douleurs et l’anorexie secondaire le conduisent à un amaigrisse-
ment de 8 kg en treize mois. A l’examen clinique, il n’y a pas
d’hypoesthésie sensitive linguale, pas d’anosmie, pas d’autre
atteinte sensorielle, ni de neuropathie périphérique. En raison de
lésions érosives muqueuses, il n’a pas été pratiqué de test de la
gustation.
Devant cette stomatite persistante, une connectivite et une
maladie de Behçet sont écartées; il est recherché, dix mois après
l’introduction du candésartan, un virus herpès buccal dont la
présence est confirmée. La posologie de tacrolimus est dimi-
nuée. Un traitement associant valaciclovir j1 g/j et des bains de
bouche (triclocarban;kchlorhexidine-chlorbutanoll) est institué
pendant 10 jours, sans amélioration clinique. Une supplémenta-
tion en zincmà 67,4 µg/jour est prescrite pour quinze jours sans
résultat probant. Trois mois plus tard, aucune amélioration cli-
nique n’est constatée: asthénie, anorexie, agueusie, aphtes, et
perlèche. Ces derniers symptômes sont invalidants dans la vie
quotidienne du patient. Le candésartan est arrêté définitivement
après treize mois d’utilisation, en même temps qu’un arrêt tran-
sitoire du tabac chez ce patient fumeur de 20 cigarettes/jour
depuis l’âge de 30 ans. En deux à trois semaines, tous les symp-
tômes et les lésions disparaissent. Le patient retrouve l’appétit
ainsi que des perceptions gustatives normales. Sa tension arté-
rielle reste stable à 130/80 mmHg, malgré l’arrêt de l’anti-hyper-
tenseur. Le sevrage tabagique est de courte durée (1 mois):
l’agueusie et la stomatite ne récidivent pas avec la reprise de tabac.
■Discussion
Les stomatites et les agueusies peuvent avoir une origine
médicamenteuse. Parmi les médicaments les plus souvent res-
ponsables, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) sont
fréquemment cités. En revanche, les inhibiteurs des récepteurs
de l’angiotensine II, médicaments plus récents, sont rarement
mis en cause. Des cas de dysgueusie-agueusie ont été rapportés
chez des patients traités par certains antagonistes de l’angioten-
sine II, tels que le losartan,1-5 et le valsartan.6Un seul cas a été
décrit sous éprosartan.7A l’heure actuelle, aucun cas sous can-
désartan n’a été publié (tableau I).
Le mécanisme de ces troubles du goût n’est pas élucidé. A la
différence d’autres médicaments (IEC), il n’y a pas d’arguments
en faveur d’une éventuelle carence associée en zinc. Certains
auteurs ont rapporté l’effet bénéfique du zinc lors de dysgueu-
sies induites par certains IEC :8-10 les IEC, par une action chélatrice
pourraient favoriser une carence en zinc au niveau des récep-
teurs sensoriels gustatifs, zinc-dépendants, occasionnant ainsi
des dysgueusies. Il n’y a pas actuellement d’étude sur les effets
des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II sur le méta-
bolisme du zinc. Dans le cas décrit, la supplémentation en zinc
n’a apporté aucune amélioration clinique.
Une interaction médicamenteuse pourrait être évoquée entre
le candésartan et les immunosuppresseurs. En effet, de nom-
breuses interactions avec le tacrolimus ont été identifiées. Elles
sont principalement liées à sa puissante action inhibitrice sur le
cytochrome P450 3A4. Toutefois, le métabolisme hépatique du
candésartan reste limité et est réalisé principalement par l’isoen-
zyme 2C911 et non par le 3A4. Une interaction médicamenteuse
entre le candésartan et les immunosuppresseurs pris par ce
patient, semble peu probable en regard des données disponibles
sur le métabolisme de ces médicaments.
Parmi tous les médicaments pris sans interruption par ce
patient, le tacrolimus et le mycophénolate mofétil ont été décrits
comme pouvant induire certains symptômes présentés par le
patient. En effet, asthénie, perte de poids, anorexie et dysgueu-
sie ont été rapportés avec le mycophénolate mofétil.11 Des modi-
fications de poids et d’appétit ont été décrites sous tacrolimus.1
Dans notre cas, la posologie de tacrolimus a été réduite devant
les prélèvements oraux positifs pour le virus de l’herpès, évoca-
teurs d’une immunosuppression trop intense. Mais cette diminu-
tion de posologie ne s’est pas accompagnée d’une régression
des effets indésirables. L’amélioration clinique, alors que les trois
immunosuppresseurs n’ont pas été arrêtés, n’est pas en faveur
du rôle de ces médicaments, dans la genèse des troubles.
articles originaux
Néphrologie Vol. 25 n° 3 2004
98
jZelitrex® – GlaxoSmithKline.
kSeptivon® – Chefaro-Ardeval.
lEludril® – Pierre Fabre Médicament.
mZinc Oligosol® – Laboratoire Labcatal.
Tableau I : Points convergents et divergents des cas répertoriés sous antagonistes de l’angiotensine II.
Molécule Référence Traitement Agueusie Délai Goût Sensation Ulcérations Inflammation Délai Réintroduction
bibliographique antérieur ou dysgueusie d’apparition métallique de brûlure buccales de la muqueuse de disparition
par IEC des troubles buccale buccale des troubles*
Losartan Goffin1Lisinopril Dysgueusie 3 semaines ND Oui Oui Oui 2 semaines Non
Losartan Heeringa2Enalapril Dysgueusie 1 semaine Oui ND ND ND ND ND
Losartan Heeringa2Perindopril Agueusie 3 mois ND Oui ND ND 1 semaine ND
Losartan Malnick3Captopril Dysgueusie Quelques Oui ND ND ND ND Oui: positive
jours
Losartan Ohkoshi4Non Agueusie 2-3 semaines ND ND Non ND Quelques ND
jours
Losartan Schlienger5Non Agueusie 3-7 semaines ND Oui ND ND 2-3 semaines ND
Valsartan Stroeder6ND Dysgueusie ND ND ND ND ND ND ND
Eprosartan Castells7Non Dysgueusie 3 semaines Oui Oui Non ND 1 semaine Oui: positive
Candésartan
Perindopril Agueusie 6 mois Non Oui Oui Oui 2-3 semaines Non
ND : Non documenté; * après arrêt de traitement.