IEP de Toulouse De vous à moi : l’User-Generated Content dans les stratégies de communication des marques Mémoire préparé sous la direction de M. Jean-Marc Décaudin Présenté par M. Loïs Della Valle Année universitaire 2015/2016 !1 Remerciements Merci au professeur Jean-Marc Décaudin pour avoir accordé à ce travail le temps nécessaire à son bon déroulement et su motiver sa réalisation au cours de l’année passée. Merci à Sylvie Della Valle pour avoir corrigé patiemment mes errements orthographiques et pour m’avoir accueilli dans son bureau au mois d’août. Merci à Thibault, Anne, Agathe, Camille et Jeanne pour s’être montré des alliés précieux lors des moments de doute et ceux passés le week-end à la bibliothèque. Merci à Landor Paris de m’avoir accordé des vacances prolongées afin de mettre le point final à ce mémoire avant d’entrer dans la vie professionnelle. !2 Table des matières Introduction 5 I. Mise en place du contexte théorique et technique d’apparition des UserGenerated Contents : l’avènement de l’individu. 10 I.A. De la fin du XIXème siècle aux années 50 : le public comme récepteur 10 I.A.1. La disparition de l’individu dans la foule 10 I.A.2. Le contrôle de la foule: un fantasme de communicant 13 I.A.3. L’influence de la recherche motivationnelle sur la réflexion publicitaire 15 I.A.4. Le public réhabilité 17 I.B. Le planning stratégique : la compréhension des individus à la source du processus de création de la publicité 19 I.B.A. La création du planning stratégique et du métier de planneur 19 I.B.2 L’insight : la vision du consommateur au coeur de l’appareil stratégique publicitaire 22 I.C. L’innovation technologique à la source de l’essor des User-Generated Contents 24 I.C.1. Préhistoire des User-Generated Contents : la co-production de contenus avant l’ère du WEB 2.024 I.C.2. L’explosion des User-Generated Content : une conséquence directe de la « socialisation » du numérique 26 II. Les propriétés communicationnelles des UGC : confiance, différence, engagement. 32 II.A. UGC : la confiance en d’autres « soi » 32 II.A.1. Les publicités créées à partir d’UGC (User-Generated ads) sont perçues comme plus sincères que les publicités traditionnelles 32 II.A.2. Millennials, confiance et UGC 35 II.B. UGC : une approche différentiante de la publicité 37 II.C. UGC : champion de l’engagement 38 II.D. UGC : un outil de rapprochement du consommateur et de la marque 42 !3 III. Les usages publicitaires de l’User-Generated Content par les marques.47 III.A. Mieux comprendre le consommateur pour mieux s’adresser à lui : l’UGC en amont de la communication 47 III.A.1. La première utilisation de l’UGC : mesurer et comprendre l’image d’une marque auprès du public 47 III.A.2. La recherche d’Insights et de tendances 50 III.B. L’UGC dans la publicité : comment mettre à profit les propriétés intrinsèques aux contenus utilisateurs dans une campagne 52 III.B.1. Branding et User-Generated Content : rendre la marque à ses consommateurs et employés 52 III.B.1.a. Airbnb et son logo participatif 52 III.B.1.b West Elm : le Look & Feel optimisé pour l’engagement 53 III.B.2.c. NAVBLUE : le « Employee-Generated Content » 54 III.B.2. Publicité et UGC : mettre l’utilisateur au premier plan 55 III.B.2.a Outdoor : Burger King - Angry Tweets 55 III.B.2.b TV : Doritos - Crash the SuperBowl 56 III.B.2.b Merchandising/PLV : Amazon - Bookstore 57 III.C. UGC : les limites d’un contenu « amateur » 58 II.C.1. Une « utilité marginale décroissante » des UGC 58 III.C.2. La critique de l’exploitation des utilisateurs 60 III.C.3. User-Generated Content et cohérence du discours des marques 62 Conclusion 64 Bibliographie 66 Ouvrages et articles 66 Sites 68 Annexes 70 Table des figures 70 Time’s Person of the Year : You. 71 Questionnaire 72 !4 Introduction Chaque année depuis 1927, la dernière semaine de l’année est l’occasion pour le Time Magazine de désigner sa « Person of the Year ». Cette dernière se veut représentative à la fois de l’année en cours, et son action un prélude de celles à venir. Une photographie d’où le monde se trouve, et d’où il se dirige1 . À titre d’exemple, parmi les plus célèbres d’entre-elles on trouve Hitler en 1938 et Mikhaïl Gorbatchev en 19892. En 2006 le Time crée la sensation en désignant « Person of the Year » les millions de contributeurs anonymes d’internet. La couverture met en scène un moniteur IMac sur lequel on distingue le lecteur vidéo propre à la plate-forme de partage de vidéos YouTube. Au milieu, le mot « You.3 ». Le lecteur vidéo étant imprimé en papier réfléchissant, n’importe quel lecteur du magazine regardant la couverture se voyait portraire comme la personne de l’année du magazine4 . Dans l’éditorial du numéro, l’auteur américain Lev Grossman détaille les raisons qui ont poussé l’hebdomadaire à faire ce choix. Pour lui, ce numéro rend hommage aux débuts du Web participatif. Celui où chacun est libre de publier un article de blog sur sa rupture amoureuse ou une vidéo de son iguane domestique5 . Surtout, c’est l’incroyable créativité de la communauté des internautes qui est récompensée : celle qui a permis les débuts de Wikipédia, YouTube, MySpace, et qui ouvre la voie à tout ce qu’est devenu et continue de devenir Internet aujourd’hui. Le point commun à toutes les nouvelles idées, à tous les nouveaux usages suggérés par ce « You. », c’est le User-Generated Content. Ce dernier porte selon les circonstances plusieurs noms : User-Generated Content, User-Created Content, Contenu Généré par les Utilisateurs etc. Par ces différentes expressions on entend, selon le rapport de l’OCDE dédié, « un contenu rendu librement public sur internet, dénotant d’un certain effort de création et généré dans un contexte nonprofessionnel ». En conséquence, nous entendrons ici par User-Generated Content, ou par Contenu 1 Time Magazine, Accédé 16/08/2016, disponible : http://time.com/3626016/person-of-the-year-faq/ 2 Wikipédia, Accédé 16/08/2016, disponible : https://fr.wikipedia.org/wiki/Personnalité_de_l %27année_selon_Time_Magazine 3 Toi / Vous en anglais. 4 La couverture est disponible en annexe. 5 Time Magazine, Accédé 16/8/2016, disponible : http://content.time.com/time/magazine/article/ 0,9171,1570810,00.html !5 Généré par les Utilisateurs tous types de contenu (texte, image, vidéo son) créé par des amateurs (dont ce n’est pas le métier de produire ce contenu) et disponible au public sur internet (UGC). L’UGC nous intéresse ici lorsqu’il est employé dans le cadre des stratégies de communication des entreprises et par extension dans la publicité. Par là nous comprendrons dans ce qui suit l’ensemble des actions de promotion de la vente d’un produit ou d’un service en exerçant sur le public une influence, une action psychologique afin de créer en lui des besoins, des désirs. Cette publicité pouvant être produite ou encadrée par l’entreprise directement, ou par un agence entendue comme un service dans lequel on cherche des moyens pour faire connaître, vanter des produits et par lequel on élabore les supports servant ces buts6. Ces différents agents et sujets, nous les analyserons dans un cadre chronologique défini d’une part par l’apparition de la publicité dans le sens contemporain que nous venons de définir, à la fin du XIXème siècle, et de l’autre par l’actualité. L’accent sera porté sur la période succédant à l’apparition du WEB 2.0, l’étude des UGC étant rendue plus pertinente et intéressante une fois leur usage largement répandu autour du monde7. La réflexion portée par ce mémoire s’articule donc autour des usages des User-Generated Contents dans les stratégies de communication des marques. Si nous nous intéresserons à ce sujet, c’est pour plusieurs raisons qui fondent son intérêt particulier. D’une part, parce que l’usage aujourd’hui des UGC par les marques et leurs agences dans leurs stratégies de communication n’est pas anodin. Il marque en effet le point de jonction entre différents courants théoriques, pratiques et techniques à l’oeuvre depuis la fin du XIXème siècle. En cela, l’utilisation des UGC est intéressante à observer dans la mesure où elle nous offre l’opportunité d’analyser comment, au fil du temps, le public est défini, envisagé puis adressé par les marques. D’autre part, l’UGC est considéré en tant qu’une forme particulière de publicité. En cela, il doit être appréhendé en regard des autres formes traditionnelles de publicité. Nous comprenons par traditionnelles l’ensemble des formes de publicités ne faisant pas appel aux UGC mais à des contenus créés artificiellement par des entreprises ou des agences pour leur usage en communication. C’est en contraste avec ces formes plus usuelles de publicité que l’UGC révèle ses aspérités et dessine les contours de ses propriétés communicationnelles extraordinaires (au sens 6 définitions du dictionnaire en ligne Trésor de la Langue Française 7 Nous y reviendront dans notre développement. !6 propre du terme). Car si l’étude des UGC est clef, c’est aussi pour mieux comprendre quelles voies s’ouvrent aux entreprises pour optimiser leurs stratégies de communication et atteindre leurs audiences plus largement, plus intensément et plus intelligemment. L’un des défis les plus prégnants du communicant aujourd’hui est de réussir à communiquer efficacement avec les Millennials (entendus ici comme la génération née entre 1980 et 2000). Or, il apparaît que ces derniers ne réagissent pas à la publicité, et plus généralement aux marques comme le faisaient leurs parents les baby-boomers. Leur engagement dans la consommation est à la fois plus volage et plus loyal, plus intense et plus rapide : en un mot, plus paradoxal8. Cependant, des points de saillance apparaissent, desquels les marques peuvent s’inspirer pour mieux atteindre ces individus : le besoin d’une conversation, d’être mis en valeur, d’être reconnu par les marques élues pour être consommées9. Justement, l’UGC semble être un outil particulièrement efficace pour activer ces leviers. Enfin, par essence, l’UGC est un contenu amateur. Étudier son utilisation par les marques, c’est donc s’intéresser d’une part à la réception que font les individus d’un contenu produit par l’un d’entre eux pour une entreprise : l’image de la marque en est-elle améliorée, dépréciée ? ; mais aussi s’intéresser à la part d’imprévisibilité que les marques sont prêtes à autoriser dans leur communication. Indubitablement, la prochaine génération de consommateurs, et déjà les Millennials, recherchent davantage d’authenticité de la part des entreprises et de leurs marques. L’UGC en est un médium privilégié, mais au prix de l’absence de contrôle que suggère l’utilisation de contenus créés par et pour des individus dont ce n’est pas l’activité professionnelle. S’intéresser aux UGC, c’est tenter de déceler ce qui rend une marque authentique dans l’oeil du consommateur : en terme de publicités et de leur message, mais aussi en regard des méthodes utilisées par les entreprises pour dialoguer avec leur audience. De manière générale, notre travail tentera donc d’identifier par quels mécanismes les propriétés particulières des User-Generated Content ont rendu leur utilisation pertinente dans les stratégies de communication contemporaines, et sous quelles formes. Pour répondre à cette question nous nous appuierons sur la littérature présentée en bibliographie de ce texte, et sur une enquête de terrain menée par nos soins. Celle-ci se compose : 8 Landor, accédé le 16/08/2010, disponible : http://landor.com/thinking/the-millennial-paradox-a-generation-uncovered 9 BARTON Christine, KOSLOW Lara, BEAUCHAMP Christine, The Reciprocity Principle, How Millennials are changing the face of marketing forever, The Boston Consulting Group, 2014. !7 • D’une analyse sémiologique de la campagne « World Gallery: Shot on IPhone 6 », dévoilée par la marque Apple en 2014 et renouvelée régulièrement depuis. Cette campagne a utilisé les UGC dans la mesure où tous les visuels utilisés et affichés dans les centres-villes et publiés sur le site internet d’Apple sont des photos prises par des clients de la marque à l’aide de leur IPhone 6. • D’un questionnaire administré à un panel composé de 123 personnes, portant sur l’utilisation des UGC dans les campagnes de communication en général et sur cette dernière campagne en particulier. Le panel dénote une surreprésentation des Millennials (étudiants pour la plupart) dans sa population (84/123). Les résultats sont donc présentés en regard de cette imperfection lorsque celle-ci est pertinente dans l’analyse des résultats. • De deux entretiens réalisés auprès de Léa Bory, ancienne stagiaire chez Linkfluence, une entreprise chargée de sonder la réputation des marques sur les réseaux sociaux et de proposer un support aux plannings stratégiques des agences pour nourrir leur réflexion et les informer sur les tendances de société en cours. Léa Bory était, au moment de nos entretiens, stagiaire au planning stratégique digital de l’agence Landor Paris. Le premier entretien portait sur ses activités au sein de Linkfluence et de son travail au contact des UGC. Le second entretien portait sur son comportement de consommatrice Millennial et sur l’influence que peuvent avoir les UGC (notamment les chaînes YouTubes auxquelles elle est abonnée) sur ses propres choix de consommation. • D’un entretien avec Nicolas Divet, stagiaire à deux reprises dans une entreprise « en stratégie de communication digitale 10» (il ne souhaite pas qu’il soit fait mention du nom de l’entreprise ici : n’y travaillant plus, ses propos n’engagent que son propre jugement). Son entreprise s’occupait notamment de la surveillance et de la gestion de la réputation de personnalités publiques et privées en ligne, particulièrement sur les réseaux sociaux. Pour analyser chacun des enjeux soulevés par notre problématique, notre réflexion s’articulera en trois temps. Notre première partie s’attachera à montrer comment l’usage contemporain des UGC dans les stratégies de communication des marques est symptomatique d’une triple évolution. 10 C’est la formule qu’il m’a demandé d’utiliser ici. !8 Celle, d’abord, des consciences : une maturation des esprits fait parvenir l’individu jusqu’au devant de la scène après l’avoir longtemps dissimulé derrière l’éclat aveuglant de la foule à laquelle on lui prête, il y a cent ans encore, une allégeance trompeuse. C’est à ce prix que l’individu et son pouvoir de création est devenu une échelle pertinente d’analyse autant que de réception, mais aussi de création des campagnes de publicité actuelles. Cette première partie est également l’occasion de montrer comment ce contexte théorique, toile de fond d’un siècle de sciences sociales, produit des effets jusque dans l’organisation des agences de publicité. En ce sens, ces transformations anticipent les prémices de l’internet participatif, où l’individu apparaît comme maître tant de ce qu’il fait que de ce à quoi il s’expose. Nous aurons également l’occasion de nous attarder sur la manière dont ce dernier jalon a accéléré le temps de l’UGC. Notre seconde partie concentre la focale autour de l’objet d’analyse que représente l’UGC. Plus précisément, elle nous permettra d’en analyser les propriétés communicationnelles particulières en les mettant en perspective vis à vis des formes traditionnelles de publicité. Cette partie est ainsi l’occasion de faire apparaître à la fois dans quels domaines les UGC sont des outils puissants au service des marques, mais aussi de montrer comment les différences de réception de la publicité entre les générations résonnent puissamment à l’heure de les confronter à l’UGC. Enfin , notre troisième partie teinte notre réflexion d’empirisme et tente de dessiner les contours de l’utilisation de l’UGC par les marques aujourd’hui. Cette dernière n’est pas univoque, ce sera l’occasion de décrire le nombre des usages qui peuvent être faits de l’UGC au services des marques et de la relation qu’elles entretiennent avec leurs consommateurs. Ce sera aussi le temps de revenir sur les limites que rencontrent à ce jour ces usages, et sur les questions que continuent de soulever l’utilisation des UGC dans les stratégies de communication des entreprises. !9 I. Mise en place du contexte théorique et technique d’apparition des User-Generated Contents : l’avènement de l’individu. Dans cette première grande partie, nous montrerons que l’essor aujourd’hui des UserGenerated Contents est le résultat d’une évolution, d’abord de l’appréhension théorique du phénomène de la masse et du processus communicationnel dans son ensemble (A), de ses répercussions dans le champ publicitaire (B) et enfin de nouvelles possibilités matérielles permises par l’invention du WEB 2.0 (C). I.A. De la fin du XIXème siècle aux années 50 : le public comme récepteur I.A.1. La disparition de l’individu dans la foule La dernière décennie du XXème siècle est une période clef pour comprendre comment s’est construite l’idée du public dans l’esprit des premiers publicitaires. Le tournant du siècle éclaire notamment l’angle sous lequel les publicitaires envisageront les consommateurs dans leur réflexion stratégique au cours du demi-siècle suivant. Les individus sont alors considérés avant tout comme membres de la masse. L’enjeu, dès lors, n’est pas d’écouter où de convaincre les individus, mais de comprendre les ressorts psychologiques cachés qui vont permettre de les persuader. Dans une période très courte, la société change de visage et un nouvel acteur fait son apparition sur la scène du jeu social : la masse. En l’espace d’un siècle, la population européenne double, atteignant 400 millions à l’orée du XXème siècle11. La révolution industrielle concentre les populations autour des villes, qui deviennent les nouveaux centres de l’économie. Ainsi, la démographie de Paris passe de 700 000 habitants à la Restauration, à plus de 2 millions en 1901 (elle triple en 80 ans)12. Parallèlement à cette envolée démographique permise par le développement de la science et de la médecine, un autre révolution est à l’oeuvre : l’alphabétisation. Entre 1850 et 1930, le taux d’illettrisme en France passe de 50% à 10%13. Ces nouveaux lecteurs encouragent le 11 BAISNEE Olivier, Cours de Comportements Politiques, Sciences-Po Toulouse, 2015 12 Ibid 13 Ibid !10 développement de la presse écrite, qui tire en 1914 à 14 millions d’exemplaires par jour et n’est plus lue uniquement par les élites14. La Presse devient en cela le premier média de masse. Cependant, l’avènement de cette masse nouvellement éduquée inquiète. Elle représente pourtant pour les entreprises un énorme potentiel économique, et donc un défi d’ampleur pour la publicité naissante. De plus, sachant désormais lire, elle est une cible privilégiée des annonces passées dans les journaux, ou des affiches qui commencent à se développer en France dans les années 187015,16,17. Cependant, personne ne semble encore en mesure de comprendre comment la foule pense et se comporte. Impossible, dans ces conditions, d’espérer la contrôler ou d’exercer une influence sur elle. C’est pour tenter de répondre à ces problématiques que certains penseurs vont tenter de poser les F1 : Du crieur à l’affiche publicitaire Le « poster » (de l’anglais « post », qui désigne les poteaux en bois permettant, le long des chemins de fer, d’y attacher des messages publicitaires) connait un grand succès en France au tournant du siècle. Il est encouragé par le développement de l’alphabétisation et des techniques de lithographie en grand format. Certains artistes se font remarquer en mettant leur talent au profit de grandes enseignes de l’époque. Les couleurs vives et la qualité esthétique des affiches animent les villes nouvellement très peuplées, tout particulièrement Paris. bases d’une communication de 14 BAISNEE Olivier, Cours de Comportements Politiques, Sciences-Po Toulouse, 2015 15 En haut à gauche : Jules Chéret pour les Folies Bergères, 1889 16 En haut à droite : Toulouse Lautrec pour le Moulin Rouge, 1891 17 En bas à gauche : Alphonse Mucha, Gismonda (avec Sarah Bernhardt), 1894 !11 masse, dont l’enjeu principal est de comprendre la foule afin d’être en mesure de la domestiquer. Les premiers théoriciens de l’ochlocratie 18 attribuent plusieurs caractéristiques particulières à la foule. Ces traits de caractère sont essentiels pour comprendre ensuite les formes prises par le discours publicitaire au cours de la première moitié du siècle. Gustave Le Bon est l’un des premiers intellectuels français à comprendre l’enjeu du contrôle des foules. L’un des points centraux de son livre XXX se trouve dans la réification du phénomène de Foule. La Foule se pare ici d’une existence propre : pour Le Bon, elle cesse d’être l’agrégat de ses participants et fonctionne plutôt comme un seul être. La masse se présente au communiquant comme un interlocuteur unique, au sein duquel se dissout l’individu. Un fois intégrées au sein de la foule, les préférences individuelles s’effacent derrière les impulsions du collectif. Inutile alors de chercher à comprendre ce que l’individu attend, dans la mesure où c’est la foule qui préside à ses désirs. Dès lors, le seul interlocuteur du pourvoir politique, et par extension de tout acteur cherchant à diffuser un message à vaste échelle, c’est la foule. Les penseurs de la Foule dessinent cependant les contours d’un public bien spécifique. D’abord, les individus perdent dans la masse ce qui fait d’eux des êtres doués de raison et d’esprit critique. Dans Les lois de l’imitation, Gabriel Tarde appuie cette idée en décrivant la société de masse comme un marionnettiste sous l’égide duquel l’individu est ramené à la condition de simple somnambule. Les hommes qui participent de la foule perdent leurs capacités de perception particulières, et n’analysent le monde qui les entoure qu’au travers du collectif qui les emmène19. Cet aspect est clef pour comprendre pourquoi la publicité a longtemps oublié de s’adresser aux individus pour ce qu’ils étaient, à savoir des être dotés de préférences individuelles hétérogènes. Partir du constat que la cible du message est une vaste entité relativement cohérente dans ses comportements, goûts et attitudes permet de simplifier énormément le problème du communiquant. Si la foule suffit à décrire la population, elle devient la seule segmentation nécessaire et disqualifie toute tentative de rapprocher la communication de l’échelle individuelle : pourquoi chercher à comprendre l’individu si dès qu’il s’inscrit au sein d’un groupe, toute idiosyncrasie cesse d’opérer ? 18 L’ochlocratie: terme péjoratif, l’ochlocratie désigne une société dans laquelle la foule, la masse possède le pouvoir. « Gouvernement où le pouvoir est aux mains de la multitude, de la populace » pour le Trésor de la langue française informatisé. L’ochlocratie illustre une forme viciée de la démocratie qui décrédibilise du même fait cette dernière à une époque où elle peine encore à s’imposer. 19 TARDE Gabriel, Les lois de l’imitation, Paris, Kimé, 1895 !12 La deuxième caractéristique forte de la masse, c’est son impulsivité. Plusieurs scientifiques de la fin du XIXème siècle tentent chacun de faire de la science du comportement des foules. Sighele par exemple, y voit une entité négative et délinquante20. Néanmoins, l’idée forte derrière les théories de Le Bon et de Tarde est bien que la foule est un animal. Elle répond aux instincts les plus primaires de l’esprit humain, qui font de l’homme une bête guidée par la violence et les émotions plutôt que par la rationalité. Dès lors « qui connaît l’art d’impressionner les foules connaît aussi l’art de les gouverner »21. Là encore, l’argument scientifique permet de rendre la problématique publicitaire plus simple. L’hypothèse de départ ici est que l’homme moderne, l’homme de masse est gouverné par ses instincts. Cette approche a pour effet d’évacuer toute tentative de rationalisation du comportement des consommateurs face à l’offre marketing. En effet, si la foule est imprévisible, colérique, impétueuse, il paraît délicat d’essayer d’analyser les ressorts psychologiques attenants au choix d’un produit ou d’un autre. I.A.2. Le contrôle de la foule: un fantasme de communicant Cette approche psychologisante de la société de masse, composée d’individus influençables, s’appuie également sur la pensée nouvelle du béhaviorisme22 : on peut, par l’apprentissage et la répétition, prévoir et surtout contrôler les réactions de la foule. L’individu, encore une fois, est considéré comme une boîte noire23 qui répond à des mécanismes psychologiques qui le conditionnent totalement. Si l’on parvient à comprendre les mécanismes psychologiques de la foule ou d’une catégorie, on serait alors en mesure de la manipuler. En soumettant l’individu à des stimuli particuliers, on peut prévoir et provoquer chez lui des réflexes spontanés et incontrôlables, dont l’individu n’a parfois même pas conscience24. Cette manière d’aborder l’explication du comportement des individus est l’écho des publications scientifiques faisant loi dans les années 1940. La tendance des publications scientifiques est alors à présenter l’action de communication sous un jour négatif. Particulièrement 20 SIGHELE Scipio, La foule Criminelle. Essai de psychologie criminelle, Félix Alcan, Paris, 1901 21 LE BON Gustave, Psychologie des foules, Félix Alcan, Paris, 1895 22 On date les débuts du béhaviorisme en 1913, année de parution de l’article de John Broadus Watson intitulé Psychology as the Behaviorist Views it dans lequel il décrit les bases théorique du courant comportementaliste. 23 FISCHER Gustave-Nicolas, La psychologie sociale, Paris, Seuil, 2011 24 PAVLOV Ivan Petrovitch, Les réflexes conditionnés, PUF, 1977 !13 lorsqu’il est question de communication politique. L’essor et le règne des régimes totalitaires en Europe occidentale a en effet eu une influence déterminante sur la manière dont les scientifiques abordent la communication et particulièrement la communication politique dans les années qui suivent. Les années 30 et le début des années 40 sont ainsi marqués par plusieurs ouvrages participant à attester de la vulnérabilité des individus face à la propagande. Parmi eux, Harold Lasswell bénéficie d’un écho puissant au sein de la communauté scientifique. Sa célèbre métaphore de la seringue hypodermique est, à ce titre, très éclairante du point de vue behavioriste sur la question de la foule et sa manière de réagir à la communication. Dans son ouvrage Propaganda techniques in the World War 25, il analyse l’usage par le pouvoir politique des moyens de communication de masse. C’est l’occasion pour lui de rationaliser le contrôle de la foule par le pouvoir. Le schéma n’est donc pas si éloigné des travaux de Le Bon mentionnés plus hauts : un émetteur tout-puissant, s’il fait oeuvre des bonnes techniques, peut entendre contrôler la population et la dresser pour qu’elle réagisse d’une manière prévue à l’avance. Lasswell décrit d’ailleurs le public en des termes qui laissent présager une conception non moins élogieuse des capacités individuelles des individus : dans son texte, ces derniers sont en effet « « un récepteur amorphe et manipulé » sous l’emprise d’une « seringue hypodermique » »26. Les techniques d’influence du récepteur ne devraient donc pas s’appuyer sur ses capacités réflexives rationnelles propres. Elle doivent lui préférer les ressorts émotionnels de la persuasion et de la répétition pour parvenir à infuser l’idée au sein du public visé. Serge Tchakotine est également un contributeur important du mouvement behavioriste. Il publie en 1939 Le viol des foules par la propagande politique. Dans cet ouvrage, il tente lui aussi d’expliquer et de comprendre les mécanismes régissant le comportement des masses. Son travail est fortement influencé par la psychologie. Particulièrement, il isole quatre grandes impulsions affectives primaires qu’il présente comme essentielles pour saisir la physique de la foule : l'attirance sexuelle au sens large, la recherche de la sécurité et de la norme, l’agressivité et l'intérêt matériel immédiat27. La persuasion repose donc en grande partie sur l’inconscient de la cible du message. Le comportement de celle-ci ne dénotant finalement qu’une aliénation vis à vis de réflexes ancrés dans l’esprit des individus qui la composent. 25 LASSWELL Harold D., Propaganda Technique in the World War, Martino Fine Books, 1938 26 Ibid 27 TCHAKHOTINE Serge, Le viol des foules par la propagande politique, Paris, Gallimard, Réédition 1992 !14 I.A.3. L’influence de la recherche motivationnelle sur la réflexion publicitaire Les conclusions et pistes de recherche du behaviorisme influencent énormément la façon dont sont conçues les publicités au début des années 50. En témoigne par exemple le succès du livre de Vance Packard The Hidden Persuaders28 . Celui-ci s’attache à expliciter comment les avancées en recherche motivationnelle peuvent améliorer le rendement de la publicité. L’ouvrage devient rapidement un best seller en dévoilant quelles méthodes psychologiques les agences de publicité de l’époque utilisent pour persuader les audiences de leurs clients. La plupart de ces méthodes sont basées sur les travaux d’Ernest Dichter. Ce dernier était un sociologue et marketing expert connu comme le père de la recherche motivationnelle. La recherche motivationnelle cherche de manière générale à appliquer les principes récemment découverts en sociologie, psychologie et psychanalyse aux techniques de marketing. Elle recourt souvent à des techniques propres à la sociologie pour appuyer sa méthode . Ernet Dichter est ainsi célèbre pour avoir inventé l’expression « focus group ». Selon Packard, Dichter avait par exemple pour habitude de rassembler des enfants devant la télévision et de leur faire regarder des publicités. Pendant ce temps, des équipes de psychologues et de spécialistes du marketing se réunissaient derrière une glace sans tain et observaient leurs réaction pour tenter de déceler quelles images, quels stimuli parvenaient à les faire réagir. Tout comme dans les recherches de Lasswell ou de Tchakotine, le comportement des individus est encore une fois gouverné par l’irrationnel. Dans son livre The strategy of desire, publié en 1960, Dichter écrit : « vous seriez surpris de découvrir combien nous nous mentons, à nous même, peu importe à quel point nous nous pensons intelligents, quand nous tentons d’expliquer pourquoi nous nous comportons tel que nous le faisons »29. Pour Dichter, nos réflexes d’achat sont gouvernés par notre subconscient. La motivation est un iceberg dont nous ne distinguons que la partie émergée mais dont les deux tiers échappent à notre vue.30 Cependant, les travaux de Dichter marquent une rupture avec l’image des consommateurs qui prévalait jusqu’ici. Les travaux des théoriciens de l’ochlocratie, comme ceux des behavioristes, 28 PACKARD Vance, The Hidden Persuaders, Ig Edition, 1957 29 DICHTER Ernest, The Strategy of Desire, Martino Fine Books, 1960 30 The Economist, accédé le 12/11/2015, disponible : http://www.economist.com/node/21541706 !15 reposent sur l’idée d’un récepteur passif et influençable. La pensée de Dichter s’attache également à comprendre comment l’inconscient gouverne l’acte d’achat. Néanmoins, comme le dit le Time dans un article qu’il lui consacre, Dichter a construit son succès sur l’examen non pas de la manière dont les gens devraient se comporter, mais de la manière dont ils se comportent effectivement31. Il déplace donc l’objet du publicitaire. Ce n’est plus de l’aliénation collective dont il est question, mais des ressorts intimes de chaque individu. La foule laisse place à l’individu dans l’esprit des annonceurs. Pour preuve, Dichter est le premier à recourir à des entretiens individuels approfondis. Ils lui permettent de dévoiler les représentations que les individus attachent à tel ou tel produit, et ensuite de pouvoir conseiller adéquatement les annonceurs. La pratique des entretiens qualitatifs mène souvent Dichter à des découvertes qui changent en profondeur le discours autour d’un produit. Le premier contrat de Dichter en tant que conseiller marketing concerne la société Ivory Soaps (une des compagnies historiques de Procter & Gamble). Au cours de ses interview, il découvre que le savonnage est l’un des rares moments de plaisir égoïste des femmes, particulièrement avant un rendez-vous amoureux. Dans l’Amérique puritaine des années 50, c’est l’une des rares occasions où un(e) américain(e) peut se caresser sans se sentir coupable. C’est ce qui mène à des slogans pour Ivory comme Enjoy a sudsy Ivory Bath - It’s pure pleasure ! (F2 en haut32 ). De même c’est sur ses conseils que le stick de rouge à F2 : Deux exemples de publicités inspirées lèvres adopte une forme plus phallique, pour donner à des travaux de Dichter dans les années 50. 31 The Economist, accédé le 12/11/2015, disponible : http://www.economist.com/node/21541706 32 Publicité pour la marque Ivory Soap dans les années 1960 !16 ses utilisatrices une invitation inconsciente à la fellation et libérer une partie de la tension sexuelle réprimée dans les années 50. (F2 en bas33). I.A.4. Le public réhabilité Les années 60 confirment la dynamique observée dans les années 50. Le consommateur accède au devant de la scène en tant qu’individu complexe. La perspective héritée de la fin du XIXème siècle selon laquelle le consommateur serait un agrégat homogène malléable par une propagande répétée faisant appel à ses plus bas instincts disparaît peu à peu de la matrice intellectuelle de publicitaires. Cette évolution trouve sans doute l’une des ses sources dans les progrès effectués en matière de recherche en sciences sociales au cours des années 60. Plus particulièrement, le courant des Cultural Studies mène la voie pour affiner encore le processus de création publicitaire. En analysant en profondeur la réception des messages par ses cibles, les théories de la réception enterrent définitivement le modèle unilatéral qui prévalait jusqu’ici. Le récepteur du message se voit reconnaître un vrai rôle dans l’efficacité de celui-ci. Dès lors, il n’est plus le réceptacle passif des tentatives de persuasions aliénantes des communicants, mais le juge en dernier ressort de l’efficacité ou non d’une campagne à délivrer son message. À cet égard, les travaux de Stuart Hall sont particulièrement éclairants. Dans son article Coding, Decoding34, il pose les bases d’une communication à deux temps, qui rajoute un niveau de complexité indispensable à la compréhension mutuelle d’un message. Jusqu’à présent, tous les communicants partaient du principe que le message recevait une réaction binaire. Soit le message est compris, intégré, et produit des effets allant dans le sens de son intention; soit à l’inverse, le message n’est pas reçu et ne produit logiquement aucun effet. Ce système repose sur un à priori qui va être détruit par les travaux de Hall : celui qu’émetteur et récepteur parlent le même langage. Dans cette logique, lorsqu’un individu A émet le message « pomme verte » avec une pomme verte en tête, le récepteur du message comprend « pomme verte » et ce message lui évoque exactement la même image qu’à l’émetteur. Pour Hall, ce n’est pas ce qui se passe. La communication repose sur deux moments distincts, dans lesquels culture et idéologie jouent un rôle déterminant. D’une part, le moment du codage, 33 Publicité pour la marque Tangee dans les années 60 34 HALL Stuart, « Encoding/decoding », Centre for Contemporary Cultural Studies, Culture, Media, Language: Working Papers in Cultural Studies, 1972-79 London, pp. 128-38 !17 quand l’émetteur confectionne son message. Pour Hall, le message créé n’est pas neutre : il est en réalité vecteur de nombreuses méta-informations associées au message par l’émetteur lui même et liées au milieu, à la culture et à la socialisation de l’émetteur du message. Le message est donc codé d’une manière particulière, un système cryptographique reposant sur un système de valeurs établi et des acquis moraux, politiques, sociaux etc. Le processus de réception est symétrique à celui de l’émission. Le récepteur va décoder le message reçu en fonction de sa propre matrice sociale de compréhension du monde. Ce double processus de codage et de décodage altère donc considérablement la clarté du message transmis et produit un décalage important entre perception attendue et perception réelle. Hall va jusqu’à identifier des modèles particuliers de décodage. Le décodage hégémonique, relativement rare, décrit une situation où le décalage de perception est faible. Le message est reçu par le récepteur de la manière attendue par l’émetteur. Le décodage négocié est le plus fréquent. Il consiste à comprendre de manière globale quel est le message transmis, mais à refuser certaines parties du code d’émission. On peut imaginer un partisan de Nicolas Sarkozy assistant à une intervention d’Alain Juppé : il est en mesure de comprendre le discours, mais sa grille de lecture lui interdit d’en partager toute l’intention. Il accepte globalement le message mais refuse certains points de l’analyse. Enfin, le décodage oppositionnel incarne l’inverse du décodage hégémonique. Dans ce cas, le récepteur rejette complètement le message de l’émetteur, qui ne produit donc aucun des effets attendus. Ici, on peut par exemple penser à un électeur du front de gauche qui assisterait à un discours de Marine Le Pen. Sa grille de lecture rejette totalement le message et refuse même parfois de le recevoir. Cette situation représente un extrême dans la mesure où elle empêche toute communication sauf réaction violente de part et d’autre. C’est aussi ce modèle qui peut expliquer aujourd’hui certaines des critiques les plus virulentes adressées à l’industrie publicitaire. Les mouvemenst d’extrême-gauche par exemple, critiquent souvent l’impératif de consommation inhérent à l’activité de publicité. De même, le machisme présent dans certaines campagnes a aujourd’hui beaucoup plus de difficulté à passer inaperçu et fait souvent les frais de nombreuses associations féministes ou du grand public. Ces critiques témoignent à chaque fois du succès de Hall à célébrer la réflexivité de la réception, du pouvoir qu’elle laisse au récepteur pour adhérer, ou non, au message qui lui est soumis. !18 La pratique actuelle de la publicité marque l’aboutissement du processus de réhabilitation du consommateur. Au départ, nous l’avons vu, ce dernier n’était que l’atome d’un groupe vaguement théorisé et à l’imaginaire malléable. Les sciences-sociales et les progrès dans l’appréhension de la complexité du schéma de communication d’après guerre lui permettent de sortir de l’aliénation en reconnaissant la capacité des individus à s’approprier un message et à lui opposer une réaction particulière. Aujourd’hui, au sein des agences de publicité, le département d’études comportementales a laissé place au département du planning stratégique. Ce dernier, plus que jamais, cherche à être la voix du consommateur dans le processus de création de la publicité. L’enjeu est énorme : de Dichter à Hall, tous ont montré combien l’efficacité d’un message dépendait de la compréhension préalable que l’émetteur avait de la cible. Après avoir montré comment l’évolution du contexte théorique a permis aux individus de s’émanciper en tant que récepteurs actifs des messages, il est maintenant temps d’observer comment l’organisation interne des agences de publicité retranscrit ce rôle nouveau dans le processus de création de la publicité. I.B. Le planning stratégique : la compréhension des individus à la source du processus de création de la publicité I.B.A. La création du planning stratégique et du métier de planneur Difficile d’évoquer la place du consommateur dans le processus de réflexion publicitaire sans évoquer le métier de planneur stratégique. En effet, ce dernier, au sein de l’agence ou chez l’annonceur, se veut le porte parole du consommateur. Les agences de publicité ont l’habitude d’utiliser des études sur les consommateurs depuis très longtemps. C’est d’ailleurs par la publicité que Georges Gallup35, qu’on considère souvent comme l’inventeur des sondages d’opinion, commence sa carrière : en 1932, il est recruté par Young & Rubicam afin d’en diriger le département de recherche. Ce n’est pas un hasard : Young & Rubicam est alors connu à New York pour appuyer son travail de réflexion créative sur des études de grande 35 Gallup.com, accédé le 12/11/2015, disponible le : http://www.gallup.com/corporate/178136/george-gallup.aspx !19 ampleur afin de mieux comprendre ceux à qui elle destine ses messages. À cet égard, une de leurs premières campagnes s’avère particulièrement révélatrice quant au potentiel que représente une analyse pertinente du consommateur, et sa prise en compte dès les premiers instants de la réflexion stratégique. En 1923, l’agence remporte son premier budget avec les cafés Postum. Jusqu’ici, ces cafés sans caféine occupaient un positionnement para-médical. Leur promesse principale : être une solution contre les maux de tête et le stress. Une campagne utilisant ces thèmes s’étant soldée par un échec retentissant, Y&R a l’idée de faire appel à une étude pour tenter de comprendre ce que les consommateurs attendent du café Postum. La réponse est surprenante : loin d’en vanter les vertus médicinales, le panel fait surtout l’éloge du goût du café. La campagne décide donc de mettre le goût en avant, ainsi que la sensation de plaisir attachée à boire un bon café; qui plus est lorsque celui-ci ne comporte pas de « drogue » («real energy of body building grain in place of artificial energy borrowed from the body’s own reserve by drug stimulation »36 ). Les ventes qui F3 : Publicité pour les cafés Postum signée par Y&R, 1923 36 WALKINS Julian, « The 100 Greatest Advertisements 1852-1958: Who Wrote Them and What They Did », Moore Pub. Co, 1949 !20 étaient en déclin décollent37 et le slogan de Raymond Rubicam devient « des idées basées sur des faits ». Le développement des études mène vers la création d’un nouveau poste au sein du département stratégie des agences de publicité, ou des départements marketing chez les annonceurs. En 1968, au cours d’une séance de brainstorming chez John Walter Thomson, Tony Stead crée l’expression "account planning". Derrière la formule barbare de « planification des comptes clients » se cachent en réalité une idée simple : rassembler en une seule personne les responsabilités dispersées jusqu’ici entre les responsables études, les services marketing et le media planning38. C’est la naissance du planneur stratégique (account planner), chargé d’intégrer la recherche au coeur du processus de création des publicités, en équipe avec le chargé de clientèle et les créatifs39. Le métier commence à se propager sur la scène publicitaire anglaise, sous l’influence notamment de Stephen King (John Walter Thomson) et de Stanley Pollit (BMP). La pratique s’exporte également aux États-Unis grâce à Jay Chiat. Dès la fin des années 80, la fonction devient un « standard ». Son efficacité n’est alors plus à prouver : en dix ans, l’agence de Jay Chiat et Guy Day (ChiatDay), en Californie, voit ses recettes passer de 50 à 700 millions de dollars40. L’un de leurs plus grands succès restant bien évidemment la publicité de lancement du Macintosh, 1984. Analyser le travail du planneur stratégique donne un excellent aperçu de la place qu’occupe le consommateur au sein du processus créatif des agences aujourd’hui. Surtout, son travail est symptomatique de l’importance prise actuellement par les destinataires des campagnes dans la conception et la production de celles-ci. Le planneur stratégique est aujourd’hui le véritable porte parole du client dans l’agence. À ce titre, il est aussi le principal intéressé par ce que les UserGenerated Contents révèlent sur leurs créateurs, comme nous le verrons dans notre troisième partie. Pour mieux comprendre comment le consommateur impacte la campagne, et mieux comprendre ensuite comment les User-Generated Contents sont susceptibles d’intéresser les publicitaires, il faut s’attacher à décrire comment les méthodes de travail du planneur stratégique décryptent les préférences et les représentations des consommateurs. 37 Young & Rubicam, accédé 14/11/2015, disponible : http://www.yr.com/yr-history-look-early-years…and-beyond 38 TUNGATE Marc, Le Monde de la PUB, Paris, Dunod, 2009 39 VEKSNER Simon, Les grandes idées qui ont révolutionné la PUB, Paris, Dunod, 2015 40 Ibid !21 I.B.2 L’insight : la vision du consommateur au coeur de l’appareil stratégique publicitaire Le premier outil du planneur, c’est l’insight consommateur. Au sein du champ publicitaire, la définition précise du terme fait débat. Cependant, on peut discerner plusieurs points clefs qui fondent toujours un bon insight. Pour Helen Edwards, un insight c’est « un éclair de lucidité dans votre compréhension du mode de vie des gens, qui vous amène à de nouvelles manière de mieux servir le consommateur41 ». La découverte d’un insight est donc un événement rare, qui oriente résolument la campagne, et fonde le parti pris d’une marque et de son positionnement, ou la façon de présenter un produit à son public. Pour le Publicitor, la définition est sensiblement plus précise : « Un insight est la perception par le consommateur d’un problème ou d’un dilemme irrésolu sur la catégorie de produits où la marque opère ». Si le planneur cherche des insights, c’est donc parce que ceux ci traduisent une représentation particulière, un levier psychologique qui inhibe la consommation d’un produit. Réussir à découvrir ses insights et parvenir à agir sur eux sont les deux conditions pour activer les leviers de croissance inhérents à une offre de produit, grâce à une communication adaptée. En un mot, comprendre un insight c’est parvenir à faire preuve d’une forte empathie avec le consommateur, au point de voir le monde sous son jour à lui. Pour reprendre la pensée de Hall, ce serait comme si l’émetteur pouvait anticiper le décodage du récepteur, et ciseler son message en conséquence. Un exemple d’insight : Le sommeil Pampers L’exemple des publicités Pampers et du positionnement de la marque en elle même est un bon exemple de ce qu’est un insight pertinent. Les publicités Pampers montrent comment la découverte d’un nouvel insight peut influencer toute la prise de parole d’une marque et lui permettre de se distinguer de ses concurrents en devenant d’un coup beaucoup plus pertinente auprès de ses cibles. À l’origine, Pampers est un producteur de couches comme les autres. Pour justifier la vente de son produit, l’entreprise basait donc son argumentaire sur le besoin évident auquel répondent les couches : prémunir les jeunes enfants contre les fuites inopportunes au cours de la journée. Ici, le problème auquel répond la marque est tellement évident qu’on peut même difficilement parler d’insight. Il s’agit plus d’une réalité marketing à laquelle le produit vient répondre. L’insight est 41 http://www.marketingmagazine.co.uk/article/1193164/helen-edwards-true-meaning-customer-insight---whymarketers-treat-care « Une percée révélatrice dans la compréhension de la vie des gens qui ouvre de nouvelles opportunités de mieux les servir» !22 plus subtil. Tout comme Dichter parvenait à saisir les implications inconscientes derrière les représentations d’un produit, il faut ici dérouler la chaîne des bénéfices et des usages du consommateur pour trouver la corde sensible sur laquelle il sera plus efficace de jouer. Ainsi, pour se différencier de ses concurrents, Pampers a décidé de faire appel à la sociologie et à l’ethnologie pour mieux comprendre ses consommateurs. Au cours de l’enquête, il est apparu que la préoccupation principale d’une maison avec un bébé F4 : Captures d’écran tirée d’un spot TV de la marque Pampers est très simple. Au delà d’un bébé propre, ce qui occupait les pensées des jeunes familles, c’était le sommeil. Tout le monde en manquait, et souvent à cause des accidents nocturnes du nourrisson. C’est souvent ainsi que se présente un insight : une idée simple et évidente à la fois, mais qui éclaire sous un jour nouveau un enjeu cher au consommateur. En réaction à cette découverte, Pampers a développé une nouvelle gamme de couches optimisées pour la nuit, et sa communication s’est entièrement tournée à promouvoir le « Golden Sleep » que Pampers offre à ses clients, avec la réussite qu’on lui connaît désormais. Pour identifier un insight pertinent, il faut donc s’intéresser au vécu du consommateur. La démarche est tout a fait comparable à celle d’une enquête de sociologie. Le planneur stratégique doit s’intéresser au moins autant au consommateur qu’au produit qui lui est destiné s’il veut trouver l’angle le plus efficient pour la campagne. Encore une fois, c’est désormais l’écoute du consommateur en amont qui oriente la manière dont la campagne est pensée et conduite. Il est maintenant clair que le contexte intellectuel et les évolutions du schéma de création de la publicité ont tous deux participé à mettre en exergue la parole du consommateur dans le processus !23 de confection du discours publicitaire. Nous venons de le voir, l’un des principaux effets de ce changement de perspective sur le consommateur a été d’en transformer l’appréhension par les communicants et les professionnels du marketing. Dès lors qu’on s’attache à l’observer et à l’analyser, le consommateur révèle sa véritable complexité: il est mouvant, loyal ou non, girouette, paradoxal. On se rend soudain compte qu’il est en réalité plus informé qu’on ne le pense, « expert » même parfois42 etc. Le constat final est unanime : le consommateur est aujourd’hui bien plus difficile à saisir qu’il a pu l’être. Le consommateur type, en un sens, n’existe plus43. Réussir à communiquer avec lui, c’est donc découvrir de nouvelles manières de le comprendre dans sa diversité. Les User-Generated Contents sont l’une de voies pour y parvenir. Cependant, leur utilisation aujourd’hui est le résultat d’une émergence progressive rendue possible à la fois par les transformations technologiques permettant leur globalisation et par la transformation des usages sociaux qu’ils ont générés. C’est donc plus particulièrement sur les conditions d’émergencs des User-Generated Contents que s’attardera cette troisième sous-partie. I.C. L’innovation technologique à la source de l’essor des UserGenerated Contents Par association d’idée, l’expression d’User-Generated Content est très souvent rattachée aux médias sociaux44 . Effectivement, l’ampleur actuelle du phénomène des User-Generated Contents est en grande partie due au succès planétaire des entreprises du web 2.0. Cependant, les UGC ont existé avant que l’internet social ne leur donne leurs lettres de noblesse. I.C.1. Préhistoire des User-Generated Contents : la co-production de contenus avant l’ère du WEB 2.0 42 BEATTIE Ann E., « Effects of Product Knowledge on Comparaison, Memory, Evaluation, and Choice: a Model of Expertise in Consumer Decision-Making », in NA - Advances in Consumer Research Volume 09, eds. Andrew Mitchell, Ann Abor, MI : Association for Consumer Research, Pages: 336-341 43 LEHU Jean Marie, « Contraintes et évolution du marketing », in L'Expansion Management Review 2, 2008, 129, p. 18-27 44 Il suffit d’interroger quelques personnes de son entourage pour s’apercevoir qu’après une rapide explication du concept d’User-Generated Content, la première réaction de l’interlocuteur est souvent de rattacher cette définition à sa propre pratique des médias sociaux actuels, et en particulier de Facebook. !24 En matière d’UGC, un frontière chronologique est très souvent posée au moment de l’invention du WEB 2.0. Sans entrer dans trop de détails techniques, le WEB 2.0 désigne la deuxième génération du World Wide Web. Celle-ci se caractérise par une complexité accrue de la technologie permettant à l’inverse une expérience plus simple et interactive pour les utilisateurs. Désormais, les internautes peuvent réellement s’approprier le fonctionnement et l’architecture du WEB. En un mot, le WEB 2.0 permet à toute personne de devenir acteur sur le réseau, en créant son site internet ou en apportant sa contribution sur ceux déjà en ligne. L’expression WEB 2.0 en elle même est attribuée à Dale Dougherty , cadre de la société O’Reilly Media. Elle est popularisée à partir de 2005 par Tim O’Reilly lui-même puis s’impose définitivement en 200745 . À la lecture de cette rapide définition du WEB 2.0, il est clair que si ce dernier n’a pas inventé les User-Generated Contents, il leur a ouvert la porte du monde digital. Cependant, si la transformation technique leur a donné un nouveau visage, nombre des usages mis en valeur par le WEB 2.0 l’ont précédé. Les User-Generated Contents comptent assurément de nombreux ancêtres dans le monde analogique, avant même l’essor des médias et réseaux sociaux en ligne46 . Les forums de discussions par exemple, qui sont l’un des fers de lance de la création de contenu utilisateur aujourd’hui sur internet, sont l’écho contemporain des Bulletin Board Systems47 (BBS) très populaires dans les années 90. Ces derniers permettaient alors l’échange de messages entre utilisateurs en utilisant les lignes téléphoniques. D’autre part, la relation entre producteur et récepteur de l’information est une des constantes de l’histoire de la Presse. On peut tout à fait dresser un parallèle entre la discussion des internautes en ligne sur les plates-formes sociales prévues à cet effet et la traditionnelle intervention des lecteurs permise par la plupart des titres de Presse48. Ces derniers ont depuis longtemps l’habitude de publier dans ses colonnes des contenus utilisateurs. Ces derniers s’exprimant sous forme du courrier des lecteurs, mais aussi sous la forme des tribunes souvent allouées à des personnalités de la société civile. À ce titre, le "J’accuse" de Zola est sans doute en France l’un des User-Generated Content les plus célèbres du XIXème siècle. 45 O’REILLY, « What Is Web 2.0. Design Patterns and Business Models for the Next Generation of Software » in Web 2.0 Conference 2005, 2005 46 COUTANT Alexandre, STENGER Thomas, « L’avènement des ” médias sociaux ” ? . . . Une histoire de participation. », Le Temps des médias, Nouveau Monde Editions, 2012, pp.76-86. 47 JAVVIN TECHNOLOGIES INC.., Network Dictionary, Javvin Press, 2007,p. 124 48 DOURY Marianne, MARCOCCIA Michel, « Forum internet et courrier des lecteurs : l'expression publique des opinions », Hermès, La Revue 1/2007 (n° 47) , p. 41-50 !25 Dans le milieu radiophonique, le Content est le même. La radio a toujours cherché à encourager le dialogue entre auditeurs et animateurs. Les « coups de fils à un auditeur » peuvent à ce titre être légitimement considérés comme des incitations à la production de contenu radiophonique de la part des participants. De même, l’avènement des radio libres est un autre symbole fort des multiples facettes que peut prendre le contenu généré par les utilisateurs, à destination d’autres utilisateurs. La télévision est peut-être un exemple encore plus prégnant à cet égard. La Télé-Réalité implique, dans son énoncé même, le recours à l’User-Generated Content. Si la télévision a effectivement expérimenté plusieurs formules pour faire participer son audience à ses programmes, la Télé-Réalité est sans doute sa forme la plus aboutie et totale49. L’argument avancé par ce genre d’émission est justement que le programme soit entièrement composé de réalité, et à ce titre fondé uniquement sur le contenu télévisuel généré par ses participants. La star de ces programmes, c’est donc bien l’User-Generated Content : la production de l’émission est mise en scène dans sa retenue afin de souligner la réalité, ou du moins le réalisme de ce qu’il advient à l’écran. Le développement, ou plutôt le maintien de la Télé-Réalité lui a donné l’opportunité de doubler sa dimension participative au cours des nouvelles possibilités offertes par les médias et réseaux sociaux digitaux (vote par SMS, lancement de hashtags sur twitter en direct etc.)50 . I.C.2. L’explosion des User-Generated Content : une conséquence directe de la « socialisation » du numérique Quantitativement, les User-Generated Contents ne marquent un vrai départ qu’avec l’essor des réseaux et médias sociaux. Ces derniers voient le jour dans leur forme actuelle en même temps que naît le WEB 2.0., entre 2003 et 2005. L’ouverture du WEB à la participation de ses utilisateurs a eu comme conséquence principale la démultiplication du nombre de contenu généré sur la plateforme. Ainsi, « l’ancien PDG de Google Eric Schmidt estimait en 2010 que nous produisions tous les deux jours environ 5 exaoctets (Eo, soit 1018 octets) d’informations… soit autant «qu’entre le début de la culture humaine et 2003 51» (cf figure page suivante). 49 JOST François, La télévision du quotidien : Entre réalité et fiction, Paris, De Boeck, 2001. 50 COUTANT Alexandre, STENGER Thomas, « L’avènement des ” médias sociaux ” ? . . . Une histoire de participation. », Le Temps des médias, Nouveau Monde Editions, 2012, pp.76-86. 51 SIMÉON Gabriel, « Donnée le vertige », Journal Libération, 3 décembre 2012 !26 1800 Eo Il est intéressant de s’attarder à essayer de définir ce que sont les réseaux et médias sociaux dans la mesure où la façon dont ils fonctionnent, leur structure et leur business model ont tous concouru à favoriser la création de contenu utilisateur. Dans ce qui suit, nous utiliserons tour à tour l’expression « médias sociaux » ou « réseaux sociaux » pour désigner une même réalité. Un premier constat est qu’il est difficile de dessiner un portrait robot du réseau social type. Kaplan et Haenlein proposent une tentative de définition en ces termes : « un groupe d’applications en ligne qui se fondent sur l’idéologie et la technologie du Web 2.0 et permettent la création et l’échange du contenu généré par les utilisateurs »52 . À l’appui de cette définition, on peut sans doute isoler deux constantes transversales à la majorité des réseaux sociaux aujourd’hui. D’une part un enjeu de sociabilité ou du moins de partage vis à vis du public. En cela, les réseaux sociaux créent une plate-forme de mise en relation des utilisateurs avec un public. L’autre constante, c’est la création d’un contenu et son partage. Tout contenu créé par les utilisateurs est soumis à l’espace commun, au lorsque ce n’est pas le cas à une audience restreinte. Ces contenus peuvent être des contenus tiers (liens hypertextes, articles etc.) ou alors des 5 Eo contenus propriétaires, générés par les utilisateurs eux- Des origines de l'humanité jusqu’en 2003 même. On pense ici aux statuts publiés sur son profil Facebook, aux tweets, aux selfies partagés sur Instagram etc. En 2011 F5 : Quantité de données générées par l’humanité en exa-octets (Eo). 52 KAPLAN Andréa, HAENLEIN Michael “Users of the world, unite! The challenges and opportunities of social media”, Business Horizons, vol. 53, issue 1, 2010, p. 61 !27 D’autre part, les réseaux sociaux sur lesquels est créé aujourd’hui le plus d’User-Generated Content regroupent plusieurs caractéristiques clefs pour expliquer leur succès. D’abord, la gratuité d’accès. Les plates-formes représentées par ces réseaux sociaux ne comportent pas de barrière financière à l’adhésion de nouveaux utilisateurs. Leur business model repose donc sur d’autres sources de revenu, la plupart du temps la publicité ou des options premium, soumises, elles, à des transactions financières de la part des utilisateurs. Pour fonctionner, ce modèle s’appuie sur une taille critique d’utilisateurs53 . Pour qu’un réseau social soit pérenne, il faut ainsi qu’il parvienne à un nombre très important d’utilisateurs actifs régulièrement sur la plate-forme. C’est à ce prix que les entreprises seront attirées pour investir en achat d’espace et ainsi monétiser le fonctionnement du service. C’est la démocratisation à très grande échelle (Facebook compte, à la fin du premier quartier 2016, 1.65 milliards d’utilisateurs actifs par mois, dont 1.09 milliards utilise le réseau social quotidiennement) de ces réseaux sociaux qui a permis l’essor du User-Generated content dans sa mesure actuelle. En effet, la création de contenu utilisateur est étroitement liée au type de plate-forme à laquelle un consommateur a accès pour générer du contenu.54 F6 : Exemples d’User-Generated Contents sur Facebook, Twitter et Instagram. 53 Mashable, accédé 16/11/2015, disponible : http://mashable.com/2009/07/14/social-media-business-models/ #twegmRJBl8qF 54 KREBS Susanne, « Customers as Online brand ambassadors: motivation for the creation of UGC and benefit for the fashion label ‘Free People’ », brandba.se, 2014 !28 Le contexte technique, et plus particulièrement l’innovation technologique ayant permis l’émergence d’un WEB 2.0 participatif et simple d’utilisation, a donc eu une importance décisive pour créer un contexte favorable au développement des pratiques de création de contenus utilisateurs. Tout comme dans le contexte théorique, le progrès scientifique permet d’émanciper l’individu : le WEB 2.0 permet aux utilisateurs de participer à l’effort de co-création d’Internet, et non plus d’en être les récipiendaires passifs. !29 Transition : C’était le but de cette première partie de démontrer dans quelle mesure l’utilisation actuelle des UGC découle d’une transformation des représentations attachées aux consommateurs, aux individus de manière générale et au processus de communication. Nous l’avons vu, cette transformation s’est articulée sous plusieurs jours. Elle est d’abord théorique. Le mouvement de bascule opéré par les sciences sociales entre les XIX et XXème siècles est à ce titre déterminant. D’une science des hommes balbutiante, prompte à bâtir ses théories sur les prénotions les plus criantes, la sociologie devient une science adulte et mature55 pour permettre aux hommes d’en tirer des principes pour continuer de progresser. Ainsi, la foule animale, manipulable et livrée à ses instincts les plus reptiliens est-elle devenue un agrégat d’individus dont la complexité n’en finit pas d’être dévoilée aujourd’hui. De la masse, la mise au point de l’observateur passe au groupe, et même à l’individu. Là où l’on ne distinguait auparavant qu’un récepteur passif, les travaux de Hall et des Cultural Studies ont révélé la profondeur des négociations, et accommodations à l’oeuvre dès qu’il est question de communication. La première étape de cette transformation a donc été de libérer l’individu de la foule pour le réhabiliter en tant qu’interlocuteur capable du discours publicitaire. Elle est ensuite empirique. La modification du cadre d’analyse théorique a commencé à produire ses effets dans les agences de publicité. L’arrivée des planneurs stratégiques a sanctionné la place désormais incontestable que l’individu devait prendre au coeur du processus de création publicitaire. Indiscutablement, il s’agit donc désormais de comprendre les individus pour mieux cerner leurs besoins, et non plus manipuler les masses. Enfin, elle est évidemment technique. C’est l’essor du WEB 2.0 et des médias sociaux qui a fait entrer l’UGC dans le XXIème siècle et a donné au phénomène l’ampleur d’aujourd’hui. La multiplication des supports physiques connectés à Internet, autant que la profusion des solutions logicielles de production de contenus ont conjointement alimenté l’ascension des UGC. Après avoir raconté son histoire et les conditions de son arrivée en publicité, il faut donc s’attacher à croquer les caractéristiques intrinsèques des UGC. En effet, si les contextes théoriques et techniques ont effectivement concordé pour favoriser son émergence, l’utilisation des UGC ne s’explique pas uniquement par l’émancipation critique des individus. Toutes les publicités 55 HEINICH Nathalie, La sociologie de Norbert Elias, Paris, La Découverte, 2002 !30 n’utilisent pas les UGC. L’UGC, en ce sens, reste une forme particulière de la publicité et doit donc être abordée en tant que tel. C’est l’objet de cette seconde partie de s’attacher à comprendre les ressorts de l’efficacité des UGC dès lors qu’ils sont mis à profit dans le discours publicitaire. En quoi est-ce une forme particulière de publicité ? Pourquoi les marques ont-t-elles un intérêt à y avoir recours ? Comment les UGC et leurs utilisations en publicité sont-ils perçus par leurs destinataires? Les UGC provoquent-ils la même réaction chez les Millennials que chez les Baby-boomers ? Autant de questions auxquelles la partie suivante entend apporter une réponse. !31 II. Les propriétés communicationnelles des UGC : confiance, différence, engagement. Cette deuxième partie s’articulera en trois temps. D’abord, nous montrerons que les UGC sont le type de contenus en lesquels les consommateurs « croient » le plus, particulièrement au sein de la génération des Millennials (A). Le recours aux UGC est à ce titre un facteur de différenciation pour les entreprises recourant aux UGC (B). C’est également la source d’un engagement exacerbé de la part des consommateurs, en comparaison des autres types de contenus utilisés par les marques (C). Enfin, nous montrerons comment ces aspects mis à profit au même moment sont un outil puissant de rapprochement entre consommateur et marque (D). II.A. UGC : la confiance en d’autres « soi » II.A.1. Les publicités créées à partir d’UGC (User-Generated ads) sont perçues comme plus sincères que les publicités traditionnelles L’un des points essentiels de la publicité, c’est d’être crédible. Par là, il faut comprendre que lors de son exposition à la publicité, la cible doit être capable de se fier à ce qu’il voit, entend ou lit. C’est sur cette fiabilité que peut ensuite se développer un argumentaire de vente ou tout autre message délivré par la publicité en question56. En ce sens, la capacité d’un message à être et paraître sincère est primordial pour que la persuasion opère. À cet égard, il est d’intéressant de comparer comment s’en sortent les UGC lorsqu’ils sont mis à profit dans les publicités. En tant que contenu amateurs, ils contiennent inévitablement certains défauts absents des publicités traditionnelles, qui passent, elles, au crible des studios de production. Il est donc intéressant d’observer comment des publicités créées à partir de contenus d’utilisateurs sont perçues, et dans quelle mesure leurs cibles leur accordent leur confiance. Il semble que dans une large majorité des cas, les publicités générées à partir d’UGC sont considérées comme davantage dignes de confiance que les publicités traditionnelles57. Dans leurs travaux, Fournier, Lawrence et Brunel analysent les commentaires postés à la suite des vidéos 56 Mashable, accédé le 16/11/2015, disponible : http://mashable.com/2013/01/05/advertising-credibility/ #qGa1fUuraPqZ 57 WILSON, Elizabeth J., SHERREL Daniel L. (1993), « Source Effects in Communication and Persuasion Research: A Meta-Analysis of Effect Size. » Journal of the Academy of Marketing Science, 21 (2), p101–12 !32 YouTube reprenant, entre autres, certaines des publicités diffusées pendant la mi-temps du SuperBowl.58 À l’issue de cette étude, il ressort clairement que les publicités créées à partir d’UGC (les UGA), paraissent plus « honnêtes », plus « entières ». Il est intéressant de constater que souvent, ces qualités ressortent en contraste avec des critiques adressées à des formes traditionnelles de publicités : « lisses », « essayant de manipuler les gens », « faussement sincères ». Voici ci-après un extrait de commentaires postés à la suite de publicités DOVE générées grâce à un concours de création de campagne UGC organisé par la marque en 2008 : “The honesty truly shows and sells in this commercial . . . honesty sells in an overwhelmingly superficial society.” “Thank you for the honest, direct idea. I love it and so will the rest of America.” “I liked this ad because it didn’t go for the false sincerity and phony, glam-crazed, Hollywood ‘image of perfection’ attitude." La source de cette crédibilité accrue des UGC par rapport aux publicité traditionnelle peut être multiple. L’une d’entre elle est que les consommateurs perçoivent les autres consommateurs à la source de la création du contenu diffusé comme dénués des mêmes intérêts mercantiles propres aux annonceurs habituels. En ce sens, ils n’ont pas l’intention de servir leurs propres intérêts, ou de manipuler l’audience.59 Il en est de même pour les forums de discussions. Les travaux de Cheong et Morisson montrent que les informations postées en ligne sur les forums créent davantage de confiance que les informations officielles fournies par le fabricant d’un produit60. En ce sens, c’est bien la source même de l’information qui donne toute sa crédibilité à la publicité en question. C’est également vers cette conclusion que nous a mené notre propre travail de terrain. À la suite d’une exposition à la campagne Shot on IPhone 6, l’enquêté devait répondre à la question suivante : 58 LAWRENCE Benjamin, FOURNIER Susan, BRUNEL Frédéric « When Companies Don't Make the Ad: A Multimethod Inquiry Into the Differential Effectiveness of Consumer-Generated Advertising », Journal of Advertising, 2013, 42:4 59 BEVERLAND Michael B., FARRELLY Francis J. , « The Quest for Authenticity in Consumption: Consumers’ Purposive Choice of Authentic Cues to Shape Experienced Outcomes. » Journal of Consumer Research, 2010, 36 (5), 838–56. 60 CHEONG, Hyuk Jun, MORRISON Margaret A., « Consumers’ Reliance on Product Information and Recommendations Found in UGC. » Journal of Interactive Advertising, 2008, 8:2, 1–29. !33 À quel point êtes-vous d’accord avec la proposition suivante : l’implication de l'utilisateur dans la création de la campagne montre qu’il est facile de prendre de belles photos avec un IPhone 6. Réponses : 60 53 40 37 20 14 2 0 Oui tout à fait Oui plutôt Non pas vraiment Non pas du tout F7 : Calcul du lien entre utilisation de l’UGC et crédibilité de la publicité 75%61 des enquêtés déclarent donc « croire » (par l’agrégation des réponses de la première et deuxième catégorise) à la publicité dans le sens où ils considèrent après l’avoir vue, qu’il est effectivement possible de faire de belles photos simplement grâce à l’IPhone 6. La tournure de la question peut également laisser penser que c’est bien parce que cette campagne expose des clichés provenant de vrais utilisateurs que les enquêtés sont enclins à penser qu’il est facile de prendre des photos avec l’IPhone 6. La performance de l’appareil se voit donc démontrée par l’utilisation qu’en ont fait d’autres utilisateurs. Le fait que la marque viennent ensuite utiliser ces contenus à des fins commerciales n’affecte pas la crédibilité accordée aux publicités créées à partir de contenu utilisateur.62 61 90 enquêtés sur 120 ayant répondu au questionnaire. 62 LAWRENCE Benjamin, FOURNIER Susan, BRUNEL Frédéric « When Companies Don't Make the Ad: A Multimethod Inquiry Into the Differential Effectiveness of Consumer-Generated Advertising », Journal of Advertising, 2013, 42:4 !34 II.A.2. Millennials, confiance et UGC La confiance particulière suscitée par les UGC est amplifiée dès qu’il est question des Millennials. Cette population est souvent présentée comme la première a avoir réellement grandi au contact des NTIC et en particulier d’internet. On peut donc admettre sans risque que les Millenials sont la population la plus familière avec les outils de création d’UGC. Pour autant, quelle influence l’utilisation des UGC a-t-elle lorsqu’il est question de consommation ? En un mot : énorme. Plus que n’importe quelle autre population sur terre, les Millennials croient en l’UGC pour orienter leurs décisions d’achat. Pour les Millennials, l’UGC joue pour 84% de la décision d’achat (contre 70% pour les baby-boomers). Pour plus de la moitié des Millennials (51%), l’UGC est la source d’information la plus fiable sur une marque ou un produit, contre 16% pour le site officiel de la marque et 14% pour les articles de presse sur l’entreprise.63 D’autre part, les Millennials sont aussi la partie de la population la plus encline à faire confiance à des avis de consommateurs qu’ils ne connaissent pas. En particulier, les Millennials apprécient l’avis de personnes ayant eu l’occasion d’expérimenter le produit. Ainsi, 51% des Millennials déclarent que les avis de consommateurs présents sur un site d’achat sont d’une importance déterminante sur leur décision d’achat. 64 Dans notre enquête de terrain, les résultats sont concordants : pour près de 63% des enquêtés, l’acteur le plus convaincant pour vanter les mérites d’un smartphone reste son utilisateur. Loin devant, donc, que les experts (28,3%), le producteur (8,5%) ou le distributeur (0,9%). Pour trouver ces avis, les Millennials utilisent les canaux favoris des UGC : les médias sociaux. Quand ils ont besoin d’un avis sur un produits, ils se tournent ainsi beaucoup plus que le reste de la population vers les réseaux sociaux pour recueillir de l’information. (22% contre 7% pour le reste de la population). Leurs critères de sélection se tournent alors davantage vers l’expérience et les intérêts communs qu’ils partagent avec le producteur du contenu que vers une quelconque connexion relationnelle avérée.65 63 BAZAARVOICE, Talking to Strangers: Millennials trust people over Brands,Austin, 2012. 64 Ibid 65 Ibid !35 Cette caractéristique résonne également dans notre enquête de terrain. Si on reprend la même question que tout à l’heure en filtrant les réponses par tranche d’âge, le résultat est éloquent. (Rappel question : À quel point êtes-vous d’accord avec la proposition suivante : l’implication de l'utilisateur dans la création de la campagne montre qu’il est facile de prendre de belles photos avec un IPhone 6). Alors que la publicité convainc « tout à fait » 57% des Millennials touchés par l’enquête, elle ne rencontre que 24% de « tout à fait » chez les Baby-boomers66. Millennials (20-37ans) Baby-Boomers (37-72ans) 2 % 12 % 29 % 18 % 24 % 57 % 58 % Oui tout à fait Oui plutôt Non pas vraiment Non pas du tout F8 : Les Millennials « croient » davantage à l’UGC que leurs ainés Les UGC sont donc effectivement perçus comme plus sincères et crédibles que les contenus créés par les marques. Par extension, les publicités créées à partir de ces UGC sont elles aussi perçues comme plus proches de la vérité du produit. C’est ce qu’on appelle également "l’effet de source" : l’origine du message influence directement la manière dont il est réceptionné.67 66 Ces résultats sont cependant à relativiser dans la mesure où les baby-boomers ne représentait pas une proportion suffisante de l’échantillon pour prétendre à représenter pleinement la catégorie. (les baby-boomers représentaient 14% des enquêtés). 67 LENDREVIE Jacques, LÉVY Julien, Mercator 11ème édition, Paris, Dunod, 2014 !36 Cependant, dans le paysage publicitaire actuel, la confiance qu’il inspire n’est pas suffisant pour qu’un message parvienne à se distinguer. Il lui faut également se différentier des autres stimuli adressés au consommateur pour espérer accrocher son attention. II.B. UGC : une approche différentiante de la publicité Pour les marques, la différentiation est essentielle. C’est grâce cette différence que les entreprises sont à même de se démarquer au sein de leur paysage concurrentiel. Pour se différencier, la marque dispose de deux canaux principaux : son offre et sa communication. Pour les marques de niches, la nature de ce qu’elles proposent au consommateur suffit souvent à assurer une différence claire dans l’esprit de leurs cibles, de par l’originalité de leur offre. Par contre, pour les marques dont les services s’adressent au grand public, l’enjeu est tout autre. Dans un marché à forte concurrence, l’offre produit ne suffit pas à sortir du lot. Par exemple, sur le marché des boissons énergétiques, Red Bull ne peut pas compter uniquement sur le produit offert au consommateur pour se différencier. D’où l’utilisation de la communication pour mettre en place un positionnement de boissons des sports extrêmes.68 La publicité est donc primordiale pour affirmer sa différence sur son marché et dans l’esprit des consommateurs. Dans ce sens, les UGC proposent une manière originale de générer des messages publicitaires. Une partie de notre questionnaire s’attachait à démontrer si les publicités créées à base d’UGC parvenaient effectivement à se différentier dans l’oeil du destinataire. La réponse semble positive. À la question : Cette campagne se distingue-t-elle d’autres publicités pour smartphones que vous auriez déjà vues ? 66 % des enquêté répondent par l’affirmative. Surtout, à la question lui succédant: Si oui, sur quels éléments ? Les utilisateurs font mention des UGC dans 60% de leurs réponses. Exemples : « Campagne créée par les utilisateurs d'IPhone 6 dans le sens où ce sont eux qui ont fourni les visuels. » 68 KOTLER Philip, ARMSTRONG Gary, Principles of Marketing, Pearsons Education, 2010 !37 « Sur le fait que la performance technique soit "prouvée" par des utilisateurs lambda. Cela donne une impression de vérité » « L'aspect "authentique", le fait de se servir de ses clients pour vanter son produit » Souvent, c’est donc bien la mise en avant des utilisateurs et de leur usage personnel de l’IPhone qui permet de rendre la publicité différente et remarquable. À ce titre, 27,4% des enquêtés trouvent originale l’idée d’utiliser de l’UGC dans une publicité. Enfin, leur usage est plébiscité : 63,2% des enquêtés se déclarent satisfaits de voir du contenu utilisateur utilisé par les marques. II.C. UGC : champion de l’engagement L’émergence des médias sociaux et la généralisation de la co-création de contenus a installé l’engagement comme l’une des inquiétudes principales de la sphère publicitaire. Pour autant, il n’existe pas de définition globale de l’engagement en marketing. Plutôt, différentes définitions partielles prévalent et donnent un sens contextuel à l’expression. Néanmoins, une constante à toute ces définitions semble être la notion d’interaction. L’engagement, en ce sens, mesure les modalités d’interaction d’un individu avec un élément publicitaire ou une marque, et les effets de ces interactions.69 L’engagement de marque est légèrement différent. Il ne s’agit pas uniquement d’une interaction avec la marque mais davantage d’une préférence, d’un attachement à la marque qui peut être source de fidélité. Cette définition n’entre pas en contradiction avec la précédente dans la mesure où cet attachement se traduit le plus souvent par une propension exacerbée à interagir avec la marque.70 L’engagement peut alors prendre plusieurs formes modulables selon les contextes de son expression: commenter une publication sur le mur Facebook d’une marque, partager une publicité visionnée sur YouTube, discuter d’un produit avec ses amis, participer à un concours organisé par une marque etc. 69 Définition Marketing http://www.definitions-marketing.com/definition/engagement-a-la-marque/ 70 TERRASSE Christophe, « L’engagement envers la marque. Proposition d’un modèle théorique et application a` la comparaison de la fid ́elit ́e aux marques nationales et aux marques de distributeurs. », Humanities and Social Sciences. HEC PARIS, 2006. !38 Au delà de sa définition fonctionnelle, l’engagement occupe aujourd’hui une place importante dans la réflexion publicitaire, dans la mesure où il est également témoin d’un changement dans les pratiques et dans la relation qu’entretiennent les individus et les marques. En effet, les Millennials recherchent davantage d’engagement avec les marques que ne le faisaient leurs aînés. Ils espèrent une vraie relation avec la marque. Cette conversation passe par l’engagement et par les possibilités d’exister qui lui F9 : En rouge, témoins de l’engagement et incitation à s’engager sur une vidéo Youtube. Source : https://www.youtube.com/watch? sont offertes.71 Les Millennials investissent davantage dans les marques que ne le font leurs prédécesseurs. Les marques et la relation qu’ils entretiennent avec elles sont une composante de leur personnalité publique. En ce sens, l’investissement pour une marque est une manière de composer leur personnalité, tout comme le fait d’aimer telle ou telle page sur un réseau social offre au monde à voir quels sont leurs goût et préférences. Les marques sont donc une véritable ressource symbolique de construction de leur identité.72 Les marques participent à créer la narration autour de soi concomitante à l’émergence des réseaux sociaux. C’est une chance pour les marques car celles-ci bénéficient de cette dynamique pour approfondir la relation qu’elles entretiennent avec leurs consommateurs: en leur permettant de s’engager davantage avec elles, elle accroissent également la richesse symbolique de leur personnalité.73 71 Boston Consulting Group, accédé 22/11/2011, disponible : http://www.bcg.com/expertise/institutes/center-customerinsight/millennials-engaging-enigmatic-influential-generation.aspx 72 WATTANASUWAN K. Elliot R., « Brands as Symbolic Resources for the Construction of Identity » in International Journal of Advertising, 1998, 17, 131-144 73KREBS Susanne, « Customers as Online brand ambassadors: motivation for the creation of UGC and benefit for the fashion label ‘Free People’ », brandba.se, 2014 !39 L’engagement des consommateurs pour une marque est donc un très bon indicateur de la qualité que celle-ci entretient avec eux. Dans ce contexte, l’intérêt des UGC est évident : ils sont une forme directe d’engagement des individus pour la marque. Ici cependant, il faut rappeler la dichotomie entre UGC et User-Generated Advertising. Les UGC sont marqués par leur spontanéité : ils sont créés avant tout par les utilisateurs, pour les autres utilisateurs. C’est par exemple le cas des forums de discussions ou des fans-fictions sur internet. Les User-Generated Ads sont pour leur part porteurs d’une intention particulière et commerciale.74 Ils sont produits à l’initiative de la marque et même parfois par la marque elle-même. C’est le cas par exemple de la campagne Shot on IPhone 6 : même si la publicité en elle-même fait appel à du contenu produit uniquement par des utilisateurs amateurs, la campagne en elle-même est produite et diffusée à l’initiative de la marque Apple. Les UGA sont donc une forme particulière d’UGC mais n’en recoupent pas la totalité. Il est important de prendre en compte cette distinction lorsqu’il est question d’engagement. En effet, si les UGC sont effectivement une preuve d’engagement des consommateurs pour une marque, les UGA en sont à la fois les témoins et la source. Ici il sera donc surtout question des UGA dans la mesure où ils incarnent la manière dont les marques peuvent mettre à profit les UGC dans leur communication. Or il se trouve que les UGA génèrent un engagement très élevé. Cet engagement peut prendre plusieurs formes. Chiffré, lorsque l’on prend en compte l’engagement dans une perspective comportementale (partage, like, nombre de vues etc.), mais aussi d’investissement psychologique du consommateur dans la publicité (réflexion sur le message au moment de l’exposition, discussion avec ses amis etc.). Pour le premier, il est assez logiquement soumis à la mise en place de plate-forme favorable pour l’expression de la créativité des consommateurs75 . Prenons l’exemple de la campagne mise en place par la marque Free People, appartenant à la marque de mode américaine Urban Outffiters. En 2013, la marque crée une plate-forme digitale nommée Free People Me (FPMe). Sur cette plateforme, les clients de la marque, peuvent déposer leurs propres photos (créant de ce fait de l’UGC). Sur ces photos, ils portent l’un des produits de la marque Free People. Ce sont ensuite ces clichés que la marque utilise sur son site pour illustrer les vêtements qu’ils proposent. Cette initiative utilise donc plusieurs des leviers de l’engagement que nous venons d’étudier. La marque commence par 74 MUNIZ Albert M., Jr. Ph.D., SCHAU Hope Jensen Ph.D. « Vigilante Marketing and Consumer-Created Communications », Journal of Advertising, 2007, 36:3, 35-50 75 SONNENBURG S. Singh s., Brand Performances in Social Media, Journal of Interactive Marketing, 2012, 26, 189-197 !40 mettre en place une plate-forme créant les conditions propices à la création de contenu utilisateur. Ensuite, elle joue sur le prestige symbolique que ses consommateurs recherchent en s’impliquant pour la marque en les mettant en valeur sur son site internet. Ce faisant, la marque fait de chacun de ses consommateurs une star, et motive ces derniers à s’impliquer davantage. À chaque fois, Free People souligne la participation de ses clients en les mettant en avant sur ses différents earn media ainsi qu’en relations presse. Certains des participants ayant eu le plus de succès ont même décidé de lancer leur propre blog de mode, participant ainsi à étendre l’influence de Free People au delà de sa communauté de fans.76 Les bloggeurs deviennent alors de vrais ambassadeurs de marque en ligne : des producteurs d’UGC au service de la marque. C’est exactement la même dynamique avec la campagne d’Apple Shot on IPhone 6. La marque commence par mettre en place les conditions de création de l’UGC : ici grâce à la création du hashtag #shotoniphone6. Ensuite, la marque met en avant ses utilisateurs, les célèbre en les mettant en scène dans sa communication, stimulant leur amour-propre. Comme pour Free People, les résultats en terme d’engagement sont sans équivoque : sur Instagram uniquement, #shotoniphone6 a bondi de 11571% après la campagne. Surtout, l’utilisation du hashtag #shotoniphone est devenu un réflexe pour de nombreux utilisateurs sur les plates-formes sociales de partage des photos. Ces consommateurs deviennent, consciemment ou non, de véritables ambassadeurs de marque dans la mesure où ils associent aux yeux du public la réussite de leur clichés et/ou leur qualité esthétique au fait que ces derniers ont été capturés au moyen d’un téléphone Apple. Pour expliquer le haut niveau d’engagement reçu par les contenus générés par les utilisateurs, les réponses de Nicolas D. semblent également aller dans ce sens. Pour lui, le succès d’un contenu sur les réseaux sociaux est ainsi directement lié à son authenticité perçue auprès de son audience. « Un contenu se partage d’autant plus facilement s’il a la caractéristique magique du « fait maison », du « pas factice ». Les gens y croient, et ils sont plus enclins à partager. C’est facile d’observer statistiquement qu’un contenu se partage plus s’il a cette caractéristique de l’authenticité. » Nicolas D. 76 SHERMAN, L , « Retailers look to their best customers, not bloggers, as the new influencers », Fashionista.com, 2013 !41 Concernant « l’autre type » d’engagement, l’UGC obtient également des résultats supérieurs à la publicité traditionnelle. Ainsi, les personnes exposées à une publicité créée à partir de contenu utilisateurs génère-t-elle plus de pensée, sont plus concentrées et réfléchissent plus au message transmis qu’avec une publicité traditionnelle.77 Ces résultats laissent penser que les publicités générant ce type d’engagement, et donc les UGA, provoquent des réponses positives de la part de leurs cibles, et sont plus persuasives.78 Indiscutablement, l’UGC est donc un outil efficace pour générer de l’engagement auprès de la cible des marketeurs, tant en termes statistiques et de taux d’engagement qu’en termes d’investissement émotionnel et personnel dans une marque. II.D. UGC : un outil de rapprochement du consommateur et de la marque Les résultats obtenus par l’UGC et l’UGA en terme de confiance, de différenciation et d’engagement de la part des consommateurs laissent à penser que pour être réussie, une publicité doit être authentique. Par là, il faut entendre qu’elle doit être à la fois crédible, être suffisamment originale pour être remarquée et qu’elle doit susciter une réaction de la part de son auditoire. Plus généralement donc, les UGC semblent permettre aux individus de se connecter à un niveau plus personnel avec les marques : en leur faisant confiance, en les connaissant, et en voulant interagir avec elles79 . Ils autorisent donc une identification bien plus forte des consommateurs avec le contenu qui leur est proposé qu’elle ne peut l’être avec un contenu créé artificiellement et distribué verticalement. Quant les UGA sont créées par des gens de tous les jours, elles autorisent un niveau d’identification avec lequel ne peuvent pas rivaliser les agences de publicité. Les consommateurs perçoivent donc les marques ayant recours aux UGC comme plus proches d’eux que ne les sont les publicités traditionnelles80 . 77 LAWRENCE Benjamin, FOURNIER Susan, BRUNEL Frédéric « When Companies Don't Make the Ad: A Multimethod Inquiry Into the Differential Effectiveness of Consumer-Generated Advertising », Journal of Advertising, 2013, 42:4 78 CALDER Bobby J., MALTHOUSE Edward C., SCHAEDEL Ute, « An Experimental Study of the Relationship Between Online Engagement and Advertising Effectiveness » Journal of Interactive Marketing, 2009, 23 (4), 321–31. 79 SPEISSER Luc, « Le branding expliqué à un enfant de 6 ans », Le journal du net, 2012 80 THOMSON Debora V., MALAVIYA Prashant, « Consumer Response to User-Generated Advertising: The Effects of Disclosing Consumers as Ad Creators », Working Paper Series 11-106. Marketing Science Institute, 2011. !42 « Si on utilise aussi les UGC en communication politique, c’est pour se Cela vous rend-il la marque plus sympathique ? rapprocher des gens. Ça casse le coté institutionnel de la communication. Ça donne un aspect plus authentique. Ça casse l’image du politique, et des marques, en haut à la tribune qui parlent 14 % 3 % 33 % aux gens d’en bas . » 50 % Nicolas D. Ce résultat, nous l’avons également constaté dans notre travail d’enquête sur la campagne Shot on IPhone 6 d’Apple. Après avoir été informés que la publicité à laquelle ils avaient été exposés L’utilisation de contenu utilisateur donne-t-elle d’Apple une image plus proche de ses consommateurs ? avait été conçue à partir de photos prises par des « vrais » gens, les enquêtés étaient soumis à deux questions. Dans la première, ils devaient, sur une 3 % échelle de 1 à 4, évaluer dans quelle mesure cette information leur rendait la marque plus 28 % 19 % sympathique. Dans 64% des cas, leur réponse est positive (dont 50% ont répondu par la note la plus haute). La seconde question portait sur la 50 % proximité entre Apple et ses consommateurs. Lorsqu’il leur est demandé si l’utilisation de contenu utilisateur donne une image de la marque comme proche de ses consommateurs, 69% des enquêtés répondent par l’affirmative. Lorsqu’on s’attache uniquement à observer la réponse des Millennials dans l’échantillon, la proportion de Oui tout à fait Non pas vraiment Oui plutôt Non pas du tout F10 : L’utilisation de l’UGC rapproche la marque de ses consommateurs réponses positives atteint même 82% de l’effectif (69 enquêtés sur 84). !43 À ce titre, de nombreuses entreprises commencent à insérer des UGC dans leur identité visuelle. C’est d’ailleurs un cas d’étude intéressant pour observer de quelle manière les UGC commencent à être utilisés par les marques en vue de se rapprocher de leurs consommateurs et d’être plus authentiques. Jusqu’à présent, la très large majorité des visuels utilisés par les entreprises, que ce soit dans leurs communication où sur leur site internet, sont tirés de banques d’images. Les banques d’images sont des sites internet spécialisés dans la production de photos ou d’illustrations sur tous types de sujets. Leur répertoire de contenu est gigantesque, dans la mesure où leur base de données doit pouvoir subvenir aux besoins d’entreprises ou de sites traitants d’objets très variés81 . Ces photos, par essence ne représentent pas la réalité. Elles représentent toujours une réalité mise scène, souvent de manière assez évidente. Les familles y sont toujours très souriantes, les employés paraissent très heureux etc. En un mot, les clichés paraissent aussi superficiels qu’ils le sont. Or, nous venons de le voir, les consommateurs d’aujourd’hui ne veulent plus d’une marque froide et désincarnée. Ils veulent pouvoir s’engager, interagir avec elle82. En un mot, s’identifier plus facilement à elle. C’est exactement l’inverse avec les photos de banque d’images. Les consommateurs ne peuvent pas s’identifier à elles dans la mesure où elles ne représentent qu’une version idéalisée de la réalité. Les marques qui les utilisent s’éloignent donc du monde vécu par leurs 81 APlus, F11 : Extrait des résultats pour la recherche « famille » sur la banque d’images Getty Images accédé 22/11/2015, disponible : http://aplus.com/a/the-50-most-ridiculous-stock-photos 82 BARTON Christine, KOSLOW Lara, BEAUCHAMP Christine, The Reciprocity Principle, How Millennials are changing the face of marketing forever, The Boston Consulting Group, 2014. !44 consommateurs. Leur image en pâtit et par effet de source, leur message perd en crédibilité.83 Les images générées par les utilisateurs sont souvent moins esthétiques. Elles renvoient néanmoins à un représentation de la réalité telle qu’elle est vécue par les individus. De plus, même si cette image est moins « jolie », elle n’est pas forcément moins appréciée. Ainsi, lorsqu’il sait que la publicité à laquelle il est soumis a été créée par un individu, le consommateur est plus clément dans son jugement esthétique. En effet, si une publicité est créée à partir d’UGC, ou même si la publicité elle-même est créée par un utilisateur (comme ça a pu être le cas pour Doritos au SuperBowl), l’auditoire est davantage tolérant dans son appréciation de sa qualité plastique.84 En conclusion, l’utilisation des photos issues de contenus utilisateurs fait bénéficier la marque de tous les avantages propres au UGC : satisfaction accrue devant la campagne, sentiment de proximité avec la marque, supérieur à celui ressenti devant une publicité traditionnelle, une augmentation de l’intention d’achat85 et, à plus long terme, de meilleurs espoirs de fidélisation. 83 The Next Web, accédé 30/11/2016, disponible : http://thenextweb.com/insider/2015/06/01/the-death-of-stock-photos/ 84 LAWRENCE Benjamin, FOURNIER Susan, BRUNEL Frédéric « When Companies Don't Make the Ad: A Multimethod Inquiry Into the Differential Effectiveness of Consumer-Generated Advertising », Journal of Advertising, 2013, 42:4 85 Ibid !45 Cette deuxième partie a été l’occasion de cerner les contours théoriques propres aux UserGenerated Contents. Nous l’avons vu, ces qualités intrinsèques n’existent souvent qu’en comparaison de celles attribuées aux formes de publicités traditionnelles. En ce sens, les UserGenerated contents ne doivent pas être considérés en objets purs. Si par exemple, les gens font plus confiance aux formes de publicité faisant appel aux UGC, c’est parce qu’ils les mettent inconsciemment en comparaison avec la publicité à laquelle ils sont habitués, alors que cette dernière leur paraît moins digne de confiance. L’originalité du format UGC vient donc avant tout de ce qui le différencie de la publicité traditionnelle : sa source, ses canaux d’expressions et l’objet de son message. C’est sur ces bases que l’UGC montre toute sa puissance. Nous l’avons montré, l’UGC est plus authentique et crédible auprès des consommateurs. Il permet aux annonceurs qui l’utilisent de sortir du lot et d’être plus mémorisables. L’UGC est aussi l’une des formes de publicité qui engage le plus son audience, et permet à la marque d’avoir une relation plus forte, plus fidèle et conversationnelle avec ses consommateurs. Ces jalons étant posés, il est maintenant temps d’observer l’UGC de manière plus empirique et de le contextualiser dans l’environnement qui nous intéresse ici : lorsqu’il est mis à profit par les marques. Cette dernière partie de notre réflexion s’attachera en cela davantage à appuyer les apports théoriques soulevés jusqu’à présent par des cas concrets et l’étude de témoignages des professionnels travaillant au contact des UGC. D’autre part, cette partie sera aussi l’occasion de revenir sur les critiques dont peut également faire l’objet l’utilisation des UGC. Par les utilisateurs, mais aussi par les marques, pour qui l’UGC peut parfois représenter un pari risqué. !46 III. Les usages publicitaires de l’User-Generated Content par les marques. Pour les marques, l’utilisation des UGC repose sur une problématique simple : la maîtrise de leur discours86. Les marques sont volontaires pour en faire l’usage quand l’UGC leur permet de d’affiner ce dernier, de l’ajuster et de l’adapter aux besoins de leurs consommateurs. Les marques utilisent l’User-Generated Content quand il leur permet de s’engager avec leur audience. Cependant il peut aussi représenter une menace de par son essence même : son imprévisibilité. Or, il est très difficile pour n’importe quelle entreprise d’accepter qu’une partie de son discours soit hors de contrôle, vulnérable devant l’audience infinie représentée par internet. C’est cette ambivalence entre les qualités reconnues de l’UGC et les usages qu’en font les marques qui intéressera cette partie. Nous aborderons d’abord l’utilisation des UGC comme une source d’informations inégalée pour prendre le pouls du consommateur et mieux jauger de la réputation d’une marque (A). Puis, nous observerons comment certaines marques ont su utiliser efficacement l’UGC pour améliorer leur expérience publicitaire (B). Enfin, nous analyserons quelles sont les limites de l’usage professionnel d’un contenu créé par des individus de manière amateure (C). III.A. Mieux comprendre le consommateur pour mieux s’adresser à lui : l’UGC en amont de la communication III.A.1. La première utilisation de l’UGC : mesurer et comprendre l’image d’une marque auprès du public Au deuxième étage de la pyramide de Maslow, on trouve la sécurité87 : le besoin d’évoluer dans une environnement stable et prévisible, sans anxiété ni crise88. Il est intéressant de constater que quand les marques ont commencé à évaluer le potentiel des UGC pour leurs stratégies de 86 AdWeek, accédé 12/01/2016, disponible : http://www.adweek.com/socialtimes/user-generated-content-landmines-towatch-out-for-infographic/637854 87 SIMONS Janet A., IRWIN Donald B., DRINNIEN Beverly A., Psychology - The Search for Understanding, West Publishing Company, New York, 1987 88 Wikipédia, accédé 12/01/2016, disponible : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pyramide_des_besoins !47 communication et leurs stratégies marketing, elles aient tout de même commencé par chercher à remplir l’un de leurs besoins les plus primaires : le besoin de réassurance. En ce sens, l’évolution des services offerts par une entreprise spécialisée dans la collecte et F12 : Focus - l’effet Streisand l’analyse des UGC est particulièrement Lorsque Léa B. parle d’effet Streisand, éclairante. Observer les demandes adressées par elle fait référence à un phénomène bien les entreprises à cette compagnie nous permet connu des marques d’aujourd’hui. Au d’en savoir davantage sur le type d’usage départ, souvent les même circonstances : une qu’elles peuvent faire des UGC à un moment information / photo est divulguée sur la toile donné. À cet égard, notre entretien avec Léa sans l’accord de son sujet ou objet. Par peur Bory, ancienne employée chez Linkfluence met que lui porte préjudice, ce dernier fait à jour une information essentielle : le premier pression sur le publicateur pour qu’il retire usage des UGC par les entreprises a été les images. Cette tentative de censure d’analyser leur réputation auprès de leurs clients déclenche souvent une réaction de défense potentiels / existants. de la personne ayant publié les images, au « Les entreprises se sont d’abord tournées vers Linkfluence dans une logique de protection et de veille. motif de la liberté d’expression sur internet. Le conflit a alors l’effet inverse à celui voulu par la cible des images, attirer un maximum Les marque ont peur. Elle souffrent d’attention sur la controverse et offrir aux de ne pas savoir ce qu’on pense photos une attention bien supérieure, virale, d’elles. Par exemple Mc Donald’s qui demande un reporting tous les à celle qu’elles auraient reçue si rien n’avait été entrepris à leur encontre. C’est jours sur ce que les gens disent également une des propriétés du UGC que d’eux. Éviter un effet Streisand89 de déclencher ce genre de Buzz en fait. C’est vraiment la première étape. Aux débuts de l’entreprise, extrêmement rapidement. L’effet tient son nom d’une affaire ayant suivi cette la principale activité c’était du dynamique où le photographe Kenneth reporting de prises de paroles sur Adelman avait publié des photos de la la marques, qu’est ce qu’a dit tel résidence de la chanteuse Barbara Streisand. influenceur, tel autre etc. » 89 Le Monde, accédé le 15/01/2016, disponible : http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/10/31/le-buzz-que-l-on-nevoulait-pas_3506528_3246.html !48 Léa B. L’UGC est donc d’abord un moyen efficace pour avoir une vue d’ensemble des prises de parole publiques sur une marque. Elle sert à évaluer sur quels sujets une marque est forte, et sur quel thèmes elle n’est pas présente. Elle permet de détecter des critiques à l’égard de la marque, et d’y remédier avant que celles-ci n’aient le temps de prendre de trop grandes proportions. Même discours du coté de Nicolas D. : « L’entreprise dispose d’un pôle veille qui s’occupe de surveiller ce qui se dit sur nos clients sur internet. La veille, surtout dans le secteur de la réputation et des relations publiques, c’est 80% du boulot et de ce qu’on nous demande. Regarder ce qui se fait, se dit pour mieux pouvoir agir ensuite. » Nicolas D. Le principal obstacle à un bon audit de réputation de la marque grâce aux UGC est en réalité l’abondance de contenu à la disposition des assesseurs. Pour pouvoir extraire des informations pertinentes et actionnables de l’océan de données représenté par les UGC en ligne, l’observateur doit être capable de hiérarchiser le contenu. D’abord, en fonction de l’influence dont il dispose. Cette approche est particulièrement utilisée pour les contenus détectées sur les réseaux sociaux. Le niveau d’influence dont dispose un contenu est calculée en fonction d’une variable essentielle : l’engagement. « Quelle est la hiérarchisation du contenu ? La hiérarchisation passe en fait beaucoup par l’engagement. un contenu qui a reçu plus d’engagement recevra tout de suite plus d’attention qu’un contenu qui n’en a pas reçu. Par exemple, même si mon père tweete quelque chose de très méchant sur une marque, du haut de ses 50 abonnés, il est peu probable que son tweet remonte à travers les filtres de l’algorithme. » Léa B. Pour mesurer l’influence d’un message, on mesure donc son niveau d’engagement : le nombre d’interactions à l’oeuvre entre ce message et son audience. Le nombre de likes, de commentaires, de réactions, de partages etc. On utilise ici souvent le calcul du taux d’engagement. Le taux !49 d’engagement prend plusieurs formes selon les marques et les réseaux sociaux en jeu. Cependant, de manière générale, l’opération est la même. Il faut choisir les critères qu’on considère pertinents pour évaluer l’influence du message, les multiplier par leur nombre d’occurence et diviser le résultat par l’audience totale du post90. Plus le résultat obtenu est élevé, plus le message a effectivement eu un impact sur son audience. Par exemple, sur Instagram, plate-forme qui dispose d’un des taux d’engagement les plus élevés des réseaux sociaux, le taux d’engagement moyen par post est d’environ 1,5%, contre 0,10% sur Facebook ou 0,04% sur Twitter91. Evidemment, un second critère d’évaluation de la pertinence d’un message est l’audience dont il dispose. La marque doit donc évaluer l’exposition de sa population cible au message tout autant que son engagement. Ainsi, même s’il avait un taux d’engagement de 100%, un message visible uniquement par 10 personnes dans le monde aura forcément une influence négligeable sur la réputation globale d’une marque. Sauf si la population cible de la marque se situe entre ces 10 personnes. Pour les sites, le système est légèrement différent. Difficile de faire le calcul du taux d’engagement sans likes ni partage. Dans ce cas, c’est l’ancien système de mapping des liens qui est utilisé pour évaluer l’impact d’un article du site en question92 : on regarde combien de liens sortent ou entrent dans un site, et à quels autres sites ils se connectent. À l’issue de ce travail, une cartographie de l’influence du site apparait et matérialise l’influence dont il dispose ou non dans son environnement. III.A.2. La recherche d’Insights et de tendances « Une fois que la marque est rassurée sur sa réputation, nos commerciaux lui proposent ce qui fait vraiment le coeur de notre activité. D’abord, c’est la recherche d’insights et l’analyse des comportements des consommateurs. Sur votre marque particulièrement ou en post-rationalisation si un planneur veut tester ses hypothèses. » Léa B. 90 Siècle Digital, accédé 20/01/2016, disponible : https://siecledigital.fr/2015/05/18/petit-guide-taux-dengagement/ 91 Ibid 92 « C’est plus compliqué avec les sites. Là tu peux regarder, comme avant, si le site est influent en faisant un mapping des liens. » Léa B.. !50 L’analyse des prises de paroles des consommateurs peut aller bien au delà du simple monitoring de réputation. Une fois que le besoin de réassurance de la marque est comblé, il est possible de dépasser les simples impératifs de sécurité et de remonter la pyramide vers le véritable accomplissement de la stratégie de la marque. À ce moment, l’UGC devient une vraie source d’inspiration tant pour les agences que pour les marketers. Par exemple, au cours de l’entretien, Léa développe un exemple qu’elle a pu observer dans le cadre de ses fonctions chez Linkfluence. La marque Danone a missionné l’agence pour enquêter sur le comportement des mamans connectées. Ces informations avaient pour but d’être mobilisées afin de développer de nouveaux thèmes de communication à destination de ces cibles. L’UGC s’est révélé un gisement d’une très grande richesse pour la marque. Les E-Mamans93 sont en réalité une communauté très active en ligne. Leur conversations tournent évidemment autour des tracas du quotidien liés à la grossesse ou aux enfants en bas âge, mais pas seulement .Le running est par exemple un sujet très récurrent dans les conversations. Ces UGC sont donc aussi l’occasion d’en apprendre davantage sur leurs autres activités et ensuite de développer un discours, une communication et une personnalité de marque correspondant au profil de ces jeunes mamans. « Le troisième temps de notre offre se déconnecte complètement de la marque en elle-même. C’est plus de la prospective, une étude sur des thèmes très transversaux. » Léa B. Cette troisième partie correspond à l’usage le plus avancé de l’étude du contenu existant sur les réseaux sociaux : l’analyse de tendance. Ici il n’est plus question de détecter des prises de parole sur un thème ou une marque en particulier. L’enjeu est d’anticiper quels enjeux vont compter dans l’actualité, de découvrir de nouveaux paradigmes en train de se développer. C’est pour les agences une partie très importante. Elle permet de contextualiser la réflexion des planneurs dans des tendances de fond et de la rendre plus pertinente auprès des individus. C’est néanmoins la partie la plus difficile dans l’analyse des UGC : trouver les bons mots clefs, le contenu pertinent est très délicats dès lors qu’on s’intéresse à des thèmes généraux comme la santé, la jeunesse ou l’innovation94 . 93 Linkfluence, accédé 25/03/2016, disponible : http://linkfluence.com/2015/08/28/running-qui-sont-lesconsommateurs-connectes/ 94 Près de la moitié des effectifs de Linkfluence est ainsi affectée à cette tache. !51 III.B. L’UGC dans la publicité : comment mettre à profit les propriétés intrinsèques aux contenus utilisateurs dans une campagne Cette sous partie a pour vocation d’illustrer comment les marques ont pu utiliser l’UGC dans différentes parties de leur communication. Le nombre très élevé de communications l'utilisant empêche bien sûr d’en faire un inventaire exhaustif. Pour tenter d’illustrer au mieux la diversité des applications possibles de l’UGC, nous l’approcherons donc par le biais du type de communication, en retenant comme grandes catégories le branding et la publicité. III.B.1. Branding et User-Generated Content : rendre la marque à ses consommateurs et employés III.B.1.a. Airbnb et son logo participatif L’un des éléments clefs de l’identité d’une marque est son logo. C’est un symbole de reconnaissance pour tous ses clients et potentiels consommateurs à travers le monde. En tant que tel, c’est souvent un des aspects les plus contrôlés et encadrés de la marque95 . Néanmoins, c’est aussi un médium puissant d’appropriation de la marque par ses consommateurs. Qui n’a jamais essayé de dessiner le célèbre « swoosh » de Nike à main levée ? La marque Airbnb l’a bien compris. Après son rebranding en 2014, la nouvelle plate-forme de marque repose sur l’idée de communauté partagée. En tant que tel, l’utilisation de l’UGC paraît particulièrement adaptée à une marque qui se veut collaborative et ouverte à la conversation. L’entreprise a donc décidé d’encourager ses utilisateurs à s’approprier son logo pour démontrer leur 95Simplio designs/ F13 : Capture d’écran du site create.airbnb permettant de créer son propre logo Airbnb Web Studio, accédé 14/032016, disponible : https://www.simpliowebstudio.com/most-expensive-logo- !52 appartenance au réseau. Un hôte Airbnb peut ainsi créer son propre logo Airbnb grâce à une plateforme et un site internet créé dans ce but. Le logo est ensuite utilisé sur le profil de l’intéressé et devient son symbole d’appartenance à Airbnb. Create.airbnb est un exemple pertinent pour interroger dans quelle mesure une marque peut co-créer son identité en utilisant l’UGC. III.B.1.b West Elm : le Look & Feel optimisé pour l’engagement West Elm est une entreprise américaine d’ameublement et de décoration d’intérieur. Elle a été l’une des premières à utiliser de l’UGC pour habiller son look & feel sur les réseaux sociaux. En effet, l’entreprise a commencé à travailler avec la start-up américaine OLAPIC96 . Cette dernière propose des solutions d’analyse des prises de parole sur les réseaux sociaux afin de détecter les visuels en rapport avec la marque qui proposent le potentiel d’engagement le plus important. Son fonctionnement est le suivant. West Elm a lancé un hashtag #mywestelm97. A partir de ce hashtag, OLAPIC a été en mesure de crawler98 tous les réseaux sociaux pour agréger l’ensemble des photos publiées par des utilisateurs utilisant ce hashtag. Ensuite, un algorithme sélectionne quelles photos ont déclenché le plus d’engagement chez leurs audience et en tire des conclusions sur quelles photos ont le plus de chance d’engager les consommateurs de West Elm. Enfin, les photos répondant à ces critères parmi celles soumises par les utilisateurs sont sélectionnées pour habiller les profils de la marque sur les différents réseaux sociaux. 96 F14 : Le compte Instagram de West Elm, composé de photos d’utilisateurs, au moment de la campagne avec OLAPIC. Mobile Market, accédé 24/04/2016, disponible : http://www.mobilemarketer.com/cms/news/advertising/20193.html 97 West Elm, accédé 15/05/2016, disponible http://www.westelm.com/shop/design-lab/mywestelm-communityinspiration/ 98 Terme technique désignant le scan à grande échelle de pages internet par des robots informatiques. !53 Au final, l’annonceur gagne le temps et l’argent nécessaire à la production d’un tel contenu avec une agence traditionnelle. De plus, il profite des avantages inhérents aux campagnes utilisant les UGC : davantage d’engagement et une proximité renforcée avec des consommateurs qui se sentent mis en valeur. III.B.2.c. NAVBLUE : le « Employee-Generated Content » NAVBLUE est une entreprise BtoB, filiale d’Airbus créée suite à l’acquisition de l’entreprise Navtech par le groupe Airbus. NAVBLUE est une entreprise proposant à différents acteurs du secteur de l’aéronautique des services que l’on peut résumer sous l’expression « Flight Operations and Air Traffic Management ». Ces solutions sont en réalité toutes les ressources en termes de software et de données indispensables pour faire voler les avion et aéronefs au sens large : plans de vol digitaux, données gps, calcul des trajectoires d’approche optimales etc. Suite à son re-branding au mois de juillet 2016, la plate-forme de marque repose sur deux piliers. D’une part, la précision des données à partir desquelles elle peut travailler grâce aux infrastructures mises à sa disposition par Airbus Group. L’autre, c’est l’intelligence humaine indispensable pour traiter les données et leur donner du sens. Tous ces éléments concourent à offrir une meilleure expérience de vol aux pilotes et à garantir une sécurité améliorée à tous les passagers. L’identité de la marque est ainsi composée des dataskies : des ciels digitaux générés à partir de data. Ces derniers rappellent à la fois l’aspect technique et précis de la marque, mais aussi son aspect très émotionnel : son but ultime étant de permettre aux avions de voler dans le ciel. Pour engager ses employés et mieux leur faire comprendre la plate-forme de la marque, l’agence de branding de NAVBLUE, Landor Paris, a décliné l’identité de la marque dans les cartes de visite des employés. Chacune est unique et créée en fonction des données de F15 : Exemple de carte de visite NAVBLUE. À gauche, le datasky de Mike Hulley, CEO of NAVBLUE. !54 naissance et de la couleur préférée de chaque employé. Chaque employé disposant de son propre datasky. Encore une fois, c’est une manière pour la marque de se rapprocher de ses employés en les faisant participer à son effort de branding, et en leur permettant de s’approprier les nouveaux codes de la marque (qui plus est dans le contexte de création d’une nouvelle entreprise ici). III.B.2. Publicité et UGC : mettre l’utilisateur au premier plan Nous avons déjà parcouru de nombreux exemples de publicité bâties sur des contenus d’utilisateur tout au long de ce texte. Voici cependant quelques exemples édifiants de campagnes efficaces basées sur l’UGC. III.B.2.a Outdoor : Burger King - Angry Tweets Aux origines de cette campagne, une absence de quinze ans du restaurateur Burger King en France. À son retour, chaque ouverture de restaurant provoque l’émeute et souvent, l’attente est longue pour y entrer et pouvoir accéder aux comptoirs. Plutôt que d’ignorer le problème, l’agence Buzzman a décidé d’y répondre en mettant les utilisateurs les plus mécontents à l’honneur. La campagne « Angry Tweets »est une campagne Print où des tweets d’amateurs frustrés de Burger King sont placardés sur les restaurants en cours de construction. À la clef, une opposition croustillante entre tweets enragés et réponses adroites de l’enseigne.99. Une fois encore, les résultats de l’UGC sont au rendez-vous. Sans investissement média, la campagne est la plus twittée en 2014 en France, et bénéficie d’une couverture earned media de 5.4 millions d’euros. L’engagement a lui aussi progressé : +1494% sur Facebook et +543% sur Twitter sur les comptes de la marque. 99 F16 : Une photo de la campagne « Angry Tweets » prise par un internaute. Source : http://www.club-sandwich.net/breves/angry-tweet-la-campagne- La Réclame, accédé 30/06/2016, disponible : http://lareclame.fr/buzzman/realisations/angry-tweets !55 III.B.2.b TV : Doritos - Crash the SuperBowl La marque de biscuits salés Doritos est l’une des plus ferventes utilisatrices des UGC dans sa publicité télévisée. Plus particulièrement, c’est la première marque a avoir ouvert les portes du SuperBowl à un contenu « amateur ». En effet, depuis 2008, Doritos organise chaque année un concours de publicités. Tout le monde peut ainsi créer sa propre vidéo et la soumettre à la compétition. Un juré d’employés de la marque sélectionne ensuite le grand gagnant, qui voit sa publicité diffusée pendant le créneau acheté par la marque à la mi-temps du SuperBowl. Cette initiative allie plusieurs facteurs de succès d’une bonne campagne UGC. D’abord, elle met les contributeurs en valeur : la vidéo du gagnant bénéficie de la plus large audience télévisée possible (l’année dernière, le SuperBowl a rassemblé 111,9 millions de téléspectateurs100 ), il remporte un chèque de 1.000.000 de dollars et un an de « dream-job » dans les studios Universal 101. D’autre part, elle garde un contrôle sur la production des vidéos : si les utilisateurs sont totalement libres de créer comme ils l’entendent, c’est la marque qui décide à la fin quelle vidéo gagne. Enfin, l’initiative est totalement transparente. Les contenus ne sont pas retouchés par la marque et les règles du concours sont connues de tous. F17 : Capture d’écran de la vidéo vainqueur de l’édition 2015 du SuperBowl Source : https://www.youtube.com/watch?v=YQo0TfuueaY 100 Europe 1, accédé 30/05/2016, disponible : http://www.europe1.fr/sport/super-bowl-audience-en-legere-baisse-maisla-troisieme-plus-elevee-de-lhistoire-2665129 101 Contently, accédé 15/07/2016, disponible : https://contently.com/strategist/2015/01/12/how-doritos-turned-usergenerated-content-into-the-biggest-super-bowl-campaign-of-the-year/ !56 III.B.2.b Merchandising/PLV : Amazon - Bookstore L’User-Generated Content n’est pas l’apanage du digital. Évidemment, internet est le terrain d’expression privilégié de ses avantages. Néanmoins, l’UGC ne saurait se limiter au digital. En ce sens, une initiative de l’entreprise de commerce en ligne Amazon est éclairante. Après avoir observé quels dispositifs renforçaient le plus souvent l’acte d’achat dans son magasin, la marque les a ensuite transférés dans le magasin physique qu’elle a ouvert à Seattle. Les livres disponibles en magasin sont ainsi sélectionnés en fonction des notes qu’ils obtiennent dans le magasin numérique d’Amazon, leur popularité, les chiffres de pré-vente et de ventes qu’ils obtiennent en ligne. Sous chacun des livres, le visiteur du magasin trouve la note attribuée à l’oeuvre par les utilisateurs du site, ainsi qu’une sélection des commentaires de lecteurs les mieux notés. Une application mobile est disponible pour accéder à plus de commentaires et critiques de la part d’autres lecteurs. Enfin, les livres mis en avant en tête de gondole sont ceux à qui les utilisateurs ont accordé les meilleurs notes en ligne. À chaque point de contact en magasin, ce n’est plus à l’entreprise uniquement que le client potentiel à affaire, mais plutôt l’ensemble des autres consommateurs qu’il rencontre. F18 : Une tête de gondole du Amazon Bookstore où chacun des livres a reçu une note supérieure à 4,8 étoiles de la part des utilisateurs. Source : https://www.amazon.com/b?node=13270229011 !57 III.C. UGC : les limites d’un contenu « amateur » Aujourd’hui, l’utilisation par les marques de l’UGC reste marginale. Si elle tend à progresser, notamment en digital, elle reste une forme minoritaire de publicité. Plusieurs raisons expliquent la sous-utilisation des UGC par les marques malgré leur efficacité avérée. II.C.1. Une « utilité marginale décroissante » des UGC L’efficacité des UGC repose principalement sur deux composantes que nous avons étudiées : l’authenticité et la différenciation. L’une impliquant la seconde. Si les UGC sur-performent autant face à des formes de publicité traditionnelles (en terme d’engagement notamment), c’est parce qu’ils résonnent différemment dans le paysage publicitaire. Leur authenticité incontestable- ils sont la voix des milliers d’anonymes parlant en leur nom seul- contraste avec les messages provenant directement des marques ou de leurs agences et crée du lien avec l’audience. S'ils restent si crédibles, c’est donc d’une certaine manière parce que leur usage reste marginal et qu’en tant que tel, ils sont remarquables. C’est particulièrement vrai pour les UGA. En effet, l’exposition accrue des consommateurs à des publicités créées à partir d’UGC risque non seulement de réduire l’effet de nouveauté ressenti par la cible, mais même de renverser le processus. Si les consommateurs perçoivent l’utilisation des UGC par les marques comme des tentatives détournées de les influencer, la dynamique risque de se gripper102 . Pour l’instant, les UGC bénéficient d’une forme de bienveillance : l’utilisation d’un contenu utilisateur par une marque est considéré comme une mise en valeur de l’utilisateur en question plus que par un essai purement intéressé de persuader les individus. Dans le cas inverse, on peut facilement imaginer les individus développer un décodage oppositionnel pour tenter de se « défendre » contre la publicité. À ce titre, certaines des réponses obtenues lors de notre enquête de terrain sont particulièrement éloquentes. À la question « cette initiative de la part d’Apple vous rend-elle la marque plus sympathique ? », les enquêtés ayant répondu « non » étaient invités à donner leurs raisons. Certains enquêtés ont manifesté violemment leur refus de se laisser influencer par la manipulation de l’UGC : « Ça me donne l'impression que les utilisateurs sont instrumentalisés » 102 WRIGHT Peter, « Schemer Schema: Consumers’ Intuitive Theories About Marketers’ Influence Tactics », Advances in Consumer Research, 1986,13 (1), 1–3. !58 « Ca renifle trop le bullshit de communiquant » « Nous faire croire qu'ils sont proches de nous juste pour nous vendre un téléphone à plus de 600 euros fait par des enfants » Cette particularité des UGC est aussi particulièrement visible lorsqu’il est question des powerusers sur les différents réseaux sociaux. Les power-users sont des personnalités disposant d’une forte audience et influence au sein du réseau social sur lequel ils sont présents. Souvent, les powerusers démarrent en tant que complets anonymes. C’est la qualité du contenu qu’ils produisent, un effet de mode ou bien leur activité dans la vie matérielle qui les transforme en power-user sur internet 103. On peut prendre comme exemple la célèbre youtubeuse (terme associé aux power-users sur la plate-forme de partage de vidéos Youtube) française Enjoy Phoenix, spécialisée dans le test en ligne de produits cosmétiques. Justement, les power-users représentent un exemple intermédiaire très pertinent pour éclairer notre sujet. En effet, leur business modèle propose un modèle hybride entre UGC et placement de produit traditionnel104. Les youtubeuse beauté par exemple, reçoivent les produits qu’elles testent gratuitement de la part des grandes marques. Or, toutes ne sont pas totalement transparentes sur l’influence qu’elles subissent pour publiciser tel ou tel produit. La sincérité qu’on attend d’un contenu amateur se trouve alors entaché de conflit d’intérêt dans la mesure ou la youtubeuse n’informe pas son public que son jugement peut ne pas être très objectif. « Quand les marques essaient d’influer sur le UGC, ça fourvoie un peu ce qui était bien à propos des UGC, le fait que c’est honnête, spontané etc. Dans les commentaires sous les vidéos, les gens insultent souvent les youtubeurs en leur disant qu’il font ça pour l’argent. Aujourd’hui il y a beaucoup de native advertising déguisé en UGC. » Dans le deuxième interview qu’elle nous a accordé (cette fois en tant que consommatrice d’UGC sur Youtube) elle soulève ainsi le problème principal des marques utilisant l’UGC à contresens de ses propriétés d’authenticité : le native advertising. Le native advertising de manière générale est la dissimulation du message publicitaire dans un format qui laisse à penser au 103 Hootsuite, accédé 10/08/2016, disponible : https://blog.hootsuite.com/instagram-best-practices-power-userinterview/ 104 Madame Le Figaro, accédé 18/08/2016, disponible : http://madame.lefigaro.fr/beaute/ces-youtubeuses-qui-sont-entrain-de-conquerir-le-business-de-la-beaute-070715-97358 !59 consommateur qu’il n’est pas en train d’être exposé à de la publicité. Exemple : article de journal en réalité rédigé par une marque, post sur Facebook sur un sujet quelconque mais qui met en valeur les produits d’une marque etc. Lorsqu’il est appliqué à l’UGC, le native advertising cherche donc à profiter des propriétés de l’UGC sans en partager l’esprit : placement de produits déguisés, argumentation subjective etc105. Là encore, l’utilisation déguisée de l’UGC pose la question de la pertinence à moyen et long terme des UGC si ces derniers sont décrédibilisés par de mauvais usages. Enfin, l’UGC peut également prendre parfois la forme d’un mensonge au premier degré. Sur certains sites où l’avis des consommateurs est mis en avant pour évaluer la qualité d’un service de restauration ou d’hôtellerie, les commentaires et les notes ne sont plus le fait de véritables consommateurs. Les établissement concernés produisent en effet eux-mêmes du contenu utilisateur en vue de noyer les vraies occurrences dans la masse des faux témoignages. « Les gens vont voir sur Trip Advisor dès qu’ils vont manger quelque part. Mais pourtant, nous on sait que les contenus de Trip Advisor sont complètement faussés. Complètement manipulés par les restaurateurs. Pour autant, les gens y croient et ça continue de marcher. » Nicolas D. III.C.2. La critique de l’exploitation des utilisateurs Les marques faisant usage des contenus utilisateurs dans leurs communications sont souvent accusées d’exploiter le travail de leurs consommateurs gratuitement. « je n'aime pas qu'une marque me prenne pour une vache à lait » « Car ils se font de l'argent sur notre dos106 » De manière plus générale, deux opinions s’affrontent ici. La première penche pour une meilleure reconnaissance des utilisateurs produisant du contenu, voire même de leur rémunération. Ainsi, à la question « Le fait que les photographes amateurs ne soient pas rémunérés pour leur 105 Les Inrockuptibles, accédé le 20/08/2016, disponible : http://www.lesinrocks.com/2011/07/19/actualite/commentdes-entreprises-francaises-fabriquent-et-vendent-de-faux-avis-sur-le-net-1112206/ 106 Les deux citations sont tirées de notre enquête de terrain sur la campagne Apple « Shot on IPhone 6 ». Elles ont été sélectionnées parmi la liste des réponses des personnes ayant répondu « non » à la question « Auriez-vous aimé qu’Apple sélectionne votre photo pour la campagne ». !60 production vous semble-t-il problématique ? », nous obtenons les réponses suivantes : Agrégés, 59,5% des enquêtés semblent donc 13,2 % 25,5 % trouver problématique que les utilisateurs de contenu ne soient pas rémunérés pour avoir contribué à une campagne. 27,4 % Cependant, il est intéressant de constater que même si le public semble désapprouver le fait 34 % que les marques ne rémunèrent pas les contributeurs, cette variable n’entre pas en compte dans l’appréciation de la publicité en question107 . C’est ce qui nous amène à la seconde opinion très prégnante dans les débats attenants à l’utilisation des UGC. Oui tout à fait Non pas vraiment Oui plutôt Non pas du tout F19 : 59,5% des enquêtés pensent que les utilisateurs à la source d’UGC utilisés par les marques devraient être rémunérés. Pour l’autre extrémité du spectre, le fait que la marque utilise un contenu et lui donne une portée bien supérieure à celle qu’il aurait pu espérer seul, est en soi une forme de rémunération. Cette logique semble effectivement s’inscrire dans la lignées des caractéristiques propres aux UGC étudiées ci-avant. Nous avons démontré que l’utilisation par les marques du contenu utilisateur lui permettait de créer la conversation avec eux, et de les mettre en valeur pour mieux les engager et les fidéliser. C’est cette mise en valeur qui pour certain ferait office de rémunération108. Ainsi, de nombreuses personnes dont les photos ont été utilisées pour la campagne « Shot on IPhone 6 » ont publiquement exprimé leur gratitude à F20 : Captures d’écran d’une interview réalisées au journal télévisé de NBC avec une des photographes sélectionnés pour la campagne « Shot on IPhone 6 » Source : https://www.youtube.com/watch? 107 LAWRENCE Benjamin, FOURNIER Susan, BRUNEL Frédéric « When Companies Don't Make the Ad: A Multimethod Inquiry Into the Differential Effectiveness of Consumer-Generated Advertising », Journal of Advertising, 2013, 42:4 108 Hub Institute, accédé 21/08/2016, disponible : http://hubinstitute.com/2014/05/lugc-un-outil-de-communicationperformant-mais-inexploite/v !61 la marque Apple pour avoir sélectionné et mis en scène leur oeuvre109. La sélection de leur photo a par ailleurs été souvent l’occasion de recevoir d’autres formes de gratification (proposition d’agences de mannequin, participation à des émissions etc.)110. La prise de parole des personnes dont le travail est sélectionné pour faire partie d’une campagne UGC semble d’ailleurs faire pleinement partie de la campagne elle-même. Aux ÉtatsUnis, plusieurs personnes dont les photos ont été sélectionnées pour la campagne « Shot on IPhone 6 » ont ainsi été invitées sur les plateaux télévisés pour raconter ce qu’ils avaient ressenti en voyant leur cliché exposé à l’échelle d’un façade de gratte-ciel. III.C.3. User-Generated Content et cohérence du discours des marques L’un des principaux défis du branding est de créer de la cohérence dans l’identité des marques. De la cohérence dans l’identité visuelle : un look & feel unifié sur tous les touchpoints, un logo en accord avec le positionnement etc. Mais aussi dans le discours : quel que soit le contexte, la marque doit toujours s’exprimer d’une même voix. C’est à ce prix, celui de la cohérence, qu’une marque peut espérer occuper une place claire dans l’esprit des consommateurs. Créer de la cohérence réclame beaucoup de contrôle. C’est une bonne part des efforts et des dépenses de branding des marques111 . Dès lors, toute atteinte à cette cohérence est considérée comme une menace pour l’unité de la marque. Or, l’une des principales contraintes à l’utilisation de l’UGC est justement son essence, qui ouvre la porte à l’imprévisible. De nombreuses tentatives d’utilisation de l’UGC ont assez logiquement abouti à des échecs retentissants, et, par effet Streisand, globaux. On peut prendre ici comme exemple l’initiative prise par McDonald’s avec ses #MeetTheFarmers. Le hashtag est lancé à l’origine sur Twitter pour relayer des histoires des fermiers qui alimentent la chaîne en matière première alimentaire. Cependant, il est rapidement détourné en #McDoStories par les utilisateurs, qui commencent à raconter des histoires négatives sur leurs aventures culinaires en restaurant McDonald’s (certaines ouvertement fausses à portée satirique). Même si la campagne est stoppée au bout de 2h par 109 Deccan Chronicle, accédé 21/08/2016, disponible : http://www.deccanchronicle.com/technology/mobiles-and-tabs/ 020316/bangalore-man-clicks-wife-s-picture-on-iphone-6-becomes-global-apple-ad.html 110 Ibid 111 Collective Alternative, accédé le 03/08/2016, disponible : http://www.collectivealternative.com/a-key-ingredient-tobuilding-a-better-brand-consistency/ !62 McDonald’s, le mal est fait et le hashtag continue de se rependre sur la plate-forme sociale112 . Cet exemple illustre parfaitement le risque que prend une marque dès lors qu’elle entend utiliser les User-Generated contents. La réaction des utilisateurs peut très rapidement aller à l’encontre du bénéfice espéré. Cependant, n’est pas à ce prix que la marque peut espérer se rapprocher de ses utilisateurs et paraître plus proche d’eux ? La question de la gestion du discours est en ce sens particulièrement pertinente pour interroger le degré de contrôle qu’une marque doit avoir sur son image si elle entend rester proche et ouverte pour ses consommateurs. 112 Forbes, accédé 03/08/2016, disponible : http://www.forbes.com/sites/kashmirhill/2012/01/24/mcdstories-when-ahashtag-becomes-a-bashtag/#4012613e193f !63 Conclusion Tout au long de notre travail, la question sous-jacente était de déterminer dans quelle mesure l’UGC était une solution particulièrement pertinente et adaptée à l’époque, aux consommateurs du XXIème siècle et plus généralement aux nouveaux usages hérités d’une pratique accrue du digital. Notre réflexion a montré que l’utilisation des UGC aujourd’hui dans la communication des entreprises s’inscrit effectivement de manière logique dans la continuité de l’évolution des formes de publicité depuis 150 ans. En plaçant le consommateur à la fois à la source de la réflexion stratégique et au centre de la production publicitaire, l’UGC sacre l’émancipation de l’individu en tant qu’unité autonome et distincte d’une foule abstraite et toisée au prisme des prénotions. En s’inscrivant au point de jonction du contexte technologique du WEB 2.0 et de la personnalisation croissante des expériences publicitaires, l’utilisation de l’UGC apparaît ainsi comme un choix logique pour les annonceurs comme pour les agences. D’autre part, les propriétés communicationnelles de l’UGC ont démontré qu’elles étaient particulièrement pertinentes sur plusieurs facteurs essentiels de l’efficacité publicitaire aujourd’hui. L’authenticité, la confiance, l’engagement, l’originalité : ces caractéristiques sont les plus recherchées auprès des marques par les Millennials et sont justement, nous l’avons montré, celles dans lesquelles l’UGC affirme le plus distinctement sa supériorité face aux formes traditionnelles de publicités. L’UGC est donc une opportunité pour les marques désirant instaurer dès maintenant une relation de proximité avec leurs consommateurs, les laissant s’engager, pour stimuler leur loyauté et en faire de véritables ambassadeurs. Enfin, nous avons montré que si ces dernières avaient effectivement développé des usages tirant le meilleur du potentiel des UGC, certains obstacles continuent de gêner leur plein emploi. En effet, une partie importante des caractéristiques propres aux UGC reposent sur leur usage encore peu répandu aujourd’hui. La littérature montre ainsi qu’un usage à grande échelle pourrait altérer les propriétés différentiantes et la crédibilité accordée aujourd’hui aux communications recourant à ce type de contenus. De manière plus générale, la réflexion sur les usages des UGC s’est révélée particulièrement juste pour interroger la recherche constante chez les annonceurs d’un équilibre entre constance de leur image et l’authenticité de cette dernière. L’utilisation des UGC, au delà des problématiques de !64 modération qu’elle engendre inévitablement, explore de nouvelles manières d’impliquer le consommateur jusqu’au coeur de la stratégie d’une entreprise et de son identité (comme nous le montre par exemple Airbnb). Cependant, cette mise en scène de l’écoute laisse-t-elle place effectivement à une relation plus dense, plus riche avec le consommateur ? L’évolution des cibles, et particulièrement la nouvelle génération représentée par les Millennials semble en attendre davantage des marques, mais leur accorde en échange une loyauté et un écho accrus, supérieurs à ceux auxquels sont disposés les baby-boomers. On peut alors imaginer que leur vigilance sera plus grande à l’heure de juger si une marque entend effectivement dialoguer avec eux, ou si sa communication ne tisse en réalité qu’un voile trompeur de proximité. La réaction, dans l’un et l’autre scénario, aura simultanément l’impact et la force des millions d’autre consommateurs prêts à s’engager à leurs cotés. Chacun, derrière son écran, dispose désormais d’une puissance de frappe et d’une audience qu’aucune des foules chères aux Le Bon,Tarde et Sighele n’auraient pu égaler. !65 Bibliographie Ouvrages et articles ARMSTRONG Gary, KOTLER Philip, Principles of Marketing, Pearsons Education, 2010 BARTON Christine, KOSLOW Lara, BEAUCHAMP Christine, The Reciprocity Principle, How Millennials are changing the face of marketing forever, The Boston Consulting Group, 2014. BAZAARVOICE, Talking to Strangers: Millennials trust people over Brands,Austin, 2012. BEATTIE Ann E., « Effects of Product Knowledge on Comparaison, Memory, Evaluation, and Choice: a Model of Expertise in Consumer Decision-Making », in NA - Advances in Consumer Research Volume 09, eds. 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KOTLER Philip, ARMSTRONG Gary, Principles of Marketing, Pearsons Education, 2010 !66 KREBS Susanne, « Customers as Online brand ambassadors: motivation for the creation of UGC and benefit for the fashion label ‘Free People’ », brandba.se, 2014 LASSWELL Harold D., Propaganda Technique in the World War, Martino Fine Books, 1938 LAWRENCE Benjamin, FOURNIER Susan, BRUNEL Frédéric « When Companies Don't Make the Ad: A Multimethod Inquiry Into the Differential Effectiveness of Consumer-Generated Advertising », Journal of Advertising, 2013, 42:4 LE BON Gustave, Psychologie des foules, Félix Alcan, Paris, 1895 LEHU Jean Marie, « Contraintes et évolution du marketing », in L'Expansion Management Review 2, 2008, 129, p. 18-27 LENDREVIE Jacques, LÉVY Julien, Mercator 11ème édition, Paris, Dunod, 2014 LÉVY Julien, LENDREVIE Jacques, Mercator 11ème édition, Paris, Dunod, 2014 MALAVIYA Prashant, THOMSON Debora V.,« Consumer Response to User-Generated Advertising: The Effects of Disclosing Consumers as Ad Creators », Working Paper Series 11-106. 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l’effet Streisand p.43 F13 : Capture d’écran du site create.airbnb permettant de créer son propre logo Airbnb p.47 F14 : Le compte Instagram de West Elm, composé de photos d’utilisateurs, au moment de la campagne avec OLAPIC. p.48 F15 : Exemple de carte de visite NAVBLUE. À gauche, le datasky de Mike Hulley, CEO de NAVBLUE. p.49 F16 : Une photo de la campagne « Angry Tweets » prise par un internaute. p.50 F17 : Capture d’écran de la vidéo vainqueur de l’édition 2015 du Superbowl p.51 F18 : … F19 : 9,5% des enquêtés pensent que les utilisateurs à la source d’UGC utilisés par les marques devraient être rémunérés. p.56 F20 : F20 : Captures d’écran d’une interview réalisées au journal télévisé de NBC avec une des photographes sélectionnés pour la campagne « Shot on IPhone 6 » p.56 !70 Time’s Person of the Year : You. !71 Questionnaire !72 !73 !74 !75 !76 !77 !78