Losartan et morbi-

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LIFE
D o s s i e r
t h é m a t i q u e
Losartan et morbimortalité vasculaire :
au-delà des effets
antihypertenseurs
■
D. Deplanque*
* Service de pharmacologie,
CHRU de Lille.
162
Dans le domaine des pathologies vasculaires,
ces dernières années et plus particulièrement
ces derniers mois ont été marqués par la publication de plusieurs études permettant d’argumenter les effets favorables de différentes
classes thérapeutiques sur la morbimortalité
vasculaire de patients à haut risque. Dans ce
contexte, l’étude LIFE (Losartan Intervention
For Endpoint Reduction), réalisée chez des
patients hypertendus porteurs d’une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG), permet de
discuter des effets vasculaires favorables des
antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II.
Afin d’évaluer le bénéfice du losartan en comparaison d’un traitement antihypertenseur de
référence, l’aténolol, plus de 10 000 patients de
55 à 80 ans ont été évalués en vue d’une éventuelle inclusion dans l’étude LIFE. Pour être
retenus, ces patients hypertendus (PAS 160200 mmHg et/ou PAD 95-115 mmHg) devaient
par ailleurs présenter un risque vasculaire élevé
au regard de la présence d’une HVG à l’électrocardiogramme (ECG). Étaient exclus de cette
étude les patients ayant une hypertension artérielle secondaire, un antécédent d’infarctus du
myocarde ou d’accident vasculaire cérébral
(AVC) dans les 6 mois précédents, un angor
nécessitant la prescription d’un bêtabloqueur
ou d’un antagoniste calcique, une insuffisance
cardiaque avec fraction d’éjection inférieure à
40 % ou encore les patients justifiant impérativement de la prescription d’un antagoniste des
récepteurs de l’angiotensine, d’un bêtabloqueur, d’hydrochlorothiazide ou d’un inhibiteur
de l’enzyme de conversion. Après une période
de une ou deux semaines sous placebo,
9 222 patients, dont 29 rapidement exclus pour
irrégularité, étaient randomisés pour recevoir
du losartan ou de l’aténolol à une posologie initiale de 50 mg par jour. La pression artérielle
cible était de 140/90 mmHg. Afin de parvenir,
dans la mesure du possible, à cette valeur cible,
le plan de l’étude permettait un ajustement thérapeutique selon la progression suivante :
adjonction d’hydrochlorothiazide 12,5 mg, augmentation de la posologie du losartan ou de
l’aténolol à 100 mg, augmentation de l’hydrochlorothiazide jusqu’à 25 mg et/ou introduction d’un autre antihypertenseur à l’exclusion,
bien sûr, d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion, d’un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine ou encore d’un bêtabloqueur.
Chaque mois pendant un peu plus de 4 ans, les
patients bénéficiaient d’un suivi clinique, biologique et ECG permettant l’appréciation de
l’évolution de l’HVG et la détection d’un éventuel infarctus du myocarde silencieux. Les critères d’évaluation prenaient en compte la survenue des événements suivants : AVC, infarctus
du myocarde, décès (d’origine vasculaire ou
non), hospitalisation pour un angor ou un épisode d’insuffisance cardiaque, nécessité d’un
geste de revascularisation, arrêt cardiaque
récupéré ou encore développement d’un diabète de novo. Dans ces conditions, les caractéristiques initiales des patients (âge, antécédents vasculaires, niveau de pression
artérielle…) étaient similaires dans les
deux groupes. Le niveau de contrôle tensionnel
obtenu par le traitement était lui aussi similaire
dans les deux groupes, en particulier le chiffre
de pression artérielle moyenne à la dernière
visite était d’environ 102 mmHg dans chaque
groupe, alors qu’un peu moins de 50 % des
patients avaient atteint l’objectif cible de
140/90 mmHg. En dépit de cela, et alors que le
recours à d’autres traitements s’était effectué
de manière comparable, les patients recevant
du losartan présentaient une réduction plus
importante d’environ 13 % (2 à 23 %,
p = 0,021) du risque combiné de mortalité cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde et d’AVC
(tableau). Considérant l’impact du traitement
sur chacun des événements vasculaires de ce
critère combiné, les effets favorables du losartan étaient surtout liés à la diminution de 25 %
(11 à 37 %, p = 0,001) de l’incidence des AVC en
comparaison des patients sous aténolol. En
effet, la réduction de l’incidence des infarctus
du myocarde et de la mortalité cardiovasculaire
demeurait comparable dans les deux groupes
(tableau). Parallèlement à ces effets favorables, il était observé une réduction plus
Correspondances en neurologie vasculaire - n° 4 - Vol. II - octobre-novembre-décembre 2002
Faits nouveaux en neurologie vasculaire
Tableau. Effets du losartan et de l’aténolol sur les principaux critères d’évaluation.
Losartan
n = 4 605 (%)
Aténolol
n = 4 588 (%)
RR (IC 95 %)
Objectif combiné*
11
13
0,87 (0,77-0,98)
AVC
5
7
0,75 (0,63-0,89)
Mortalité cardiovasculaire
4
5
0,89 (0,73-1,07)
Infarctus du myocarde
4
4
1,07 (0,88-1,31)
Diabète de novo
6
8
0,75 (0,63-0,88)
* critère combiné : mortalité cardiovasculaire, AVC et infarctus du myocarde.
importante de l’HVG chez les patients recevant
du losartan (p < 0,0001 quel que soit le critère
ECG) ainsi qu’une réduction de 25 % (12 à
37 %, p = 0,001) de l’incidence des diabètes de
novo dans le groupe losartan en comparaison
du groupe aténolol. Enfin, le traitement par
losartan était mieux toléré avec une incidence
moindre des épisodes de bradycardie, de froideur des extrémités, d’hypotension, de troubles
sexuels, d’albuminurie, d’hyperglycémie, d’asthénie, de dyspnée ou encore d’œdème des
membres inférieurs. Dans ces conditions, la
sortie prématurée de l’étude en raison des
effets indésirables était, elle aussi, beaucoup
moins fréquente.
COMMENTAIRES
Les résultats de cette étude ouvrent d’importantes perspectives thérapeutiques. Cette
étude pourrait contribuer à remettre en cause
les recommandations concernant le traitement
de l’hypertension artérielle où les antagonistes
des récepteurs de l’angiotensine II n’apparaissent pas actuellement comme des médicaments
à utiliser en première intention. Outre une tolérance clinique et biologique supérieure à celle
de l’aténolol, gage d’une meilleure observance
probable, le losartan semble réduire de manière
Correspondances en neurologie vasculaire - n° 4 - Vol. II - octobre-novembre-décembre 2002
importante la morbimortalité vasculaire, et ce
principalement en raison d’une réduction
importante des AVC. Cet effet favorable apparaît
en dépit d’un contrôle tensionnel similaire à
celui résultant du traitement par aténolol. L’une
des explications pourrait être un biais à l’inclusion du fait d’une sélection des patients porteurs d’une HVG, facteur de risque d’AVC indépendant de la pression artérielle. Néanmoins,
les résultats de l’étude LIFE plaident aussi indirectement en faveur d’un effet propre de la
modulation des récepteurs de l’angiotensine II,
et ce d’autant que de nombreux travaux apportent des arguments vers des effets vasculaires
favorables de la modulation pharmacologique
du système rénine-angiotensine via, entre
autres, l’amélioration de la fonction endothéliale ainsi que par des effets antiathérosclérose
qui sont autant d’éléments à même de contribuer in fine à une meilleure protection cérébrale. Enfin, les données concernant les effets
de ce traitement sur le développement des diabètes de novo ainsi que l’analyse du sousgroupe des patients diabétiques, publiée dans
le même numéro du Lancet et qui retrouve des
résultats tout à fait similaires, contribuent à
poser l’hypothèse selon laquelle de tels médicaments pourraient avoir des effets favorables
bien au-delà de la simple régulation de la pression artérielle, ouvrant ainsi la voie à de nombreux autres travaux.
✓ Dahlöf B et al. Cardiovascular morbidity and mortality in the Losartan Intervention For Endpoint
reduction in hypertension study (LIFE) : a randomised trial against atenolol. Lancet 2002 ; 359 : 995-1003.
✓ Lindholm LH et al. Cardiovascular morbidity and
mortality in patients with diabetes in the Losartan
Intervention For Endpoint reduction in hypertension
study (LIFE) : a randomised trial against atenolol.
Lancet 2002 ; 359 : 1004-10.
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