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Les cahiers S.M.T. N°17 – Mai 2002 ÷ Page - 3 -
Le secret médical est absolu. La seule
personne à laquelle il ne soit pas opposable est
le patient lui même. Toute atteinte au secret
constitue une transgression. Au regard des pairs
toute transgression peut et doit être pesée. Cela
est différent de ce que la société requiert. Même
si la loi institue des exceptions au secret, cela
signifie simplement que la transgression
n’entraînera pas, dans ces cas, de sanction et en
particulier que l’institution sociale que constitue
le Conseil de l’ordre ne peut intervenir puisque le
secret s’impose « dans les conditions définies
par la loi ». Cela ne signifie pas toutefois qu’au
regard des pairs la transgression, bien que licite,
soit valide.
Les termes mêmes de l’article 4, cités ci-
dessus, entraînent parfois des divergences
d’interprétation. En effet « définies par la loi » ne
signifie pas « définies par voie réglementaire ».
C’est ainsi par exemple que la légalité de l’article
R.241-56, qui permet la transmission du dossier
médical établi par le médecin du travail au
médecin inspecteur du travail, a pu être mise en
doute, le niveau réglementaire n’étant pas celui
de la loi. Un texte commun du Ministère du
travail et du Conseil national de l’ordre des
médecins a permis de dépasser cette difficulté
en précisant les conditions de la transmission3.
En pratique, les sollicitations à transgresser le
secret au profit de l’employeur, parfois sans
mauvaises intentions, sont banales, car
fréquentes, dans l’expérience de tout médecin
du travail. Rarement surviennent de véritables
transgressions mais une jurisprudence est
disponible4 à ce sujet.
L’idée que l’entreprise serait une grande
famille a pu, semble-t-il, être avancée pour
étendre le secret médical à des éléments tenant
au travail qui ne sont pas directement en lien
avec le patient. Or, la famille connaît une
définition légale précise qui la distingue
radicalement du lien contractuel qui lie le salarié
à l’entreprise. L’entrée dans l’entreprise modifie
le statut social de l’individu qui, proposant son
travail humain, le négocie comme « une valeur
d’échange, une richesse qui s’achète ou qui se
loue et (qui) relève à ce titre du droit des
contrats »5. Ce contrat est un contrat de
subordination, voire de double subordination
comme dans le cas du travailleur intérimaire
mais en aucun cas le salarié n’est un mineur
confié à la tutelle de l’employeur. Comme l’a
écrit un psychologue du travail, « le travail n’est
pas la famille. Il nous en sépare précisément. Il
nous implique dans des obligations sociales qui
3 Le dossier médical en médecine du travail Monographie
commune, Ministère du travail et CNOM, Décembre 1995
4 Le secret médical et la médecine du travail,
Jurisprudence, P.Loiret, INRS, DMT 49 TI 19
5 Alain Supiot : La fonction anthropologique du travail
permettent à chacun de sortir de lui-même »6.
Accoler les termes « travail » et « famille » dans une
même définition, c’est méconnaître qu’au contraire,
depuis 1946, le législateur met la situation familiale
à distance de l’entreprise. Ainsi l’article L.123-1 du
Code du travail précise qu’il est interdit de « refuser
d’embaucher une personne, prononcer une
mutation, résilier ou refuser de renouveler le contrat
de travail d’un salarié en considération du sexe ou
de la situation de famille ou sur la base de critères
de choix différents selon le sexe ou la situation de
famille ». Cette interdiction a été réitérée plus
récemment à l’article L.122-457.
SECRET MEDICAL ET EXERCICE DE
LA MEDECINE DU TRAVAIL
L’exercice du métier de médecin du travail
s’appuie, du fait de sa qualité de médecin et de son
domaine d’intervention, sur deux socles juridiques :
le Code de déontologie médicale et le Code du
travail.
La loi définit sa mission ; « …éviter toute altération
de la santé des travailleurs du fait de leur travail … »
( article L.241-2 du Code du travail). Un décret en
Conseil d’état en détermine le sujet, en l’occurrence,
la personne humaine, puisque le médecin: « au
service de l’individu et de la santé publique, exerce
sa mission dans le respect de la vie humaine, de la
personne et de sa dignité… » (article 2 du Code de
déontologie médicale).
Pour le médecin du travail la santé publique est un
domaine concret qui s’applique à la communauté de
travail qu’il surveille mais aussi au domaine des
connaissances en matière de risques pour la santé
au travail.
La relation médicale est avant tout une relation
individuelle. On est médecin du travail que par la
relation qu’on entretient avec chaque sujet (son
patient au sens déontologique) dont la santé nous
est confiée; sinon les médecins du travail seraient
des intervenants exclusifs en santé publique au
travail (médecine du travail à l’anglaise) et, à
condition de ne pas avoir accès à des données
individuelles nominales sur la santé des salariés,
ces tâches pourraient être remplies par des non
médecins. Le fait que le libre choix ne soit pas
requis autrement qu’à travers un accord collectif
(celui du contrôle social) explique le double contrôle
6 Yves Clot, point de vue présenté dans le journal Libération du
9 octobre 2000 sous le titre « Le travail n’est pas la famille »
7 Article L 122-45 du code du travail
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de
recrutement, aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié
en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de sa
situation de famille, de son appartenance à une ethnie, une
nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités
syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses ou,
sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le
cadre du titre IV du livre II du présent code, en raison de son
état de santé ou de son handicap. Aucun salarié ne peut être
sanctionné ou licencié en raison de l’exercice normal du droit
de grève. Toute disposition ou tout acte contraire à l’égard d’un
salarié est nul de plein droit. »