
p. 4 < Le Médecin de France I n° 1187 I 31 MAI 2012
Comme prévu, la nomination de Jean-Marc Ayrault à Matignon et de Marisol Touraine
aux affaires sociales confirment les axes de campagne de François Hollande
pour la santé. Partisane de la négociation, la nouvelle équipe veut restaurer
un « service public de santé » et « lutter contre les inégalités d’accès aux soins. ».
D’abord pris par le calendrier international, François
Hollande ne veut visiblement pas perdre de temps. Les
passations de pouvoir de son gouvernement illustrent
l’allure qu’il veut donner au début de son quinquennat:
sobre, sans dorures ni fioritures. Bref, un gouvernement
«normal» qui compte appliquer «de façon normale»
le programme du candidat élu. Au ministère de la santé,
elle n’aura duré que quelques minutes, le matin du jeudi
de l’Ascension. Sans ostentation, Xavier Bertrand aura
passé le témoin à Marisol Touraine, lui souhaitant « de
réussir dans un ministère passionnant, exigeant, où il n’y
a ni week-end, ni vacances.» Les deux protagonistes ont
notamment évoqué «les confrontations qui ont pu les
opposer», l’un sur le banc des ministres et l’autre parmi
les parlementaires les plus assidus sur les questions so-
ciales et les sujets liés à la santé. La nomination de Ma-
risol Touraine, chef du pôle Social-Santé durant la
campagne de François Hollande était attendue et quasi-
certaine depuis plusieurs semaines. Et elle hérite d’un
«gros» portefeuille, qui inclut les Affaires sociales et la
Santé. Le challenger le plus sérieux, Jean-Marie Le
Guen, reste marqué par sa proximité avec Dominique
Strauss-Kahn. Signe que la santé devrait être au cœur
de ses préoccupations, la nouvelle ministre installera
son bureau avenue Duquesne, alors qu’elle aurait pu
«préempter» la rue de Grenelle. De même, l’absence
de secrétaire d’Etat pour le secteur de la santé, contrai-
rement aux autres pour lesquels elle est entourée de
3 ministres délégués, montre quelle mènera personnel-
lement ce dossier malgé les nombreux chantiers qu’elle
devra mener de front. La première urgence s’annonce
du côté des retraites, avec la promesse de la retraite à
60 ans pour les salariés ayant 41 annuités de cotisations.
Priorité à l’hôpital
Pour autant, Marisol Touraine aura tenu à réserver sa
première sortie, dès le soir même, à l’hôpital de Saint-
Denis. «Je veux redonner des perspectives à l’hôpital
public » a-t-elle déclaré insistant notamment sur la
nécessité «de renforcer et conforter les relations entre la
médecine de ville et l’hôpital.» Elle a annoncé que «plu-
sieurs mesures seraient prises pour l’organisation et le
financement qui montreront que nous reconnaissons plei-
nement le service public hospitalier.» Elle devait notam-
ment songer à la fin de la convergence tarifaire, promise
en 2013 par François Hollande. Quelques jours plus tard,
à l’occasion de l’inauguration d’Hôpital Expo, elle devait
détailler son action à l’occasion de son premier discours
officiel sur la santé. Marisol Touraine a ainsi pris quatre
engagements: accès aux soins, rôle central de l’hôpital
public, «pacte de confiance» avec le personnel hospi-
talier, renforcement et amélioration des parcours de
soins. Sur le premier point, elle a déjà posé un calendrier
exigeant : mettre en place une négociation avec les
organisations syndicales « dans le but de limiter les
dépassements d’honoraires.» Elle a rappelé l’objectif:
limiter le montant de ces dépassements, par spécialité
et par région. «Les résultats de cette négociation seront
intégrés dès le PLFSS 2013. A défaut de résultat, le gou-
vernement prendra ses responsabilités. La discussion
s’annonce déjà houleuse, certains responsables syndi-
caux citant les effets pervers, du type effet d’aubaine
d’une région à l’autre et nouveaux bouleversements
démographiques, sans parler de la complexité d’un tel
dispositif qui renouerait avec le maquis des tarifs régio-
naux abandonnés en 1971 avec la première convention
médicale.
Le casse-tête de l’ONDAM à 3%
Au-delà, la tâche s’annonce rude cet été, avec la prépa-
ration de la loi de financement de la Sécurité sociale rec-
tificative abrogeant la TVA sociale, puis surtout le
bouclage du PLFSS 2013, avec plusieurs milliards d’eu-
ros supplémentaires à trouver pour honorer la promesse
d’un ONDAM à 3%. L’exercice est d’autant plus périlleux
que l’évolution de la masse salariale est moins favorable
que prévu cette année. Le gouvernement parviendra-t-il
à dégager des recettes supplémentaires en supprimant
les niches sociales et en préparant un plan «drastique»
d’économies, en particulier sur le médicament?
POLITIQUE DE SANTÉ
Où va François Hollande ?
Dossier
Marisol Touraine, une femme « de tête » à Ségur
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Pour son premier poste ministériel, Marisol Touraine hérite d’un poids lourd dont la conduite est
rarement proposée aux jeunes conducteurs. A 53 ans, la fille du sociologue Alain Touraine affiche
déjà un parcours universitaire sans faute: Normale Sup, Harvard, Agrégation d’économie… En
politique, elle a su remonter la pente, en gagnant d’abord en Indre-et-Loire en 1997, en perdant
son siège en 2002 puis en le retrouvant en 2007. Présidente du Conseil général d’Indre-et-Loire
depuis 2011, elle s’est fortement impliquée sur les sujets sociaux depuis cinq ans, particulièrement
présente dans les interpellations du gouvernement. Elle est la principale inspiratrice du
programme santé de François Hollande. Durant la campagne, elle aura martelé les thèmes de
«la restauration d’un service public de santé», la «lutte contre les inégalités d’accès aux soins»
mais aussi «le respect du dialogue avec les corps intermédiaires». Surtout, elle s’est appliquée
à «dédiaboliser» le Parti socialiste redouté pour ses positions hospitalo-centrées par les libéraux,
notamment devant le CNPS. C’est sur pièces, donc, qu’on pourra constater de sa capacité à appli-
quer le programme présidentiel sans «braquer» les professionnels de santé.