De vous à moi - Sciences Po Toulouse

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IEP de Toulouse
De vous à moi : l’User-Generated Content dans les stratégies de
communication des marques
Mémoire préparé sous la direction de M. Jean-Marc Décaudin
Présenté par M. Loïs Della Valle
Année universitaire 2015/2016
!1
Remerciements
Merci au professeur Jean-Marc Décaudin pour avoir accordé à ce travail le temps nécessaire
à son bon déroulement et su motiver sa réalisation au cours de l’année passée.
Merci à Sylvie Della Valle pour avoir corrigé patiemment mes errements orthographiques et
pour m’avoir accueilli dans son bureau au mois d’août.
Merci à Thibault, Anne, Agathe, Camille et Jeanne pour s’être montré des alliés précieux lors
des moments de doute et ceux passés le week-end à la bibliothèque.
Merci à Landor Paris de m’avoir accordé des vacances prolongées afin de mettre le point
final à ce mémoire avant d’entrer dans la vie professionnelle. !2
Table des matières
Introduction
5
I. Mise en place du contexte théorique et technique d’apparition des UserGenerated Contents : l’avènement de l’individu.
10
I.A. De la fin du XIXème siècle aux années 50 : le public comme récepteur
10
I.A.1. La disparition de l’individu dans la foule
10
I.A.2. Le contrôle de la foule: un fantasme de communicant
13
I.A.3. L’influence de la recherche motivationnelle sur la réflexion publicitaire
15
I.A.4. Le public réhabilité
17
I.B. Le planning stratégique : la compréhension des individus à la source du processus de
création de la publicité
19
I.B.A. La création du planning stratégique et du métier de planneur
19
I.B.2 L’insight : la vision du consommateur au coeur de l’appareil stratégique publicitaire
22
I.C. L’innovation technologique à la source de l’essor des User-Generated Contents
24
I.C.1. Préhistoire des User-Generated Contents : la co-production de contenus avant l’ère du WEB 2.024
I.C.2. L’explosion des User-Generated Content : une conséquence directe de la « socialisation » du
numérique
26
II. Les propriétés communicationnelles des UGC : confiance, différence,
engagement.
32
II.A. UGC : la confiance en d’autres « soi »
32
II.A.1. Les publicités créées à partir d’UGC (User-Generated ads) sont perçues comme plus sincères que
les publicités traditionnelles
32
II.A.2. Millennials, confiance et UGC
35
II.B. UGC : une approche différentiante de la publicité
37
II.C. UGC : champion de l’engagement
38
II.D. UGC : un outil de rapprochement du consommateur et de la marque
42
!3
III. Les usages publicitaires de l’User-Generated Content par les marques.47
III.A. Mieux comprendre le consommateur pour mieux s’adresser à lui : l’UGC en amont
de la communication
47
III.A.1. La première utilisation de l’UGC : mesurer et comprendre l’image d’une marque auprès du public
47
III.A.2. La recherche d’Insights et de tendances
50
III.B. L’UGC dans la publicité : comment mettre à profit les propriétés intrinsèques aux
contenus utilisateurs dans une campagne
52
III.B.1. Branding et User-Generated Content : rendre la marque à ses consommateurs et employés
52
III.B.1.a. Airbnb et son logo participatif
52
III.B.1.b West Elm : le Look & Feel optimisé pour l’engagement
53
III.B.2.c. NAVBLUE : le « Employee-Generated Content »
54
III.B.2. Publicité et UGC : mettre l’utilisateur au premier plan
55
III.B.2.a Outdoor : Burger King - Angry Tweets 55
III.B.2.b TV : Doritos - Crash the SuperBowl
56
III.B.2.b Merchandising/PLV : Amazon - Bookstore
57
III.C. UGC : les limites d’un contenu « amateur »
58
II.C.1. Une « utilité marginale décroissante » des UGC
58
III.C.2. La critique de l’exploitation des utilisateurs
60
III.C.3. User-Generated Content et cohérence du discours des marques
62
Conclusion
64
Bibliographie
66
Ouvrages et articles
66
Sites
68
Annexes
70
Table des figures
70
Time’s Person of the Year : You.
71
Questionnaire
72
!4
Introduction
Chaque année depuis 1927, la dernière semaine de l’année est l’occasion pour le Time
Magazine de désigner sa « Person of the Year ». Cette dernière se veut représentative à la fois de
l’année en cours, et son action un prélude de celles à venir. Une photographie d’où le monde se
trouve, et d’où il se dirige1 . À titre d’exemple, parmi les plus célèbres d’entre-elles on trouve Hitler
en 1938 et Mikhaïl Gorbatchev en 19892.
En 2006 le Time crée la sensation en désignant « Person of the Year » les millions de
contributeurs anonymes d’internet. La couverture met en scène un moniteur IMac sur lequel on
distingue le lecteur vidéo propre à la plate-forme de partage de vidéos YouTube. Au milieu, le mot
« You.3 ». Le lecteur vidéo étant imprimé en papier réfléchissant, n’importe quel lecteur du
magazine regardant la couverture se voyait portraire comme la personne de l’année du magazine4 .
Dans l’éditorial du numéro, l’auteur américain Lev Grossman détaille les raisons qui ont
poussé l’hebdomadaire à faire ce choix. Pour lui, ce numéro rend hommage aux débuts du Web
participatif. Celui où chacun est libre de publier un article de blog sur sa rupture amoureuse ou une
vidéo de son iguane domestique5 . Surtout, c’est l’incroyable créativité de la communauté des
internautes qui est récompensée : celle qui a permis les débuts de Wikipédia, YouTube, MySpace, et
qui ouvre la voie à tout ce qu’est devenu et continue de devenir Internet aujourd’hui.
Le point commun à toutes les nouvelles idées, à tous les nouveaux usages suggérés par ce
« You. », c’est le User-Generated Content. Ce dernier porte selon les circonstances plusieurs noms :
User-Generated Content, User-Created Content, Contenu Généré par les Utilisateurs etc. Par ces
différentes expressions on entend, selon le rapport de l’OCDE dédié, « un contenu rendu librement
public sur internet, dénotant d’un certain effort de création et généré dans un contexte nonprofessionnel ». En conséquence, nous entendrons ici par User-Generated Content, ou par Contenu
1
Time Magazine, Accédé 16/08/2016, disponible : http://time.com/3626016/person-of-the-year-faq/
2
Wikipédia, Accédé 16/08/2016, disponible : https://fr.wikipedia.org/wiki/Personnalité_de_l
%27année_selon_Time_Magazine
3
Toi / Vous en anglais.
4
La couverture est disponible en annexe.
5
Time Magazine, Accédé 16/8/2016, disponible : http://content.time.com/time/magazine/article/
0,9171,1570810,00.html
!5
Généré par les Utilisateurs tous types de contenu (texte, image, vidéo son) créé par des amateurs
(dont ce n’est pas le métier de produire ce contenu) et disponible au public sur internet (UGC).
L’UGC nous intéresse ici lorsqu’il est employé dans le cadre des stratégies de communication
des entreprises et par extension dans la publicité. Par là nous comprendrons dans ce qui suit
l’ensemble des actions de promotion de la vente d’un produit ou d’un service en exerçant sur le
public une influence, une action psychologique afin de créer en lui des besoins, des désirs. Cette
publicité pouvant être produite ou encadrée par l’entreprise directement, ou par un agence entendue
comme un service dans lequel on cherche des moyens pour faire connaître, vanter des produits et
par lequel on élabore les supports servant ces buts6.
Ces différents agents et sujets, nous les analyserons dans un cadre chronologique défini d’une
part par l’apparition de la publicité dans le sens contemporain que nous venons de définir, à la fin
du XIXème siècle, et de l’autre par l’actualité. L’accent sera porté sur la période succédant à
l’apparition du WEB 2.0, l’étude des UGC étant rendue plus pertinente et intéressante une fois leur
usage largement répandu autour du monde7.
La réflexion portée par ce mémoire s’articule donc autour des usages des User-Generated
Contents dans les stratégies de communication des marques. Si nous nous intéresserons à ce sujet,
c’est pour plusieurs raisons qui fondent son intérêt particulier. D’une part, parce que l’usage
aujourd’hui des UGC par les marques et leurs agences dans leurs stratégies de communication n’est
pas anodin. Il marque en effet le point de jonction entre différents courants théoriques, pratiques et
techniques à l’oeuvre depuis la fin du XIXème siècle. En cela, l’utilisation des UGC est intéressante
à observer dans la mesure où elle nous offre l’opportunité d’analyser comment, au fil du temps, le
public est défini, envisagé puis adressé par les marques.
D’autre part, l’UGC est considéré en tant qu’une forme particulière de publicité. En cela, il
doit être appréhendé en regard des autres formes traditionnelles de publicité. Nous comprenons par
traditionnelles l’ensemble des formes de publicités ne faisant pas appel aux UGC mais à des
contenus créés artificiellement par des entreprises ou des agences pour leur usage en
communication. C’est en contraste avec ces formes plus usuelles de publicité que l’UGC révèle ses
aspérités et dessine les contours de ses propriétés communicationnelles extraordinaires (au sens
6
définitions du dictionnaire en ligne Trésor de la Langue Française
7
Nous y reviendront dans notre développement.
!6
propre du terme). Car si l’étude des UGC est clef, c’est aussi pour mieux comprendre quelles voies
s’ouvrent aux entreprises pour optimiser leurs stratégies de communication et atteindre leurs
audiences plus largement, plus intensément et plus intelligemment. L’un des défis les plus prégnants
du communicant aujourd’hui est de réussir à communiquer efficacement avec les Millennials
(entendus ici comme la génération née entre 1980 et 2000). Or, il apparaît que ces derniers ne
réagissent pas à la publicité, et plus généralement aux marques comme le faisaient leurs parents les
baby-boomers. Leur engagement dans la consommation est à la fois plus volage et plus loyal, plus
intense et plus rapide : en un mot, plus paradoxal8. Cependant, des points de saillance apparaissent,
desquels les marques peuvent s’inspirer pour mieux atteindre ces individus : le besoin d’une
conversation, d’être mis en valeur, d’être reconnu par les marques élues pour être consommées9.
Justement, l’UGC semble être un outil particulièrement efficace pour activer ces leviers.
Enfin, par essence, l’UGC est un contenu amateur. Étudier son utilisation par les marques,
c’est donc s’intéresser d’une part à la réception que font les individus d’un contenu produit par l’un
d’entre eux pour une entreprise : l’image de la marque en est-elle améliorée, dépréciée ? ; mais
aussi s’intéresser à la part d’imprévisibilité que les marques sont prêtes à autoriser dans leur
communication. Indubitablement, la prochaine génération de consommateurs, et déjà les
Millennials, recherchent davantage d’authenticité de la part des entreprises et de leurs marques.
L’UGC en est un médium privilégié, mais au prix de l’absence de contrôle que suggère l’utilisation
de contenus créés par et pour des individus dont ce n’est pas l’activité professionnelle. S’intéresser
aux UGC, c’est tenter de déceler ce qui rend une marque authentique dans l’oeil du consommateur :
en terme de publicités et de leur message, mais aussi en regard des méthodes utilisées par les
entreprises pour dialoguer avec leur audience.
De manière générale, notre travail tentera donc d’identifier par quels mécanismes les
propriétés particulières des User-Generated Content ont rendu leur utilisation pertinente
dans les stratégies de communication contemporaines, et sous quelles formes.
Pour répondre à cette question nous nous appuierons sur la littérature présentée en
bibliographie de ce texte, et sur une enquête de terrain menée par nos soins. Celle-ci se compose :
8
Landor, accédé le 16/08/2010, disponible : http://landor.com/thinking/the-millennial-paradox-a-generation-uncovered
9
BARTON Christine, KOSLOW Lara, BEAUCHAMP Christine, The Reciprocity Principle, How Millennials are
changing the face of marketing forever, The Boston Consulting Group, 2014.
!7
• D’une analyse sémiologique de la campagne « World Gallery: Shot on IPhone 6 »,
dévoilée par la marque Apple en 2014 et renouvelée régulièrement depuis. Cette
campagne a utilisé les UGC dans la mesure où tous les visuels utilisés et affichés dans
les centres-villes et publiés sur le site internet d’Apple sont des photos prises par des
clients de la marque à l’aide de leur IPhone 6.
• D’un questionnaire administré à un panel composé de 123 personnes, portant
sur
l’utilisation des UGC dans les campagnes de communication en général et sur cette
dernière campagne en particulier. Le panel dénote une surreprésentation des Millennials
(étudiants pour la plupart) dans sa population (84/123). Les résultats sont donc présentés
en regard de cette imperfection lorsque celle-ci est pertinente dans l’analyse des
résultats.
• De deux entretiens réalisés auprès de Léa Bory, ancienne stagiaire chez Linkfluence,
une entreprise chargée de sonder la réputation des marques sur les réseaux sociaux et de
proposer un support aux plannings stratégiques des agences pour nourrir leur réflexion
et les informer sur les tendances de société en cours. Léa Bory était, au moment de nos
entretiens, stagiaire au planning stratégique digital de l’agence Landor Paris. Le premier
entretien portait sur ses activités au sein de Linkfluence et de son travail au contact des
UGC. Le second entretien portait sur son comportement de consommatrice Millennial et
sur l’influence que peuvent avoir les UGC (notamment les chaînes YouTubes auxquelles
elle est abonnée) sur ses propres choix de consommation.
• D’un entretien avec Nicolas Divet, stagiaire à deux reprises dans une entreprise « en
stratégie de communication digitale
10»
(il ne souhaite pas qu’il soit fait mention du
nom de l’entreprise ici : n’y travaillant plus, ses propos n’engagent que son propre
jugement). Son entreprise s’occupait notamment de la surveillance et de la gestion de la
réputation de personnalités publiques et privées en ligne, particulièrement sur les
réseaux sociaux.
Pour analyser chacun des enjeux soulevés par notre problématique, notre réflexion s’articulera
en trois temps. Notre première partie s’attachera à montrer comment l’usage contemporain des
UGC dans les stratégies de communication des marques est symptomatique d’une triple évolution.
10
C’est la formule qu’il m’a demandé d’utiliser ici.
!8
Celle, d’abord, des consciences : une maturation des esprits fait parvenir l’individu jusqu’au devant
de la scène après l’avoir longtemps dissimulé derrière l’éclat aveuglant de la foule à laquelle on lui
prête, il y a cent ans encore, une allégeance trompeuse. C’est à ce prix que l’individu et son pouvoir
de création est devenu une échelle pertinente d’analyse autant que de réception, mais aussi de
création des campagnes de publicité actuelles. Cette première partie est également l’occasion de
montrer comment ce contexte théorique, toile de fond d’un siècle de sciences sociales, produit des
effets jusque dans l’organisation des agences de publicité. En ce sens, ces transformations anticipent
les prémices de l’internet participatif, où l’individu apparaît comme maître tant de ce qu’il fait que
de ce à quoi il s’expose. Nous aurons également l’occasion de nous attarder sur la manière dont ce
dernier jalon a accéléré le temps de l’UGC.
Notre seconde partie concentre la focale autour de l’objet d’analyse que représente l’UGC.
Plus précisément, elle nous permettra d’en analyser les propriétés communicationnelles
particulières en les mettant en perspective vis à vis des formes traditionnelles de publicité. Cette
partie est ainsi l’occasion de faire apparaître à la fois dans quels domaines les UGC sont des outils
puissants au service des marques, mais aussi de montrer comment les différences de réception de la
publicité entre les générations résonnent puissamment à l’heure de les confronter à l’UGC.
Enfin , notre troisième partie teinte notre réflexion d’empirisme et tente de dessiner les
contours de l’utilisation de l’UGC par les marques aujourd’hui. Cette dernière n’est pas univoque,
ce sera l’occasion de décrire le nombre des usages qui peuvent être faits de l’UGC au services des
marques et de la relation qu’elles entretiennent avec leurs consommateurs. Ce sera aussi le temps de
revenir sur les limites que rencontrent à ce jour ces usages, et sur les questions que continuent de
soulever l’utilisation des UGC dans les stratégies de communication des entreprises. !9
I. Mise en place du contexte théorique et technique
d’apparition des User-Generated Contents :
l’avènement de l’individu.
Dans cette première grande partie, nous montrerons que l’essor aujourd’hui des UserGenerated Contents est le résultat d’une évolution, d’abord de l’appréhension théorique du
phénomène de la masse et du processus communicationnel dans son ensemble (A), de ses
répercussions dans le champ publicitaire (B) et enfin de nouvelles possibilités matérielles permises
par l’invention du WEB 2.0 (C).
I.A. De la fin du XIXème siècle aux années 50 : le public comme
récepteur
I.A.1. La disparition de l’individu dans la foule
La dernière décennie du XXème siècle est une période clef pour comprendre comment s’est
construite l’idée du public dans l’esprit des premiers publicitaires. Le tournant du siècle éclaire
notamment l’angle sous lequel les publicitaires envisageront les consommateurs dans leur réflexion
stratégique au cours du demi-siècle suivant. Les individus sont alors considérés avant tout comme
membres de la masse. L’enjeu, dès lors, n’est pas d’écouter où de convaincre les individus, mais de
comprendre les ressorts psychologiques cachés qui vont permettre de les persuader.
Dans une période très courte, la société change de visage et un nouvel acteur fait son
apparition sur la scène du jeu social : la masse. En l’espace d’un siècle, la population européenne
double, atteignant 400 millions à l’orée du XXème siècle11. La révolution industrielle concentre les
populations autour des villes, qui deviennent les nouveaux centres de l’économie. Ainsi, la
démographie de Paris passe de 700 000 habitants à la Restauration, à plus de 2 millions en 1901
(elle triple en 80 ans)12. Parallèlement à cette envolée démographique permise par le développement
de la science et de la médecine, un autre révolution est à l’oeuvre : l’alphabétisation. Entre 1850 et
1930, le taux d’illettrisme en France passe de 50% à 10%13. Ces nouveaux lecteurs encouragent le
11
BAISNEE Olivier, Cours de Comportements Politiques, Sciences-Po Toulouse, 2015
12
Ibid
13
Ibid
!10
développement de la presse écrite, qui tire en 1914 à 14 millions d’exemplaires par jour et n’est plus
lue uniquement par les élites14.
La Presse devient en cela le
premier média de masse.
Cependant, l’avènement de
cette masse nouvellement
éduquée inquiète. Elle représente
pourtant pour les entreprises un
énorme potentiel économique, et
donc un défi d’ampleur pour la
publicité naissante.
De plus, sachant désormais
lire, elle est une cible privilégiée
des annonces passées dans les
journaux, ou des affiches qui
commencent à se développer en
France dans les années
187015,16,17. Cependant, personne
ne semble encore en mesure de
comprendre comment la foule
pense et se comporte. Impossible,
dans ces conditions, d’espérer la
contrôler ou d’exercer une
influence sur elle. C’est pour
tenter de répondre à ces
problématiques que certains
penseurs vont tenter de poser les
F1 : Du crieur à l’affiche
publicitaire
Le « poster » (de l’anglais
« post », qui désigne les
poteaux en bois permettant,
le long des chemins de fer,
d’y attacher des messages
publicitaires) connait un
grand succès en France au
tournant du siècle. Il est
encouragé par le
développement de
l’alphabétisation et des
techniques de lithographie en
grand format. Certains
artistes se font remarquer en
mettant leur talent au profit
de grandes enseignes de
l’époque. Les couleurs vives
et la qualité esthétique des
affiches animent les villes
nouvellement très peuplées,
tout particulièrement Paris.
bases d’une communication de
14
BAISNEE Olivier, Cours de Comportements Politiques, Sciences-Po Toulouse, 2015
15
En haut à gauche : Jules Chéret pour les Folies Bergères, 1889
16
En haut à droite : Toulouse Lautrec pour le Moulin Rouge, 1891
17 En
bas à gauche : Alphonse Mucha, Gismonda (avec Sarah Bernhardt), 1894
!11
masse, dont l’enjeu principal est de comprendre la foule afin d’être en mesure de la domestiquer.
Les premiers théoriciens de l’ochlocratie 18 attribuent plusieurs caractéristiques particulières à
la foule. Ces traits de caractère sont essentiels pour comprendre ensuite les formes prises par le
discours publicitaire au cours de la première moitié du siècle. Gustave Le Bon est l’un des premiers
intellectuels français à comprendre l’enjeu du contrôle des foules. L’un des points centraux de son
livre XXX se trouve dans la réification du phénomène de Foule. La Foule se pare ici d’une
existence propre : pour Le Bon, elle cesse d’être l’agrégat de ses participants et fonctionne plutôt
comme un seul être. La masse se présente au communiquant comme un interlocuteur unique, au
sein duquel se dissout l’individu. Un fois intégrées au sein de la foule, les préférences individuelles
s’effacent derrière les impulsions du collectif. Inutile alors de chercher à comprendre ce que
l’individu attend, dans la mesure où c’est la foule qui préside à ses désirs. Dès lors, le seul
interlocuteur du pourvoir politique, et par extension de tout acteur cherchant à diffuser un message à
vaste échelle, c’est la foule.
Les penseurs de la Foule dessinent cependant les contours d’un public bien spécifique.
D’abord, les individus perdent dans la masse ce qui fait d’eux des êtres doués de raison et d’esprit
critique. Dans Les lois de l’imitation, Gabriel Tarde appuie cette idée en décrivant la société de
masse comme un marionnettiste sous l’égide duquel l’individu est ramené à la condition de simple
somnambule. Les hommes qui participent de la foule perdent leurs capacités de perception
particulières, et n’analysent le monde qui les entoure qu’au travers du collectif qui les emmène19.
Cet aspect est clef pour comprendre pourquoi la publicité a longtemps oublié de s’adresser aux
individus pour ce qu’ils étaient, à savoir des être dotés de préférences individuelles hétérogènes.
Partir du constat que la cible du message est une vaste entité relativement cohérente dans ses
comportements, goûts et attitudes permet de simplifier énormément le problème du communiquant.
Si la foule suffit à décrire la population, elle devient la seule segmentation nécessaire et disqualifie
toute tentative de rapprocher la communication de l’échelle individuelle : pourquoi chercher à
comprendre l’individu si dès qu’il s’inscrit au sein d’un groupe, toute idiosyncrasie cesse d’opérer ?
18
L’ochlocratie: terme péjoratif, l’ochlocratie désigne une société dans laquelle la foule, la masse possède le pouvoir.
« Gouvernement où le pouvoir est aux mains de la multitude, de la populace » pour le Trésor de la langue française
informatisé. L’ochlocratie illustre une forme viciée de la démocratie qui décrédibilise du même fait cette dernière à une
époque où elle peine encore à s’imposer.
19
TARDE Gabriel, Les lois de l’imitation, Paris, Kimé, 1895
!12
La deuxième caractéristique forte de la masse, c’est son impulsivité. Plusieurs scientifiques de
la fin du XIXème siècle tentent chacun de faire de la science du comportement des foules. Sighele
par exemple, y voit une entité négative et délinquante20. Néanmoins, l’idée forte derrière les
théories de Le Bon et de Tarde est bien que la foule est un animal. Elle répond aux instincts les plus
primaires de l’esprit humain, qui font de l’homme une bête guidée par la violence et les émotions
plutôt que par la rationalité. Dès lors « qui connaît l’art d’impressionner les foules connaît aussi
l’art de les gouverner »21.
Là encore, l’argument scientifique permet de rendre la problématique publicitaire plus simple.
L’hypothèse de départ ici est que l’homme moderne, l’homme de masse est gouverné par ses
instincts. Cette approche a pour effet d’évacuer toute tentative de rationalisation du comportement
des consommateurs face à l’offre marketing. En effet, si la foule est imprévisible, colérique,
impétueuse, il paraît délicat d’essayer d’analyser les ressorts psychologiques attenants au choix
d’un produit ou d’un autre.
I.A.2. Le contrôle de la foule: un fantasme de communicant
Cette approche psychologisante de la société de masse, composée d’individus influençables,
s’appuie également sur la pensée nouvelle du béhaviorisme22 : on peut, par l’apprentissage et la
répétition, prévoir et surtout contrôler les réactions de la foule. L’individu, encore une fois, est
considéré comme une boîte noire23 qui répond à des mécanismes psychologiques qui le
conditionnent totalement. Si l’on parvient à comprendre les mécanismes psychologiques de la foule
ou d’une catégorie, on serait alors en mesure de la manipuler. En soumettant l’individu à des stimuli
particuliers, on peut prévoir et provoquer chez lui des réflexes spontanés et incontrôlables, dont
l’individu n’a parfois même pas conscience24.
Cette manière d’aborder l’explication du comportement des individus est l’écho des
publications scientifiques faisant loi dans les années 1940. La tendance des publications
scientifiques est alors à présenter l’action de communication sous un jour négatif. Particulièrement
20
SIGHELE Scipio, La foule Criminelle. Essai de psychologie criminelle, Félix Alcan, Paris, 1901
21
LE BON Gustave, Psychologie des foules, Félix Alcan, Paris, 1895
22
On date les débuts du béhaviorisme en 1913, année de parution de l’article de John Broadus Watson intitulé
Psychology as the Behaviorist Views it dans lequel il décrit les bases théorique du courant comportementaliste.
23
FISCHER Gustave-Nicolas, La psychologie sociale, Paris, Seuil, 2011
24
PAVLOV Ivan Petrovitch, Les réflexes conditionnés, PUF, 1977
!13
lorsqu’il est question de communication politique. L’essor et le règne des régimes totalitaires en
Europe occidentale a en effet eu une influence déterminante sur la manière dont les scientifiques
abordent la communication et particulièrement la communication politique dans les années qui
suivent. Les années 30 et le début des années 40 sont ainsi marqués par plusieurs ouvrages
participant à attester de la vulnérabilité des individus face à la propagande. Parmi eux, Harold
Lasswell bénéficie d’un écho puissant au sein de la communauté scientifique. Sa célèbre métaphore
de la seringue hypodermique est, à ce titre, très éclairante du point de vue behavioriste sur la
question de la foule et sa manière de réagir à la communication.
Dans son ouvrage Propaganda techniques in the World War 25, il analyse l’usage par le pouvoir
politique des moyens de communication de masse. C’est l’occasion pour lui de rationaliser le
contrôle de la foule par le pouvoir. Le schéma n’est donc pas si éloigné des travaux de Le Bon
mentionnés plus hauts : un émetteur tout-puissant, s’il fait oeuvre des bonnes techniques, peut
entendre contrôler la population et la dresser pour qu’elle réagisse d’une manière prévue à l’avance.
Lasswell décrit d’ailleurs le public en des termes qui laissent présager une conception non moins
élogieuse des capacités individuelles des individus : dans son texte, ces derniers sont en effet « « un
récepteur amorphe et manipulé » sous l’emprise d’une « seringue hypodermique » »26. Les
techniques d’influence du récepteur ne devraient donc pas s’appuyer sur ses capacités réflexives
rationnelles propres. Elle doivent lui préférer les ressorts émotionnels de la persuasion et de la
répétition pour parvenir à infuser l’idée au sein du public visé.
Serge Tchakotine est également un contributeur important du mouvement behavioriste. Il
publie en 1939 Le viol des foules par la propagande politique. Dans cet ouvrage, il tente lui aussi
d’expliquer et de comprendre les mécanismes régissant le comportement des masses. Son travail est
fortement influencé par la psychologie. Particulièrement, il isole quatre grandes impulsions
affectives primaires qu’il présente comme essentielles pour saisir la physique de la foule : l'attirance
sexuelle au sens large, la recherche de la sécurité et de la norme, l’agressivité et l'intérêt matériel
immédiat27. La persuasion repose donc en grande partie sur l’inconscient de la cible du message. Le
comportement de celle-ci ne dénotant finalement qu’une aliénation vis à vis de réflexes ancrés dans
l’esprit des individus qui la composent.
25
LASSWELL Harold D., Propaganda Technique in the World War, Martino Fine Books, 1938
26
Ibid
27
TCHAKHOTINE Serge, Le viol des foules par la propagande politique, Paris, Gallimard, Réédition 1992
!14
I.A.3. L’influence de la recherche motivationnelle sur la réflexion
publicitaire
Les conclusions et pistes de recherche du behaviorisme influencent énormément la façon dont
sont conçues les publicités au début des années 50. En témoigne par exemple le succès du livre de
Vance Packard The Hidden Persuaders28 . Celui-ci s’attache à expliciter comment les avancées en
recherche motivationnelle peuvent améliorer le rendement de la publicité. L’ouvrage devient
rapidement un best seller en dévoilant quelles méthodes psychologiques les agences de publicité de
l’époque utilisent pour persuader les audiences de leurs clients. La plupart de ces méthodes sont
basées sur les travaux d’Ernest Dichter. Ce dernier était un sociologue et marketing expert connu
comme le père de la recherche motivationnelle.
La recherche motivationnelle cherche de manière générale à appliquer les principes
récemment découverts en sociologie, psychologie et psychanalyse aux techniques de marketing.
Elle recourt souvent à des techniques propres à la sociologie pour appuyer sa méthode . Ernet
Dichter est ainsi célèbre pour avoir inventé l’expression « focus group ». Selon Packard, Dichter
avait par exemple pour habitude de rassembler des enfants devant la télévision et de leur faire
regarder des publicités. Pendant ce temps, des équipes de psychologues et de spécialistes du
marketing se réunissaient derrière une glace sans tain et observaient leurs réaction pour tenter de
déceler quelles images, quels stimuli parvenaient à les faire réagir.
Tout comme dans les recherches de Lasswell ou de Tchakotine, le comportement des
individus est encore une fois gouverné par l’irrationnel. Dans son livre The strategy of desire, publié
en 1960, Dichter écrit : « vous seriez surpris de découvrir combien nous nous mentons, à nous
même, peu importe à quel point nous nous pensons intelligents, quand nous tentons d’expliquer
pourquoi nous nous comportons tel que nous le faisons »29. Pour Dichter, nos réflexes d’achat sont
gouvernés par notre subconscient. La motivation est un iceberg dont nous ne distinguons que la
partie émergée mais dont les deux tiers échappent à notre vue.30
Cependant, les travaux de Dichter marquent une rupture avec l’image des consommateurs qui
prévalait jusqu’ici. Les travaux des théoriciens de l’ochlocratie, comme ceux des behavioristes,
28
PACKARD Vance, The Hidden Persuaders, Ig Edition, 1957
29
DICHTER Ernest, The Strategy of Desire, Martino Fine Books, 1960
30
The Economist, accédé le 12/11/2015, disponible : http://www.economist.com/node/21541706
!15
reposent sur l’idée d’un récepteur passif et influençable. La pensée de Dichter s’attache également à
comprendre comment l’inconscient gouverne l’acte d’achat. Néanmoins, comme le dit le Time dans
un article qu’il lui consacre, Dichter a construit son succès sur l’examen non pas de la manière dont
les gens devraient se comporter, mais de la manière dont ils se comportent effectivement31. Il
déplace donc l’objet du publicitaire. Ce n’est plus de
l’aliénation collective dont il est question, mais des
ressorts intimes de chaque individu. La foule laisse
place à l’individu dans l’esprit des annonceurs.
Pour preuve, Dichter est le premier à recourir à
des entretiens individuels approfondis. Ils lui
permettent de dévoiler les représentations que les
individus attachent à tel ou tel produit, et ensuite de
pouvoir conseiller adéquatement les annonceurs.
La pratique des entretiens qualitatifs mène
souvent Dichter à des découvertes qui changent en
profondeur le discours autour d’un produit. Le
premier contrat de Dichter en tant que conseiller
marketing concerne la société Ivory Soaps (une des
compagnies historiques de Procter & Gamble). Au
cours de ses interview, il découvre que le savonnage
est l’un des rares moments de plaisir égoïste des
femmes, particulièrement avant un rendez-vous
amoureux. Dans l’Amérique puritaine des années 50,
c’est l’une des rares occasions où un(e) américain(e)
peut se caresser sans se sentir coupable. C’est ce qui
mène à des slogans pour Ivory comme Enjoy a sudsy
Ivory Bath - It’s pure pleasure ! (F2 en haut32 ). De
même c’est sur ses conseils que le stick de rouge à
F2 : Deux exemples de publicités inspirées
lèvres adopte une forme plus phallique, pour donner à
des travaux de Dichter dans les années 50.
31
The Economist, accédé le 12/11/2015, disponible : http://www.economist.com/node/21541706
32
Publicité pour la marque Ivory Soap dans les années 1960
!16
ses utilisatrices une invitation inconsciente à la fellation et libérer une partie de la tension sexuelle
réprimée dans les années 50. (F2 en bas33).
I.A.4. Le public réhabilité
Les années 60 confirment la dynamique observée dans les années 50. Le consommateur
accède au devant de la scène en tant qu’individu complexe. La perspective héritée de la fin du
XIXème siècle selon laquelle le consommateur serait un agrégat homogène malléable par une
propagande répétée faisant appel à ses plus bas instincts disparaît peu à peu de la matrice
intellectuelle de publicitaires. Cette évolution trouve sans doute l’une des ses sources dans les
progrès effectués en matière de recherche en sciences sociales au cours des années 60.
Plus particulièrement, le courant des Cultural Studies mène la voie pour affiner encore le
processus de création publicitaire. En analysant en profondeur la réception des messages par ses
cibles, les théories de la réception enterrent définitivement le modèle unilatéral qui prévalait
jusqu’ici. Le récepteur du message se voit reconnaître un vrai rôle dans l’efficacité de celui-ci. Dès
lors, il n’est plus le réceptacle passif des tentatives de persuasions aliénantes des communicants,
mais le juge en dernier ressort de l’efficacité ou non d’une campagne à délivrer son message.
À cet égard, les travaux de Stuart Hall sont particulièrement éclairants. Dans son article
Coding, Decoding34, il pose les bases d’une communication à deux temps, qui rajoute un niveau de
complexité indispensable à la compréhension mutuelle d’un message. Jusqu’à présent, tous les
communicants partaient du principe que le message recevait une réaction binaire. Soit le message
est compris, intégré, et produit des effets allant dans le sens de son intention; soit à l’inverse, le
message n’est pas reçu et ne produit logiquement aucun effet. Ce système repose sur un à priori qui
va être détruit par les travaux de Hall : celui qu’émetteur et récepteur parlent le même langage.
Dans cette logique, lorsqu’un individu A émet le message « pomme verte » avec une pomme verte
en tête, le récepteur du message comprend « pomme verte » et ce message lui évoque exactement la
même image qu’à l’émetteur.
Pour Hall, ce n’est pas ce qui se passe. La communication repose sur deux moments distincts,
dans lesquels culture et idéologie jouent un rôle déterminant. D’une part, le moment du codage,
33
Publicité pour la marque Tangee dans les années 60
34
HALL Stuart, « Encoding/decoding », Centre for Contemporary Cultural Studies, Culture, Media, Language:
Working Papers in Cultural Studies, 1972-79 London, pp. 128-38
!17
quand l’émetteur confectionne son message. Pour Hall, le message créé n’est pas neutre : il est en
réalité vecteur de nombreuses méta-informations associées au message par l’émetteur lui même et
liées au milieu, à la culture et à la socialisation de l’émetteur du message. Le message est donc codé
d’une manière particulière, un système cryptographique reposant sur un système de valeurs établi et
des acquis moraux, politiques, sociaux etc. Le processus de réception est symétrique à celui de
l’émission. Le récepteur va décoder le message reçu en fonction de sa propre matrice sociale de
compréhension du monde. Ce double processus de codage et de décodage altère donc
considérablement la clarté du message transmis et produit un décalage important entre perception
attendue et perception réelle.
Hall va jusqu’à identifier des modèles particuliers de décodage. Le décodage hégémonique,
relativement rare, décrit une situation où le décalage de perception est faible. Le message est reçu
par le récepteur de la manière attendue par l’émetteur. Le décodage négocié est le plus fréquent. Il
consiste à comprendre de manière globale quel est le message transmis, mais à refuser certaines
parties du code d’émission. On peut imaginer un partisan de Nicolas Sarkozy assistant à une
intervention d’Alain Juppé : il est en mesure de comprendre le discours, mais sa grille de lecture lui
interdit d’en partager toute l’intention. Il accepte globalement le message mais refuse certains points
de l’analyse. Enfin, le décodage oppositionnel incarne l’inverse du décodage hégémonique. Dans ce
cas, le récepteur rejette complètement le message de l’émetteur, qui ne produit donc aucun des
effets attendus. Ici, on peut par exemple penser à un électeur du front de gauche qui assisterait à un
discours de Marine Le Pen. Sa grille de lecture rejette totalement le message et refuse même parfois
de le recevoir. Cette situation représente un extrême dans la mesure où elle empêche toute
communication sauf réaction violente de part et d’autre.
C’est aussi ce modèle qui peut expliquer aujourd’hui certaines des critiques les plus virulentes
adressées à l’industrie publicitaire. Les mouvemenst d’extrême-gauche par exemple, critiquent
souvent l’impératif de consommation inhérent à l’activité de publicité. De même, le machisme
présent dans certaines campagnes a aujourd’hui beaucoup plus de difficulté à passer inaperçu et fait
souvent les frais de nombreuses associations féministes ou du grand public. Ces critiques
témoignent à chaque fois du succès de Hall à célébrer la réflexivité de la réception, du pouvoir
qu’elle laisse au récepteur pour adhérer, ou non, au message qui lui est soumis.
!18
La pratique actuelle de la publicité marque l’aboutissement du processus de réhabilitation du
consommateur. Au départ, nous l’avons vu, ce dernier n’était que l’atome d’un groupe vaguement
théorisé et à l’imaginaire malléable. Les sciences-sociales et les progrès dans l’appréhension de la
complexité du schéma de communication d’après guerre lui permettent de sortir de l’aliénation en
reconnaissant la capacité des individus à s’approprier un message et à lui opposer une réaction
particulière.
Aujourd’hui, au sein des agences de publicité, le département d’études comportementales a
laissé place au département du planning stratégique. Ce dernier, plus que jamais, cherche à être la
voix du consommateur dans le processus de création de la publicité. L’enjeu est énorme : de Dichter
à Hall, tous ont montré combien l’efficacité d’un message dépendait de la compréhension préalable
que l’émetteur avait de la cible.
Après avoir montré comment l’évolution du contexte théorique a permis aux individus de
s’émanciper en tant que récepteurs actifs des messages, il est maintenant temps d’observer comment
l’organisation interne des agences de publicité retranscrit ce rôle nouveau dans le processus de
création de la publicité.
I.B. Le planning stratégique : la compréhension des individus à la
source du processus de création de la publicité
I.B.A. La création du planning stratégique et du métier de planneur
Difficile d’évoquer la place du consommateur dans le processus de réflexion publicitaire sans
évoquer le métier de planneur stratégique. En effet, ce dernier, au sein de l’agence ou chez
l’annonceur, se veut le porte parole du consommateur.
Les agences de publicité ont l’habitude d’utiliser des études sur les consommateurs depuis très
longtemps. C’est d’ailleurs par la publicité que Georges Gallup35, qu’on considère souvent comme
l’inventeur des sondages d’opinion, commence sa carrière : en 1932, il est recruté par Young &
Rubicam afin d’en diriger le département de recherche. Ce n’est pas un hasard : Young & Rubicam
est alors connu à New York pour appuyer son travail de réflexion créative sur des études de grande
35
Gallup.com, accédé le 12/11/2015, disponible le : http://www.gallup.com/corporate/178136/george-gallup.aspx
!19
ampleur afin de mieux comprendre ceux à qui elle destine ses messages. À cet égard, une de leurs
premières campagnes s’avère particulièrement révélatrice quant au potentiel que représente une
analyse pertinente du consommateur, et sa prise en compte dès les premiers instants de la réflexion
stratégique.
En 1923, l’agence remporte son premier budget avec les cafés Postum. Jusqu’ici, ces cafés
sans caféine occupaient un
positionnement para-médical.
Leur promesse principale : être
une solution contre les maux de
tête et le stress. Une campagne
utilisant ces thèmes s’étant soldée
par un échec retentissant, Y&R a
l’idée de faire appel à une étude
pour tenter de comprendre ce que
les consommateurs attendent du
café Postum. La réponse est
surprenante : loin d’en vanter les
vertus médicinales, le panel fait
surtout l’éloge du goût du café.
La campagne décide donc de
mettre le goût en avant, ainsi que
la sensation de plaisir attachée à
boire un bon café; qui plus est
lorsque celui-ci ne comporte pas
de « drogue » («real energy of
body building grain in place of
artificial energy borrowed from
the body’s own reserve by drug
stimulation »36 ). Les ventes qui
F3 : Publicité pour les cafés Postum signée par Y&R, 1923
36
WALKINS Julian, « The 100 Greatest Advertisements 1852-1958: Who Wrote Them and What They Did », Moore
Pub. Co, 1949
!20
étaient en déclin décollent37 et le slogan de Raymond Rubicam devient « des idées basées sur des
faits ».
Le développement des études mène vers la création d’un nouveau poste au sein du
département stratégie des agences de publicité, ou des départements marketing chez les annonceurs.
En 1968, au cours d’une séance de brainstorming chez John Walter Thomson, Tony Stead crée
l’expression "account planning". Derrière la formule barbare de « planification des comptes
clients » se cachent en réalité une idée simple : rassembler en une seule personne les responsabilités
dispersées jusqu’ici entre les responsables études, les services marketing et le media planning38.
C’est la naissance du planneur stratégique (account planner), chargé d’intégrer la recherche au
coeur du processus de création des publicités, en équipe avec le chargé de clientèle et les créatifs39.
Le métier commence à se propager sur la scène publicitaire anglaise, sous l’influence notamment de
Stephen King (John Walter Thomson) et de Stanley Pollit (BMP). La pratique s’exporte également
aux États-Unis grâce à Jay Chiat. Dès la fin des années 80, la fonction devient un « standard ». Son
efficacité n’est alors plus à prouver : en dix ans, l’agence de Jay Chiat et Guy Day (ChiatDay), en
Californie, voit ses recettes passer de 50 à 700 millions de dollars40. L’un de leurs plus grands
succès restant bien évidemment la publicité de lancement du Macintosh, 1984.
Analyser le travail du planneur stratégique donne un excellent aperçu de la place qu’occupe le
consommateur au sein du processus créatif des agences aujourd’hui. Surtout, son travail est
symptomatique de l’importance prise actuellement par les destinataires des campagnes dans la
conception et la production de celles-ci. Le planneur stratégique est aujourd’hui le véritable porte
parole du client dans l’agence. À ce titre, il est aussi le principal intéressé par ce que les UserGenerated Contents révèlent sur leurs créateurs, comme nous le verrons dans notre troisième partie.
Pour mieux comprendre comment le consommateur impacte la campagne, et mieux comprendre
ensuite comment les User-Generated Contents sont susceptibles d’intéresser les publicitaires, il faut
s’attacher à décrire comment les méthodes de travail du planneur stratégique décryptent les
préférences et les représentations des consommateurs.
37
Young & Rubicam, accédé 14/11/2015, disponible : http://www.yr.com/yr-history-look-early-years…and-beyond
38
TUNGATE Marc, Le Monde de la PUB, Paris, Dunod, 2009
39
VEKSNER Simon, Les grandes idées qui ont révolutionné la PUB, Paris, Dunod, 2015
40
Ibid
!21
I.B.2 L’insight : la vision du consommateur au coeur de l’appareil
stratégique publicitaire
Le premier outil du planneur, c’est l’insight consommateur. Au sein du champ publicitaire, la
définition précise du terme fait débat. Cependant, on peut discerner plusieurs points clefs qui
fondent toujours un bon insight. Pour Helen Edwards, un insight c’est « un éclair de lucidité dans
votre compréhension du mode de vie des gens, qui vous amène à de nouvelles manière de mieux
servir le consommateur41 ». La découverte d’un insight est donc un événement rare, qui oriente
résolument la campagne, et fonde le parti pris d’une marque et de son positionnement, ou la façon
de présenter un produit à son public. Pour le Publicitor, la définition est sensiblement plus précise :
« Un insight est la perception par le consommateur d’un problème ou d’un dilemme irrésolu sur la
catégorie de produits où la marque opère ». Si le planneur cherche des insights, c’est donc parce
que ceux ci traduisent une représentation particulière, un levier psychologique qui inhibe la
consommation d’un produit. Réussir à découvrir ses insights et parvenir à agir sur eux sont les deux
conditions pour activer les leviers de croissance inhérents à une offre de produit, grâce à une
communication adaptée. En un mot, comprendre un insight c’est parvenir à faire preuve d’une forte
empathie avec le consommateur, au point de voir le monde sous son jour à lui. Pour reprendre la
pensée de Hall, ce serait comme si l’émetteur pouvait anticiper le décodage du récepteur, et ciseler
son message en conséquence.
Un exemple d’insight : Le sommeil Pampers
L’exemple des publicités Pampers et du positionnement de la marque en elle même est un bon
exemple de ce qu’est un insight pertinent. Les publicités Pampers montrent comment la découverte
d’un nouvel insight peut influencer toute la prise de parole d’une marque et lui permettre de se
distinguer de ses concurrents en devenant d’un coup beaucoup plus pertinente auprès de ses cibles.
À l’origine, Pampers est un producteur de couches comme les autres. Pour justifier la vente de son
produit, l’entreprise basait donc son argumentaire sur le besoin évident auquel répondent les
couches : prémunir les jeunes enfants contre les fuites inopportunes au cours de la journée. Ici, le
problème auquel répond la marque est tellement évident qu’on peut même difficilement parler
d’insight. Il s’agit plus d’une réalité marketing à laquelle le produit vient répondre. L’insight est
41
http://www.marketingmagazine.co.uk/article/1193164/helen-edwards-true-meaning-customer-insight---whymarketers-treat-care « Une percée révélatrice dans la compréhension de la vie des gens qui ouvre de nouvelles
opportunités de mieux les servir»
!22
plus subtil. Tout comme Dichter
parvenait à saisir les implications
inconscientes derrière les
représentations d’un produit, il faut ici
dérouler la chaîne des bénéfices et des
usages du consommateur pour trouver
la corde sensible sur laquelle il sera plus
efficace de jouer.
Ainsi, pour se différencier de ses
concurrents, Pampers a décidé de faire
appel à la sociologie et à l’ethnologie
pour mieux comprendre ses
consommateurs. Au cours de l’enquête,
il est apparu que la préoccupation
principale d’une maison avec un bébé
F4 : Captures d’écran tirée d’un spot TV de la marque
Pampers
est très simple. Au delà d’un bébé
propre, ce qui occupait les pensées des jeunes familles, c’était le sommeil. Tout le monde en
manquait, et souvent à cause des accidents nocturnes du nourrisson. C’est souvent ainsi que se
présente un insight : une idée simple et évidente à la fois, mais qui éclaire sous un jour nouveau un
enjeu cher au consommateur.
En réaction à cette découverte, Pampers a développé une nouvelle gamme de couches
optimisées pour la nuit, et sa communication s’est entièrement tournée à promouvoir le « Golden
Sleep » que Pampers offre à ses clients, avec la réussite qu’on lui connaît désormais.
Pour identifier un insight pertinent, il faut donc s’intéresser au vécu du consommateur. La
démarche est tout a fait comparable à celle d’une enquête de sociologie. Le planneur stratégique
doit s’intéresser au moins autant au consommateur qu’au produit qui lui est destiné s’il veut trouver
l’angle le plus efficient pour la campagne. Encore une fois, c’est désormais l’écoute du
consommateur en amont qui oriente la manière dont la campagne est pensée et conduite.
Il est maintenant clair que le contexte intellectuel et les évolutions du schéma de création de la
publicité ont tous deux participé à mettre en exergue la parole du consommateur dans le processus
!23
de confection du discours publicitaire. Nous venons de le voir, l’un des principaux effets de ce
changement de perspective sur le consommateur a été d’en transformer l’appréhension par les
communicants et les professionnels du marketing.
Dès lors qu’on s’attache à l’observer et à l’analyser, le consommateur révèle sa véritable
complexité: il est mouvant, loyal ou non, girouette, paradoxal. On se rend soudain compte qu’il est
en réalité plus informé qu’on ne le pense, « expert » même parfois42 etc. Le constat final est
unanime : le consommateur est aujourd’hui bien plus difficile à saisir qu’il a pu l’être. Le
consommateur type, en un sens, n’existe plus43.
Réussir à communiquer avec lui, c’est donc découvrir de nouvelles manières de le
comprendre dans sa diversité. Les User-Generated Contents sont l’une de voies pour y parvenir.
Cependant, leur utilisation aujourd’hui est le résultat d’une émergence progressive rendue possible
à la fois par les transformations technologiques permettant leur globalisation et par la
transformation des usages sociaux qu’ils ont générés.
C’est donc plus particulièrement sur les conditions d’émergencs des User-Generated Contents
que s’attardera cette troisième sous-partie.
I.C. L’innovation technologique à la source de l’essor des UserGenerated Contents
Par association d’idée, l’expression d’User-Generated Content est très souvent rattachée aux
médias sociaux44 . Effectivement, l’ampleur actuelle du phénomène des User-Generated Contents est
en grande partie due au succès planétaire des entreprises du web 2.0. Cependant, les UGC ont existé
avant que l’internet social ne leur donne leurs lettres de noblesse.
I.C.1. Préhistoire des User-Generated Contents : la co-production de
contenus avant l’ère du WEB 2.0
42
BEATTIE Ann E., « Effects of Product Knowledge on Comparaison, Memory, Evaluation, and Choice: a Model of
Expertise in Consumer Decision-Making », in NA - Advances in Consumer Research Volume 09, eds. Andrew Mitchell,
Ann Abor, MI : Association for Consumer Research, Pages: 336-341
43
LEHU Jean Marie, « Contraintes et évolution du marketing », in L'Expansion Management Review 2, 2008, 129,
p. 18-27
44
Il suffit d’interroger quelques personnes de son entourage pour s’apercevoir qu’après une rapide explication du
concept d’User-Generated Content, la première réaction de l’interlocuteur est souvent de rattacher cette définition à sa
propre pratique des médias sociaux actuels, et en particulier de Facebook.
!24
En matière d’UGC, un frontière chronologique est très souvent posée au moment de
l’invention du WEB 2.0. Sans entrer dans trop de détails techniques, le WEB 2.0 désigne la
deuxième génération du World Wide Web. Celle-ci se caractérise par une complexité accrue de la
technologie permettant à l’inverse une expérience plus simple et interactive pour les utilisateurs.
Désormais, les internautes peuvent réellement s’approprier le fonctionnement et l’architecture du
WEB. En un mot, le WEB 2.0 permet à toute personne de devenir acteur sur le réseau, en créant son
site internet ou en apportant sa contribution sur ceux déjà en ligne. L’expression WEB 2.0 en elle
même est attribuée à Dale Dougherty , cadre de la société O’Reilly Media. Elle est popularisée à
partir de 2005 par Tim O’Reilly lui-même puis s’impose définitivement en 200745 .
À la lecture de cette rapide définition du WEB 2.0, il est clair que si ce dernier n’a pas inventé
les User-Generated Contents, il leur a ouvert la porte du monde digital. Cependant, si la
transformation technique leur a donné un nouveau visage, nombre des usages mis en valeur par le
WEB 2.0 l’ont précédé. Les User-Generated Contents comptent assurément de nombreux ancêtres
dans le monde analogique, avant même l’essor des médias et réseaux sociaux en ligne46 .
Les forums de discussions par exemple, qui sont l’un des fers de lance de la création de
contenu utilisateur aujourd’hui sur internet, sont l’écho contemporain des Bulletin Board Systems47
(BBS) très populaires dans les années 90. Ces derniers permettaient alors l’échange de messages
entre utilisateurs en utilisant les lignes téléphoniques.
D’autre part, la relation entre producteur et récepteur de l’information est une des constantes
de l’histoire de la Presse. On peut tout à fait dresser un parallèle entre la discussion des internautes
en ligne sur les plates-formes sociales prévues à cet effet et la traditionnelle intervention des
lecteurs permise par la plupart des titres de Presse48. Ces derniers ont depuis longtemps l’habitude
de publier dans ses colonnes des contenus utilisateurs. Ces derniers s’exprimant sous forme du
courrier des lecteurs, mais aussi sous la forme des tribunes souvent allouées à des personnalités de
la société civile. À ce titre, le "J’accuse" de Zola est sans doute en France l’un des User-Generated
Content les plus célèbres du XIXème siècle.
45
O’REILLY, « What Is Web 2.0. Design Patterns and Business Models for the Next Generation of Software » in Web
2.0 Conference 2005, 2005
46
COUTANT Alexandre, STENGER Thomas, « L’avènement des ” médias sociaux ” ? . . . Une histoire de
participation. », Le Temps des médias, Nouveau Monde Editions, 2012, pp.76-86.
47
JAVVIN TECHNOLOGIES INC.., Network Dictionary, Javvin Press, 2007,p. 124
48
DOURY Marianne, MARCOCCIA Michel, « Forum internet et courrier des lecteurs : l'expression publique des
opinions », Hermès, La Revue 1/2007 (n° 47) , p. 41-50
!25
Dans le milieu radiophonique, le Content est le même. La radio a toujours cherché à
encourager le dialogue entre auditeurs et animateurs. Les « coups de fils à un auditeur » peuvent à
ce titre être légitimement considérés comme des incitations à la production de contenu
radiophonique de la part des participants. De même, l’avènement des radio libres est un autre
symbole fort des multiples facettes que peut prendre le contenu généré par les utilisateurs, à
destination d’autres utilisateurs.
La télévision est peut-être un exemple encore plus prégnant à cet égard. La Télé-Réalité
implique, dans son énoncé même, le recours à l’User-Generated Content. Si la télévision a
effectivement expérimenté plusieurs formules pour faire participer son audience à ses programmes,
la Télé-Réalité est sans doute sa forme la plus aboutie et totale49. L’argument avancé par ce genre
d’émission est justement que le programme soit entièrement composé de réalité, et à ce titre fondé
uniquement sur le contenu télévisuel généré par ses participants. La star de ces programmes, c’est
donc bien l’User-Generated Content : la production de l’émission est mise en scène dans sa retenue
afin de souligner la réalité, ou du moins le réalisme de ce qu’il advient à l’écran. Le développement,
ou plutôt le maintien de la Télé-Réalité lui a donné l’opportunité de doubler sa dimension
participative au cours des nouvelles possibilités offertes par les médias et réseaux sociaux digitaux
(vote par SMS, lancement de hashtags sur twitter en direct etc.)50 .
I.C.2. L’explosion des User-Generated Content : une conséquence
directe de la « socialisation » du numérique
Quantitativement, les User-Generated Contents ne marquent un vrai départ qu’avec l’essor
des réseaux et médias sociaux. Ces derniers voient le jour dans leur forme actuelle en même temps
que naît le WEB 2.0., entre 2003 et 2005. L’ouverture du WEB à la participation de ses utilisateurs
a eu comme conséquence principale la démultiplication du nombre de contenu généré sur la plateforme. Ainsi, « l’ancien PDG de Google Eric Schmidt estimait en 2010 que nous produisions tous
les deux jours environ 5 exaoctets (Eo, soit 1018 octets) d’informations… soit autant «qu’entre le
début de la culture humaine et 2003 51» (cf figure page suivante).
49
JOST François, La télévision du quotidien : Entre réalité et fiction, Paris, De Boeck, 2001.
50
COUTANT Alexandre, STENGER Thomas, « L’avènement des ” médias sociaux ” ? . . . Une histoire de
participation. », Le Temps des médias, Nouveau Monde Editions, 2012, pp.76-86.
51
SIMÉON Gabriel, « Donnée le vertige », Journal Libération, 3 décembre 2012
!26
1800 Eo
Il est intéressant de s’attarder à essayer de définir ce
que sont les réseaux et médias sociaux dans la mesure où
la façon dont ils fonctionnent, leur structure et leur
business model ont tous concouru à favoriser la création
de contenu utilisateur. Dans ce qui suit, nous utiliserons
tour à tour l’expression « médias sociaux » ou « réseaux
sociaux » pour désigner une même réalité.
Un premier constat est qu’il est difficile de dessiner
un portrait robot du réseau social type. Kaplan et Haenlein
proposent une tentative de définition en ces termes : « un
groupe d’applications en ligne qui se fondent sur
l’idéologie et la technologie du Web 2.0 et permettent la
création et l’échange du contenu généré par les
utilisateurs »52 .
À l’appui de cette définition, on peut sans doute
isoler deux constantes transversales à la majorité des
réseaux sociaux aujourd’hui. D’une part un enjeu de
sociabilité ou du moins de partage vis à vis du public. En
cela, les réseaux sociaux créent une plate-forme de mise
en relation des utilisateurs avec un public.
L’autre constante, c’est la création d’un contenu et
son partage. Tout contenu créé par les utilisateurs est
soumis à l’espace commun, au lorsque ce n’est pas le cas
à une audience restreinte. Ces contenus peuvent être des
contenus tiers (liens hypertextes, articles etc.) ou alors des
5 Eo
contenus propriétaires, générés par les utilisateurs eux-
Des origines
de l'humanité jusqu’en 2003
même. On pense ici aux statuts publiés sur son profil
Facebook, aux tweets, aux selfies partagés sur Instagram
etc.
En 2011
F5 : Quantité de données générées par
l’humanité en exa-octets (Eo).
52
KAPLAN Andréa, HAENLEIN Michael “Users of the world, unite! The challenges and opportunities of social
media”, Business Horizons, vol. 53, issue 1, 2010, p. 61
!27
D’autre part, les réseaux sociaux sur lesquels
est créé aujourd’hui le plus d’User-Generated
Content regroupent plusieurs caractéristiques clefs
pour expliquer leur succès. D’abord, la gratuité
d’accès. Les plates-formes représentées par ces
réseaux sociaux ne comportent pas de barrière
financière à l’adhésion de nouveaux utilisateurs.
Leur business model repose donc sur d’autres
sources de revenu, la plupart du temps la publicité
ou des options premium, soumises, elles, à des
transactions financières de la part des utilisateurs.
Pour fonctionner, ce modèle s’appuie sur une taille
critique d’utilisateurs53 . Pour qu’un réseau social soit
pérenne, il faut ainsi qu’il parvienne à un nombre
très important d’utilisateurs actifs régulièrement sur
la plate-forme. C’est à ce prix que les entreprises
seront attirées pour investir en achat d’espace et
ainsi monétiser le fonctionnement du service.
C’est la démocratisation à très grande échelle
(Facebook compte, à la fin du premier quartier 2016,
1.65 milliards d’utilisateurs actifs par mois, dont
1.09 milliards utilise le réseau social
quotidiennement) de ces réseaux sociaux qui a
permis l’essor du User-Generated content dans sa
mesure actuelle. En effet, la création de contenu
utilisateur est étroitement liée au type de plate-forme
à laquelle un consommateur a accès pour générer du
contenu.54
F6 : Exemples d’User-Generated Contents
sur Facebook, Twitter et Instagram.
53
Mashable, accédé 16/11/2015, disponible : http://mashable.com/2009/07/14/social-media-business-models/
#twegmRJBl8qF
54
KREBS Susanne, « Customers as Online brand ambassadors: motivation for the creation of UGC and benefit for the
fashion label ‘Free People’ », brandba.se, 2014
!28
Le contexte technique, et plus particulièrement l’innovation technologique ayant permis
l’émergence d’un WEB 2.0 participatif et simple d’utilisation, a donc eu une importance décisive
pour créer un contexte favorable au développement des pratiques de création de contenus
utilisateurs. Tout comme dans le contexte théorique, le progrès scientifique permet d’émanciper
l’individu : le WEB 2.0 permet aux utilisateurs de participer à l’effort de co-création d’Internet, et
non plus d’en être les récipiendaires passifs.
!29
Transition :
C’était le but de cette première partie de démontrer dans quelle mesure l’utilisation actuelle des
UGC découle d’une transformation des représentations attachées aux consommateurs, aux
individus de manière générale et au processus de communication. Nous l’avons vu, cette
transformation s’est articulée sous plusieurs jours.
Elle est d’abord théorique. Le mouvement de bascule opéré par les sciences sociales entre les
XIX et XXème siècles est à ce titre déterminant. D’une science des hommes balbutiante, prompte à
bâtir ses théories sur les prénotions les plus criantes, la sociologie devient une science adulte et
mature55 pour permettre aux hommes d’en tirer des principes pour continuer de progresser. Ainsi, la
foule animale, manipulable et livrée à ses instincts les plus reptiliens est-elle devenue un agrégat
d’individus dont la complexité n’en finit pas d’être dévoilée aujourd’hui. De la masse, la mise au
point de l’observateur passe au groupe, et même à l’individu. Là où l’on ne distinguait auparavant
qu’un récepteur passif, les travaux de Hall et des Cultural Studies ont révélé la profondeur des
négociations, et accommodations à l’oeuvre dès qu’il est question de communication. La première
étape de cette transformation a donc été de libérer l’individu de la foule pour le réhabiliter en tant
qu’interlocuteur capable du discours publicitaire.
Elle est ensuite empirique. La modification du cadre d’analyse théorique a commencé à produire
ses effets dans les agences de publicité. L’arrivée des planneurs stratégiques a sanctionné la place
désormais incontestable que l’individu devait prendre au coeur du processus de création
publicitaire. Indiscutablement, il s’agit donc désormais de comprendre les individus pour mieux
cerner leurs besoins, et non plus manipuler les masses.
Enfin, elle est évidemment technique. C’est l’essor du WEB 2.0 et des médias sociaux qui a fait
entrer l’UGC dans le XXIème siècle et a donné au phénomène l’ampleur d’aujourd’hui. La
multiplication des supports physiques connectés à Internet, autant que la profusion des solutions
logicielles de production de contenus ont conjointement alimenté l’ascension des UGC.
Après avoir raconté son histoire et les conditions de son arrivée en publicité, il faut donc
s’attacher à croquer les caractéristiques intrinsèques des UGC. En effet, si les contextes théoriques
et techniques ont effectivement concordé pour favoriser son émergence, l’utilisation des UGC ne
s’explique pas uniquement par l’émancipation critique des individus. Toutes les publicités
55
HEINICH Nathalie, La sociologie de Norbert Elias, Paris, La Découverte, 2002
!30
n’utilisent pas les UGC. L’UGC, en ce sens, reste une forme particulière de la publicité et doit donc
être abordée en tant que tel.
C’est l’objet de cette seconde partie de s’attacher à comprendre les ressorts de l’efficacité des
UGC dès lors qu’ils sont mis à profit dans le discours publicitaire. En quoi est-ce une forme
particulière de publicité ? Pourquoi les marques ont-t-elles un intérêt à y avoir recours ? Comment
les UGC et leurs utilisations en publicité sont-ils perçus par leurs destinataires? Les UGC
provoquent-ils la même réaction chez les Millennials que chez les Baby-boomers ? Autant de
questions auxquelles la partie suivante entend apporter une réponse. !31
II. Les propriétés communicationnelles des UGC :
confiance, différence, engagement.
Cette deuxième partie s’articulera en trois temps. D’abord, nous montrerons que les UGC sont
le type de contenus en lesquels les consommateurs « croient » le plus, particulièrement au sein de la
génération des Millennials (A). Le recours aux UGC est à ce titre un facteur de différenciation pour
les entreprises recourant aux UGC (B). C’est également la source d’un engagement exacerbé de la
part des consommateurs, en comparaison des autres types de contenus utilisés par les marques (C).
Enfin, nous montrerons comment ces aspects mis à profit au même moment sont un outil puissant
de rapprochement entre consommateur et marque (D).
II.A. UGC : la confiance en d’autres « soi »
II.A.1. Les publicités créées à partir d’UGC (User-Generated ads) sont
perçues comme plus sincères que les publicités traditionnelles
L’un des points essentiels de la publicité, c’est d’être crédible. Par là, il faut comprendre que
lors de son exposition à la publicité, la cible doit être capable de se fier à ce qu’il voit, entend ou lit.
C’est sur cette fiabilité que peut ensuite se développer un argumentaire de vente ou tout autre
message délivré par la publicité en question56. En ce sens, la capacité d’un message à être et paraître
sincère est primordial pour que la persuasion opère.
À cet égard, il est d’intéressant de comparer comment s’en sortent les UGC lorsqu’ils sont
mis à profit dans les publicités. En tant que contenu amateurs, ils contiennent inévitablement
certains défauts absents des publicités traditionnelles, qui passent, elles, au crible des studios de
production. Il est donc intéressant d’observer comment des publicités créées à partir de contenus
d’utilisateurs sont perçues, et dans quelle mesure leurs cibles leur accordent leur confiance.
Il semble que dans une large majorité des cas, les publicités générées à partir d’UGC sont
considérées comme davantage dignes de confiance que les publicités traditionnelles57. Dans leurs
travaux, Fournier, Lawrence et Brunel analysent les commentaires postés à la suite des vidéos
56
Mashable, accédé le 16/11/2015, disponible : http://mashable.com/2013/01/05/advertising-credibility/
#qGa1fUuraPqZ
57
WILSON, Elizabeth J., SHERREL Daniel L. (1993), « Source Effects in Communication and Persuasion Research:
A Meta-Analysis of Effect Size. » Journal of the Academy of Marketing Science, 21 (2), p101–12
!32
YouTube reprenant, entre autres, certaines des publicités diffusées pendant la mi-temps du
SuperBowl.58 À l’issue de cette étude, il ressort clairement que les publicités créées à partir d’UGC
(les UGA), paraissent plus « honnêtes », plus « entières ». Il est intéressant de constater que
souvent, ces qualités ressortent en contraste avec des critiques adressées à des formes traditionnelles
de publicités : « lisses », « essayant de manipuler les gens », « faussement sincères ». Voici ci-après
un extrait de commentaires postés à la suite de publicités DOVE générées grâce à un concours de
création de campagne UGC organisé par la marque en 2008 :
“The honesty truly shows and sells in this commercial . . . honesty sells in an
overwhelmingly superficial society.”
“Thank you for the honest, direct idea. I love it and so will the rest of America.”
“I liked this ad because it didn’t go for the false sincerity and phony, glam-crazed,
Hollywood ‘image of perfection’ attitude."
La source de cette crédibilité accrue des UGC par rapport aux publicité traditionnelle peut être
multiple. L’une d’entre elle est que les consommateurs perçoivent les autres consommateurs à la
source de la création du contenu diffusé comme dénués des mêmes intérêts mercantiles propres aux
annonceurs habituels. En ce sens, ils n’ont pas l’intention de servir leurs propres intérêts, ou de
manipuler l’audience.59 Il en est de même pour les forums de discussions. Les travaux de Cheong et
Morisson montrent que les informations postées en ligne sur les forums créent davantage de
confiance que les informations officielles fournies par le fabricant d’un produit60. En ce sens, c’est
bien la source même de l’information qui donne toute sa crédibilité à la publicité en question.
C’est également vers cette conclusion que nous a mené notre propre travail de terrain. À la
suite d’une exposition à la campagne Shot on IPhone 6, l’enquêté devait répondre à la question
suivante :
58
LAWRENCE Benjamin, FOURNIER Susan, BRUNEL Frédéric « When Companies Don't Make the Ad: A
Multimethod Inquiry Into the Differential Effectiveness of Consumer-Generated Advertising », Journal of Advertising,
2013, 42:4
59
BEVERLAND Michael B., FARRELLY Francis J. , « The Quest for Authenticity in Consumption: Consumers’
Purposive Choice of Authentic Cues to Shape Experienced Outcomes. » Journal of Consumer Research, 2010, 36 (5),
838–56.
60
CHEONG, Hyuk Jun, MORRISON Margaret A., « Consumers’ Reliance on Product Information and
Recommendations Found in UGC. » Journal of Interactive Advertising, 2008, 8:2, 1–29.
!33
À quel point êtes-vous d’accord avec la proposition suivante : l’implication de
l'utilisateur dans la création de la campagne montre qu’il est facile de prendre de
belles photos avec un IPhone 6.
Réponses :
60
53
40
37
20
14
2
0
Oui tout à fait
Oui plutôt
Non pas vraiment
Non pas du tout
F7 : Calcul du lien entre utilisation de l’UGC et crédibilité de la publicité
75%61 des enquêtés déclarent donc « croire » (par l’agrégation des réponses de la première et
deuxième catégorise) à la publicité dans le sens où ils considèrent après l’avoir vue, qu’il est
effectivement possible de faire de belles photos simplement grâce à l’IPhone 6. La tournure de la
question peut également laisser penser que c’est bien parce que cette campagne expose des clichés
provenant de vrais utilisateurs que les enquêtés sont enclins à penser qu’il est facile de prendre des
photos avec l’IPhone 6. La performance de l’appareil se voit donc démontrée par l’utilisation qu’en
ont fait d’autres utilisateurs. Le fait que la marque viennent ensuite utiliser ces contenus à des fins
commerciales n’affecte pas la crédibilité accordée aux publicités créées à partir de contenu
utilisateur.62
61
90 enquêtés sur 120 ayant répondu au questionnaire.
62
LAWRENCE Benjamin, FOURNIER Susan, BRUNEL Frédéric « When Companies Don't Make the Ad: A
Multimethod Inquiry Into the Differential Effectiveness of Consumer-Generated Advertising », Journal of Advertising,
2013, 42:4
!34
II.A.2. Millennials, confiance et UGC
La confiance particulière suscitée par les UGC est amplifiée dès qu’il est question des
Millennials. Cette population est souvent présentée comme la première a avoir réellement grandi au
contact des NTIC et en particulier d’internet. On peut donc admettre sans risque que les Millenials
sont la population la plus familière avec les outils de création d’UGC.
Pour autant, quelle influence l’utilisation des UGC a-t-elle lorsqu’il est question de
consommation ? En un mot : énorme. Plus que n’importe quelle autre population sur terre, les
Millennials croient en l’UGC pour orienter leurs décisions d’achat. Pour les Millennials, l’UGC
joue pour 84% de la décision d’achat (contre 70% pour les baby-boomers). Pour plus de la moitié
des Millennials (51%), l’UGC est la source d’information la plus fiable sur une marque ou un
produit, contre 16% pour le site officiel de la marque et 14% pour les articles de presse sur
l’entreprise.63
D’autre part, les Millennials sont aussi la partie de la population la plus encline à faire
confiance à des avis de consommateurs qu’ils ne connaissent pas. En particulier, les Millennials
apprécient l’avis de personnes ayant eu l’occasion d’expérimenter le produit. Ainsi, 51% des
Millennials déclarent que les avis de consommateurs présents sur un site d’achat sont d’une
importance déterminante sur leur décision d’achat.
64
Dans notre enquête de terrain, les résultats
sont concordants : pour près de 63% des enquêtés, l’acteur le plus convaincant pour vanter les
mérites d’un smartphone reste son utilisateur. Loin devant, donc, que les experts (28,3%), le
producteur (8,5%) ou le distributeur (0,9%).
Pour trouver ces avis, les Millennials utilisent les canaux favoris des UGC : les médias
sociaux. Quand ils ont besoin d’un avis sur un produits, ils se tournent ainsi beaucoup plus que le
reste de la population vers les réseaux sociaux pour recueillir de l’information. (22% contre 7%
pour le reste de la population). Leurs critères de sélection se tournent alors davantage vers
l’expérience et les intérêts communs qu’ils partagent avec le producteur du contenu que vers une
quelconque connexion relationnelle avérée.65
63
BAZAARVOICE, Talking to Strangers: Millennials trust people over Brands,Austin, 2012.
64
Ibid
65
Ibid
!35
Cette caractéristique résonne également dans notre enquête de terrain. Si on reprend la même
question que tout à l’heure en filtrant les réponses par tranche d’âge, le résultat est éloquent.
(Rappel question : À quel point êtes-vous d’accord avec la proposition suivante : l’implication de
l'utilisateur dans la création de la campagne montre qu’il est facile de prendre de belles photos
avec un IPhone 6). Alors que la publicité convainc « tout à fait » 57% des Millennials touchés par
l’enquête, elle ne rencontre que 24% de « tout à fait » chez les Baby-boomers66.
Millennials (20-37ans)
Baby-Boomers (37-72ans)
2 %
12 %
29 %
18 % 24 %
57 %
58 %
Oui tout à fait
Oui plutôt
Non pas vraiment
Non pas du tout
F8 : Les Millennials « croient » davantage à l’UGC que leurs ainés
Les UGC sont donc effectivement perçus comme plus sincères et crédibles que les contenus
créés par les marques. Par extension, les publicités créées à partir de ces UGC sont elles aussi
perçues comme plus proches de la vérité du produit. C’est ce qu’on appelle également "l’effet de
source" : l’origine du message influence directement la manière dont il est réceptionné.67
66
Ces résultats sont cependant à relativiser dans la mesure où les baby-boomers ne représentait pas une proportion
suffisante de l’échantillon pour prétendre à représenter pleinement la catégorie. (les baby-boomers représentaient 14%
des enquêtés).
67
LENDREVIE Jacques, LÉVY Julien, Mercator 11ème édition, Paris, Dunod, 2014
!36
Cependant, dans le paysage publicitaire actuel, la confiance qu’il inspire n’est pas suffisant
pour qu’un message parvienne à se distinguer. Il lui faut également se différentier des autres stimuli
adressés au consommateur pour espérer accrocher son attention.
II.B. UGC : une approche différentiante de la publicité
Pour les marques, la différentiation est essentielle. C’est grâce cette différence que les
entreprises sont à même de se démarquer au sein de leur paysage concurrentiel. Pour se différencier,
la marque dispose de deux canaux principaux : son offre et sa communication.
Pour les marques de niches, la nature de ce qu’elles proposent au consommateur suffit
souvent à assurer une différence claire dans l’esprit de leurs cibles, de par l’originalité de leur offre.
Par contre, pour les marques dont les services s’adressent au grand public, l’enjeu est tout autre.
Dans un marché à forte concurrence, l’offre produit ne suffit pas à sortir du lot. Par exemple, sur le
marché des boissons énergétiques, Red Bull ne peut pas compter uniquement sur le produit offert au
consommateur pour se différencier. D’où l’utilisation de la communication pour mettre en place un
positionnement de boissons des sports extrêmes.68 La publicité est donc primordiale pour affirmer
sa différence sur son marché et dans l’esprit des consommateurs. Dans ce sens, les UGC proposent
une manière originale de générer des messages publicitaires.
Une partie de notre questionnaire s’attachait à démontrer si les publicités créées à base
d’UGC parvenaient effectivement à se différentier dans l’oeil du destinataire. La réponse semble
positive. À la question :
Cette campagne se distingue-t-elle d’autres publicités pour smartphones que vous
auriez déjà vues ?
66 % des enquêté répondent par l’affirmative. Surtout, à la question lui succédant:
Si oui, sur quels éléments ?
Les utilisateurs font mention des UGC dans 60% de leurs réponses. Exemples :
« Campagne créée par les utilisateurs d'IPhone 6 dans le sens où ce sont eux qui
ont fourni les visuels. »
68
KOTLER Philip, ARMSTRONG Gary, Principles of Marketing, Pearsons Education, 2010
!37
« Sur le fait que la performance technique soit "prouvée" par des utilisateurs
lambda. Cela donne une impression de vérité »
« L'aspect "authentique", le fait de se servir de ses clients pour vanter son
produit »
Souvent, c’est donc bien la mise en avant des utilisateurs et de leur usage personnel de
l’IPhone qui permet de rendre la publicité différente et remarquable. À ce titre,
27,4%
des
enquêtés trouvent originale l’idée d’utiliser de l’UGC dans une publicité. Enfin, leur usage est
plébiscité : 63,2% des enquêtés se déclarent satisfaits de voir du contenu utilisateur utilisé par les
marques.
II.C. UGC : champion de l’engagement
L’émergence des médias sociaux et la généralisation de la co-création de contenus a installé
l’engagement comme l’une des inquiétudes principales de la sphère publicitaire. Pour autant, il
n’existe pas de définition globale de l’engagement en marketing. Plutôt, différentes définitions
partielles prévalent et donnent un sens contextuel à l’expression. Néanmoins, une constante à toute
ces définitions semble être la notion d’interaction. L’engagement, en ce sens, mesure les modalités
d’interaction d’un individu avec un élément publicitaire ou une marque, et les effets de ces
interactions.69
L’engagement de marque est légèrement différent. Il ne s’agit pas uniquement d’une
interaction avec la marque mais davantage d’une préférence, d’un attachement à la marque qui peut
être source de fidélité. Cette définition n’entre pas en contradiction avec la précédente dans la
mesure où cet attachement se traduit le plus souvent par une propension exacerbée à interagir avec
la marque.70
L’engagement peut alors prendre plusieurs formes modulables selon les contextes de son
expression: commenter une publication sur le mur Facebook d’une marque, partager une publicité
visionnée sur YouTube, discuter d’un produit avec ses amis, participer à un concours organisé par
une marque etc.
69
Définition Marketing http://www.definitions-marketing.com/definition/engagement-a-la-marque/
70
TERRASSE Christophe, « L’engagement envers la marque. Proposition d’un modèle théorique et application a` la
comparaison de la fid ́elit ́e aux marques nationales et aux marques de distributeurs. », Humanities and Social Sciences.
HEC PARIS, 2006.
!38
Au delà de sa définition
fonctionnelle, l’engagement occupe
aujourd’hui une place importante dans
la réflexion publicitaire, dans la
mesure où il est également témoin
d’un changement dans les pratiques et
dans la relation qu’entretiennent les
individus et les marques.
En effet, les Millennials
recherchent davantage d’engagement
avec les marques que ne le faisaient
leurs aînés. Ils espèrent une vraie
relation avec la marque. Cette
conversation passe par l’engagement et
par les possibilités d’exister qui lui
F9 : En rouge, témoins de l’engagement et incitation à
s’engager sur une vidéo Youtube.
Source : https://www.youtube.com/watch?
sont offertes.71
Les Millennials investissent davantage dans les marques que ne le font leurs prédécesseurs.
Les marques et la relation qu’ils entretiennent avec elles sont une composante de leur personnalité
publique. En ce sens, l’investissement pour une marque est une manière de composer leur
personnalité, tout comme le fait d’aimer telle ou telle page sur un réseau social offre au monde à
voir quels sont leurs goût et préférences. Les marques sont donc une véritable ressource symbolique
de construction de leur identité.72 Les marques participent à créer la narration autour de soi
concomitante à l’émergence des réseaux sociaux. C’est une chance pour les marques car celles-ci
bénéficient de cette dynamique pour approfondir la relation qu’elles entretiennent avec leurs
consommateurs: en leur permettant de s’engager davantage avec elles, elle accroissent également la
richesse symbolique de leur personnalité.73
71
Boston Consulting Group, accédé 22/11/2011, disponible : http://www.bcg.com/expertise/institutes/center-customerinsight/millennials-engaging-enigmatic-influential-generation.aspx
72
WATTANASUWAN K. Elliot R., « Brands as Symbolic Resources for the Construction of Identity » in International
Journal of Advertising, 1998, 17, 131-144
73KREBS
Susanne, « Customers as Online brand ambassadors: motivation for the creation of UGC and benefit for the
fashion label ‘Free People’ », brandba.se, 2014
!39
L’engagement des consommateurs pour une marque est donc un très bon indicateur de la
qualité que celle-ci entretient avec eux. Dans ce contexte, l’intérêt des UGC est évident : ils sont
une forme directe d’engagement des individus pour la marque. Ici cependant, il faut rappeler la
dichotomie entre UGC et User-Generated Advertising. Les UGC sont marqués par leur spontanéité :
ils sont créés avant tout par les utilisateurs, pour les autres utilisateurs. C’est par exemple le cas des
forums de discussions ou des fans-fictions sur internet. Les User-Generated Ads sont pour leur part
porteurs d’une intention particulière et commerciale.74 Ils sont produits à l’initiative de la marque et
même parfois par la marque elle-même. C’est le cas par exemple de la campagne Shot on IPhone 6 :
même si la publicité en elle-même fait appel à du contenu produit uniquement par des utilisateurs
amateurs, la campagne en elle-même est produite et diffusée à l’initiative de la marque Apple. Les
UGA sont donc une forme particulière d’UGC mais n’en recoupent pas la totalité. Il est important
de prendre en compte cette distinction lorsqu’il est question d’engagement. En effet, si les UGC
sont effectivement une preuve d’engagement des consommateurs pour une marque, les UGA en
sont à la fois les témoins et la source. Ici il sera donc surtout question des UGA dans la mesure où
ils incarnent la manière dont les marques peuvent mettre à profit les UGC dans leur communication.
Or il se trouve que les UGA génèrent un engagement très élevé. Cet engagement peut prendre
plusieurs formes. Chiffré, lorsque l’on prend en compte l’engagement dans une perspective
comportementale (partage, like, nombre de vues etc.), mais aussi d’investissement psychologique
du consommateur dans la publicité (réflexion sur le message au moment de l’exposition, discussion
avec ses amis etc.).
Pour le premier, il est assez logiquement soumis à la mise en place de plate-forme favorable
pour l’expression de la créativité des consommateurs75 . Prenons l’exemple de la campagne mise en
place par la marque Free People, appartenant à la marque de mode américaine Urban Outffiters. En
2013, la marque crée une plate-forme digitale nommée Free People Me (FPMe). Sur cette plateforme, les clients de la marque, peuvent déposer leurs propres photos (créant de ce fait de l’UGC).
Sur ces photos, ils portent l’un des produits de la marque Free People. Ce sont ensuite ces clichés
que la marque utilise sur son site pour illustrer les vêtements qu’ils proposent. Cette initiative utilise
donc plusieurs des leviers de l’engagement que nous venons d’étudier. La marque commence par
74
MUNIZ Albert M., Jr. Ph.D., SCHAU Hope Jensen Ph.D. « Vigilante Marketing and Consumer-Created
Communications », Journal of Advertising, 2007, 36:3, 35-50
75
SONNENBURG S. Singh s., Brand Performances in Social Media, Journal of Interactive Marketing, 2012, 26,
189-197
!40
mettre en place une plate-forme créant les conditions propices à la création de contenu utilisateur.
Ensuite, elle joue sur le prestige symbolique que ses consommateurs recherchent en s’impliquant
pour la marque en les mettant en valeur sur son site internet. Ce faisant, la marque fait de chacun de
ses consommateurs une star, et motive ces derniers à s’impliquer davantage. À chaque fois, Free
People souligne la participation de ses clients en les mettant en avant sur ses différents earn media
ainsi qu’en relations presse. Certains des participants ayant eu le plus de succès ont même décidé de
lancer leur propre blog de mode, participant ainsi à étendre l’influence de Free People au delà de sa
communauté de fans.76 Les bloggeurs deviennent alors de vrais ambassadeurs de marque en ligne :
des producteurs d’UGC au service de la marque.
C’est exactement la même dynamique avec la campagne d’Apple Shot on IPhone 6. La
marque commence par mettre en place les conditions de création de l’UGC : ici grâce à la création
du hashtag #shotoniphone6. Ensuite, la marque met en avant ses utilisateurs, les célèbre en les
mettant en scène dans sa communication, stimulant leur amour-propre. Comme pour Free People,
les résultats en terme d’engagement sont sans équivoque : sur Instagram uniquement,
#shotoniphone6 a bondi de 11571% après la campagne. Surtout, l’utilisation du hashtag
#shotoniphone est devenu un réflexe pour de nombreux utilisateurs sur les plates-formes sociales de
partage des photos. Ces consommateurs deviennent, consciemment ou non, de véritables
ambassadeurs de marque dans la mesure où ils associent aux yeux du public la réussite de leur
clichés et/ou leur qualité esthétique au fait que ces derniers ont été capturés au moyen d’un
téléphone Apple.
Pour expliquer le haut niveau d’engagement reçu par les contenus générés par les utilisateurs,
les réponses de Nicolas D. semblent également aller dans ce sens. Pour lui, le succès d’un contenu
sur les réseaux sociaux est ainsi directement lié à son authenticité perçue auprès de son audience.
« Un contenu se partage d’autant plus facilement s’il a la caractéristique
magique du « fait maison », du « pas factice ». Les gens y croient, et ils sont plus
enclins à partager. C’est facile d’observer statistiquement qu’un contenu se
partage plus s’il a cette caractéristique de l’authenticité. »
Nicolas D.
76
SHERMAN, L , « Retailers look to their best customers, not bloggers, as the new influencers », Fashionista.com,
2013
!41
Concernant « l’autre type » d’engagement, l’UGC obtient également des résultats supérieurs à
la publicité traditionnelle. Ainsi, les personnes exposées à une publicité créée à partir de contenu
utilisateurs génère-t-elle plus de pensée, sont plus concentrées et réfléchissent plus au message
transmis qu’avec une publicité traditionnelle.77 Ces résultats laissent penser que les publicités
générant ce type d’engagement, et donc les UGA, provoquent des réponses positives de la part de
leurs cibles, et sont plus persuasives.78
Indiscutablement, l’UGC est donc un outil efficace pour générer de l’engagement auprès de la
cible des marketeurs, tant en termes statistiques et de taux d’engagement qu’en termes
d’investissement émotionnel et personnel dans une marque.
II.D. UGC : un outil de rapprochement du consommateur et de la
marque
Les résultats obtenus par l’UGC et l’UGA en terme de confiance, de différenciation et
d’engagement de la part des consommateurs laissent à penser que pour être réussie, une publicité
doit être authentique. Par là, il faut entendre qu’elle doit être à la fois crédible, être suffisamment
originale pour être remarquée et qu’elle doit susciter une réaction de la part de son auditoire.
Plus généralement donc, les UGC semblent permettre aux individus de se connecter à un
niveau plus personnel avec les marques : en leur faisant confiance, en les connaissant, et en voulant
interagir avec elles79 . Ils autorisent donc une identification bien plus forte des consommateurs avec
le contenu qui leur est proposé qu’elle ne peut l’être avec un contenu créé
artificiellement et
distribué verticalement. Quant les UGA sont créées par des gens de tous les jours, elles autorisent
un niveau d’identification avec lequel ne peuvent pas rivaliser les agences de publicité. Les
consommateurs perçoivent donc les marques ayant recours aux UGC comme plus proches d’eux
que ne les sont les publicités traditionnelles80 .
77
LAWRENCE Benjamin, FOURNIER Susan, BRUNEL Frédéric « When Companies Don't Make the Ad: A
Multimethod Inquiry Into the Differential Effectiveness of Consumer-Generated Advertising », Journal of Advertising,
2013, 42:4
78
CALDER Bobby J., MALTHOUSE Edward C., SCHAEDEL Ute, « An Experimental Study of the Relationship
Between Online Engagement and Advertising Effectiveness » Journal of Interactive Marketing, 2009, 23 (4), 321–31.
79
SPEISSER Luc, « Le branding expliqué à un enfant de 6 ans », Le journal du net, 2012
80
THOMSON Debora V., MALAVIYA Prashant, « Consumer Response to User-Generated Advertising: The Effects of
Disclosing Consumers as Ad Creators », Working Paper Series 11-106. Marketing Science Institute, 2011.
!42
« Si on utilise aussi les UGC en
communication politique, c’est pour se
Cela vous rend-il la marque plus
sympathique ?
rapprocher des gens. Ça casse le coté
institutionnel de la communication. Ça
donne un aspect plus authentique. Ça
casse l’image du politique, et des
marques, en haut à la tribune qui parlent
14 %
3 %
33 %
aux gens d’en bas . »
50 %
Nicolas D.
Ce résultat, nous l’avons également constaté
dans notre travail d’enquête sur la campagne Shot
on IPhone 6 d’Apple. Après avoir été informés
que la publicité à laquelle ils avaient été exposés
L’utilisation de contenu utilisateur donne-t-elle d’Apple une image plus proche
de ses consommateurs ?
avait été conçue à partir de photos prises par des
« vrais » gens, les enquêtés étaient soumis à deux
questions. Dans la première, ils devaient, sur une
3 %
échelle de 1 à 4, évaluer dans quelle mesure cette
information leur rendait la marque plus
28 %
19 %
sympathique. Dans 64% des cas, leur réponse est
positive (dont 50% ont répondu par la note la plus
haute). La seconde question portait sur la
50 %
proximité entre Apple et ses consommateurs.
Lorsqu’il leur est demandé si l’utilisation de
contenu utilisateur donne une image de la marque
comme proche de ses consommateurs, 69% des
enquêtés répondent par l’affirmative. Lorsqu’on
s’attache uniquement à observer la réponse des
Millennials dans l’échantillon, la proportion de
Oui tout à fait
Non pas vraiment
Oui plutôt
Non pas du tout
F10 : L’utilisation de l’UGC rapproche la
marque de ses consommateurs
réponses positives atteint même 82% de l’effectif (69 enquêtés sur 84).
!43
À ce titre, de nombreuses entreprises commencent à insérer des UGC dans leur identité
visuelle. C’est d’ailleurs un cas d’étude intéressant pour observer de quelle manière les UGC
commencent à être utilisés par les marques en vue de se rapprocher de leurs consommateurs et
d’être plus authentiques.
Jusqu’à présent, la très large majorité des visuels utilisés par les entreprises, que ce soit dans
leurs communication où sur leur site internet, sont tirés de banques d’images. Les banques d’images
sont des sites internet spécialisés dans la
production de photos ou d’illustrations sur tous
types de sujets. Leur répertoire de contenu est
gigantesque, dans la mesure où leur base de
données doit pouvoir subvenir aux besoins
d’entreprises ou de sites traitants d’objets très
variés81 . Ces photos, par essence ne représentent
pas la réalité. Elles représentent toujours une
réalité mise scène, souvent de manière assez
évidente. Les familles y sont toujours très
souriantes, les employés paraissent très heureux
etc. En un mot, les clichés paraissent aussi
superficiels qu’ils le sont. Or, nous venons de le
voir, les consommateurs d’aujourd’hui ne veulent
plus d’une marque froide et désincarnée. Ils
veulent pouvoir s’engager, interagir avec elle82.
En un mot, s’identifier plus facilement à elle.
C’est exactement l’inverse avec les photos
de banque d’images. Les consommateurs ne
peuvent pas s’identifier à elles dans la mesure où
elles ne représentent qu’une version idéalisée de
la réalité. Les marques qui les utilisent
s’éloignent donc du monde vécu par leurs
81 APlus,
F11 : Extrait des résultats pour la recherche
« famille » sur la banque d’images Getty
Images
accédé 22/11/2015, disponible : http://aplus.com/a/the-50-most-ridiculous-stock-photos
82
BARTON Christine, KOSLOW Lara, BEAUCHAMP Christine, The Reciprocity Principle, How Millennials are
changing the face of marketing forever, The Boston Consulting Group, 2014.
!44
consommateurs. Leur image en pâtit et par effet de source, leur message perd en crédibilité.83
Les images générées par les utilisateurs sont souvent moins esthétiques. Elles renvoient
néanmoins à un représentation de la réalité telle qu’elle est vécue par les individus. De plus, même
si cette image est moins « jolie », elle n’est pas forcément moins appréciée. Ainsi, lorsqu’il sait que
la publicité à laquelle il est soumis a été créée par un individu, le consommateur est plus clément
dans son jugement esthétique. En effet, si une publicité est créée à partir d’UGC, ou même si la
publicité elle-même est créée par un utilisateur (comme ça a pu être le cas pour Doritos au
SuperBowl), l’auditoire est davantage tolérant dans son appréciation de sa qualité plastique.84
En conclusion, l’utilisation des photos issues de contenus utilisateurs fait bénéficier la marque
de tous les avantages propres au UGC : satisfaction accrue devant la campagne, sentiment de
proximité avec la marque, supérieur à celui ressenti devant une publicité traditionnelle, une
augmentation de l’intention d’achat85 et, à plus long terme, de meilleurs espoirs de fidélisation.
83
The Next Web, accédé 30/11/2016, disponible : http://thenextweb.com/insider/2015/06/01/the-death-of-stock-photos/
84
LAWRENCE Benjamin, FOURNIER Susan, BRUNEL Frédéric « When Companies Don't Make the Ad: A
Multimethod Inquiry Into the Differential Effectiveness of Consumer-Generated Advertising », Journal of Advertising,
2013, 42:4
85
Ibid
!45
Cette deuxième partie a été l’occasion de cerner les contours théoriques propres aux UserGenerated Contents. Nous l’avons vu, ces qualités intrinsèques n’existent souvent qu’en
comparaison de celles attribuées aux formes de publicités traditionnelles. En ce sens, les UserGenerated contents ne doivent pas être considérés en objets purs. Si par exemple, les gens font plus
confiance aux formes de publicité faisant appel aux UGC, c’est parce qu’ils les mettent
inconsciemment en comparaison avec la publicité à laquelle ils sont habitués, alors que cette
dernière leur paraît moins digne de confiance. L’originalité du format UGC vient donc avant tout
de ce qui le différencie de la publicité traditionnelle : sa source, ses canaux d’expressions et l’objet
de son message.
C’est sur ces bases que l’UGC montre toute sa puissance. Nous l’avons montré, l’UGC est plus
authentique et crédible auprès des consommateurs. Il permet aux annonceurs qui l’utilisent de
sortir du lot et d’être plus mémorisables. L’UGC est aussi l’une des formes de publicité qui engage
le plus son audience, et permet à la marque d’avoir une relation plus forte, plus fidèle et
conversationnelle avec ses consommateurs.
Ces jalons étant posés, il est maintenant temps d’observer l’UGC de manière plus empirique et
de le contextualiser dans l’environnement qui nous intéresse ici : lorsqu’il est mis à profit par les
marques. Cette dernière partie de notre réflexion s’attachera en cela davantage à appuyer les
apports théoriques soulevés jusqu’à présent par des cas concrets et l’étude de témoignages des
professionnels travaillant au contact des UGC.
D’autre part, cette partie sera aussi l’occasion de revenir sur les critiques dont peut également
faire l’objet l’utilisation des UGC. Par les utilisateurs, mais aussi par les marques, pour qui l’UGC
peut parfois représenter un pari risqué. !46
III. Les usages publicitaires de l’User-Generated
Content par les marques.
Pour les marques, l’utilisation des UGC repose sur une problématique simple : la maîtrise de
leur discours86. Les marques sont volontaires pour en faire l’usage quand l’UGC leur permet de
d’affiner ce dernier, de l’ajuster et de l’adapter aux besoins de leurs consommateurs. Les marques
utilisent l’User-Generated Content quand il leur permet de s’engager avec leur audience. Cependant
il peut aussi représenter une menace de par son essence même : son imprévisibilité. Or, il est très
difficile pour n’importe quelle entreprise d’accepter qu’une partie de son discours soit hors de
contrôle, vulnérable devant l’audience infinie représentée par internet.
C’est cette ambivalence entre les qualités reconnues de l’UGC et les usages qu’en font les
marques qui intéressera cette partie. Nous aborderons d’abord l’utilisation des UGC comme une
source d’informations inégalée pour prendre le pouls du consommateur et mieux jauger de la
réputation d’une marque (A). Puis, nous observerons comment certaines marques ont su utiliser
efficacement l’UGC pour améliorer leur expérience publicitaire (B). Enfin, nous analyserons
quelles sont les limites de l’usage professionnel d’un contenu créé par des individus de manière
amateure (C).
III.A. Mieux comprendre le consommateur pour mieux s’adresser à
lui : l’UGC en amont de la communication
III.A.1. La première utilisation de l’UGC : mesurer et comprendre l’image
d’une marque auprès du public
Au deuxième étage de la pyramide de Maslow, on trouve la sécurité87 : le besoin d’évoluer
dans une environnement stable et prévisible, sans anxiété ni crise88. Il est intéressant de constater
que quand les marques ont commencé à évaluer le potentiel des UGC pour leurs stratégies de
86 AdWeek,
accédé 12/01/2016, disponible : http://www.adweek.com/socialtimes/user-generated-content-landmines-towatch-out-for-infographic/637854
87
SIMONS Janet A., IRWIN Donald B., DRINNIEN Beverly A., Psychology - The Search for Understanding, West
Publishing Company, New York, 1987
88
Wikipédia, accédé 12/01/2016, disponible : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pyramide_des_besoins
!47
communication et leurs stratégies marketing, elles aient tout de même commencé par chercher à
remplir l’un de leurs besoins les plus primaires : le besoin de réassurance.
En ce sens, l’évolution des services offerts
par une entreprise spécialisée dans la collecte et
F12 : Focus - l’effet Streisand
l’analyse des UGC est particulièrement
Lorsque Léa B. parle d’effet Streisand,
éclairante. Observer les demandes adressées par
elle fait référence à un phénomène bien
les entreprises à cette compagnie nous permet
connu des marques d’aujourd’hui. Au
d’en savoir davantage sur le type d’usage
départ, souvent les même circonstances : une
qu’elles peuvent faire des UGC à un moment
information / photo est divulguée sur la toile
donné. À cet égard, notre entretien avec Léa
sans l’accord de son sujet ou objet. Par peur
Bory, ancienne employée chez Linkfluence met
que lui porte préjudice, ce dernier fait
à jour une information essentielle : le premier
pression sur le publicateur pour qu’il retire
usage des UGC par les entreprises a été
les images. Cette tentative de censure
d’analyser leur réputation auprès de leurs clients
déclenche souvent une réaction de défense
potentiels / existants.
de la personne ayant publié les images, au
« Les entreprises se sont d’abord
tournées vers Linkfluence dans une
logique de protection et de veille.
motif de la liberté d’expression sur internet.
Le conflit a alors l’effet inverse à celui voulu
par la cible des images, attirer un maximum
Les marque ont peur. Elle souffrent
d’attention sur la controverse et offrir aux
de ne pas savoir ce qu’on pense
photos une attention bien supérieure, virale,
d’elles. Par exemple Mc Donald’s
qui demande un reporting tous les
à celle qu’elles auraient reçue si rien n’avait
été entrepris à leur encontre. C’est
jours sur ce que les gens disent
également une des propriétés du UGC que
d’eux. Éviter un effet Streisand89
de déclencher ce genre de Buzz
en fait. C’est vraiment la première
étape. Aux débuts de l’entreprise,
extrêmement rapidement. L’effet tient son
nom d’une affaire ayant suivi cette
la principale activité c’était du
dynamique où le photographe Kenneth
reporting de prises de paroles sur
Adelman avait publié des photos de la
la marques, qu’est ce qu’a dit tel
résidence de la chanteuse Barbara Streisand.
influenceur, tel autre etc. »
89
Le Monde, accédé le 15/01/2016, disponible : http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/10/31/le-buzz-que-l-on-nevoulait-pas_3506528_3246.html
!48
Léa B.
L’UGC est donc d’abord un moyen efficace pour avoir une vue d’ensemble des prises de
parole publiques sur une marque. Elle sert à évaluer sur quels sujets une marque est forte, et sur
quel thèmes elle n’est pas présente. Elle permet de détecter des critiques à l’égard de la marque, et
d’y remédier avant que celles-ci n’aient le temps de prendre de trop grandes proportions.
Même discours du coté de Nicolas D. :
« L’entreprise dispose d’un pôle veille qui s’occupe de surveiller ce qui se dit sur
nos clients sur internet. La veille, surtout dans le secteur de la réputation et des
relations publiques, c’est 80% du boulot et de ce qu’on nous demande. Regarder
ce qui se fait, se dit pour mieux pouvoir agir ensuite. »
Nicolas D.
Le principal obstacle à un bon audit de réputation de la marque grâce aux UGC est en réalité
l’abondance de contenu à la disposition des assesseurs. Pour pouvoir extraire des informations
pertinentes et actionnables de l’océan de données représenté par les UGC en ligne, l’observateur
doit être capable de hiérarchiser le contenu.
D’abord, en fonction de l’influence dont il dispose. Cette approche est particulièrement
utilisée pour les contenus détectées sur les réseaux sociaux. Le niveau d’influence dont dispose un
contenu est calculée en fonction d’une variable essentielle : l’engagement.
« Quelle est la hiérarchisation du contenu ? La hiérarchisation passe en fait
beaucoup par l’engagement. un contenu qui a reçu plus d’engagement recevra
tout de suite plus d’attention qu’un contenu qui n’en a pas reçu. Par exemple,
même si mon père tweete quelque chose de très méchant sur une marque, du haut
de ses 50 abonnés, il est peu probable que son tweet remonte à travers les filtres
de l’algorithme. »
Léa B.
Pour mesurer l’influence d’un message, on mesure donc son niveau d’engagement : le nombre
d’interactions à l’oeuvre entre ce message et son audience. Le nombre de likes, de commentaires, de
réactions, de partages etc. On utilise ici souvent le calcul du taux d’engagement. Le taux
!49
d’engagement prend plusieurs formes selon les marques et les réseaux sociaux en jeu. Cependant,
de manière générale, l’opération est la même. Il faut choisir les critères qu’on considère pertinents
pour évaluer l’influence du message, les multiplier par leur nombre d’occurence et diviser le
résultat par l’audience totale du post90. Plus le résultat obtenu est élevé, plus le message a
effectivement eu un impact sur son audience. Par exemple, sur Instagram, plate-forme qui dispose
d’un des taux d’engagement les plus élevés des réseaux sociaux, le taux d’engagement moyen par
post est d’environ 1,5%, contre 0,10% sur Facebook ou 0,04% sur Twitter91.
Evidemment, un second critère d’évaluation de la pertinence d’un message est l’audience dont
il dispose. La marque doit donc évaluer l’exposition de sa population cible au message tout autant
que son engagement. Ainsi, même s’il avait un taux d’engagement de 100%, un message visible
uniquement par 10 personnes dans le monde aura forcément une influence négligeable sur la
réputation globale d’une marque. Sauf si la population cible de la marque se situe entre ces 10
personnes.
Pour les sites, le système est légèrement différent. Difficile de faire le calcul du taux
d’engagement sans likes ni partage. Dans ce cas, c’est l’ancien système de mapping des liens qui est
utilisé pour évaluer l’impact d’un article du site en question92 : on regarde combien de liens sortent
ou entrent dans un site, et à quels autres sites ils se connectent. À l’issue de ce travail, une
cartographie de l’influence du site apparait et matérialise l’influence dont il dispose ou non dans son
environnement.
III.A.2. La recherche d’Insights et de tendances
« Une fois que la marque est rassurée sur sa réputation, nos commerciaux lui
proposent ce qui fait vraiment le coeur de notre activité. D’abord, c’est la
recherche d’insights et l’analyse des comportements des consommateurs. Sur
votre marque particulièrement ou en post-rationalisation si un planneur veut
tester ses hypothèses. »
Léa B.
90
Siècle Digital, accédé 20/01/2016, disponible : https://siecledigital.fr/2015/05/18/petit-guide-taux-dengagement/
91
Ibid
92
« C’est plus compliqué avec les sites. Là tu peux regarder, comme avant, si le site est influent en faisant un mapping
des liens. » Léa B..
!50
L’analyse des prises de paroles des consommateurs peut aller bien au delà du simple
monitoring de réputation. Une fois que le besoin de réassurance de la marque est comblé, il est
possible de dépasser les simples impératifs de sécurité et de remonter la pyramide vers le véritable
accomplissement de la stratégie de la marque. À ce moment, l’UGC devient une vraie source
d’inspiration tant pour les agences que pour les marketers.
Par exemple, au cours de l’entretien, Léa développe un exemple qu’elle a pu observer dans le
cadre de ses fonctions chez Linkfluence. La marque Danone a missionné l’agence pour enquêter sur
le comportement des mamans connectées. Ces informations avaient pour but d’être mobilisées afin
de développer de nouveaux thèmes de communication à destination de ces cibles. L’UGC s’est
révélé un gisement d’une très grande richesse pour la marque. Les E-Mamans93 sont en réalité une
communauté très active en ligne. Leur conversations tournent évidemment autour des tracas du
quotidien liés à la grossesse ou aux enfants en bas âge, mais pas seulement .Le running est par
exemple un sujet très récurrent dans les conversations. Ces UGC sont donc aussi l’occasion d’en
apprendre davantage sur leurs autres activités et ensuite de développer un discours, une
communication et une personnalité de marque correspondant au profil de ces jeunes mamans.
« Le troisième temps de notre offre se déconnecte complètement de la marque en
elle-même. C’est plus de la prospective, une étude sur des thèmes très
transversaux. »
Léa B.
Cette troisième partie correspond à l’usage le plus avancé de l’étude du contenu existant sur
les réseaux sociaux : l’analyse de tendance. Ici il n’est plus question de détecter des prises de parole
sur un thème ou une marque en particulier. L’enjeu est d’anticiper quels enjeux vont compter dans
l’actualité, de découvrir de nouveaux paradigmes en train de se développer. C’est pour les agences
une partie très importante. Elle permet de contextualiser la réflexion des planneurs dans des
tendances de fond et de la rendre plus pertinente auprès des individus. C’est néanmoins la partie la
plus difficile dans l’analyse des UGC : trouver les bons mots clefs, le contenu pertinent est très
délicats dès lors qu’on s’intéresse à des thèmes généraux comme la santé, la jeunesse ou
l’innovation94 .
93
Linkfluence, accédé 25/03/2016, disponible : http://linkfluence.com/2015/08/28/running-qui-sont-lesconsommateurs-connectes/
94
Près de la moitié des effectifs de Linkfluence est ainsi affectée à cette tache.
!51
III.B. L’UGC dans la publicité : comment mettre à profit les
propriétés intrinsèques aux contenus utilisateurs dans une
campagne
Cette sous partie a pour vocation d’illustrer comment les marques ont pu utiliser l’UGC dans
différentes parties de leur communication. Le nombre très élevé de communications l'utilisant
empêche bien sûr d’en faire un inventaire exhaustif. Pour tenter d’illustrer au mieux la diversité des
applications possibles de l’UGC, nous l’approcherons donc par le biais du type de communication,
en retenant comme grandes catégories le branding et la publicité.
III.B.1. Branding et User-Generated Content : rendre la marque à ses
consommateurs et employés
III.B.1.a. Airbnb et son logo participatif
L’un des éléments clefs de l’identité d’une marque est son logo. C’est un symbole de
reconnaissance pour tous ses clients et potentiels consommateurs à travers le monde. En tant que
tel, c’est souvent un des aspects les plus contrôlés et encadrés de la marque95 . Néanmoins, c’est
aussi un médium puissant d’appropriation de la marque par ses consommateurs. Qui n’a jamais
essayé de dessiner le célèbre « swoosh » de Nike à main levée ?
La marque Airbnb l’a bien compris. Après son rebranding en 2014, la nouvelle plate-forme de
marque repose sur l’idée de
communauté partagée. En tant
que tel, l’utilisation de l’UGC
paraît particulièrement adaptée
à une marque qui se veut
collaborative et ouverte à la
conversation. L’entreprise a
donc décidé d’encourager ses
utilisateurs à s’approprier son
logo pour démontrer leur
95Simplio
designs/
F13 : Capture d’écran du site create.airbnb permettant de
créer son propre logo Airbnb
Web Studio, accédé 14/032016, disponible : https://www.simpliowebstudio.com/most-expensive-logo-
!52
appartenance au réseau. Un hôte Airbnb peut ainsi créer son propre logo Airbnb grâce à une plateforme et un site internet créé dans ce but. Le logo est ensuite utilisé sur le profil de l’intéressé et
devient son symbole d’appartenance à Airbnb.
Create.airbnb est un exemple pertinent pour interroger dans quelle mesure une marque peut
co-créer son identité en utilisant l’UGC.
III.B.1.b West Elm : le Look & Feel optimisé pour l’engagement
West Elm est une entreprise américaine d’ameublement et de décoration d’intérieur. Elle a été
l’une des premières à utiliser de l’UGC pour habiller son look & feel sur les réseaux sociaux. En
effet, l’entreprise a commencé à travailler avec la start-up américaine OLAPIC96 . Cette dernière
propose des solutions d’analyse des prises de parole sur les réseaux sociaux afin de détecter les
visuels en rapport avec la marque qui proposent le potentiel d’engagement le plus important.
Son fonctionnement est le suivant. West Elm a lancé un hashtag #mywestelm97. A partir de ce
hashtag, OLAPIC a été en mesure de crawler98 tous les réseaux sociaux pour agréger l’ensemble des
photos publiées par des utilisateurs utilisant ce hashtag. Ensuite, un algorithme sélectionne quelles
photos ont déclenché le plus d’engagement chez leurs audience et en tire des conclusions sur
quelles photos ont le plus
de chance d’engager les
consommateurs de West
Elm. Enfin, les photos
répondant à ces critères
parmi celles soumises par
les utilisateurs sont
sélectionnées pour habiller
les profils de la marque sur
les différents réseaux
sociaux.
96
F14 : Le compte Instagram de West Elm, composé de photos
d’utilisateurs, au moment de la campagne avec OLAPIC.
Mobile Market, accédé 24/04/2016, disponible : http://www.mobilemarketer.com/cms/news/advertising/20193.html
97
West Elm, accédé 15/05/2016, disponible http://www.westelm.com/shop/design-lab/mywestelm-communityinspiration/
98
Terme technique désignant le scan à grande échelle de pages internet par des robots informatiques.
!53
Au final, l’annonceur gagne le temps et l’argent nécessaire à la production d’un tel contenu
avec une agence traditionnelle. De plus, il profite des avantages inhérents aux campagnes utilisant
les UGC : davantage d’engagement et une proximité renforcée avec des consommateurs qui se
sentent mis en valeur.
III.B.2.c. NAVBLUE : le « Employee-Generated Content »
NAVBLUE est une entreprise BtoB, filiale d’Airbus créée suite à l’acquisition de l’entreprise
Navtech par le groupe Airbus. NAVBLUE est une entreprise proposant à différents acteurs du
secteur de l’aéronautique des services que l’on peut résumer sous l’expression « Flight Operations
and Air Traffic Management ». Ces solutions sont en réalité toutes les ressources en termes de
software et de données indispensables pour faire voler les avion et aéronefs au sens large : plans de
vol digitaux, données gps, calcul des trajectoires d’approche optimales etc.
Suite à son re-branding au mois de juillet 2016, la plate-forme de marque repose sur deux
piliers. D’une part, la précision des données à partir desquelles elle peut travailler grâce aux
infrastructures mises à sa disposition par Airbus Group. L’autre, c’est l’intelligence humaine
indispensable pour traiter les données et leur donner du sens. Tous ces éléments concourent à offrir
une meilleure expérience de vol aux pilotes et à garantir une sécurité améliorée à tous les passagers.
L’identité de la marque est ainsi composée des dataskies : des ciels digitaux générés à partir de data.
Ces derniers rappellent à la fois l’aspect technique et précis de la marque, mais aussi son aspect très
émotionnel : son but ultime étant
de permettre aux avions de voler
dans le ciel.
Pour engager ses employés
et mieux leur faire comprendre la
plate-forme de la marque,
l’agence de branding de
NAVBLUE, Landor Paris, a
décliné l’identité de la marque
dans les cartes de visite des
employés. Chacune est unique et
créée en fonction des données de
F15 : Exemple de carte de visite NAVBLUE. À gauche, le datasky de
Mike Hulley, CEO of NAVBLUE.
!54
naissance et de la couleur préférée de chaque employé. Chaque employé disposant de son propre
datasky.
Encore une fois, c’est une manière pour la marque de se rapprocher de ses employés en les
faisant participer à son effort de branding, et en leur permettant de s’approprier les nouveaux codes
de la marque (qui plus est dans le contexte de création d’une nouvelle entreprise ici).
III.B.2. Publicité et UGC : mettre l’utilisateur au premier plan
Nous avons déjà parcouru de nombreux exemples de publicité bâties sur des contenus
d’utilisateur tout au long de ce texte. Voici cependant quelques exemples édifiants de campagnes
efficaces basées sur l’UGC.
III.B.2.a Outdoor : Burger King - Angry Tweets Aux origines de cette campagne, une absence de quinze ans du restaurateur Burger King en
France. À son retour, chaque ouverture de restaurant provoque l’émeute et souvent, l’attente est
longue pour y entrer et pouvoir accéder aux comptoirs. Plutôt que d’ignorer le problème, l’agence
Buzzman a décidé d’y répondre en mettant les utilisateurs les plus mécontents à l’honneur. La
campagne « Angry Tweets »est une campagne Print où des tweets d’amateurs frustrés de Burger
King sont placardés sur les restaurants en cours de construction. À la clef, une opposition
croustillante entre tweets enragés et réponses adroites de l’enseigne.99.
Une fois encore, les résultats de l’UGC sont au rendez-vous. Sans investissement média, la
campagne est la plus twittée
en 2014 en France, et
bénéficie d’une couverture
earned media de 5.4 millions
d’euros. L’engagement a lui
aussi progressé : +1494% sur
Facebook et +543% sur
Twitter sur les comptes de la
marque.
99
F16 : Une photo de la campagne « Angry Tweets » prise par un internaute.
Source : http://www.club-sandwich.net/breves/angry-tweet-la-campagne-
La Réclame, accédé 30/06/2016, disponible : http://lareclame.fr/buzzman/realisations/angry-tweets
!55
III.B.2.b TV : Doritos - Crash the SuperBowl
La marque de biscuits salés Doritos est l’une des plus ferventes utilisatrices des UGC dans sa
publicité télévisée. Plus particulièrement, c’est la première marque a avoir ouvert les portes du
SuperBowl à un contenu « amateur ». En effet, depuis 2008, Doritos organise chaque année un
concours de publicités. Tout le monde peut ainsi créer sa propre vidéo et la soumettre à la
compétition. Un juré d’employés de la marque sélectionne ensuite le grand gagnant, qui voit sa
publicité diffusée pendant le créneau acheté par la marque à la mi-temps du SuperBowl.
Cette initiative allie plusieurs facteurs de succès d’une bonne campagne UGC. D’abord, elle
met les contributeurs en valeur : la vidéo du gagnant bénéficie de la plus large audience télévisée
possible (l’année dernière, le SuperBowl a rassemblé 111,9 millions de téléspectateurs100 ), il
remporte un chèque de 1.000.000 de dollars et un an de « dream-job » dans les studios Universal
101.
D’autre part, elle garde un contrôle sur la production des vidéos : si les utilisateurs sont
totalement libres de créer comme ils l’entendent, c’est la marque qui décide à la fin quelle vidéo
gagne. Enfin, l’initiative est totalement transparente. Les contenus ne sont pas retouchés par la
marque et les règles du concours sont connues de tous. F17 : Capture d’écran de la vidéo vainqueur de l’édition
2015 du SuperBowl
Source : https://www.youtube.com/watch?v=YQo0TfuueaY
100
Europe 1, accédé 30/05/2016, disponible : http://www.europe1.fr/sport/super-bowl-audience-en-legere-baisse-maisla-troisieme-plus-elevee-de-lhistoire-2665129
101
Contently, accédé 15/07/2016, disponible : https://contently.com/strategist/2015/01/12/how-doritos-turned-usergenerated-content-into-the-biggest-super-bowl-campaign-of-the-year/
!56
III.B.2.b Merchandising/PLV : Amazon - Bookstore
L’User-Generated Content n’est pas l’apanage du digital. Évidemment, internet est le terrain
d’expression privilégié de ses avantages. Néanmoins, l’UGC ne saurait se limiter au digital. En ce
sens, une initiative de l’entreprise de commerce en ligne Amazon est éclairante. Après avoir observé
quels dispositifs renforçaient le plus souvent l’acte d’achat dans son magasin, la marque les a
ensuite transférés dans le magasin physique qu’elle a ouvert à Seattle.
Les livres disponibles en magasin sont ainsi sélectionnés en fonction des notes qu’ils
obtiennent dans le magasin numérique d’Amazon, leur popularité, les chiffres de pré-vente et de
ventes qu’ils obtiennent en ligne. Sous chacun des livres, le visiteur du magasin trouve la note
attribuée à l’oeuvre par les utilisateurs du site, ainsi qu’une sélection des commentaires de lecteurs
les mieux notés. Une application mobile est disponible pour accéder à plus de commentaires et
critiques de la part d’autres lecteurs. Enfin, les livres mis en avant en tête de gondole sont ceux à
qui les utilisateurs ont accordé les meilleurs notes en ligne. À chaque point de contact en magasin,
ce n’est plus à l’entreprise uniquement que le client potentiel à affaire, mais plutôt l’ensemble des
autres consommateurs qu’il rencontre. F18 : Une tête de gondole du Amazon Bookstore où chacun des livres a reçu une note supérieure à
4,8 étoiles de la part des utilisateurs. Source : https://www.amazon.com/b?node=13270229011
!57
III.C. UGC : les limites d’un contenu « amateur »
Aujourd’hui, l’utilisation par les marques de l’UGC reste marginale. Si elle tend à progresser,
notamment en digital, elle reste une forme minoritaire de publicité. Plusieurs raisons expliquent la
sous-utilisation des UGC par les marques malgré leur efficacité avérée.
II.C.1. Une « utilité marginale décroissante » des UGC
L’efficacité des UGC repose principalement sur deux composantes que nous avons étudiées :
l’authenticité et la différenciation. L’une impliquant la seconde. Si les UGC sur-performent autant
face à des formes de publicité traditionnelles (en terme d’engagement notamment), c’est parce
qu’ils résonnent différemment dans le paysage publicitaire. Leur authenticité incontestable- ils sont
la voix des milliers d’anonymes parlant en leur nom seul- contraste avec les messages provenant
directement des marques ou de leurs agences et crée du lien avec l’audience. S'ils restent si
crédibles, c’est donc d’une certaine manière parce que leur usage reste marginal et qu’en tant que
tel, ils sont remarquables.
C’est particulièrement vrai pour les UGA. En effet, l’exposition accrue des consommateurs à
des publicités créées à partir d’UGC risque non seulement de réduire l’effet de nouveauté ressenti
par la cible, mais même de renverser le processus. Si les consommateurs perçoivent l’utilisation des
UGC par les marques comme des tentatives détournées de les influencer, la dynamique risque de se
gripper102 . Pour l’instant, les UGC bénéficient d’une forme de bienveillance : l’utilisation d’un
contenu utilisateur par une marque est considéré comme une mise en valeur de l’utilisateur en
question plus que par un essai purement intéressé de persuader les individus. Dans le cas inverse, on
peut facilement imaginer les individus développer un décodage oppositionnel pour tenter de se
« défendre » contre la publicité. À ce titre, certaines des réponses obtenues lors de notre enquête de
terrain sont particulièrement éloquentes. À la question « cette initiative de la part d’Apple vous
rend-elle la marque plus sympathique ? », les enquêtés ayant répondu « non » étaient invités à
donner leurs raisons. Certains enquêtés ont manifesté violemment leur refus de se laisser influencer
par la manipulation de l’UGC :
« Ça me donne l'impression que les utilisateurs sont instrumentalisés »
102
WRIGHT Peter, « Schemer Schema: Consumers’ Intuitive Theories About Marketers’ Influence Tactics », Advances
in Consumer Research, 1986,13 (1), 1–3.
!58
« Ca renifle trop le bullshit de communiquant »
« Nous faire croire qu'ils sont proches de nous juste pour nous vendre un
téléphone à plus de 600 euros fait par des enfants »
Cette particularité des UGC est aussi particulièrement visible lorsqu’il est question des powerusers sur les différents réseaux sociaux. Les power-users sont des personnalités disposant d’une
forte audience et influence au sein du réseau social sur lequel ils sont présents. Souvent, les powerusers démarrent en tant que complets anonymes. C’est la qualité du contenu qu’ils produisent, un
effet de mode ou bien leur activité dans la vie matérielle qui les transforme en power-user sur
internet 103. On peut prendre comme exemple la célèbre youtubeuse (terme associé aux power-users
sur la plate-forme de partage de vidéos Youtube) française Enjoy Phoenix, spécialisée dans le test
en ligne de produits cosmétiques.
Justement, les power-users représentent un exemple intermédiaire très pertinent pour éclairer
notre sujet. En effet, leur business modèle propose un modèle hybride entre UGC et placement de
produit traditionnel104. Les youtubeuse beauté par exemple, reçoivent les produits qu’elles testent
gratuitement de la part des grandes marques. Or, toutes ne sont pas totalement transparentes sur
l’influence qu’elles subissent pour publiciser tel ou tel produit. La sincérité qu’on attend d’un
contenu amateur se trouve alors entaché de conflit d’intérêt dans la mesure ou la youtubeuse
n’informe pas son public que son jugement peut ne pas être très objectif.
« Quand les marques essaient d’influer sur le UGC, ça fourvoie un peu ce qui
était bien à propos des UGC, le fait que c’est honnête, spontané etc. Dans les
commentaires sous les vidéos, les gens insultent souvent les youtubeurs en leur
disant qu’il font ça pour l’argent. Aujourd’hui il y a beaucoup de native
advertising déguisé en UGC. »
Dans le deuxième interview qu’elle nous a accordé (cette fois en tant que consommatrice
d’UGC sur Youtube) elle soulève ainsi le problème principal des marques utilisant l’UGC à
contresens de ses propriétés d’authenticité : le native advertising. Le native advertising de manière
générale est la dissimulation du message publicitaire dans un format qui laisse à penser au
103
Hootsuite, accédé 10/08/2016, disponible : https://blog.hootsuite.com/instagram-best-practices-power-userinterview/
104
Madame Le Figaro, accédé 18/08/2016, disponible : http://madame.lefigaro.fr/beaute/ces-youtubeuses-qui-sont-entrain-de-conquerir-le-business-de-la-beaute-070715-97358
!59
consommateur qu’il n’est pas en train d’être exposé à de la publicité. Exemple : article de journal en
réalité rédigé par une marque, post sur Facebook sur un sujet quelconque mais qui met en valeur les
produits d’une marque etc. Lorsqu’il est appliqué à l’UGC, le native advertising cherche donc à
profiter des propriétés de l’UGC sans en partager l’esprit : placement de produits déguisés,
argumentation subjective etc105. Là encore, l’utilisation déguisée de l’UGC pose la question de la
pertinence à moyen et long terme des UGC si ces derniers sont décrédibilisés par de mauvais
usages.
Enfin, l’UGC peut également prendre parfois la forme d’un mensonge au premier degré. Sur
certains sites où l’avis des consommateurs est mis en avant pour évaluer la qualité d’un service de
restauration ou d’hôtellerie, les commentaires et les notes ne sont plus le fait de véritables
consommateurs. Les établissement concernés produisent en effet eux-mêmes du contenu utilisateur
en vue de noyer les vraies occurrences dans la masse des faux témoignages.
« Les gens vont voir sur Trip Advisor dès qu’ils vont manger quelque part. Mais pourtant, nous
on sait que les contenus de Trip Advisor sont complètement faussés. Complètement manipulés par
les restaurateurs. Pour autant, les gens y croient et ça continue de marcher. »
Nicolas D.
III.C.2. La critique de l’exploitation des utilisateurs
Les marques faisant usage des contenus utilisateurs dans leurs communications sont souvent
accusées d’exploiter le travail de leurs consommateurs gratuitement.
« je n'aime pas qu'une marque me prenne pour une vache à lait »
« Car ils se font de l'argent sur notre dos106 »
De manière plus générale, deux opinions s’affrontent ici. La première penche pour une
meilleure reconnaissance des utilisateurs produisant du contenu, voire même de leur rémunération.
Ainsi, à la question « Le fait que les photographes amateurs ne soient pas rémunérés pour leur
105
Les Inrockuptibles, accédé le 20/08/2016, disponible : http://www.lesinrocks.com/2011/07/19/actualite/commentdes-entreprises-francaises-fabriquent-et-vendent-de-faux-avis-sur-le-net-1112206/
106
Les deux citations sont tirées de notre enquête de terrain sur la campagne Apple « Shot on IPhone 6 ». Elles ont été
sélectionnées parmi la liste des réponses des personnes ayant répondu « non » à la question « Auriez-vous aimé
qu’Apple sélectionne votre photo pour la campagne ».
!60
production vous semble-t-il problématique ? », nous
obtenons les réponses suivantes :
Agrégés, 59,5% des enquêtés semblent donc
13,2 %
25,5 %
trouver problématique que les utilisateurs de
contenu ne soient pas rémunérés pour avoir
contribué à une campagne.
27,4 %
Cependant, il est intéressant de constater
que même si le public semble désapprouver le fait
34 %
que les marques ne rémunèrent pas les
contributeurs, cette variable n’entre pas en compte
dans l’appréciation de la publicité en question107 .
C’est ce qui nous amène à la seconde opinion très
prégnante dans les débats attenants à l’utilisation des
UGC.
Oui tout à fait
Non pas vraiment
Oui plutôt
Non pas du tout
F19 : 59,5% des enquêtés pensent que les
utilisateurs à la source d’UGC utilisés par
les marques devraient être rémunérés.
Pour l’autre extrémité du spectre, le fait que la marque utilise un contenu et lui donne une
portée bien supérieure à celle qu’il aurait pu espérer seul, est en soi une forme de rémunération.
Cette logique semble effectivement s’inscrire dans la lignées des caractéristiques propres aux UGC
étudiées ci-avant. Nous avons démontré que
l’utilisation par les marques du contenu
utilisateur lui permettait de créer la
conversation avec eux, et de les mettre en
valeur pour mieux les engager et les fidéliser.
C’est cette mise en valeur qui pour certain
ferait office de rémunération108. Ainsi, de
nombreuses personnes dont les photos ont été
utilisées pour la campagne « Shot on IPhone
6 » ont publiquement exprimé leur gratitude à
F20 : Captures d’écran d’une interview réalisées
au journal télévisé de NBC avec une des
photographes sélectionnés pour la campagne
« Shot on IPhone 6 »
Source : https://www.youtube.com/watch?
107
LAWRENCE Benjamin, FOURNIER Susan, BRUNEL Frédéric « When Companies Don't Make the Ad: A
Multimethod Inquiry Into the Differential Effectiveness of Consumer-Generated Advertising », Journal of Advertising,
2013, 42:4
108
Hub Institute, accédé 21/08/2016, disponible : http://hubinstitute.com/2014/05/lugc-un-outil-de-communicationperformant-mais-inexploite/v
!61
la marque Apple pour avoir sélectionné et mis en scène leur oeuvre109. La sélection de leur photo a
par ailleurs été souvent l’occasion de recevoir d’autres formes de gratification (proposition
d’agences de mannequin, participation à des émissions etc.)110.
La prise de parole des personnes dont le travail est sélectionné pour faire partie d’une
campagne UGC semble d’ailleurs faire pleinement partie de la campagne elle-même. Aux ÉtatsUnis, plusieurs personnes dont les photos ont été sélectionnées pour la campagne « Shot on IPhone
6 » ont ainsi été invitées sur les plateaux télévisés pour raconter ce qu’ils avaient ressenti en voyant
leur cliché exposé à l’échelle d’un façade de gratte-ciel.
III.C.3. User-Generated Content et cohérence du discours des marques
L’un des principaux défis du branding est de créer de la cohérence dans l’identité des
marques. De la cohérence dans l’identité visuelle : un look & feel unifié sur tous les touchpoints, un
logo en accord avec le positionnement etc. Mais aussi dans le discours : quel que soit le contexte, la
marque doit toujours s’exprimer d’une même voix. C’est à ce prix, celui de la cohérence, qu’une
marque peut espérer occuper une place claire dans l’esprit des consommateurs.
Créer de la cohérence réclame beaucoup de contrôle. C’est une bonne part des efforts et des
dépenses de branding des marques111 . Dès lors, toute atteinte à cette cohérence est considérée
comme une menace pour l’unité de la marque. Or, l’une des principales contraintes à l’utilisation de
l’UGC est justement son essence, qui ouvre la porte à l’imprévisible.
De nombreuses tentatives d’utilisation de l’UGC ont assez logiquement abouti à des échecs
retentissants, et, par effet Streisand, globaux. On peut prendre ici comme exemple l’initiative prise
par McDonald’s avec ses #MeetTheFarmers. Le hashtag est lancé à l’origine sur Twitter pour
relayer des histoires des fermiers qui alimentent la chaîne en matière première alimentaire.
Cependant, il est rapidement détourné en #McDoStories par les utilisateurs, qui commencent à
raconter des histoires négatives sur leurs aventures culinaires en restaurant McDonald’s (certaines
ouvertement fausses à portée satirique). Même si la campagne est stoppée au bout de 2h par
109
Deccan Chronicle, accédé 21/08/2016, disponible : http://www.deccanchronicle.com/technology/mobiles-and-tabs/
020316/bangalore-man-clicks-wife-s-picture-on-iphone-6-becomes-global-apple-ad.html
110
Ibid
111
Collective Alternative, accédé le 03/08/2016, disponible : http://www.collectivealternative.com/a-key-ingredient-tobuilding-a-better-brand-consistency/
!62
McDonald’s, le mal est fait et le hashtag continue de se rependre sur la plate-forme sociale112 . Cet
exemple illustre parfaitement le risque que prend une marque dès lors qu’elle entend utiliser les
User-Generated contents. La réaction des utilisateurs peut très rapidement aller à l’encontre du
bénéfice espéré.
Cependant, n’est pas à ce prix que la marque peut espérer se rapprocher de ses utilisateurs et
paraître plus proche d’eux ? La question de la gestion du discours est en ce sens particulièrement
pertinente pour interroger le degré de contrôle qu’une marque doit avoir sur son image si elle entend
rester proche et ouverte pour ses consommateurs. 112
Forbes, accédé 03/08/2016, disponible : http://www.forbes.com/sites/kashmirhill/2012/01/24/mcdstories-when-ahashtag-becomes-a-bashtag/#4012613e193f
!63
Conclusion
Tout au long de notre travail, la question sous-jacente était de déterminer dans quelle mesure
l’UGC était une solution particulièrement pertinente et adaptée à l’époque, aux consommateurs du
XXIème siècle et plus généralement aux nouveaux usages hérités d’une pratique accrue du digital.
Notre réflexion a montré que l’utilisation des UGC aujourd’hui dans la communication des
entreprises s’inscrit effectivement de manière logique dans la continuité de l’évolution des formes
de publicité depuis 150 ans. En plaçant le consommateur à la fois à la source de la réflexion
stratégique et au centre de la production publicitaire, l’UGC sacre l’émancipation de l’individu en
tant qu’unité autonome et distincte d’une foule abstraite et toisée au prisme des prénotions. En
s’inscrivant au point de jonction du contexte technologique du WEB 2.0 et de la personnalisation
croissante des expériences publicitaires, l’utilisation de l’UGC apparaît ainsi comme un choix
logique pour les annonceurs comme pour les agences.
D’autre part, les propriétés communicationnelles de l’UGC ont démontré qu’elles étaient
particulièrement pertinentes sur plusieurs facteurs essentiels de l’efficacité publicitaire aujourd’hui.
L’authenticité, la confiance, l’engagement, l’originalité : ces caractéristiques sont les plus
recherchées auprès des marques par les Millennials et sont justement, nous l’avons montré, celles
dans lesquelles l’UGC affirme le plus distinctement sa supériorité face aux formes traditionnelles de
publicités. L’UGC est donc une opportunité pour les marques désirant instaurer dès maintenant une
relation de proximité avec leurs consommateurs, les laissant s’engager, pour stimuler leur loyauté et
en faire de véritables ambassadeurs.
Enfin, nous avons montré que si ces dernières avaient effectivement développé des usages
tirant le meilleur du potentiel des UGC, certains obstacles continuent de gêner leur plein emploi. En
effet, une partie importante des caractéristiques propres aux UGC reposent sur leur usage encore
peu répandu aujourd’hui. La littérature montre ainsi qu’un usage à grande échelle pourrait altérer
les propriétés différentiantes et la crédibilité accordée aujourd’hui aux communications recourant à
ce type de contenus.
De manière plus générale, la réflexion sur les usages des UGC s’est révélée particulièrement
juste pour interroger la recherche constante chez les annonceurs d’un équilibre entre constance de
leur image et l’authenticité de cette dernière. L’utilisation des UGC, au delà des problématiques de
!64
modération qu’elle engendre inévitablement, explore de nouvelles manières d’impliquer le
consommateur jusqu’au coeur de la stratégie d’une entreprise et de son identité (comme nous le
montre par exemple Airbnb).
Cependant, cette mise en scène de l’écoute laisse-t-elle place effectivement à une relation plus
dense, plus riche avec le consommateur ? L’évolution des cibles, et particulièrement la nouvelle
génération représentée par les Millennials semble en attendre davantage des marques, mais leur
accorde en échange une loyauté et un écho accrus, supérieurs à ceux auxquels sont disposés les
baby-boomers. On peut alors imaginer que leur vigilance sera plus grande à l’heure de juger si une
marque entend effectivement dialoguer avec eux, ou si sa communication ne tisse en réalité qu’un
voile trompeur de proximité. La réaction, dans l’un et l’autre scénario, aura simultanément l’impact
et la force des millions d’autre consommateurs prêts à s’engager à leurs cotés. Chacun, derrière son
écran, dispose désormais d’une puissance de frappe et d’une audience qu’aucune des foules chères
aux Le Bon,Tarde et Sighele n’auraient pu égaler. !65
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Annexes
Table des figures
F1 : Du crieur à l’affiche publicitaire.
p.6
F2 : Deux exemples de publicités inspirées des travaux de Dichter dans les années 50.
p.11
F3 : Publicité pour les cafés Possum signée par Y&R, 1923.
p.15
F4 : Captures d’écran tirées d’un spot TV pour la marque Pampers.
p.18
F5 : Quantité de données générées par l’humanité en exa-octets (Eo).
p.22
F6 : Exemple d’User-Generated Content sur Facebook, Twitter et Instagram.
p.23
F7 : Calcul du lien entre utilisation de l’UGC et crédibilité de la publicité.
p.29
F8 : Les Millennials « croient » davantage à l’UGC que leurs ainés.
p.31
F9 : En rouge, témoins de l’engagement et incitations à s’engager sur une vidéo Youtube.
p.34
F10 : L’utilisation de l’ UGC rapproche la marque de ses consommateurs.
p.38
F11 : Extrait des résultats pour la recherche « famille » sur la banque d’images Getty Images
p.39
F12 : Focus - l’effet Streisand
p.43
F13 : Capture d’écran du site create.airbnb permettant de créer son propre logo Airbnb
p.47
F14 : Le compte Instagram de West Elm, composé de photos d’utilisateurs, au moment de la
campagne avec OLAPIC.
p.48
F15 : Exemple de carte de visite NAVBLUE. À gauche, le datasky de Mike Hulley, CEO de
NAVBLUE.
p.49
F16 : Une photo de la campagne « Angry Tweets » prise par un internaute.
p.50
F17 : Capture d’écran de la vidéo vainqueur de l’édition 2015 du Superbowl
p.51
F18 : …
F19 : 9,5% des enquêtés pensent que les utilisateurs à la source d’UGC utilisés par les
marques devraient être rémunérés.
p.56
F20 : F20 : Captures d’écran d’une interview réalisées au journal télévisé de NBC avec une
des photographes sélectionnés pour la campagne « Shot on IPhone 6 »
p.56
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Time’s Person of the Year : You.
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Questionnaire
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