Rôle de l`assurance dans la région MENA

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Le rôle de
l’assurance dans
les pays du
Moyen-Orient et
d’Afrique du Nord
Le rôle de l’assurance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
Sommaire
I. Introduction 1
II. Principaux défis de la région MENA 1
III.Le rôle critique de l’assurance dans la région MENA
4
La place de l’assurance dans l’économie et la société 4
Protéger et aider une classe moyenne en pleine expansion 5
Encourager les investissements et la formation du capital 7
Le potentiel de l’assurance est intact 8
IV.Défis de l’assurance dans la région MENA
9
Défis économiques 9
Défis réglementaires 10
Le développement du marché de l’assurance au Maroc 11
V.Conclusion
Le présent document a été rédigé par Roy Suter et Benno Keller, membres de l’unité
Government and Industry Affairs du Zurich Insurance Group («Zurich»). Les auteurs remercient
Frank Bodmer, Francis Bouchard, Daniel Hofmann, Christian Hott, Brandon Mathews, Saad
Mered, Jürgen Stanowsky et Nasser Saidi pour leurs commentaires et contributions utiles. Le
présent document reflète les points de vue personnels de ses auteurs, qui ne correspondent
pas nécessairement à celui du Zurich Insurance Group.
12
Le rôle de l’assurance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
I. Introduction
1
L’assurance offre la possibilité d’apporter une aide vitale aux marchés émergents. Mais ses
avantages ont souvent tendance à être négligés. Le présent document a pour objectif de
mettre en lumière les avantages qu’offre une assurance, tant à l’économie qu’à la société,
en se concentrant spécifiquement sur les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (Middle
East and North Africa = MENA).1 Encourager la prise de conscience de ces avantages contribue
à créer les conditions nécessaires pour que l’assurance puisse soutenir le développement
économique dans la région.
Les pays MENA ont fait des progrès considérables sur le plan économique au cours de
la dernière décennie. Pourtant, il reste encore de nombreux défis formidables à relever,
notamment celui de transformer les économies locales et créer des emplois, en particulier
pour une population jeune de plus en plus nombreuse. L’assurance a le potentiel pour relever
ces défis et aider les pays de la région à atteindre leurs objectifs de croissance. Elle permet
aux individus et à leurs familles d’être acteurs de leur propre destin en protégeant leurs actifs
durement acquis, garantissant ainsi la stabilité économique pour toutes les classes sociales.
En transférant les risques et en facilitant la formation du capital, les assureurs encouragent le
développement économique. En assurant les investissements directs étrangers et en soutenant
le commerce, l’assurance contribue à la croissance durable de tous les secteurs économiques.
Malgré les avantages potentiels qu’il offre, le secteur de l’assurance est sous-développé
dans les pays MENA. Son potentiel de stimulation de la croissance n’est pas suffisamment
exploité. On peut en partie l’expliquer par les aspects culturels et religieux qui influencent le
comportement du consommateur en matière de souscription d’assurances. Une autre raison
serait le manque de confiance dans les assurances et la connaissance limitée des avantages
qu’elles offrent. De plus, l’assurance est souvent inaccessible pour une bonne partie de la
population. Enfin, des obstacles importants au niveau de la réglementation et des pouvoirs
publics ont entravé le développement d’un secteur de l’assurance puissant et compétitif.
La mobilisation de leaders d’opinion, de décisionnaires, de législateurs et d’acteurs du secteur
peut contribuer à surmonter ces entraves. Les efforts à consentir doivent être soutenus par
un dialogue permanent constructif entre tous les acteurs des secteurs publics et privés.
II. Principaux défis de
la région MENA
Depuis le début du millénaire, la région MENA enregistre une croissance économique positive.
La croissance réelle annuelle dans la région était en moyenne de l’ordre de 5%.2 Même s’il
reste inférieur aux taux de croissance annuels moyens des pays asiatiques émergents, ce
taux est supérieur à celui enregistré en Amérique latine. Si l’on considère la forte croissance
démographique, cette performance n’a pas eu les mêmes effets positifs sur la croissance
du Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant. Même si la croissance démographique s’est
récemment ralentie, la région affiche encore les plus forts taux de croissance démographique
du monde.3
Les chiffres agrégés masquent des variations importantes entre les différents pays de la
région. La disponibilité du pétrole, du gaz et des ressources énergétiques est le principal
facteur derrière ces variations. A cet égard, on peut catégoriser les pays MENA soit en tant
que pays riches en ressources, soit en tant que pays pauvres en ressources. La première
catégorie regroupe les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), ainsi que l’Algérie,
l’Irak et la Libye. La seconde catégorie est constituée de l’Egypte, de la Jordanie, du Liban,
du Maroc, de la Tunisie, de la Syrie, du Yémen et de la Turquie.
Il n’existe pas de définition standard du terme «MENA». Aux fins du présent document, nous incluons dans le terme MENA la majorité des pays du Moyen-Orient et du Maghreb, et la Turquie.
Les prévisions économiques mondiales du FMI du mois d’avril contiennent les dernières informations sur la croissance économique régionale. La croissance de la région MENA affiche une certaine volatilité
depuis les événements du Printemps arabe. En 2011, le taux de croissance réelle annuelle de la région a baissé à 3,5%. En effet, plusieurs pays de la région MENA touchés par des bouleversements politiques
et des conflits sociaux ont vu leur courbe de croissance s’infléchir. Malgré des regains de croissance en 2012, les perspectives de croissance régionale pour 2013 et 2014 restent toutefois inférieures à la
moyenne. La mise à jour des perspectives de l’économie mondiale du FMI du 20 avril 2012 contient des informations plus détaillées sur le développement économique de la région.
3
Voir Anthony O’Sullivan, Marie-Estelle Rey et Jorge Galvez Mendez, 2011, «Opportunities and Challenges in the MENA region,» document préparé dans le cadre du programme MENA-OCDE pour
l’investissement.
1
2
2
Le rôle de l’assurance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
II. Principaux défis de
la région MENA
Graphique 1:
Population vs. PIB par habitant
suite
Population
(en millions)
80
Egypte
70
Turquie
60
50
40
Algérie
Maroc
Yémen
30
20
Tunisie
10
0
Arabie saoudite
Jordanie
0
Libye
Liban
20 000
Oman
Bahreïn
Koweït
40 000
Emirats arabes unis
60 000
Qatar
80 000
100 000
120 000
PIB par habitant (en USD, PPA)
Le PIB par habitant est exprimé en dollars américains, ajusté pour la parité du pouvoir d'achat (PPA). Source: informations issues de la base de
données des perspectives économiques du FMI pour 2012.
Parmi les pays MENA, la Turquie, l’Egypte, l’Algérie et le Maroc sont les plus peuplés, avec
220 millions d’habitants. A part l’Algérie, ces pays sont pauvres en ressources. Il n’est donc
pas surprenant de les retrouver parmi les pays les plus pauvres de la région (voir graphique 1).
A contrario, les pays riches en ressources, pays du CCG inclus, comptent parmi les pays les
plus riches du monde.
Les fortes expansions démographiques constatées ont été qualifiées par de nombreux
observateurs de «vagues de jeunesse» (voir graphique 2). Cette part de la population
a notamment été durement touchée par le chômage, important dans cette région. Le
taux de chômage chez les jeunes est en moyenne de 25% dans la région MENA. Celle-ci
devra créer 55 à 70 millions d’emplois d’ici à 2020, ne serait-ce que pour suivre le rythme
démographique, et réduire globalement le chômage à un niveau plus acceptable.4 Il est
clairement nécessaire de développer une économie équilibrée et diversifiée, capable
d’intégrer une large frange de chômeurs.
La forte dépendance des pays riches en ressources aux exportations énergétiques est une
raison de plus qui montre qu’il est urgent de diversifier l’économie. Une baisse des prix de
l’énergie ou la diminution des réserves est considérée comme un frein à la croissance qui
réduirait les perspectives de développement à long terme. Par conséquent, la diversification
de l’économie constitue l’un des plus importants défis auxquels devront faire face les pays
riches en ressources à l’avenir.
Voir Daniel Hofmann, 2012, «The Demographic Challenge for Economic Policy Makers: Labor Market Developments in a Framework of Sustainable Economic Growth and Financial Sector Development,» dans:
H.Groth et A.Sousa-Poza (eds.), «Population Dynamics in Muslim Countries,» Berlin, Heidelberg.
4
3
Le rôle de l’assurance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
Graphique 2:
Taux de dépendance des jeunes (en % de la population)
70
60
50
40
30
20
10
Lib
Ré
ye
p.
M
ar
EN
ab
e
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Eg
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M
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ou
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te
0
Le taux de dépendance des jeunes est le rapport qui existe entre la population âgée de moins de 15 ans et la population en âge de travailler
entre 15 et 64 ans. Source: données de la Banque mondiale, indicateurs du développement mondial pour 2010.
Les progrès réalisés à ces niveaux sont inégaux. Avec différents degrés de réussite, les pays
golfiques riches en ressources ont cherché à développer de nouveaux services et/ou industries,
notamment dans le secteur financier. L’émergence des centres financiers dans les E.A.U. et au
Qatar témoigne de ces efforts. Le tourisme s’est également développé dans différents pays
de la région. Les pays pauvres en ressources, quant à eux, n’ont pas réussi à développer leurs
secteurs financiers qui restent réduits et sous-développés. L’industrie manufacturière continue
à jouer un rôle marginal dans la plupart des pays de la région MENA. L’intégration de ces
économies dans l’économie mondiale reste un défi majeur.5
L’absence d’un cadre institutionnel adéquat représente un autre obstacle de taille pour
transformer et stimuler les économies régionales et augmente les risques – et les coûts –
liés aux affaires. La qualité des systèmes législatifs et administratifs dans les pays pauvres
en ressources, en particulier, pose un problème majeur.6
En outre, le risque politique qui a augmenté et qui s’est intensifié depuis le Printemps
arabe aggrave le risque déjà élevé quant au développement des affaires dans la région.
Ces risques se sont traduits par un recul des investissements directs étrangers dans les
pays de la région MENA. Ils ont pratiquement diminué de moitié entre 2008 et 2011.
De plus, ces investissements directs étrangers se concentrent essentiellement sur les
pays riches en ressources. Ils continueront probablement à décliner dans les pays
MENA touchés par l’instabilité politique.7
Voir FMI, 2011, «Regional economic outlook,» Washington, D.C.
Voir Banque mondiale, 2013, «Doing Business. Regional Profile: Middle East and North Africa» pour avoir un aperçu global des réglementations affectant les conditions commerciales dans la région.
Voir UNCTAD, 2012, «World Investment Report,» et Anthony O’Sullivan, 2010, «FDI trends in the MENA region and persisting policy challenges,» publiés dans le cadre du programme MENA-OCDE
pour l’investissement.
5
6
7
4
III. Le rôle critique de
l’assurance dans la région
MENA
Le rôle de l’assurance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
L’assurance joue un rôle économique et social important en raison de sa capacité à transférer
les risques en les regroupant dans un pool et son rôle important dans la gestion des risques
(voir encadré 1).8 Elle libère les individus d’une dépendance à la famille ou à la communauté
en cas d’événements indésirables. Plus important encore, il est probable que les familles ou les
communautés pauvres ne disposent pas des moyens pour «s’auto-assurer». L’assurance offre
ainsi un mécanisme efficace pour empêcher les personnes de se retrouver dans des situations
précaires suite à un événement indésirable. Outre la protection des individus, l’assurance
promeut l’activité commerciale et économique en fournissant une couverture essentielle aux
entreprises. Les assureurs contribuent également à la formation du capital en collectant les
primes auprès d’un grand nombre de détenteurs de polices d’assurance et en constituant un
capital pour faire face au risque. De cette manière, l’assurance peut jouer un rôle important
en aidant la région à relever ses défis majeurs.
Encadré 1: la place de l’assurance dans l’économie et la société
L’assurance revêt trois fonctions économiques essentielles:
• L’assurance permet le transfert de risque: elle constitue un mécanisme efficace
de transfert des risques par le pooling des risques idiosyncrasiques. Le fait que la prime
acquittée par des souscripteurs individuels soit inférieure au coût maximum probable
du sinistre explique la valeur apportée en termes techniques par ce pooling des risques
fondé sur la loi des grands nombres.
• L’assurance garantit la gestion des risques: en facturant une prime qui reflète les
risques sous-jacents, l’assurance envoie un signal important aux détenteurs de polices
d’assurance et à l’économie dans son ensemble, incitant à la réduction du risque. Les
assureurs fournissent également des conseils et services de gestion des risques aux
particuliers et aux entreprises.
• L’assurance contribue à une accumulation efficace de capital: les assureurs placent
classiquement les primes collectées sous forme de réserves pour pouvoir faire face à
des paiements de sinistres éventuels. Les assureurs favorisent la formation du capital
par l’accumulation de pools de capitaux investis dans des actifs réels et financiers.
Contrairement aux autres institutions financières, les actifs des assureurs correspondent
classiquement en termes de volume et d’échéances aux postes du passif et n’impliquent
pas de transformation d’échéance.
En assumant ces trois fonctions essentielles, les assureurs apportent une contribution
importante à la société et à l’économie.
• L’assurance accroît le bien-être: elle accroît directement le bien-être individuel en
apportant une «tranquillité d’esprit».
• L’assurance encourage l’activité économique: en réduisant la nécessité de détenir un
capital préventif et libère ainsi des ressources à des fins davantage productives. Elle permet
aux entreprises de s’engager dans des activités plus risquées et plus rentables (p.ex. grâce
à l’obtention d’une assurance de responsabilité civile).
• L’assurance facilite le commerce: le soutien que l’assurance apporte au commerce
s’inscrit dans une longue tradition. Les assureurs aident aujourd’hui les entreprises à gérer
les risques complexes associés aux chaînes logistiques globales.
Voir Lael Brainard, 2008, «What is the role of insurance in economic development?», Zurich Insurance Group (anciennement Zurich Financial Services) et Julian Arkell, Christian Hott et Benno Keller, 2012,
«The Role of Insurance in Latin America,» Zurich Insurance Group.
8
5
Le rôle de l’assurance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
Protéger et aider une classe moyenne en pleine expansion
Alors que le niveau des salaires dans la région MENA a globalement augmenté depuis la
dernière décennie, les différences entre les pays par rapport à ce point demeurent considérables.
Par exemple, l’écart entre le PIB par habitant du Qatar et par habitant du Yémen est proche de
100 000 USD (voir graphique 1). Une grande partie de la population – en particulier dans les
pays pauvres en ressources de la région – perçoit encore un faible revenu et à de faibles chances
pour pouvoir constituer le capital qui lui permettra de faire face à la maladie, aux accidents, à
la perte de biens ou à un sinistre de manière générale. A la suite d’un événement non souhaité,
la consommation peut considérablement baisser, affectant à long terme la santé et le revenu
des populations. Des individus, des familles, voire des villages entiers peuvent sombrer dans la
misère, ce qui nuit au développement économique global. Pour ceux qui réussissent à échapper
à la pauvreté, l’assurance est une source de sécurité et les aide à maintenir leur statut social.
C’est une contribution essentielle pour une croissance économique durable.
Les populations des pays émergents restent beaucoup plus jeunes que celles des économies
matures. C’est particulièrement vrai dans la région MENA. Toutefois, comme dans d’autres
régions moins développées, la population de la région commence à vieillir (voir graphique 3).
Graphique 3:
Taux de dépendance économique des personnes âgées (en % de la population)
80
70
60
50
40
30
20
10
0
2010
2020
Global
2030
2040
2050
Régions moins développées
2060
2070
Régions plus développées
2080
2090
2100
MENA
Source: statistique de l'ONU.
Cela signifie qu’il deviendra de plus en plus important de fournir aux personnes âgées
un niveau de vie acceptable. Pour le moment, les systèmes de retraite sont encore sousdéveloppés dans la région. Les plans de retraite calculés sur les revenus, majoritairement
pour les employés du secteur public, incluent actuellement le principal type d’assurance
retraite dans la région.9 Il s’agit habituellement de plans de pensions définis qui sont, du
moins en théorie, financés correctement. Les régimes de retraite publics ont un poids
considérable en termes de détention d’actifs. Outre le Maroc et le Bahreïn, l’Egypte,
la Jordanie, le Koweït et Oman disposent tous d’importants systèmes publics de retraite
(voir graphique 4).
Voir Gustavo Demarco, 2010, «Retirement Savings in MENA, Financial Flagship,» Banque mondiale.
9
6
III. Le rôle critique de
l’assurance dans la région
MENA
suite
Le rôle de l’assurance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
Graphique 4:
Réserves de pensions publiques (en % du PIB)
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
Koweït
(2005)
Bahreïn
(2008)
Egypte
(2008)
Jordanie
(2008)
Maroc
(2008)
Oman
(2008)
Liban
(2003)
Tunisie
(2004)
Arabie
saoudite
(2005)
Source: Demarco (2010).
Pourtant, dans les faits, ces systèmes de retraite ne disposent pas des réserves suffisantes
pour couvrir les engagements futurs.10 Ils ne couvrent environ qu’un tiers de la population
active (en majorité des employés du secteur public qui perçoivent des revenus moyens et
élevés). Par ailleurs, ils accumulent des engagements considérables qui ne sont pas financés
et qui ne sont pas tenables, en partie parce qu’ils promettent des versements implicites trop
généreux à leurs contributeurs.11 En outre, le rôle des retraites privées dans les pays MENA
est limité. Demarco (2010) rapporte que les actifs détenus représentent 2,7% du PIB de
l’Egypte en 2008 et 2,3% du PIB de la Jordanie en 2003.12 Les systèmes de retraite privés
ne parviennent actuellement pas à compenser les lacunes des systèmes de retraite publics.
Avec l’essor de la classe moyenne dans de nombreux pays émergents, la demande de produits
d’épargne augmentera car les individus cherchent à maintenir leur niveau de vie une fois à
la retraite. A défaut de solutions adéquates, le risque que de larges pans de la population
se retrouvent confrontés à la pauvreté une fois à la retraite est élevé. Pour le moment, en se
fondant sur des taux de dépendance des personnes âgées réduits, les systèmes de retraite
publics complets «pay as you go» semblent actuellement attrayants pour les pays MENA.
Toutefois, dès que le taux de dépendance des personnes âgées augmentera, ces systèmes
«pay as you go» devront faire face aux mêmes difficultés auxquelles sont confrontées les
économies avancées.
Il est donc nécessaire de trouver un équilibre entre les systèmes «pay as you go», les régimes
de retraite financés et l’épargne-retraite individuelle. L’assurance-vie peut jouer un rôle
important dans le financement des solutions de retraite. Elle propose non seulement des
solutions d’épargne à long terme, mais gère également les risques qui peuvent affecter
la capacité d’épargne (p.ex. incapacité) ou le risque de vivre plus longtemps que
ce que l’épargne peut financer (p.ex. le risque de longévité).
Voir David Robalino Edward Whitehouse, Anca Mataoanu, Alberto Musalem, Elizabeth Sherwood, Oleksiy Sluchinsky, 2005. «Pensions in the Middle East and North Africa Region: Time for Change,» Banque mondiale.
Voir Middle East Insurance Review, May 2011: «Pensions in MENA: Potential for Reform.» Downloadable at: http://www.meinsurancereview.com/.
Voir Gustavo Demarco, 2010, «Retirement Savings in MENA, Financial Flagship,» Banque mondiale.
10
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Le rôle de l’assurance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
7
Encourager les investissements et la formation du capital
Les pays riches en ressources de la région MENA doivent diversifier et moderniser leurs
économies pour créer des opportunités d’emplois suffisantes. L’industrie manufacturière et
les secteurs de services pourraient s’ériger en des pourvoyeurs d’emplois dans le futur. Cela
suggère le besoin d’augmenter les investissements dans les infrastructures, la construction
et les machines, tant par les investisseurs nationaux qu’internationaux. L’assurance peut
faciliter ces investissements de nombreuses manières.
Par exemple, les investisseurs, aussi bien nationaux qu’internationaux font face à de nombreux
risques dans le cadre de leurs investissements. En assumant et en mettant en pool certains
risques inhérents aux opérations commerciales, l’assurance libère des capitaux qui peuvent
à leur tour servir à réaliser des investissements productifs (voir encadré 1). Un autre exemple
concerne les garanties par lesquelles les assureurs assument certains risques liés à des projets
de construction importants et complexes. Sans ce genre de couvertures, ces projets ne
pourraient pas voir le jour. Ces investissements sont cruciaux pour la croissance économique
à long terme. De même, les investissements requis pour renforcer la capacité de production
dans le secteur manufacturier et celui des services sont susceptibles de créer des emplois et
contribueraient ainsi à résorber le taux de chômage élevé chez les jeunes.
L’assurance peut également participer à attirer les investissements directs étrangers (IDE),
élargissant ainsi le profil économique des pays de la région. Il est essentiel d’impliquer les
investisseurs internationaux dans les économies de la région pour drainer les ressources
financières adéquates (les pays riches en ressources de la région disposent de capitaux
suffisants) et favoriser les transferts de savoir-faire et de technologies. Pourtant, les investisseurs
étrangers sont confrontés à certaines incertitudes, le risque politique étant le plus grand
obstacle aux investissements dans les marchés émergents.13 Ceci est particulièrement vrai
lorsqu’il est question des pays pauvres en ressources de la région. A cet effet, une industrie
de l’assurance compétitive et mondiale peut jouer un rôle important dans le soutien des
IDE. En absorbant et en gérant certains des risques auxquels sont généralement exposés
les investisseurs, les assureurs mondiaux facilitent des investissements qui seraient autrement,
jugés trop risqués.
Enfin, l’assurance peut largement contribuer à la formation du capital requis pour des
investissements à long terme. Habituellement, les assureurs collectent les primes avant la
survenance d’un sinistre. Nombreux sont les cas dans lesquels (comme dans l’assurance-vie,
par exemple) le décalage entre la collecte des primes et le paiement du sinistre est important.
Les assureurs constituent des réserves pour faire face aux sinistres futurs en investissant les fonds
collectés sur les marchés des capitaux dans le but de d’anticiper l’échéance des engagements
avec des actifs d’une même durée ou d’une durée au moins similaire. Cette situation exige
un horizon de placement sur le long terme, ce qui signifie que les assureurs sont nettement
mieux parés que d’autres types d’investisseurs pour faire face aux fluctuations à court terme
des marchés financiers.
L’assurance stimule également le commerce. Prenons l’exemple des exportateurs: ils sont
confrontés à de nombreux risques, y compris les risques de perte physique des produits, et
ceux qui surviennent pendant le transport et le chargement. Les risques logistiques prennent
de l’ampleur lorsque les pays émergents progressent dans la chaîne de valeur ajoutée.
Ces chaînes logistiques s’étendent souvent au-delà des frontières nationales, voire au-delà
du continent. Une connaissance approfondie des différents facteurs de risque et de leurs
interdépendances est nécessaire pour gérer efficacement les risques pesant sur la chaîne
logistique complexe. Outre ses effets bénéfiques sur le commerce, l’assurance peut aider
les entreprises à développer et à maintenir des chaînes logistiques cohérentes.14
Voir le Rapport MIGA WIPR 2010 «World Investment and Political Risk.»
Voir le Business Continuity Institute, 2011, «Supply Chain Resilience 2011.»
13
14
8
III. Le rôle critique de
l’assurance dans la région
MENA
suite
Le rôle de l’assurance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
Le potentiel de l’assurance est intact
Malgré la capacité de l’assurance à relever certains défis majeurs dans le développement
durable de l’économie des pays émergents, son potentiel demeure pour l’essentiel inexploité.
Ce constat est particulièrement vrai pour les pays de la région MENA, où le taux de pénétration
de l’assurance, à savoir le rapport entre les primes d’assurance souscrites et le PIB, est le plus
bas du monde (voir graphique 5). La pénétration de l’assurance varie considérablement entre
les pays MENA, allant de taux très bas, comme en Algérie, en Egypte, au Yémen et dans
plusieurs pays du CCG, à des taux supérieurs à 1,5% en Jordanie, au Liban et au Maroc.15
Si le secteur non-vie dans la région MENA est globalement comparable à celui des autres
pays émergents, le secteur vie est quant à lui largement sous-développé par rapport à
d’autres régions.16
Graphique 5:
Pénétration de l'assurance ou volume des primes (en % du PIB 2011)
12
10
8
6
4
2
G
lo
ba
l
Et
at
sUn
is
Ja
po
n
UE
lat
in
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M
EN
A
M
EN
A
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ch
es
en
M
EN
A
0
Non-vie
Vie
Source: statistiques mondiales Axco.
Force est de constater que les taux de pénétration de l’assurance dans la région MENA
restent bas, même en considérant les niveaux de revenus annuels. Les recherches montrent
que le développement des marchés de l’assurance suit une courbe en S: dans les prémices
du développement économique d’un pays, la demande en services d’assurance a tendance
à être faible. Lorsqu’une économie est en phase de croissance, la demande décolle et les
taux de pénétration augmentent rapidement. Ils commencent à stagner à des stades de
développement économique plus avancé.17 Mais la région MENA ne suit pas ce modèle: les
taux de pénétration de l’assurance sont plus bas que les taux attendus. Le Maroc est le seul
pays MENA dans lequel le taux de pénétration de l’assurance se rapproche du niveau attendu.18
Voir Rodney Lester, 2011, «The Insurance Sector in the Middle East and North Africa.» Document de travail de recherche politique de la Banque Mondiale.
Pour une étude annuelle des marchés de l’assurance dans la région MENA, voir le «MENA Insurance Barometer» publié par le Financial Center Authority du Qatar.
Voir Rudolf Enz, 2000, «The S-curve relation between per-capita income and insurance penetration,» dans: «The Geneva Papers on Risk and Insurance 25, 396-406.»
18
Voir Rodney Lester, 2011, «The Insurance Sector in the Middle East and North Africa.» Document de travail de recherche politique de la Banque Mondiale. Les faibles taux de pénétration de l’assurance font que
le peu d’actifs détenus par les assureurs dans la plupart des pays représentent nettement moins de 10% du PIB. Le Maroc (19% en 2009) et le Bahreïn (12,1% en 2009) font l’exception, selon Rodney Lester.
Ceci explique donc pourquoi les compagnies d’assurance ne sont pas considérées comme des investisseurs importants dans la région.
15
16
17
Le rôle de l’assurance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
IV. Défis de l’assurance
dans la région MENA
9
Pour profiter pleinement de tous les avantages qu’offrent les assurances, il est nécessaire de
stimuler et de diversifier ce secteur qui répond aux besoins des différents groupes de clients et
de segments. De leur côté, les acteurs politiques, les législateurs et les opérateurs du marché
doivent faire des efforts concertés pour relever les défis économiques et réglementaires.
Défis économiques
Pour développer un marché de l’assurance solide et viable, il est indispensable de s’appuyer
sur un secteur financier efficient. Des efforts spécifiques doivent être entrepris pour permettre
au secteur financier de se développer durablement. Dans ce sens, les opérations boursières,
les systèmes de paiement et de règlement, de même que la réglementation et les contrôles
requis pour protéger les assurés, ainsi que la stabilité financière, une gouvernance d’entreprise
adéquate et la transparence des marchés ont un rôle à jouer. L’histoire démontre qu’un secteur
financier moderne et adéquatement régulé peut être le catalyseur du cercle vertueux du
développement financier et économique. De même, un marché de l’assurance florissant a
un effet positif sur la poursuite du développement du secteur financier et la formation du
capital dans l’économie réelle.
La région MENA est confrontée à des obstacles majeurs, comme le manque d’informations
financières et la méconnaissance des produits d’assurance et de leurs avantages.19 Ces contraintes
sont plus marquées dans les pays pauvres en ressources que dans les pays riches en ressources,
ces derniers disposant de niveaux de formation et de technologies plus élevés. Il est important
de favoriser une prise de conscience de l’existence de produits d’assurance et d’encourager la
connaissance et la compréhension du concept de l’assurance et des avantages qu’il offre. La
formation financière est cruciale pour relever ce défi. Le secteur privé peut largement y contribuer,
en coopérant avec les universités, voire les établissements d’enseignement secondaire, par
exemple, pour promouvoir les avantages qu’offre une gestion des risques.
La demande en assurance dans la région peut également être affectée par des aspects
culturels et religieux. Des recherches empiriques suggèrent que la pénétration de l’assurance
est faible au sein des populations majoritairement musulmanes.20 La non-conformité des
produits d’assurance à la Charia est citée comme l’une des principales raisons. L’émergence
du concept d’assurance Takaful qui est en tous points conforme aux lois de la Charia peut
contribuer à stimuler la demande en assurance dans cette région.21
La demande peut également être inhibée par un faible niveau de revenu, en particulier dans
les pays MENA pauvres en ressources. L’assurance est souvent inaccessible et des produits
adaptés font défaut. Il est généralement difficile, voire inefficace, de proposer des produits
d’assurance aux plus défavorisés. Face à cela, les assureurs peuvent rabaisser les seuils d’accès
à des assurances efficaces et élargir la base de clientèle en proposant des produits adaptés et
en pratiquant ce qu’on appelle la «micro-assurance». Cela implique de modifier l’offre produit
d’assurance, de revoir les canaux de distribution, de simplifier les conditions de souscription,
et de paiement des primes, notamment via des canaux innovants et évolutifs (p.ex. téléphones
portables). Il est également possible d’offrir à la population des services à l’origine inaccessibles,
tels que des conseils médicaux ou juridiques.22 Les produits d’assurance peuvent être adaptés
aux besoins des ménages. La micro-assurance peut donc jouer un rôle vital dans le
développement de la confiance en l’assurance.
La dominance des assureurs publics dans différents pays de la région est un autre facteur
contraignant au niveau de l’offre. Cette dominance a tendance à exclure les sociétés du secteur
privé.23 Un autre problème réside dans le manque de professionnels qualifiés dans le secteur.
L’assurance est une activité particulièrement complexe qui fait appel à des compétences
actuarielles sophistiquées pour déterminer si les prix et les réserves reflètent adéquatement
le risque. A cet égard, il est à rappeler que seuls deux pays de la région MENA – l’Egypte et
Voir Douglas Pearce, 2011, «Financial Inclusion in the Middle East and North Africa.» Document de travail de recherche politique de la Banque Mondiale.
Voir Erik Feyen, Rodney Lester et Roberto De Rezende Rocha, 2010, «What Drives the Development of the Insurance Sector?» Document de travail de recherche politique de la Banque Mondiale.
Pour un bref aperçu du marché Takaful dans la région, voir «The World Takaful Report 2012» publié par suite à la World Takaful Conference en collaboration avec Ernst & Young.
22
Pour plus de détails, voir Zurich Insurance Group (anciennement Zurich Financial Services) 2011, «Insurance and technology to better serve emerging consumers.»
23
La part de marché des sociétés contrôlées par l’Etat en Syrie, en Egypte et en Algérie varie entre 47% et 72%. Voir Rodney Lester, 2011, «The Insurance Sector in the Middle East and North Africa.»
Document de travail de recherche politique de la Banque Mondiale.
19
20
21
10
IV. Défis de l’assurance
dans la région MENA
suite
Le rôle de l’assurance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
le Liban – sont représentés parmi les 85 membres de l’Association actuarielle internationale.
La rareté des compétences techniques et professionnelles se fait également sentir dans les
domaines de la comptabilité et de l’audit. Dans l’ensemble, tous ces facteurs ont entravé
le développement du secteur de l’assurance dans la région MENA. Alors que les assureurs
étrangers sont en mesure de développer des transferts de connaissances pour contribuer
à combler les insuffisances en compétences, il est impératif de développer les capacités de
formation au niveau local.24
Défis réglementaires
Pour être viable, le secteur de l’assurance a besoin d’un cadre réglementaire et de contrôle
adapté.25 En garantissant la protection des assurés, le contrôle contribue à instaurer un climat de
confiance. Une condition sine qua non pour que le marché de l’assurance puisse correctement
fonctionner. En règle générale, les assurés ne sont pas en mesure d’évaluer la solvabilité de
leur prestataire d’assurance et ne peuvent pas évaluer la solvabilité de l’assureur sur toute la
durée d’un contrat d’assurance à long terme en particulier. Dans ce cas, la supervision joue
un rôle essentiel dans l’évaluation et le contrôle de la capacité des assureurs à honorer leurs
engagements. C’est seulement si ces conditions sont remplies que les consommateurs seront
encouragés à souscrire à une couverture assurance (notamment des contrats à long terme tels
que l’assurance-vie). C’est seulement ainsi et pas autrement qu’un marché d’assurance sain peut
se développer. Pour protéger les assurés, les autorités de contrôle exigent généralement que les
assureurs disposent du capital nécessaire pour faire face aux risques pris. Elles imposent donc
des restrictions d’investissement au niveau des actifs servant à couvrir les engagements envers
les assurés, établissent des normes de protection des consommateurs, définissent des règles
relatives à la compétence et à l’intégrité des directeurs et des managers (exigences dites
d’«honorabilité et de compétence»), arrêtent des normes comptables pour l’établissement de
rapports, et mettent en place des macro systèmes de surveillance prudentielle qui émettent des
alertes précoces en cas d’apparition de signes d’une nouvelle crise financière potentielle. Ce
dernier point devenu particulièrement important depuis la survenance de la crise financière.
Même si des différences entre pays persistent dans la région MENA, le cadre est néanmoins
établi pour le développement de la réglementation de l’assurance. Les normes réglementaires
demeurent vagues et ont tendance à être moins détaillées et moins sophistiquées que dans les
pays développés.26 Alors qu’un arsenal très dense de réglementations trop prescriptives risque
d’entraver l’efficacité des marchés de l’assurance, l’absence d’un cadre réglementaire sain
lui serait encore plus nuisible. En l’absence d’une réglementation spécifique au secteur, les
assureurs qui construisent leurs offres en s’appuyant sur des systèmes de gestion de risques
inadaptés mettent sur le marché des produits sous-évalués, ce qui a pour conséquence une
sous-tarification et une insuffisance des provisions, réduisant de ce fait le champ d’action
d’opérateurs professionnels qui se trouvent ainsi évincés du marché.
Par ailleurs, l’assurance est obligatoire pour un nombre restreint de secteurs dans la région
MENA. Seule la responsabilité civile pour véhicules à moteur est obligatoire dans tous les pays
de la région. Mais même cette règle n’est pas toujours appliquée dans les faits.27 A défaut
de politiques publiques appropriées, l’asymétrie de l’information entre assureurs et assurés
peuvent créer des situations dans lesquelles les acteurs privés du marché ne parviennent pas
à fournir la couverture d’assurance adéquate. Dans certains cas, pour les assurances maladies
professionnelles, santé ou tierce pour l’automobile notamment, l’émission des polices
peut exiger l’établissement au préalable de contrats.
Il est donc crucial que le cadre réglementaire n’entrave pas la mutualisation efficace des risques,
un mécanisme central de transfert des risques par les assureurs.28 Un pooling efficace des
risques signifie avant tout que les assureurs doivent être en mesure d’établir un pricing reflétant
Voir Rodney Lester, 2011, «The Insurance Sector in the Middle East and North Africa.» Document de travail de recherche politique de la Banque Mondiale.
Concernant le rôle et les règles de la réglementation dans le secteur de l’assurance, voir Ernst Baltensperger, Peter Buomberger, Alessandro A. Iuppa, Arno Wicki, et Benno Keller, 2007,
«Regulation and Intervention in the Insurance Industry,» Zurich, Zurich Insurance Group (anciennement Zurich Financial Services).
26
A partir de différentes sources collectées par Zurich, IPZ et Cross-border Product Underwriting.
27
Voir Rodney Lester, 2011, «The Insurance Sector in the Middle East and North Africa.» Document de travail de recherche politique de la Banque mondiale qui fournit également un aperçu
des assurances obligatoires dans tous les pays de la région.
28
Voir par exemple Marian Bell et Benno Keller, 2009, «Insurance and stability. The reform of insurance regulation,» Zurich Insurance Group (anciennement Zurich Financial Services).
24
25
Le rôle de l’assurance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
11
adéquatement le risque. Le fait d’imposer des contraintes réglementaires sur la fixation des
prix ou de la soumettre à une supervision qui est en conflit avec la logique de tarification sur la
base du risque, est susceptible de limiter les capacités de l’assurance et de conduire au final les
entreprises privées à se retirer totalement du marché. De plus, les barrières à l’entrée du marché
qui sont censées protéger le secteur pendant ses premières années de vie risquent, en réalité,
d’entraver son bon fonctionnement, au détriment de l’ensemble de l’économie et de la société.
Des études indépendantes montrent que ces obstacles sont malheureusement présents dans
la région.29 Certains pays MENA interdisent toujours aux entreprises étrangères d’établir des
succursales et/ou continuent à restreindre le droit de propriété des étrangers.30 D’autres mesures
restrictives prévoient de confier obligatoirement certains risques à des assureurs publics ou à
des acteurs locaux ainsi que la cession de la réassurance aux assureurs locaux ou régionaux.31
Enfin, dans la région MENA, la fiscalité de l’assurance – y compris la taxe sur la valeur ajoutée
(TVA), les droits de timbre et les taxes sur les primes – est souvent inaccessible. Dans le cas de
l’assurance-vie, la situation est très désavantageuse lorsque la composante épargne est elle
aussi taxée.32 Un traitement fiscal plus avantageux de l’assurance (-vie) permettrait de stimuler
la demande de ces produits.
Encadré 2: le développement du marché de l’assurance au Maroc
Le Maroc est le pays de la région où le marché de l’assurance est le plus développé.
Lester (2010)32 attribue son succès aux facteurs suivants:
• une autorité de surveillance compétente qui entretient des relations professionnelles
uniques avec ses homologues et le secteur;
• un cadre réglementaire qui a suivi les développements européens et suit une approche
technique de gestion de l’assurance;
• un secteur de l’assurance privée actif avec des participations étrangères importantes
dans les compagnies d’assurances locales;
• un secteur doté d’une structure stable et efficace suite à une série de fusions;
• l’existence de catégories d’assurances obligatoires correctement réglementées et policées
– y compris la responsabilité civile véhicules à moteur, indemnisations des employés,
une certaine forme de couverture d’assurance responsabilité civile professionnelle et la
couverture hypothécaire;
• le rôle historique joué par le secteur dans la fourniture d’une couverture d’assurance
santé complète;
• l’émergence et la croissance rapides d’une bancassurance-vie incluant une composante
d’épargne importante;
• le rôle significatif joué par les assureurs-vie dans la fourniture de prestations de retraite
complémentaires;
• un marché hypothécaire en expansion;
• un marché des capitaux encore en développement mais déjà viable, soutenu par un certain
cadre visant à diversifier les portefeuilles au niveau international (10% de fonds off-shore);
• l’abolition de pratiquement toutes les préférences en matière de placement à risque, la
dernière cession obligatoire à la réassurance nationale devant être supprimée sous peu.
Voir par exemple Rodney Lester, 2011, «The Insurance Sector in the Middle East and North Africa,» document de travail de recherche politique de la Banque mondiale.
Voir Daniel Hofmann, 2012, «The Demographic Challenge for Economic Policy Makers: Labor Market Developments in a Framework of Sustainable Economic Growth and Financial Sector Development,»
dans: H.Groth et A.Sousa-Poza (eds.), «Population Dynamics in Muslim Countries,» Berlin, Heidelberg.
31
A partir de différentes sources recoupées par Zurich, IPZ et Cross-border Product Underwriting (normes). Voir également Rodney Lester, 2011, «The Insurance Sector in the Middle East and North Africa,»
document de travail de recherche politique de la Banque mondiale.
32
Voir Rodney Lester, 2011, «The Insurance Sector in the Middle East and North Africa,» document de travail de recherche politique de la Banque mondiale.
29
30
12
V. Conclusion
Le rôle de l’assurance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
L’assurance peut jouer un rôle crucial lorsqu’il s’agit de relever les défis majeurs qui se posent
dans la région MENA. En rendant les marchés financiers plus efficaces et en favorisant les
investissements directs étrangers et les échanges économiques, l’assurance soutient la
transformation et la modernisation nécessaires aux économies locales, aide à créer des
opportunités d’emplois et promeut la croissance économique durable. L’assurance a également
la capacité d’empêcher que la population de sombre dans la pauvreté en cas d’événements
indésirables et de soutenir l’expansion de la classe moyenne.
Le manque de confiance et la méconnaissance des consommateurs sont des obstacles majeurs
qui empêchent l’assurance de jouer pleinement son rôle. Pour exploiter amplement le potentiel
de l’assurance, il est nécessaire de proposer des produits adaptés et accessibles pour les
marchés émergents qui garantissent aux clients une expérience positive et suscitent leur
confiance. On peut citer parmi ces produits la micro-assurance et les produits destinés à la
classe moyenne en plein essor. Par ailleurs, en tant qu’entreprises citoyennes, les compagnies
d’assurances doivent transmettre leur expertise et aider les individus, les entreprises et les
gouvernements à réduire les risques. Pour améliorer la connaissance des potentialités de
l’assurance, il faut investir davantage dans la formation financière.
Pour développer un marché d’assurance solide, un cadre réglementaire sains et une politique
gouvernementale et stable sont des conditions incontournables. Malheureusement, les
restrictions d’ordre réglementaire dans de nombreux pays de la région MENA limitent la
capacité des assureurs à mettre efficacement en pooling les risques et nuisent ainsi au
développement d’un marché efficient. La nécessité de réduire les barrières règlementaires
est de ce fait évidente.
Exclusion de responsabilité:
Ce document est publié en anglais et en français. En cas de divergences entre la présente traduction et la version originale anglaise, cette
dernière fait foi.
Le rôle de l’assurance dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
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