travers du système bancaire (76%) et
55.000 par d’autres intermédiaires fi-
nanciers (ONG et coopératives) (24% ) .
Au cours des années 90, la part de ces
derniers n’a cessé de diminuer, le Fosis
préférant les premiers types d’intermé-
diaires, plus solvables.
D’une façon générale, le subside a énor-
mément contribué à massifier le crédit
aux micro-entrepreneurs et à étendre
sa couverture géographique. Malgré ces
avancées considérables, différentes cri-
tiques ont émané sur le mode de fonc-
tionnement de ce fonds, notamment de
la part des ONG locales. Celles-ci repro-
chent au Fosis de recourir à des critères
de sélection de nature économique en
ce qui les concerne alors qu’elles s’at-
taquent à un segment de clientèle non
desservie par les banques car jugées
trop risquées. Du côté bancaire, l’octroi
de subsides au Banco del Estado (ban-
que publique) est jugé comme une c o n -
currence déloyale puisque l’État se
subsidie lui-même.
Quel enseignement
tirer ?
On peut s’interroger sur la pertinence
d’un tel mécanisme de subventionne-
ment. La politique d’appels d’offres chi-
lienne est certes discriminante et favo-
rise les institutions ayant atteint un vo-
lume d’activité très important et pou-
vant dès lors offrir des conditions de
prêts plus avantageuses. L’attention est
portée davantage sur l’efficience d e s
institutions de microfinancement (re-
cherche de minimisation de coûts) que
sur l’efficacité des programmes (satis-
faction par rapport à des objectifs d o n -
nés, notamment d’insertion sociopro-
fessionnelle et de réduction de la pau-
v r e t é ) . Par ailleurs, l’appui à quelques
institutions limite la compétitivité du
secteur.
En revanche, le financement de l’État a
permis de financer les coûts d’appren-
tissage des banques engendrés par la
nécessaire adéquation de leur métho-
dologie et technologie aux spécificités
des micro-entreprises et d’attirer ainsi
ce type d’intermédiaire financier sur le
marché du microcrédit. Mais, à notre
sens, le gouvernement chilien devrait
adopter une stratégie d’appui différen-
ciée selon les institutions de microfinan-
cement : considérations d’eff i c i e n c e
pour les banques et d’efficacité pour
les ONG et les coopératives lorsque
des objectifs de développement sont
poursuivis dans des contextes particu-
liers (faible densité de population, ins-
trument financier novateur, cible spé-
cifique, etc.).
Quel enseignement pouvons-nous ti-
r e r ? Cette expérience a permis de mon-
trer que les pauvres sont «b a n c a b l e s »
et qu’il est possible d’intéresser certai-
nes banques à ce segment de clientèle.
Les pouvoirs publics belges pourraient-
ils s’inspirer de ce système pour con-
vaincre les banques de s’adresser aux
personnes qu’elles rejettent habituelle-
ment à cause du manque de fonds pro-
pres, d’absence de garantie matérielle
ou des faibles montants demandés ?
Une grande différence entre la Belgi-
que et le Chili réside dans la demande.
Le nombre de micro-entreprises en Bel-
gique est beaucoup plus faible et le de-
gré de bancarisation plus élevé. Il im-
porte dès lors avant tout de se deman-
der quelle est l’ampleur des besoins en
matière de microcrédit chez nous. Et
de se rappeler que, dans tous les cas,
les banques ne s’y intéresseront pas si
cette activité n’est pas perçue comme
rentable pour
elles. Au Chili, la rentabilité de
cette opération a, certes, été facilitée
par les subsides, mais c’est aussi l’im-
portance de la demande qui a motivé
les banques à procéder aux adapta-
tions technologiques et méthodologi-
ques nécessaires. Par ailleurs, il con-
viendrait de réfléchir au rôle respectif
des banques et des organisations ap-
partenant au secteur de l’économie so-
ciale sachant que le risque d’écrémage
par les banques est grand.
Valérie de Briey
Docteur en sciences de gestion
(4)
chercheuse senior au CERISIS-UCL,
dans la cellule ‘économie sociale’.
(1) PET (2003), «Crédito a la microempresa en
Chile : una revisión cualitativa (1991-2001)»,
Santiago, Enero.
(2) Cet organisme gouvernemental
dépend du ministère de la Planification
et de la Coopération (Mideplan).
Il a pour mission de participer à la lutte
contre la pauvreté.
(3) Le Sercotec est une institution publique
dont la mission est de promouvoir
le développement des petites et
micro-entreprises et de renforcer les capacités
de gestion de ses entrepreneurs.
(4) Valérie Briey a soutenu sa thèse
de doctorat en juin 2003 après avoir séjourné
plus de deux ans à Santiago.
Sa thèse s’intitule «Élaboration d’un cadre
d’évaluation de la performance d’institutions
de microfinancement : études de cas
à Santiago (Chili)».
11
DOSSIER
TRAVERSES 182 • août 2004
Sud. Des leçons pour le Nord ?
Auparavant, ces unités économiques
étaient le plus souvent qualifiées de
«secteur informel », d’« économie de
s u b s i s t a n c e », d’« organisations d’éco-
nomie populaire», etc. Ce changement
de terminologie reflète une prise de
conscience des autorités publiques de
l’intérêt de ce secteur productif pour
l’économie nationale. Dans des contex-
tes économiques difficiles, les micro-
entreprises représentent une alternative
d’emploi pour un grand nombre d’indivi-
d u s cherchant à faire face aux néces-
sités économiques de base.
Des intermédiaires
spécialisés
Parmi les multiples contraintes aux-
quelles les micro-entreprises sont con-
frontées, la difficulté d’accès aux sour-
c e s de financement extérieures repré-
sente une des entraves principales à
leur bon fonctionnement. Elles ont en
effet besoin d’un capital suffisant pour
financer leurs équipements, leurs achats
de fournitures, matières premières, etc.
Au Chili, différentes institutions de micro-
financement sont apparues à la fin des
années 80 pour pallier ce manquement.
De nombreuses ONG, appuyées par
la coopération internationale, ont ainsi
vu le jour. Ces organisations s’auto-
identifient comme acteur de développe-
ment et mènent des stratégies de lutte
contre la pauvreté. Àcôté de celles-ci,
quelques coopératives d’épargne et de
crédit se sont également constituées.
La méthodologie de ces acteurs repose
sur les principes de l’économie soli-
d a i r e :la finalité de service aux mem-
bres et à la collectivité, la construction
conjointe de l’offre et de la demande
basée sur la confiance et la proximité
géographique et culturelle, etc.
Dans les années 90, deux banques
privées et une publique sont apparues
sur le marché. À elles trois, elles cou-
vrent aujourd’hui près de 80% du vo-
lume de prêts aux micro-entrepreneurs.
Leur percée sur le marché s’est faite au
détriment des autres acteurs locaux
(ONG et coopératives) qui ont connu
des difficultés financières majeures à
la suite conjointement d’une diminution
des fonds en provenance de la coopé-
ration internationale et du soutien plus
important accordé aux banques par les
pouvoirs publics nationaux. Celles qui
persistent, tentent de rester au service
d’une population pauvre et rejetée par
les banques.
Intervention publique
particulière
L’intérêt des banques pour les micro-
entreprises n’aurait pas été possible
sans l’intervention du Fosis (Fonds de
solidarité et d’investissement social)
( 2 )
,
mis en place par le gouvernement chi-
lien au début des années 90 et trans-
féré depuis 2003 au Sercotec (Service
d e la coopération technique)
( 3 )
. Ce
f o n d s permet l’octroi d’un subside aux
intermédiaires financiers sélectionnés
par crédit accordé aux micro-entrepre-
neurs afin de permettre aux intermé-
diaires financiers de couvrir leurs coûts
opérationnels considérés élevés compte
tenu du faible montant demandé et de
la méthodologie d’évaluation à mettre
en place. Les institutions financières
sont sélectionnées par appels d’off r e s .
Par ce mécanisme, le gouvernement
cherche à garantir la pérennité du mar-
ché du microcrédit.
Les microcrédits subsidiés par le Fosis
entre 1991 et 2000 totalisaient environ
2 2 5 000 opérations, dont 170 000 au
Microcrédit
au
10
DOSSIER
L’expérience de
microcrédit vécue à
Santiago pose question
chez nous. La Belgique
pourrait-elle s’en inspirer
pour convaincre les banques
à s’adresser aux personnes
qu’elles rejettent
habituellement ?
e concept de « m i c r o -
e n t r e p r i s e » est apparu
au Chili au début des
années 90 sous l’impulsion de la coopé-
ration internationale. Son but ? Qualifier
des unités économiques caractérisées
par la production de biens ou de servi-
ces à petite échelle, au capital restreint,
aux technologies relativement précaires
et occupant essentiellement de la main-
d’œuvre familiale. Les micro-entrepri-
ses recouvrent un secteur extrêmement
hétérogène quant aux activités pour-
suivies (petits bazars, commerces ambu-
lants, artisans, taxis, etc.). Un grand nom-
bre d’entre elles opèrent en marge d e s
règles administratives et légales. La
quantification de ce secteur est, par con-
séquent, difficile. On estime que le Chili
compte de l’ordre de 732 000 mic r o -
entreprises, ce qui représente plus d e
8 5 % des entreprises chiliennes. Malgré
leur nombre, ces dernières contribuent
à peine à 4% du PIB (PET, 2003)
(1)
.
L
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