est une
conséquence majeure chez 90% des pa-
tients, même un an après l’AVC, avec no-
tamment près de 75% des bien portants
qui évitent le contact social avec la per-
sonne aphasique de leur entourage.
L’agressivité, l’irritabilité, la honte, la
culpabilité (pour l’entourage familial sur-
tout), l’anxiété, la tristesse qui mène par-
fois à une dépression, sont des réactions
fréquemment observées suite à la prise
de conscience de la perte importante
qu’est la privation de langage et de com-
munication. L’état psychique et affectif du
patient a une influence notable sur le
succès de la rééducation mais aussi sur la
qualité de vie et des relations.
S’intéresser à la personne aphasique,
et pas seulement à l’aphasie, c’est pren-
dre en compte les modifications de la vie
personnelle et relationnelle du patient
suite à la lésion cérébrale, aux déficits
qu’elle occasionne et aux conséquences
de ceux-ci.
Devenir aphasique, c’est perdre une
partie de soi-même, perdre le contrôle de
la réalité. L’aphasie n’entraîne pas uni-
quement une perte de la compréhension
et de l’expression du langage et des capa-
cités cognitives, elle engendre également
une diminution de l’estime de soi, une
perte du prestige (revenu, statut social),
une perte de l’identité et des rôles fami-
liaux (modification de la relation de cou-
ple, inversion des rôles entre conjoints),
une perte des activités culturelles/socia-
les/sportives ainsi qu’un abandon des
projets d’avenir.
Eviter la rupture relationnelle
Dans l’établissement et le maintien de
relations avec le patient aphasique, il est
essentiel de tenir compte de l’atteinte lan-
gagière et cognitive mais également de
ses aspects psychologiques, affectifs et
sociaux. L’aphasie doit être considérée
comme un ensemble de symptômes à
l’origine de certaines attitudes et réac-
tions de la part du patient lui-même et de
son entourage.
En effet, l’aphasie est non seulement
une rupture de la communication mais
aussi des relations à plusieurs niveaux:
personnel, conjugal, familial, social et en-
vironnemental. L’aphasie a une influence
sur toutes les relations, y compris celles
établies entre le patient et ses soignants.
Une connaissance élémentaire de l’apha-
sie est indispensable au personnel infir-
mier pour parvenir à mettre en place des
stratégies de facilitation de la communi-
cation accessibles et adaptées aux capa-
cités résiduelles et aux difficultés de cha-
que patient. Des précautions de base sont
à prendre en considération (lunettes, ap-
pareils auditifs, prothèses dentaires, pas
de bruits parasites, etc.) pour s’assurer
Pour en savoir plus
sur l’aphasie
Ouvrages facilement accessibles
Bauby, J.D. Le scaphandre et le papillon.
Laffont. Paris, 1997.
Chartier, M. Rendez-moi mes mots. L’Or-
tho-Edition, Paris, 1998.
Lutz, L. Comprendre le silence. Soins infir-
miers 2/94, pp. 8–13.
Mataux, J.M., Brun, V., Pelissier, J. Apha-
sie 2000. Rééducation et réadaptation
des aphasies vasculaires. Ed. Masson,
2000.
Ponzio, J., Lafond, D., Degiovani, R.,
Joanette, Y. L’aphasique. Edisem, Qué-
bec, Maloine, Paris, 1991.
Brochures et documents
d’information
Communauté suisse de travail pour l’apha-
sie (CSA), Zähringerstrasse 19, 6003
Lucerne, tél. 041 240 05 83, fax
041 240 07 54. www.aphasie.org.
Vidéos
«Les mots perdus», film de Marcel Simard,
joué par des aphasiques, 87 min, 1993.
A commander auprès de l’Association
genevoise des aphasiques, p.a. Dany
Hersperger, rte de Gy 169a, 1205
Genève.
«Soudain quelque chose me manque dans
la tête: vivre après une lésion cérébra-
le, 6 portraits». 43 min, 1993. A com-
mander auprès de «Point de vue», au-
diovisuelle Produktionen, Flughafen-
strasse 20, 4056 Bâle.
«Voyage à travers le jardin aux fleurs
noires», série de films. A commander
auprès de Fragile Suisse, Beckenhof-
strasse 70, 8006 Zurich.
Cendrine Hirt
est logo-
pédiste spécialisée
en aphasie et neuro-
psychologie exerçant
en libéral à Yverdon.
que les conditions de communication
sont optimales. Un certain nombre d’atti-
tudes sont à favoriser, ou au contraire, à
éviter pour faciliter les échanges verbaux
et non verbaux avec une personne apha-
sique.
Et à tout moment de la prise en charge
de ces patients, il est essentiel de garder
en mémoire que l’aphasique est un être
transformé. «Et même lorsque l’aphasie
disparaît, l’aphasique demeure» (Ponzio,
1991). ■■