JOHANN WATZKE ÉNONCÉ THÉORIQUE DE MASTER ÉQUIPE DE SUIVI : MONIQUE RUZICKA-ROSSIER JEFFREY HUANG TREVOR PATT 2012|2013 SAR|EPFL Table des matières Introduction Tokyo, un milieu propice Un regard occidental Introduction à Tokyo Les marques de l’histoire Éléments de l’essence de Tokyo Question de l’exportabilité Intelligences urbaines 1 3 5 7 11 15 41 43 Les Petits Hybrides Sur les traces de l’Atelier Bow-Wow L’étude urbaine L’architecture anonyme de Tokyo Regards croisés sur des hybrides da-me Hybrides da-me, partie 1 Hybrides da-me, partie 2 Hybrides da-me, partie 3 L’enseignement des da-me 49 49 51 57 61 67 119 183 201 Les Grands Hybrides Les hybrides dans l’histoire les grandes familles d’hybrides Stratégies des grands hybrides Petits versus Grands hybrides 211 212 214 217 219 Conclusions 221 NOTES 225 ICONOGRAPHIE 228 BIBLIOGRAPHIE 229 Introduction Ce travail de Master en Architecture propose d’utiliser la ville de Lausanne comme champ de recherche. Cette ville suisse, comme la plupart des agglomérations urbaines, est en pleine mutation. L’enjeu actuel est sa densification intelligente du tissu urbain en accord avec l’évolution rapide de la société locale et globale. Sur ce problème de fond, le regard va être porté sur une autre ville comme source de solutions différentes : Tokyo. L’archipel nippon a toujours fasciné l’occident et sa capitale en particulier. C’est une mégalopole qui a dépassé le stade de la ville. Elle compte aujourd’hui parmi les zones urbaines les plus denses du monde. Son évolution organique ayant subie la mondialisation différemment du reste du monde peut se révéler être une source d’intelligences urbaines uniques. Les contraintes de la vie dans un milieu si dense ont forcé les Japonais à faire preuve de beaucoup d’ingéniosité. Cette étude va se concentrer sur des solutions à l’échelle de l’architecture. En effet un certains nombres de cas étranges, des hybrides apparus librement dans le chaos urbain de Tokyo, ont déjà été relevés par des architectes japonais. Ce sont ces observations locales qui vont guider ce travail. Il s’agira d’apprendre de ces mutations du tissu de Tokyo, pour intervenir de manière différente à Lausanne. Cet exercice commença en Août 2012 par un voyage au Japon. C’est par la marche dans la ville de Tokyo que des exemples particuliers de la dynamique urbaine de la ville ont pu être observé en personne. De retour en Suisse, la suite du travail consiste en une lecture de ces bâtiments relevés en s’appuyant sur les travaux des architectes les ayant découverts en premier lieu et sur une lecture de leur contexte urbain à travers le regard d’autre théoriciens. Cet énoncé théorique se structure en trois parties : La première jette un oeil général sur la ville de Tokyo pour en relever les dynamiques urbaines et culturelles qui nous permettront de mieux comprendre les exemples observés ; La seconde partie est le résultat de la lecture de ces bâtiments hybrides typiques de Tokyo dont on va chercher à extraire les principes importants ; La troisième partie va s’intéresser de manière plus générale à la notion d’hybride et sa signification en architecture pour pouvoir replacer les cas de Tokyo. 1 2 FOUND IN TOKYO Tokyo, un milieu propice Le choix de Tokyo Le regard de cette étude s’est porté sur la ville japonaise et en particulier la mégalopole de Tokyo. En effet celle-ci est plus en accord avec les nouvelles visions du monde : son évolution s’est mieux adaptée à la société contemporaine (qui a évoluée rapidement), par rapport aux villes européennes1. La ville européenne, donc la ville suisse, dans le contexte du développement durable, se voit affectée par les enjeux de la densité.. L’objectif est la ville compacte. Autrefois, la ville médiévale en était un bon exemple. Aujourd’hui, depuis le développement de la ville bourgeoise et industrielle, la ville s’est étendue. Des besoins hygiénistes et fonctionnalistes ont divisés la ville en zones spécialisées, séparant ainsi les fonctions. Le développement des transports a permis cet étalement vu qu’il n’était plus nécessaire de pouvoir accéder aux différents endroits clés de la ville à pieds. De plus l’accès à la propriété privée, la sphère privée, un besoin d’espace vert, ont pris leur place dans la planification urbaine, et ont ainsi étalé la ville dans la banlieue. Une ville qui s’en retrouve aujourd’hui très diluée et distendue. Elle n’a pas plus la même densité et la même vivacité que les ville compactes d’autrefois2. Le voyage fut tout d’abord motivé par la ville de Tokyo elle-même, avant de s’élargir à ses architectures particulière. Au premier abord, cette ville provoque à la fois confusion et fascination. C’est une ville extrêmement dense et pourtant au contraire des nouvelles villes dans le reste de l’Asie, elle n’a longtemps pas utilisé de gratte-ciels pour atteindre cette intensité urbaine. C’est pour y trouver d’autres manières de faire par rapport au modèle américain, que l’on tourne notre regard sur cette ville atypique. 3 4 FOUND IN TOKYO TOKYO, UN MILIEU PROPICE Un regard occidental Le regard de l’Ouest sur l’Est au cours de l’histoire Au moment des premiers contacts avec le Japon au XVIIe siècle, les européens furent étonnés de trouver les villes japonaises plus grandes et plus nombreuses que celles de l’Ouest. Concernant la qualité de vie, les différences étaient frappantes : les villes japonaises étaient beaucoup plus propres et l’hygiène générale y était bien meilleure. Ces villes s’étendaient déjà beaucoup. La plupart des constructions étaient d’apparence plus éphémère que les bâtisses de pierre de l’Europe. Il n’y avait aucun grand bâtiment, monument ou façade majestueuse. Ces villes étaient considérées comme monotone, mornes et sans substance. Au départ seuls les jardins attirèrent le regard des occidentaux. On peut en constater l’influence dans le paysagisme de l’époque. Par la suite, quand des architectes comme Gropius, Taut et Wright, à travers les idéaux du Modernisme, se mirent à décrire l’architecture traditionnelle japonaise avec respect et admiration, le regard de l’occident se tourna à nouveau vers l’archipel nippon. Dans l’autre sens, les architectes japonais découvrirent l’architecture européenne et américaine et s’en inspirèrent beaucoup pendant l’essor du pays à l’ère de Meiji (1869-1912). Ce fut une ère de crise pour le pays qui luttait contre l’importation de la modernité occidentale et un désir de conserver son identité et sa culture ancestrale. Pourtant pour les visiteurs occidentaux, la ville japonaise restait un milieu urbain étrange sans place publiques, trottoirs, espaces civiques, parcs et grandes vues baroques sur des monuments. Elle était ainsi toujours considérée comme moins urbaine, malgré son apparente densité et vivacité3. De nos jours, le discours sur la ville japonaise n’est plus négatif. On en célèbre maintenant l’énergie, la vitalité, l’efficacité ainsi que sa sophistication technologique4. 5 6 FOUND IN TOKYO TOKYO, UN MILIEU PROPICE 7 Introduction à Tokyo Une source d’inspiration pour la ville future Tokyo est véritablement une forêt vierge urbaine, dont la biodiversité ayant évolué de manière atypique lui permet d’arriver à des solutions architecturales et urbaines uniques pour une urbanisation très dense. Ce sont ces intelligences architecturales et leur contexte urbain que ce travail cherche à observer afin d’en apprendre des stratégies pour intervenir différemment dans le cadre de la densification urbaine suisse. La suite de cette partie va s’intéresser, à travers un regard occidental sur la capitale japonaise, à relever les éléments historiques, culturels, urbanistiques et architecturaux permettant d’arriver à un tel milieu urbain. Ces premières pistes de compréhension de la ville et de sa dynamique vont permettre d’éclairer les dynamiques de l’architecture relevée par la suite. Situation La capitale nipponne se trouve sur l’île principale du Japon, Honshu. Elle concentre les pouvoirs politique, religieux et économique du pays. C’est l’une des plus grandes mégalopoles du monde ayant dépassé le stade de simple ville. Elle est composée de 23 arrondissements. Chacun possède sa propre municipalité et fonctionne comme une petite ville. Ceux-ci rassemblent plus de 8 millions d’habitants sur une surface de 617 km2. Ce qui équivaut à une densité de proche de 14 000 hab/km2. Tokyo est 4 fois plus grande que la plus grande ville de Suisse, Zürich, et le Grand Tokyo en compte 16 fois plus d’habitants. Pourtant Tokyo est considérée comme ayant un niveau de vie très élevé5. En comparaison, l’agglomération lausannoise compte 23 fois moins d’habitants que la capitale japonaise. La densité de la capitale du canton de Vaud est 4 fois moins dense que la capitale japonaise , avec une densité approximative de 3 000 hab/km2. Les villes suisses et la capitale japonaise ont vécu la mondialisation différemment. Le niveau économique et social est équivalent à Tokyo et Zürich. Les deux villes viennent de pays très développés. Elles possèdent chacune des infrastructure efficaces et un haut degré de mobilité. De même, elle comptent toutes les deux parmi les villes les plus chères du monde. Il serait pourtant futile de les comparer directement. Il serait encore moins productif de comparer directement Lausanne à Tokyo. Chacune de ces villes ont des cultures et une histoire très différentes. On ne cherchera donc pas la comparaison, car il serait impensable d’essayer de transformer les agglomérations suisses en Tokyo. Sources statistiques : http://www. vd.ch/themes/territoire/amenagement/ observatoire-du-territoire/population/ densite-de-population/ et http:// fr.wikipedia.org/wiki/Tokyo 8 FOUND IN TOKYO L’idée est de relever les intelligences urbaines et architecturales qui pourront nous donner de nouvelles pistes pour développer et densifier une ville suisse comme Lausanne au niveau architectural en accord avec son propre tissu urbain. Philippe Pons écrit au sujet de Tokyo pour Le Monde6 : « Tokyo est une flaque urbaine avec une multitude de maisons individuelles ou de petits immeubles formant un lacis de ruelles entre les grands axes. (...) L’un des charmes de Tokyo est de passer constamment de l’espace de voisinage du quartier-village à celui de la mégalopole. Contrairement à d’autres villes asiatiques qui tendent à désespérément se ressembler dans leur verticalité de béton, d’acier et de verre, Tokyo avait conservé, vaille que vaille, une vie au ras du quartier où se façonnent mutuellement forme urbaine et lien social. » C’est ce milieu unique à la situation de Tokyo qui a généré des architectures hybrides auxquelles nous nous intéressons pour ce travail. La suite de cette partie cherche à présenter les éléments historiques ayant marqués la structure et la formation de la ville de Tokyo. TOKYO, UN MILIEU PROPICE La baie de Tokyo Adachi Itabashi Kita Nerima Katsushika Arakawa Toshima Nakano Bunkyo Taito Sumida Suginami Shinjuku Edogawa Chiyoda Chuo Shibuya Koto Minato Setagaya Meguro Shinagawa Ota Les 23 arrondissements principaux 9 10 FOUND IN TOKYO Plan d’Edo (Tokyo) du XVIIIe siècle TOKYO, UN MILIEU PROPICE 11 Les marques de l’histoire Tokyo s’est renouvelée complètement de nombreuses fois au cours du temps. Malgré un tissu urbain en pleine transformation, son passé est encore visible dans sa structure7. La capitale du Japon et le siège de l’Empereur était Kyoto avant son transfert à Edo, l’ancienne Tokyo, à l’ère de Kamakura (1185-1333). Cette ville a été très influencée par la culture chinoise et on en retrouve les traces dans son plan orthogonal. Le changement de capitale se fait au moment d’un changement de structure politique, le Shogun, chef militaire, prenant le pouvoir. L’Empereur n’est plus qu’une figure emblématique. Edo devient la capitale du shogunat Tokugawa. La ville se développe alors en spirale à partir du château du chef militaire. Celui-ci n’avait pas la même fonction que les châteaux d’Europe médiévale. C’est un centre symbolique qui n’est réservé qu’au pouvoir militaire et qui n’entretient que peu de liens avec le reste de la ville. À cette époque, la ville fut divisée en secteurs confiés à différents seigneurs vassaux du Shogun pour les maintenir occupés. Ils développèrent leurs parties selon leur bon vouloir. Certains mirent en place des plans orthogonaux ou d’autres laissèrent la ville suivre la topographie naturelle. La mosaïque composée de tous ces secteurs différents est encore visible dans les rues principales de la ville actuelle. En 1868, le pouvoir est rendu à l’Empereur et celui-ci installe son palais à la place du château du Shogun. Ce lieu est encore aujourd’hui la résidence officielle de la famille impériale japonaise. Tokyo n’a jamais eu de plan directeur historique à grande échelle, comme l’a eu Kyoto, elle n’est que le résultat de l’agglomération de ces fragments de son histoire8. Les éléments de son histoire récente sont aussi importants pour comprendre son développement organique. Le magazine d’architecture Archplus en a fait un résumé9 dans sa revue n°208 consacrée à Tokyo, dont les grandes lignes sont retranscrites dans les paragraphes suivants : La part de la population japonaise habitant en ville est passée de 18 % en 1920 à un maximum de 78 % en 1995. Ce taux est redescendu à 68 % aujourd’hui. La croissance urbaine a surtout eu lieu dans la mégalopole du Tokaido, allant du Grand Tokyo à Fukuoka au sudouest. Les projets officiels consistaient principalement de projets d’infrastructure et de grands programmes publics lancés par le gouvernement. Le développement du pays se fut structuré par les infrastructures ferroviaires reliant les centres rassemblant les activités économiques. Ainsi les compagnies de chemin de fer privées sont à l’origine d’une forte périurbanisation, par l’apparition de villes satellites non-planifiées le long des lignes de train. 12 FOUND IN TOKYO Pour lutter contre ce phénomène, en 1968, le Japon se dota de ses premières lois sur l’aménagement du territoire, qui sont encore valables aujourd’hui. Celles-ci déterminent les zones construisibles et les zones protégées. Des années 1950 aux années 1980, le Japon connaît un essor économique formidable, où le surplus économique est injecté dans l’immobilier par le gouvernement. C’est pendant cette période que se déroulent les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964. C’est à l’occasion cet événement-là que des infrastructures gigantesques d’autoroutes et de chemins de fers suspendus viennent se superposer à la ville en se plaçant sur les routes et les rivières, afin de fluidifier d’avantage le trafic et de dynamiser la ville en pleine croissance. En 1970, le Premier Ministre japonais voulut développer le Japon de manière polycentrique et ce sur une grande surface. Ce plan ambitieux et très coûteux est vite tombé à l’eau à cause de la crise économique. Celle-ci fut le résultat de l’action conjointe de la dissolution du taux de change fixe entre le yen japonais et le dollar américain et d’une crise pétrolière internationale. Le mouvement d’architecture japonais des Métabolistes et leur Project Japan basé sur ce plan à grande échelle, fut lui aussi abandonné. La spéculation immobilière menée par le secteur privé et encouragée par le gouvernement eu pour conséquence de dérégler les lois de 1968. Le but ayant été de générer le plus de structures efficaces et de densifier les villes par les entreprises privées. De nombreuses structures publiques furent privatisées et une grande partie de terres appartenant au gouvernement se retrouvèrent entre les mains des spéculateurs. Après l’éclatement de la bulle spéculative à la fin des années 1980, cette course folle ralentit. Les disparités économiques et sociales étaient devenues importantes. Ce qui eut pour conséquence de favoriser des constructions de plus en plus petites, un endettement de plus en plus important, et un étalement urbain toujours plus vaste. Les héritiers sont forcé à diviser de plus en plus leur terrain, et donc à construire de plus en plus petit, étant incapable de payer les lourdes taxes de la loi sur l’héritage. Une partie de la parcelle originale est vendue pour payer l’héritage. Ces terrains n’étaient pas très grands à la base car les destructions de la Seconde Guerre mondiale n’avaient pas effacé les anciennes limites de propriété. La pauvreté générale après la guerre n’avait pas permis de racheter des parcelles pour en former des plus grandes. De plus, une réforme amenée par l’occupation américaine, fragmenta les terrains agricoles ; l’aristocratie se vit retirer ses grandes propriétés et chaque paysan prit possession de son propre terrain. Avec la croissance de la périphérie ces petites terres agricoles furent progressivement intégrées à l’étalement urbain. TOKYO, UN MILIEU PROPICE 13 Ainsi le prix élevé de mètre carré et la structure en petites parcelles formèrent une ville au tissu urbain hétérogène et peu élevé. Des bâtiments plus hauts se développèrent au contact des nœuds du réseau de transport, telles les gares. Après la guerre le Japon devient une démocratie. Le pouvoir est partagé entre trois pôles : la bureaucratie, le gouvernement et les grands conglomérats d’entreprises (le triangle de fer). la société japonaise est peu impliquée dans sa politique. La bureaucratie à Tokyo est très puissante et les administrations locales sont faibles. Cependant il y a toujours eu traditionnellement des organisations de voisinage qui reprennent une partie des fonctions de gestion du quartier. Elle n’ont jamais eu de pouvoir politique. Cependant récemment, ces organismes, reprennent activement une partie de l’effort de planification du quartier. Avec la fragmentation du plan urbain, l’urbanisation à coups de grands projets infrastructuraux et la suprématie de la bureaucratie, les architectes n’ont pas de rôle dans la politique de la ville de Tokyo. La dernière fois qu’ils étaient impliqués dans la planification à grande échelle, ce fut pendant l’âge d’or du mouvement Métaboliste dans les années 1970. Ils proposaient des mégastructures utopiques plaquées sur la ville habillées de cellules pouvant être changées et renouvelées pratiquement infiniment. Pendant près de 40 ans les architectes japonais, menés par Arata Isozaki (1931-) ne se sont que très peu intéressés à la ville, abandonnant les derniers vestiges du Métabolisme derrière eux. La scène architecturale contemporaine au Japon est composée par : - Des grandes entreprises générales travaillant sur des grands ouvrages à intérêt public et sur des grands projets de promotion : - Les stars-architectes du boom des années 1980 ; - La nouvelle génération de petits bureaux qui doivent se médiatiser pour rencontrer le succès. Ils travaillent principalement sur des petits projets et avancent des recherches théoriques à travers des publications et la scène de l’art. Il y a trois chefs de file de cette jeune génération travaillant à nouveau sur la ville : Riken Yamamoto, Ryuji Fujimura et Yoshiharu Tsukamoto. Ce dernier a fondé, en partenariat avec Momoyo Kaijima, l’Atelier Bow-Wow, dont le travail de recherche sera la base des observations architecturales de la suite de ce travail théorique. 14 FOUND IN TOKYO Les douves du Palais Impérial Un des maisons de thé de la Villa Katsura TOKYO, UN MILIEU PROPICE 15 Éléments de l’essence de Tokyo La partie suivante va relever des éléments de l’essence de Tokyo décrivant une partie de la mentalité et des dynamiques urbaines ayant permis l’apparition d’architectures uniques. Absence de centre Culturellement cette notion est très présente au Japon. La phrase dans la langue japonaise n’a pas de sujet10. On retrouve cette notion aussi dans la religion. Avant l’arrivée du bouddhisme par la Chine et la Corée11, le Japon était traditionnellement shintoïste. Il s’agit d’une religion animiste comptant une multitude de divinités. Elle est ancrée dans la terre. C’est la montagne laissée sauvage qui est le lieu sacré par excellence. En Europe c’est le contraire, la vie s’organise autour d’un centre occupé par l’église. La ville traditionnelle au Japon reste au bord du lieu sacré et ne se développe pas dans la montagne12. Les divinités sont éparpillées dans la nature13. De la même manière on retrouve une multitude de sanctuaires shinto parsemés dans la ville. Dans l’architecture spirituelle aussi, le centre n’existe pas. Il est laissé vide car il représente le divin. Cette notion se transpose dans le tissu urbain. Tokyo n’a pas de centre à proprement parler. La zone des 10 arrondissements entourés par la ligne de train Yamanote peut être considérée comme le coeur animé de la ville. Celle-ci est en fait composée d’une multitude de centres avec chaque arrondissement. Le centre physique de Tokyo est occupé par le Palais Impérial. Étant inaccessible au public, le centre est vide. Autour se sont formés des espaces ayant leur propre pluricentralité14. La maison européenne d’autrefois était bâtie autour de l’âtre. L’architecture traditionnelle japonaise n’a pas de centre fixe. Sa cheminée, le hibachi, est un élément portatif qui est placé au centre de la pièce quand il est nécessaire et qui n’est pas présent dans le cas contraire. Cette tradition continue encore aujourd’hui avec le kotatsu, une table chauffante que l’on sort en hiver pour se rassembler15. Les villes japonaises ont une action centripète, allant de la périphérie vers l’intérieur. Le coeur de la ville reste donc en permanence animé. Les villes européennes ont une action centrifuge, allant du centre vers la périphérie. Les centres en Europe fixés dans la pierre, souffrent un peu de dépeuplement à cause de la rigidité des centres et du dynamisme projeté vers l’extérieur16. 16 FOUND IN TOKYO L’avenue de Ginza réservée au piétons TOKYO, UN MILIEU PROPICE 17 Réseaux importants La ville japonaise a toujours été très marquée par le développement des technologies et des réseaux de transport. Le développement urbain a suivi celui des compagnies ferroviaires privées. Les transports publics à Tokyo comptent parmi les plus efficaces du monde. Ces lignes ferroviaires sont imposées au tissu urbain de la ville. Les lignes principales sont la Yamanote Line qui relient les gares principales dans le coeur de la ville, et la Sobu-Chuo Line qui traverse la ville d’est en ouest17. L’importance de ces réseaux se manifeste à toutes les échelles. Des systèmes de transports publics tentaculaires à l’échelle de la ville aux petites ruelles permettant l’accès aux maisons individuelles. Au Japon, les places publiques, à l’image de la piazza italienne, n’existent pas. Traditionnellement c’est le pont qui fait office de lieu de rassemblement civique et public. C’est sa position particulière où de nombreux flux urbains convergent pour traverser une rivière ainsi que le vide dégagé de part et d’autre au-dessus de l’eau qui en font un élément clé de la ville traditionnelle18. Ce sont l’événement et l’usage qui créent le lieu public et non le contraire. Il s’agit là d’une occupation temporaire. Une fois que la fonction publique expire, le lieu redevient neutre. Les espaces par excellence pour cette dynamique, sont les rues. Elles sont fluides et sont partagées par de nombreux utilisateurs dans le temps. Par exemple la rue centrale du quartier commercial de Ginza ferme la circulation automobile le dimanche et réserve la chaussée au piéton. De même les processions des divers festivals rythmant l’année occupent périodiquement l’espace public de la rue à Tokyo. Barrie Shelton dans son ouvrage sur la ville japonaise, Learning from the Japanese City, explicite l’importance de la rue : Avec la densité intense de la ville uniquement l’essentiel a sa place à l’intérieur du bâti. Beaucoup de choses sont alors reléguées à l’espace de la rue. Il est donc constamment utilisé par de nombreux utilisateurs différents. Les rues ont une animation qui est caractéristique de l’Asie. C’est l’usage qui règne sur cet espace. En Europe les enseignes sont subordonnées à l’esthétique et à la volonté structurante de la rue. À Tokyo, les enseignes occupent joyeusement les surfaces, tout comme les habitants utilisent aussi l’espace libre vertical de la rue pour leurs propres affaires. Les trottoirs aussi ne sont en général déterminés que par le comportement des citadins. Une simple ligne blanche donne un guide pour les piétons. Il n’y a pas de différence de niveau avec la chaussée. La rue est partagée. Toutes ces interprétations et ces manifestations des infrastructures publiques se superposent. L’exemple des autoroutes suspendues en 18 FOUND IN TOKYO Les toriis du temple Fuji-Inari à Kyoto La galerie marchande Satake à Taito-ku est le plus parlant. Le développement fulgurant de la ville dans les années 1960 a permis aux autorités de la voirie de mettre en place un réseau monumental occupant l’espace aérien de la ville. Ces infrastructures sont indépendantes des autres réseaux et évoluent selon leurs règles en se plaçant sur les espaces que le gouvernement a réussi à récupérer, c’est-à-dire, les rivières et les axes routiers existants. Tokyo voit la coexistence de deux réseaux, l’un est très intégré au tissu urbain et participe à sa vie, le second est distant n’y étant rattaché que visuellement. Cela se rajoute au chaos des enseignes abondantes et de câbles électriques. Ceux-ci sont aussi installés hors terre pour des raisons de protection para-sismiques. La juxtaposition de ces réseaux est telle que le pont historique de Nihonbashi est maintenant sous une autoroute. Une autre forme que prend souvent la rue au Japon : la galerie marchande. Elle devient l’équivalent des malls aux Etats-unis. La rue est en général simplement recouverte d’une structure la protégeant du mauvais temps. Cela suffit à activer les bâtiments adjacents pour qu’ils s’ouvrent en une multitude de commerces donnant sous l’auvent. Les exemples parisiens de ces galeries sont en général contenues dans un bloc construit. Dans le cas du Japon, il s’agit d’un élément structurellement indépendant faisant partie de la route et non du bâti. On retrouve aussi une version religieuse de cette typologie. La succession des torii, portails rouges, transforme une rue en un espace processionnel. En plus d’activer les usages commerciaux des bâtiments adjacents les rues d’une certaine taille ont un autre effet sur le tissu urbain. Dans les zones les plus denses de la ville, les bâtiments de chaque côté d’une grande route sont construits comme une barrière pare-feu Le carrefour de Shibuya TOKYO, UN MILIEU PROPICE 19 de plus de 10 étages de hauteur. La densité de Tokyo a toujours été un problème avec les risques d’incendies. Ces hautes structures forme une enveloppe ignifuge. La substance bâtie plus basse du centre est le remplissage. Celui-ci garde son atmosphère de village-urbain avec ses petites ruelles et ses constructions en matériaux moins résistants19. Les nœuds du réseau qui étaient traditionnellement des ponts sont maintenant les grandes gares urbaines. La sortie Hachiko de la gare Shibuya est un lieu de rencontre prisé des tokyoïtes avec le carrefour de Shibuya adjacent. C’est une place publique dynamique. 20 FOUND IN TOKYO TOKYO, UN MILIEU PROPICE 21 L’impermanence Le bouddhisme enseigne que toute chose est impermanente et qu’elle n’a pas de substance. Rien n’est fixé, tout est constamment en mouvement20. Le bouddhisme s’installe au Japon avec l’importation de la culture chinoise à l’époque où Kyoto était la capitale du pays. Dans un cycle de changement et de renouvellement permanents, des états opposés ne sont pas mutuellement exclusifs, leur cohabitation nécessaire est acceptée. La notion de temporalité est très importante dans les villes japonaises. En Europe en revanche on célèbre la pérennité et on cherche à préserver les choses. Peu de bâtiments au Japon sont âgées de plusieurs siècles. Les rares exemples existants sont des temples et des châteaux. Même ce genre de monuments historiques sont régulièrement reconstruits au cours de leur histoire. L’archipel a subi de très larges destructions au cours de son histoire. Entre les catastrophes naturelles (typhons, tremblements de terre), les incendies (l’architecture japonaise a longtemps privilégié le bois) et les destructions des guerres, la culture japonaise a intégré avec la mentalité bouddhiste, la notion de la destruction et de la reconstruction cycliques. Les matériaux de constructions n’ont jamais cherché à lutter contre le périssement. Les bâtiments étaient conçu pour être facilement détruits par l’homme en cas d’incendie pour éviter qu’il ne se propage. Le climat subtropical n’est pas non plus tendre avec le bois de construction. La permanence de l’architecture est plutôt liée à l’essence des choses21. Au Japon, au contraire de l’occident, on ne cherche pas à se protéger des forces destructrices de la nature, on vit avec, on accepte les destructions et on reconstruit. Cela fait partie du cycle de la vie22. Le sanctuaire d’Ise en est un bon exemple. Il est reconstruit tous les vingt ans à l’identique en alternance sur deux sites adjacents. Il symbolise ainsi l’impermanence et le renouveau. On peut le comparer à la cathédrale de Lausanne, dont on remplace régulièrement les pierres. Celles-ci étant faites de molasse s’usent très vite au contact des intempéries. On cherche à préserver ce monument et sa forme originale. Le sanctuaire d’Ise est volontaire détruit et reconstruit. Son essence est la même, le bâtiment se déplace. Cette temporalité se retrouve dans l’utilisation des réseaux de la ville japonaise en temps que place publique. C’est l’événement temporaire qui crée le lieu et unit les gens, et non son architecture23. 22 FOUND IN TOKYO Aujourd’hui le renouvellement de la substance construite urbaine continue dans un rythme régulier. La ville est redécouverte à chaque visite. De part sa nature organique, la perte d’une de ces cellule n’est pas catastrophique pour la ville japonaise, vu qu’elle se régénère en permanence24. La durée de vie moyenne d’un bâtiment à Tokyo est d’environ une trentaine d’année. En Europe les constructions vivent en moyenne plus du double. Cela veut dire que depuis la reconstruction suivant la Seconde Guerre mondiale, trois générations de maisons ont été construites puis démolies. Elles sont visibles dans le tissu urbain de Tokyo. Plus la génération est récente plus la parcelle est petite à cause des problèmes liés aux taxes d’héritages et plus les voitures sont intégrées à leur architecture25. Le mouvement Métaboliste dans les années précédant la crise économique immobilière, a beaucoup travaillé avec cette notion de l’impermanence. Son idéal mêlait permanence et renouvellement. En utilisant une métaphore biologique, les architectes de ce mouvement construisaient leur architecture autour d’un noyau structurel permanent habillé de cellules. Cette seconde couche est flexible et renouvelable26. L’architecte japonais Yoshinobu Ashihara, qualifie Tokyo de « villeamibe ». Elle prolifère en rampant et se modifie incessamment. Cela la dote d’une grande résistance et d’une grande vitalité27. C’est cette particularité de la ville de Tokyo rendant son tissu urbain extrêmement flexible, qui lui permet de générer des structures insolites. Elles feront l’objet d’une analyse dans la suite de ce travail. TOKYO, UN MILIEU PROPICE 23 Le bâtiment principal du Sanctuaire d’Ise Les deux sites s’alternant pour accueillir le Sanctuaire d’Ise 24 FOUND IN TOKYO TOKYO, UN MILIEU PROPICE 25 Horizontalité et verticalité La langue japonaise nous donne de nouveau un indice sur sa culture, sa ville et son architecture : En occident, les enfants apprennent à écrire sur des lignes de guidage. Au Japon, ils apprennent à écrire sur une grille de carrés. L’écriture japonaise est faite de surfaces, dont l’assemblage peut se faire dans plusieurs directions et peut toujours rester lisible. Nos langues latines se lisent sur une ligne, généralement de gauche à droite. La structure d’une phrase est très codifiée et rigide. Au Japon, l’assemblage des caractères est plus libre et permet d’omettre beaucoup d’éléments de la phrase tout en restant compréhensible28. Ainsi, le Japon a tendance à penser en terme de surface, l’occident en terme de ligne29. Le système d’adresse est révélateur de cette conception des choses. La ville se divise en arrondissements (ku). Eux-mêmes sont divisés en secteurs (machi). Ceux-ci sont à leur tour subdivisés en blocs (chome). Au sein de chaque bloc, les bâtiments sont numérotés du plus ancien au plus récent30. Ainsi les rues ne sont généralement pas nommées. Ce système peut paraître chaotique venant d’une culture où la rue détermine le dessin de la ville et son organisation en y numérotant, en série, le bâti. L’architecture traditionnelle japonaise est une architecture de plancher (bois). Celle de l’Europe a toujours privilégié le mur (pierre). Entrer dans une habitation japonais c’est monter sur une plate-forme en se déchaussant. C’est par le sol que l’on différencie l’intérieur de l’extérieur. En occident on passe le seuil d’une porte, un percement dans un mur. Les cloisons verticales en papier de riz ne sont là que pour couper la vue. Ce ne sont pas des limites opaques. Elles laissent passer les sons, les odeurs et la lumière31. L’habitation japonaise se développe à l’horizontale. Son module de base le tatami est horizontal et peut potentiellement se multiplier à l’infini. Les murs occidentaux accentuent la verticalité. L’exemple extrême en est la cathédrale gothique, faite de pure verticalité vers le divin. Les grands vitraux sont tournés vers le ciel. L’habitation japonaise oriente le regard vers son jardin qui en général l’encercle et lui permet de s’isoler de la rue. Les cloisons amovibles n’offrant pas beaucoup de séparation32. Le manque de définition en plan de la maison traditionnelle japonaise, parle aussi de l’importance de la flexibilité des espaces. Les cloisons peuvent être bougées ou enlevées. On déroule le futon pour dormir et on le range la journée, il n’y a pas de distinction de chambre et de salon. Ce genre d’utilisation de l’espace intérieur est encore dans la 26 FOUND IN TOKYO mentalité japonaise contemporaine. Elle est d’ailleurs très utile dans le milieu très dense de Tokyo. Le gens y vivent avec très peu d’espace habitable (26 m2 par personne, contre 54 m2 à Zürich). Donc il est important qu’il puisse être exploiter pour le plus d’usage possible33. Cette conception de l’habitat est très importante pour la ville du futur, le modèle du logement bourgeois en enfilade de pièces à usage prédéterminés n’est plus aussi efficace de nos jours. Tokyo est une nappe épaisse. Elle s’étalement en long et en large, mais n’exploite vraiment la verticalité que depuis récemment. Les avancées des technologies de constructions ont permis d’élever les bâtiments tout en conservant des normes para-sismiques élevées. la notion de monumentalité a longtemps été discrète dans l’urbain japonais. Seuls les temples dépassaient légèrement de l’immense nappe horizontale de la ville. Aujourd’hui même avec l’exploration de la verticalité avec des gratte-ciels hérités de Manhattan, la monumentalité n’est pas mise en scène, comme le sont les architectures célèbres de Paris dans les lignes de vue des grands boulevards34. La ville de Tokyo possède une autre sorte de monumentalité. Elle est involontaire. Il s’agit de ses gigantesques infrastructures qui flottent au-dessus de la ville. Elle est mise en valeur inconsciemment. Momoyo Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto comparent les tours de ventilation des autoroutes souterraines aux obélisques parisiens. La présence imposante de ces infrastructure n’est le résultat d’une approche cherchant uniquement l’efficacité et la sécurité. Il en résulte une monumentalité incontrôlé représentant bien la modernité de Tokyo35. L’intelligence du pragmatisme tokyoïte tient de l’exploitation de l’épaisseur de cette nappe urbaine. En effet beaucoup de petits bâtiments sont utilisés sur plusieurs étages. Ceux-ci sont colonisés par des activités diverses. Il en résulte un mélange vertical de programmes publics et privés. Les bâtiments ne fonctionnent pas comme en Europe où l’étage au contact de l’espace public devient commercial et les étages supérieurs sont automatiquement dédiés au travail ou au logement. À Tokyo, on retrouve potentiellement n’importe quoi à chaque étage, que ce soit en sous-sol ou au-dessus du niveau de la rue. Les circulations verticales indiquent clairement les différentes activités accessibles aux différents étages. Ces bâtiments deviennent ainsi des rues verticales ; les escaliers ou les ascenseurs devenant une extension de l’espace public36. De la même manière l’information colonise toutes les surfaces verticales disponibles communiquant ainsi le contenu du bâtiment. TOKYO, UN MILIEU PROPICE 27 Un autre aspect important de l’horizontale japonaise se trouve dans l’importance de la parcelle : Comme il a été noté précédemment, beaucoup de zones urbaines héritent leurs tracés historiques du dessin de la topographie et de son découpage en rizières, au moment où ces terres agricoles ont été englouties dans la ville. La prévalence de la surface se retrouve aussi à la verticale. Beaucoup de toitures servent de parcelles surélevées à d’autres bâtiments. Escaliers et ascenseurs permettent d’exploiter efficacement ces espaces urbains souvent moins utilisés en Europe37. Cette surface horizontale vide et son potentiel de construction vaut plus dans la ville de Tokyo, que les bâtiments qui se trouvent dessus38. Une bonne partie du travail de l’architecte se passe sur la recherche et l’évaluation des terrains à Tokyo 28 FOUND IN TOKYO TOKYO, UN MILIEU PROPICE 29 Contenu versus contenant En Europe, l’attention est principalement portée sur le contenant et sa forme. L’objet, son arrangement, sa disposition, ainsi que sa composition esthétique sont les plus grandes pré-occupations. Au Japon, c’est plutôt le contenu qui reçoit le plus d’emphase. La ville est pleine d’informations, d’activités et d’animations. La profusion des signes, lumières et enseignes recouvrant presque entièrement les bâtiments de certains quartiers en sont un bon exemple. Le bâtiment n’est pas important, c’est son contenu, souvent commercial qui est annoncé par les signes qui recouvrent la façade. Les néons modernes de Tokyo, ne sont que l’évolution naturelle des bannières et des enseignes en bambou de l’époque d’Edo39. La maison traditionnelle japonaise reflète aussi cet aspect de la mentalité japonaise dans son arrangement. La vue de l’intérieur est privilégiée. Elle s’étend horizontalement et guide le regard vers le jardin. Elle n’est pas pensée pour être vue depuis l’extérieur. En occident, c’est depuis la rue que l’on apprécie une architecture. C’est pourquoi les bâtiments au Japon ne craignent pas de recouvrir leurs façades d’enseignes40. Les villes européennes se caractérisent pas l’aspect extérieur de leurs architectures. Elles n’ont pas le droit d’être détruites, elles représentent la ville. Le sentiment japonais est différent, la notion d’éphémère y est bien plus présente. On s’attache d’avantage à l’essence des choses qu’à leur réalité matérielle41. Il s’agit là d’une des nombreuses contradictions de la société japonaise qui la rend si riche. D’un côté la notion traditionnelle de l’impermanence leur fait se concentrer sur l’essence des choses. D’un autre côté la société contemporaine est très capitaliste et orientée sur la consommation de biens. Un héritage de la mondialisation et de leur économie fulgurante d’après-guerre. Intérieur d’une maison de thé de la Villa Katsura 30 FOUND IN TOKYO TOKYO, UN MILIEU PROPICE 31 Fragmentation et hétérogénéité La ville japonaise a une dimension démocratique et humaine indéniable. Il n’y a pas de plans généraux déterminant la ville à grande échelle imposant ainsi une volonté unique sur un grand ensemble urbain42. Le paysage urbain japonais est un mélange décentralisé d’activités, d’objets et de signes. Il y a une énorme variété de parcelles de tailles et de formes différentes, recouvertes de construction d’une égale variété. On y voit la cohabitation d’architectures célèbres et de bâtisses anonymes sans aucune hiérarchie, les deux se fondent également dans la masse43. L’hétérogénéité très forte de ces milieux urbains devient la qualité unificatrice de la ville. Tous les bâtiments sont uniques mais ils utilisent des techniques de constructions et de sécurité parasismiques similaires44. Cela les unifie pour former la substance reconnaissable de Tokyo. Les lois sur la construction réglementent fortement la fragmentation des bâtiments. La proximité est régulée pour limiter les dommages occasionnés lors de catastrophes naturelles, tels des tremblements de terre. Pour conserver une grande densité les distances aux limites sont très petites, pour l’ordre contigu est inexistant. Chaque bâtiment est indépendant des autres45. On assiste à une micro-parcellisation du paysage urbain. La fragmentation des parcelles est encore amplifiée par les taxes sur l’héritage qui poussent les gens à diviser génération après génération les terres héritées. Près de 35 % des parcelles à Tokyo ont une surface de moins de 100 m2. Le nombre de bâtiments ne cesse d’augmenter, et leur taille diminue46. Chaque individu à Tokyo vit en moyenne avec 26 m2 de surface habitable, contre 54 m2 par personne en moyenne en Suisse47. Les petits espaces résultant d’un tel processus sont tout de même d’une grande qualité. Ce phénomène existe depuis longtemps à Tokyo et l’architecture s’y est adaptée. Une partie de l’esthétique japonaise ne fonctionne que dans la petitesse. Exemple : bonsaï, la cérémonie du thé48. La multitude des petites maisons dans le tissu urbain de Tokyo, laisse une grande liberté à l’architecture japonaise. Étant noyées dans la masse hétérogène des minuscules habitations, elles peuvent exprimer toute l’ingéniosité et l’imagination des concepteurs et des clients49. Ces petites habitations ont tout de même leurs limitations. Elles sont généralement d’une grande flexibilité, permettant d’accommoder la plupart des activités du logement. Elles sont équivalentes à des 32 FOUND IN TOKYO chambres à coucher et ne possèdent généralement pas les capacités à créer des connexions sociales à la manière des grands living-rooms occidentaux. Ces espaces sont transposés dans la ville. Ces lieux sociaux forment ainsi les quartier très animés de la ville qui reprennent une partie des fonctions sociales que la maison n’a pas la place de loger. Ainsi la ville est à l’image de la maison50. Cela a aussi pour effet de transformer la ruelle. Elle n’a pas la même signification qu’en Europe. Les habitants avec les associations de quartier prennent plus de responsabilité envers ces espaces extérieurs. Ils font partie de l’extension de leur habitat. La proximité très forte due à la densité ne permettant pas une intimité absolue, une communauté plus forte à l’image d’un petit village urbain est créée. Ce sont les ruelles qui font le liant entre les habitants. Elles évoluent avec les transformations du tissu urbain. Elles apparaissent et disparaissent avec les bâtiments51. TOKYO, UN MILIEU PROPICE 33 34 FOUND IN TOKYO TOKYO, UN MILIEU PROPICE 35 Limite floue La fragmentation de l’espace habité entre la ville et l’intérieur participe à la notion de contour flou au Japon. Même si les lois de la construction définissent clairement où se situent les limites du bâti physique, celles entre privé et public sont plus confuses. Dans la maison traditionnelle, la limite privé-public est un dégradé dans l’espace et non la ligne claire d’un mur comme en occident. Le public vient de la rue et à travers le jardin et pénètre plus ou moins profondément en fonction de l’attribution des espaces et la disposition des cloisons en papier. Le seuil n’est pas aussi défini que dans l’architecture de mur de l’occident52. Aujourd’hui la densité est bien plus élevée qu’à l’époque de cette architecture traditionnelle. Les limites sont devenue plus fines avec la réduction de l’espace horizontal. Il a tendance à se déplier sur les surfaces empilées formant la petite maison contemporaine. Le dynamisme organique de la ville contribue à la notion de limite floue avec la périphérie dont le pourtour est constamment en changement53. La notion de limite au Japon n’est pas aussi claire de celle de la figure sur le fond, comme la pensée de la Gestalt. C’est un contour plus organique54. Comme le bord de l’eau sur une plage, la limite mer-terre change avec les marées et la disposition du sable est transformée à chaque vague. Ainsi la limite du bâti est de cette nature au Japon. Généralement les hauteurs des auvents ne sont pas les mêmes et les bâtiments ne sont pas alignés. À chaque nouvelle reconstruction le découpage de l’espace de la rue change d’aspect. Celle-ci est rendue encore plus complexe avec la multitude d’objets qui peuplent la couche limitrophe. Enseignes, néons, poteaux, lignes électriques, plantes, participent tous à la confusion des contours du bâti55. Cette deuxième couche ajoutée sur les façade des bâtiments, est typique des villes asiatiques et de leurs quartiers commerçants. Le paysage urbain japonais est plutôt défini par cette seconde enveloppe que par la couche primaire des façades comme dans les villes européennes56. La ville est rendue plus difficile à lire par cette deuxième enveloppe. Les volumes bâtis sont difficiles à discerner dans certaines zones de la ville car les affichages ont tendance à en modifier les proportions57. 36 FOUND IN TOKYO Terrain de sport adjacent au cimetière d’Aoyama TOKYO, UN MILIEU PROPICE 37 Coexistence La fragmentation physique du bâti, les différentes cultures importées au Japon (bouddhisme chinois, modernité occidentale) et le danger permanent d’une géographie soumise aux caprices des mouvements tectoniques, ont eu pour conséquence d’implanter dans la mentalité japonaise un sens de la cohabitation et de la coexistence très fort. En Europe un mouvement intellectuel en remplace un autre ; la culture s’est développée de manière séquentielle. Au Japon, les différentes manières de pensées s’accumulent. Comme il a été noté précédemment, dans la notion de cycle perpétuel dans le bouddhisme, la coexistence d’états opposés n’est pas exclue. Le Japon a su préserver sa culture tout en intégrant la modernité occidentale lors de la période de restauration de l’ère de Meiji. Technologie et tradition sont toujours mélangées aujourd’hui au Japon. Le renouvellement constant de la ville fait que la majorité de ses constructions utilisent des technologies contemporaines, mais la mentalité culturelle demeure58. On retrouve encore des maisons traditionnelles à proximité des plus récentes. Cette coexistence est possible par une grande introspection des éléments. De même la culture japonaise privilégie la partie plutôt que l’ensemble. Ce dernier est formé par le collage des morceaux et non par un grand dessin unificateur59. L’infrastructure fonctionne aussi de cette manière : Les grands réseaux suspendus cohabitent avec les petites rues au niveau du sol. Ils s’ignorent mutuellement. Ils sont intégrés par leur juxtaposition60. Au niveau humain, la population a grandi avec la proximité. La coexistence est plus facile dans le contexte culturel japonais. La sphère privée et la notion de limite des Japonais, ont évolué en flexibilité pour s’adapter temporairement aux différentes situations de cohabitations denses de la ville. Cette coexistence est facilitée par des moyens externes d’introversion liés à l’architecture ou à l’électronique61. 38 FOUND IN TOKYO TOKYO, UN MILIEU PROPICE 39 Échelles de la ville L’architecte japonais Yoshinobu Ashihara (1918-2003), parle d’un ordre caché de Tokyo. Le chaos n’est qu’une apparence. La ville est un organisme dynamique et flexible. Il fait un parallèle entre la théorie des fractals du mathématicien Benoît Mandelbrot (1924-2010) et l’ordre de la ville de Tokyo62. Le chaos est ainsi en réalité organisé. Les fractals introduisent la notion que les phénomènes similaires et non-identiques se répètent à différentes échelles. Il y a ainsi autant une similarité entre les parties et le tout, qu’entre les parties de même échelle63. C’est une structure ordonnée mais peu contraignante qui tolère une certaine souplesse de ses parties et donc du tout, pour répondre aux changements de l’environnement64. La ville de Tokyo est un ensemble d’agrégations cellulaires que l’on retrouve de l’échelle de la petite parcelle à celle des arrondissements. 40 FOUND IN TOKYO TOKYO, UN MILIEU PROPICE 41 Question de l’exportabilité L’observation d’une ville et d’une architecture si différentes de celles de l’Europe pose la question de l’exportabilité. Peut-on prendre des éléments d’une autre culture et les importer dans nos villes ? La transposition ne peut se faire directement. Il serait impensable de transformer Lausanne en Tokyo. Les différences culturelles et les habitudes de la ville empêcheraient d’utiliser des typologies japonaises directement dans notre milieu urbain. C’est l’essence des phénomène qui est utilisable. Dans l’optique de la densification de nos villes, quels sont les moments clés et les problèmes que nous allons rencontrer ? Tokyo a déjà trouvé ses propres solutions. Elles peuvent nous donner des pistes pour transformer notre propre environnement en ressources. Hors de leur contexte, les architectures de Tokyo perdent leur sens. C’est le processus et l’attitude envers l’espace urbain et l’architecture qui sont à traduire dans le contexte de nos villes65. La culture est une différence importante. Dans son livre, l’Éloge de l’Ombre, Junichiro Tanizaki (1886-1965), parle de l’esthétique japonaise se basant essentiellement sur les ombres, en y opposant la culture européenne basée sur la lumière. Les conditions particulières, climatiques et historiques, ont amené les Japonais à vivre avec l’ombre, les catastrophes naturelles, le manque de place. Et donc leur architecture et leur culture se sont construites en y intégrant ces conditions. Ce n’est pas le cas de la notre. Les éléments de l’architecture japonaise ayant évolués dans ses contraintes ne fonctionneraient pas dans nos villes. « Quelle peut être l’origine d’une différence aussi radicale dans les goûts ? Tout bien pesé, c’est parce que nous autres Orientaux, nous cherchons à nous accommoder des limites qui nous sont imposées que nous nous sommes de tout temps contentés de notre condition présente; nous n’éprouvons par conséquent nulle répulsion à l’égard de ce qui est obscur, nous nous y résignons comme à l’inévitable : si la lumière est pauvre, eh bien, qu’elle le soit ! Mieux, nous nous enfonçons avec délice dans les ténèbres et nous leur découvrons une beauté qui leur est propre. Les Occidentaux par contre, toujours à l’affût du progrès, s’agitent sans cesse à la poursuite d’un état meilleur que le présent. Toujours à la recherche d’une clarté plus vive, ils se sont évertués, passant de la bougie à la lampe à pétrole, du pétrole au bec de gaz, du gaz à l’éclairage électrique, à traquer le moindre recoin, l’ultime refuge de l’ombre. »66 De nombreuses conditions urbaines et architecturales très intenses seraient aussi difficilement transposables à cause de notre relation à l’espace public. Ce domaine a toujours été associé à une certaine insécurité en occident. C’est un milieu hostile. Au Japon, le taux 42 FOUND IN TOKYO de criminalité est très bas, cela permet l’exploitation agréable d’espaces qui seraient jugés problématiques chez nous. En ce sens la densification doit s’adapter à ces conditions de vie chez nous et donc doit évoluer un peu différemment du modèle japonais. La Tower House (1966) de Takamitsu Azuma. Un exemple de gestion de la petitesse. TOKYO, UN MILIEU PROPICE 43 Intelligences urbaines De quels éléments de cette ville pouvons nous tirer un enseignement afin de placer notre architecture dans une ville évoluant rapidement? La partie suivante va énoncer quelques principes émergeant de Tokyo pouvant nous amener à regarder nos villes d’une manière différente et à y penser l’architecture de manière plus adaptée à la densification. Tous les phénomènes et les éléments culturels vus précédemment participent à la dynamique particulière de l’espace urbain de Tokyo. Cette ville est comparable à un nuage : les contours sont troubles ; elle n’a pas de centre ; elle est incomplète et indéterminée ; elle se forme et se reforme constamment67. Les architectes japonais travaillent avec les principes liés aux éléments relevés précédemment. Leurs projets sont dynamiques, fluides et coexistent librement avec le reste du tissu urbain68. L’enjeu pour notre architecture est de pouvoir agir comme une intelligence environnementale utilisant tous les outils nécessaires hérités du Japon et ceux propres à nos contrées. Il y a pas mal d’avantages au manque de définition et au flou urbain de la capitale japonaise. Le fait devoir vivre dans un territoire très condensé est déjà une grande contrainte pour l’architecture. Le libéralisme vis-à-vis de la construction permet l’apparition d’une intelligence architecturale répondant aux problèmes de la densité. La politique de fixer toutes les lignes de l’architecture et l’empêcher de changer une fois qu’elle est terminée a l’inconvénient de ne pas pouvoir s’adapter efficacement aux changements technologiques et sociaux d’une société toujours en mouvement69. Une plus grande liberté permettrait peut-être une plus grande qualité et une expérimentation plus libre des intelligences locales. Seulement la pression du contexte est moins forte au niveau purement technique en Suisse et cherche principalement à unifier esthétiquement. En effet la notion de temporalité semble plus adaptée à une société qui évolue avec l’essor des réseaux médiatiques du futur70. Nos constructions actuelles poussent la création de blocs lourds demandant beaucoup d’investissements. Ceux-ci vont former le paysage urbain pendant de longues décennies. Pour pouvoir s’adapter plus rapidement aux exigences du développement durable, une relation plus cyclique, semblable au renouvellement urbain rapide de Tokyo, serait peut-être une bonne solution71. Les petites parcelles et par conséquent les petits bâtiments illustrent l’importance du contexte. Les orientations que prennent ces bâtiments, du fait de la proximité intense, doivent être délicatement gérées. Yoshiharu Tsukamoto fait une analogie avec le mobilier pour 44 FOUND IN TOKYO illustrer ce problème : On ne peut pas se détendre sur un sofa qui regarde les pieds de la table de la salle à manger72. L’importance du contenu est aussi un élément intéressant de l’architecture japonaise. Yoshinobu Ashihara, apprécie beaucoup l’architecte finlandais Alvar Aalto (1898-1976) qui travaillait de manière assez organique. Il décrit le travail d’Alto comme étant une agrégation des éléments de contenu nécessaires, au contraire d’une architecture sculpturale qui favorise la forme extérieure en sacrifiant l’intérieur. C’est une architecture qui est très environnementale : L’architecture d’Aalto a besoin de ses forêts pour exister, à l’instar de la Villa Katsura à Kyoto qui a besoin de ses jardins pour exister pleinement73. L’architecture urbaine de Tokyo possède ces qualités tout en étant complètement indépendante de son contexte. C’est un des nombreux paradoxes japonais. C’est l’environnement urbain qui donne les contraintes de la mise en place de l’architecture. Le capitalisme moderne du Japon avec son pragmatisme centré sur le contenu rend ensuite l’architecture insensible au reste. Elle est une composition pragmatique de contenus. C’est dans le cadre de ce processus que des hybrides étranges apparaissent dans Tokyo. On s’intéressera à quelques uns de ces exemples dans la partie suivante. La présence importante des réseaux de transports dans la capitale nippone a forcé son architecture à s’adapter aux différents flux urbains. On peut constater dans les nouvelles générations de maison, une intégration plus efficace des voitures. De même les parkings, parsemés dans toute la ville, sont des structures très développées, ne cherchant pas à cacher les véhicules mais à les gérer efficacement74. Ils deviennent des monuments à l’efficacité de l’ingénierie. Notre attitude envers ce genre de flux peut aussi apprendre du Japon, au lieu de lutter contre, il faudrait travailler avec. la petitesse n’est pas perçue comme simplement la réduction de ce qui est plus grand, comme c’est le cas en Europe. La petitesse est une plus grande densité dans les relations des éléments qui structurent le tout. L’architecte suisse Christian Kerez (1962-) en se penchant sur cette notion, met en opposition les qualité de petitesse d’un cockpit d’avion où tout est plus intense, à la petitesse d’une armoire, où les dimensions sont simplement réduites par rapport à un modèle original75. Pour densifier nos architectures, il faudra que notre conception de la petitesse change aussi. La taille d’une ville ne veut pas nécessairement dire grande échelle. Tokyo est constituée d’une granulosité très fine avec ses multitudes de petites parcelles. Dans certains cas extrêmes elles n’ont que quelques mètres de large. Cela amène la densification des voies de circulation et à un espace public de rue très vivant, ce qui rend la densité viable. TOKYO, UN MILIEU PROPICE 45 Beaucoup de quartiers à Tokyo ont l’intimité d’un village. La qualité urbaine de cette ville est fondée sur l’agglomération de bâtiments modernes, de qualité et d’âges différents construits densément les uns contre les autres. Les ruelles étroites ainsi créées sont des lieux de vie où beaucoup d’activités se déroulent. On atteint un sentiment de ville médiévale. La ville gagnerait à retrouver un peu de cette qualité76. * Il s’agit de la « Pet Architecture » une architecture apparaissant spontanément dans le milieu urbain. Elle a été surnommée ainsi, car ses dimensions réduites en font les animaux de compagnie de l’architecture de la ville. La densité demande de la flexibilité, comme l’habitat traditionnel japonais l’a toujours démontré. Cela demande une certaine relâche des services de régulation de l’architecture. Tokyo est un bon exemple de grandes intelligences s’étant développées naturellement sans entraves77. Une autre conséquence de la forte densité est l’importance des interstices. La substance bâtie est tellement rapprochée et l’espace est tellement précieux que le moindre espace libre devient intéressant78. Il nous faut commencer à accorder plus d’importance à ces espaces intermédiaires dans nos villes, pour ne pas perdre des opportunités d’intensifier l’espace urbain. Le travail de recherche urbaine de l’Atelier Bow-Wow sur la ville de Tokyo a relevé un certain nombre d’intelligences vernaculaires de la ville dans l’exploitation de ce genre d’espaces résiduels*. Ces architectures « pygmées » sont les produits dérivés de la production urbaine de Tokyo. Ils s’adaptent parfaitement aux interstices libres du tissu urbain. Le voyage à Tokyo a permis d’en rencontrer par hasard en chemin et d’être témoin de cette ingéniosité d’une architecture typique de Tokyo79. Une piste cyclable descendant colimaçon d’une route suspendue en 46 FOUND IN TOKYO TOKYO, UN MILIEU PROPICE 47 Nous pouvons nous inspirer de ces attitudes et ces sensibilités pour reconnaître notre propre contexte avec ses forces et ses faiblesses. Ces nouvelles sensibilités amènent des approches dont les techniques sont plus disposées à fragmenter, fracturer, décentrer, éparpiller, stratifier, superposer et coller. Elles s’éloignent de la notion de perfection et de consistance d’une chose entière et complète. Ces notions-là sont moins pertinentes dans notre monde contemporain chaotique et changeant très rapidement80. Le milieu plus libéral de Tokyo a permis à ses habitants de créer leur propre environnement de manière atypique. Comme dans le Jazz, où les musiciens peuvent improviser librement, la ville est pleine de performances potentielles. Une telle diversité rend une société riche et résiliente81. Ce sont des qualités que nous devons chercher à atteindre. Ce travail ne va pas chercher à changer l’urbanisme de la ville suisse à grande échelle. Il s’agira de travailler la densité à travers l’architecture en utilisant des processus issus du tissu urbain de Tokyo. La partie suivante va se pencher sur une recherche théorique effectuée par la jeune génération d’architectes japonais sur leur ville. Elle relève des exemples d’hybrides vernaculaires urbains utilisant toutes les particularités du contexte de Tokyo en y créant des événements particuliers dans la dramaturgie de la ville. Page de gauche et ci-dessous : Magasin de sceaux, n°56 des exemples de Pet Architecture. 48 FOUND IN TOKYO Maison et Atelier de Bow-Wow Les Petits Hybrides Sur les traces de l’Atelier Bow-Wow Le travail théorique et pratique du duo d’architectes japonais Momoyo Kaijima (1969-) et Yoshiharu Tsukamoto (1965-) et de leur bureau, l’Atelier Bow-Wow, a toujours été une grande source d’inspiration. C’est leur premier ouvrage de recherche urbaine, Made in Tokyo, qui constitue la base de ce travail théorique. Ce livre guida aussi la visite de Tokyo et l’observation de ses intelligences architecturales indigènes. Il fut essentiel de trouver ces exemples sur-place et de pouvoir les apprécier dans leur contexte pour mieux les comprendre. Présentation succincte L’Atelier Bow-Wow fut fondé en 1992 par Momoyo Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto. Ils appartiennent à une génération d’architectes n’ayant pas exercés dans la période prospère précédant l’explosion de la bulle spéculative des années 1980. La récession économique des années 1990 ayant beaucoup diminué les nouvelles constructions et les projets publics à grande échelle, ils se sont concentrés sur la conception de petites maisons pour des clients privés, comme la plupart de leurs contemporains1. Parallèlement à une architecture de grande qualité, ils ont une production théorique, urbaine et architecturale importante au sein de l’atelier, ainsi qu’avec les laboratoires universitaires qu’ils dirigent2. Ils participent, par ailleurs, à beaucoup d’expositions artistiques internationales avec toutes sortes d’installations, allant d’interventions spatiales à du mobilier, interrogeant les relations de l’espace public de la ville et de leurs usagers3. 49 50 FOUND IN TOKYO Leur approche théorique L’historien de l’architecture japonais, Terunobu Fujimori (1946-), a défini le travail de l’Atelier Bow-Wow en tant qu’architecture de relations et non d’espace4. Ils définissent eux-mêmes leur pensée architecturale comme une étude des comportements, qu’ils nomment Behaviorology*. Ils en définissent trois catégories : la vie humaine, la nature et l’environnement construit5. Leur recherche se fait sur les usages et l’intelligence du bâti intégré à son contexte, ainsi que sur les relations que les gens et les phénomènes naturels ont entre eux, avec leurs pairs et leurs contextes. L’échelle du temps est essentielle. Ces comportements sont des cycles répétitifs. Chaque catégorie a son propre intervalle de temps. Les comportements du vent, de la chaleur ou de la lumière peuvent être examinés dans l’espace d’un jour. En revanche, ceux des êtres humains sont observables au quotidien, les comportements sociaux associés à une plus grande collectivité s’étendent sur l’année. Dans le même ordre d’idées, la catégorie du bâti, dans son environnement urbain, ne peut être comprise que sur une période de trente à cinquante ans6. La Behaviorology étudie ces phénomènes à travers les tendances typologiques, motifs, influences et transformation dans le temps. Dès lors, en suivant cette manière de penser, l’architecture devient l’art de synthèse de ces rythmes disparates et complexes au sein du bâti7. La forme devant s’adapter au comportement, permet à celui-ci d’apparaître et de s’exercer en accord avec sa nature. Ces recherches prennent forme dans la production architecturale de l’Atelier Bow-Wow. Une fois matérialisés ces concepts sont de nouveau étudiés pour être par la suite appliqué dans le prochain projet. C’est par ce processus de feed-back que leur architecture progresse. Ils empruntent cette manière de procéder à la méthode de transduction développée par le philosophe et sociologue français Henri Lefebvre (1901-1991)8. Si la médiatisation n’a cessé de rapprocher l’architecture des arts visuels, d’après l’approche de Kaijima et Tsukamoto elle serait plutôt proche des arts basés sur la performance tels que le théâtre ou la musique9. *Littéralement : “comportement-o-logie” La méthode transductive empruntée à Lefebvre LES PETITS HYBRIDES 51 L’étude urbaine Les débuts de l’arpentage En 1991, Momoyo Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto découvrirent un restaurant de spaghettis logé sous un centre d’entraînement au baseball. Ces deux activités ont toujours été relativement courantes dans une ville japonaise comme Tokyo, c’est leur association qui attira leur curiosité. Ces deux programmes n’étaient pas traditionnellement complémentaires et n’avaient pas de raison de se combiner. Ce bâtiment leur inspira, comme ils le disent, à la fois suspicion et excitation10. Un sentiment ambigu typique pour Tokyo et ses nombreux paradoxes. Cette rencontre marqua le début de leur arpentage de la ville à la recherche d’autre spécimens aussi étranges. Chronologie de la conception de Made in Tokyo Ainsi commença leur première recherche urbaine par l’observation. Ce travail leur servit de prototype pour leurs travaux théoriques et pratiques suivants. Après quelques années de catalogage ces architectures particulières furent présentées pour la première fois par L’Atelier Bow-Wow en 1996, lors d’une exposition organisée par Arata Isozaki (1931-). Par la suite, tout en continuant leurs recherches, le travail fut exposé à d’autres reprises sous des formes relativement variées, des expositions au Japon, en Suisse, à la Biennale de Venise, des t-shirts et surtout un site internet en 1998. À travers ce dernier le catalogue fut diffusé plus efficacement et prit d’avantage d’ampleur. Le public pouvait participer en y soumettant des exemples trouvés dans leur quotidien. Le travail culmina par la publication du livre Made in Tokyo en 200111. Cet ouvrage rassemble, sous une forme inspirée du guide touristique, 70 bâtiments curieux éparpillés dans la ville. Il s’agit d’un format qui est souvent utilisé pour décrire de nombreux aspects de Tokyo et il s’adapte donc à la nature labyrinthique de la ville. Le guide leur a aussi semblé idéal car il ne requiert ni début ni conclusion clairs, à l’image même de la ville, constamment en construction et reconstruction12. Par sa forme de guide, ce livre encourage le public à lire la ville contemporaine en commençant par l’échelle du quotidien et à participer, en suivant leur exemple13. À cette fin, les auteurs ont aussi rendu l’ouvrage bilingue pour les visiteurs étrangers14. 52 FOUND IN TOKYO Couverture enveloppante du livre Made in Tokyo rassemblant tous les exemples dans une ville fictive LES PETITS HYBRIDES 53 54 FOUND IN TOKYO Chaque exemple est décrit par : une ou plusieurs photographies ; une axonométrie simplifiant et schématisant les différents éléments de la volumétrie et leurs relations ; un petit plan-masse ; de courtes phrases décrivant les particularités de chaque bâtiment ; un surnom relevant l’excentricité des associations. LES PETITS HYBRIDES 55 Le regard de l’étranger Dans un article s’intéressant aux recherches théoriques de l’Atelier Bow-Wow, le sociologue japonais Yoshikazu Nango (1979-), cite la théorie du philosophe allemand, Georg Simmel (1858-1918), énonçant que le regard de l’étranger est plus libre que celui de la personne locale. Il peut étudier une situation sans préjugés et émettre un jugement basé sur des notions objectives et universelles. Ses actions ne sont limitées ni par coutumes ni par allégeances15. Il affirme par la suite que Yoshiharu Tsukamoto, ayant étudié à l’École d’Architecture à Paris en 1987, et Momoyo Kaijima, ayant étudié à L’École Polytechnique Fédérale de Zürich en 1997, possèdent ce regard de l’étranger. Regard qu’ils utilisent pour se défamiliariser de leur champ d’étude de Tokyo, afin d’y trouver de nouvelles perspectives. Une méthodologie héritée Cette méthodologie de l’arpentage de la ville, n’est pas seulement venue par le recul culturel qu’ils sont capables d’exercer sur leur lieu de vie, elle est ancrée dans l’histoire de l’architecture japonaise. Depuis les années 1868, les architectes japonais s’efforcèrent d’unifier esthétiquement le chaos de Tokyo, sans jamais rencontrer de succès. L’architecte Wajiro Kon (1888-1973), adopta une autre attitude. Immédiatement après le grand tremblement de terre de Kanto en 1923, il arpenta les ruines et commença à effectuer des relevés des abris temporaires érigés par les rescapés. C’est l’ingéniosité naturelle dont la population faisait preuve pour survivre dans des conditions difficiles qui le fascina. À partir de cet événement il se dévoua à la Kokengaku ou Modernology*, un domaine d’étude qu’il développa en poursuivant ses observations sur le quotidien, entamées par ses premiers dessins lors de la catastrophe naturelle. En 1968, un groupe composé principalement d’artistes, la Rojo Kansatsu Gakkai ou Roadway Observation Society**, reprit le flambeau de Kon, et observa à leur tour les curiosités négligées du quotidien de la ville japonaise, principalement au moyen de photographies. C’est en 1990, une fois que les activités de la Rojo aient progressivement décliné, que cette méthodologie refit surface avec les activités de l’Atelier Bow-Wow. Il reprit le flambeau de l’observation pleine d’humour de curiosités ignorées par l’architecture, sans le regard nostalgique de la Rojo, en y appliquant aussi une représentation analytique rigoureuse par l’axonométrie, augmentée par la photographie et le texte16. Kaijima et Tsukamoto furent les premiers de cette tradition de la Modernology de Kon à employer leurs recherches dans leur production architecturale, chose que les générations précédentes s’étaient refusées17. Le format de guide employé pour publier ces observations rentre parfaitement dans cette ligne de pensée. Il permet en effet au lecteur * Un néologisme inventé par Wajiro Kon. ** Elle fut fondée par Genpei Akasegawa (1937-), un peintre de l’avant-garde, Terunobu Fujimori, historien de l’architecture et Shinbo Minami (1947-), illustrateur. 56 FOUND IN TOKYO LES PETITS HYBRIDES 57 de suivre leur exemple, et de participer à la découverte de la ville par la marche. Ils continuent d’ailleurs toujours à enrichir leur travail de leur regard averti sur la ville avec la génération future, les étudiants de leurs laboratoires universitaires. L’architecture anonyme de Tokyo La chasse aux insectes Dans leur recueil d’essais, Echo of Space / Space of Echo (2009), Momoyo Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto comparent leur travail de Made in Tokyo à la chasse aux insectes, une activité estivale populaire pour les enfants. L’essence de cette chasse ne tient pas pour eux dans la capture efficace de petites bêtes, mais dans l’expérience d’unité temporelle et spatiale avec l’environnement. Ils sont fascinés par l’interdépendance de l’insecte et de son milieu naturel. C’est ce genre d’intelligence développée par la nature lors son évolution, que l’Atelier Bow-Wow a cherché dans le vaste écosystème de Tokyo. En continuant avec l’analogie à la biodiversité, Ils citent aussi le travail de Bernard Rudofsky (1905-1988), qui met en opposition l’architecture Moderne, abstraite et déshumanisée, et l’architecture vernaculaire s’adaptant avec une intelligence issue des circonstances du lieu. C’est en poursuivant dans l’idée du modèle biologique qu’ils sont arrivés à l’appellation Unité Environnementale. Ce terme décrit un bâtiment hybride et intégré qui n’est complet qu’une fois assimilé aux infrastructures environnantes. Un morceau d’écologie urbaine qui dépend de réseaux plus larges que lui-même. Ce genre de structure appartient à une catégorie intermédiaire entre l’architecture et la ville. Ce genre d’intelligence urbaine est utile pour développer des stratégies architecturales, de même que la connaissance de la biologie des insectes est utile pour le collectionneur de coléoptères18. 58 FOUND IN TOKYO Da-me Si l’on ouvre un magazine d’architecture aujourd’hui, on y trouvera de nombreux exemples de réalisations ou de projets célèbres internationaux. À travers une photographie très léchée, ces bâtiments poussent l’image d’une architecture qui ne peut être atteinte dans notre environnement quotidien. D’autre part cette même médiatisation, qui présentait positivement l’architecture japonaise traditionnelle, détourne son regard du chaos de la ville contemporaine de Tokyo. L’Atelier Bow-Wow s’est donné comme objectif de transformer les bâtiments laids en ressources, plutôt que de les rejeter. Ceux-ci sont les témoins de la situation réelle de la ville19. Contrairement à l’Europe qui préserve ses constructions vieilles de plusieurs centaines d’années, la majorité de la substance bâtie de Tokyo a été reconstruite dans les dernières décennies en utilisant des technologies contemporaines. Ces techniques ont permis l’apparition de compositions spatiales et fonctionnelles impudentes*, comme ces Unités Environnementales découvertes en 1991 par l’Atelier Bow-Wow. Les bâtiments qui attirèrent le regard de Kaijima et Tsukamoto, furent ceux qui répondaient avec franchise et honnêteté à leur environnement et à leurs besoins programmatiques, sans soucis d’esthétique ou de forme architecturale. Le duo qualifia ces constructions d’Architecture « da-me », qui veut dire littéralement « pas-bonne » en japonais. Un surnom à la fois péjoratif et affectueux20. La définition de da-me est vague depuis le départ. Chaque exemple a fait l’objet de débats pour son inclusion dans ce catalogue. Dans le but d’observer la ville de Tokyo, ils se concentrèrent sur ces bâtisses anonymes et sans beauté apparente. Ils les considérèrent comme étant plus révélatrices du tissu urbain que les édifices dessinés par des architectes. En les collectionnant la nature de Tokyo pourrait devenir plus claire. « We thought that although these buildings are not explained by the city of Tokyo, they do explain what Tokyo is. »21 Comme leur surnom le dit, ces exemples ne sont pas des édifices nobles, tels que des bibliothèques ou des musées. Ce sont des constructions de second rang, tels des parkings, des centres sportifs, ou des hybrides appartenant à plusieurs catégories à la fois. Elles ne font pas non plus la distinction entre architecture et infrastructure. Néanmoins, il est bon de noter que ces bâtiments n’ont pas une once de graisse, comme le disent les deux architectes22. L’essentiel est construit de manière pragmatique, sans répondre au-delà du strict minimum au contexte culturel ou historique. Dans une ville dense et surpeuplée comme Tokyo, où les intérêts pratiques sont importants, ce genre de solution directe et économiquement efficiente est indispensable. En choisissant comme critères majeurs la relations des éléments * Traduction du mot anglais Shamelessness, terme employé par les auteurs dans Made in Tokyo. LES PETITS HYBRIDES 59 entre eux et leurs usages, Momoyo Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto ont essayé de regarder ces objets sans idée ou catégorisation préconçues. Leur regard se voulait neutre, en considérant le tout de la manière la plus égale possible, en éliminant les discriminations entre haute et basse culture, beauté et laideur, bon et mauvais23. Cette absence de jugement de valeur est important car les hybrides relevés, eux non plus ne font pas de distinctions. Que ce soit des structures d’ingénierie civile, des toitures, des murs ou l’espace dégagé entre deux bâtiments, tout ce qui est accessible est incorporé. Ces éléments infrastructurels de l’environnement, par leur intégration dans une architecture da-me, prennent un second rôle et transcendent ainsi leur fonction originelle. Inversement, la magnifique architecture des architectes conserve les distinctions entre catégories, rationalise les structures physiques, pousse des usages pré-conçus sur cette structure et tente d’être indépendante et autonome24. 60 FOUND IN TOKYO Regards croisés sur hybrides da-me La suite du voyage se déroula, guide en main, en marchant dans le dédale de Tokyo à la recherche d’exemples relevés par Momoyo Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto. La partie qui suit est le résultat d’un regard croisé entre les observations de l’Atelier Bow-Wow et une lecture de ces mêmes bâtiments, effectuée sur place, dans le but d’en extraire des intelligences architecturales utilisables par la suite. La mégalopole japonaise est gigantesque. Il serait impossible de l’étudier en entier. Des exemples ont été répertoriés au cours d’explorations de la ville et de rencontres fortuites. Un certain nombre ont disparus depuis le début de ce processus en 1991. Aujourd’hui même, certains exemples publiés ont disparu ou ont été transformés. Kaijima et Tsukamoto ne cherchent pas à préserver ces constructions comme des monuments, leur durée de vie n’est déterminée que par leur usage. Ce sont de simples solutions répondant à l’état du contexte urbain au moment de leurs réalisations. Elles ne répondent qu’au présent. Comme la ville ne cesse de changer, elles naissent et meurent avec elle25. Les exemples vus pendant le voyage ont été choisi comme représentant le mieux certaines stratégies architecturales qui vont être mises en valeur dans la suite du travail. D’autre part, à cause de l’immensité de Tokyo, un certain nombre d’exemples ont été omis pour des raisons de temps et de distance. Il y a malgré tout trop d’exceptions pour pouvoir déduire chaque exemple relevé de manière certaine de la structure urbaine. De même, si l’on essaye de réduire l’architecture da-me en une typologie, l’on perdrait la nature bâtarde de ces différents éléments26. En revanche cette indétermination, issue de la mentalité japonaise, permet une interprétation plus libre des scénarios relationnels des parties composant un hybride et la ville. Tableau explicatif des trois ordres LES PETITS HYBRIDES 61 De la nature de ces hybrides En regardant la nature de ces bâtiments de plus près, il est possible de dégager des familles d’écologies urbaines. L’Atelier Bow-Wow emploie plusieurs termes pour qualifier ces exemples : Hybride, Unité Environnementale, Écologie urbaine, Écosystèmes Compactes27. Tous ces qualificatifs mettent en avant l’idée de percevoir ces bâtiments comme des compositions de parties qui entrent en relation entre elles et en relation avec le contexte urbain. Dans cette famille ont retrouve : - Des juxtapositions inattendues de fonctions quand des structures appartenant à des catégories autres que l’architecture pure se mélangent; - La coexistence de fonctions sans lien en un même bâtiment; - Des activités complémentaires réparties sur plusieurs structures et bâtiments différents adjacents; - L’emballage d’une écologie insolite en une structure unique30. On/Off Dans ces différentes variantes d’hybrides, c’est la relation des parties composant ces ensembles qui en détermine la nature. Le duo d’architectes a devisé un système de définition de ces architectures da-me selon ces rapports. Il se base sur trois ordres : Catégorie, Structure et Usage. Dans l’ensemble des bâtiments qu’ils ont étudiés, chacun de ces ordres peut avoir deux états. Il est soit On, allumé, c’est-à-dire que les différentes parties composant le bâtiment sont de même catégorie, partagent une structure commune ou participent à un même usage, selon l’ordre activé. Dans l’autre cas possible, cette relation est Off, éteinte. Cela veut dire que les composants sont de catégories différentes, qu’ils sont structurellement indépendants ou qu’ils engendrent des activités différentes. Ce système semble montrer un point important de l’existence et de la nature des da-me; tous les exemples répertoriés comportent au moins un aspect Off. À la différence des oeuvres de haute architecture qui sont entièrement On. L’activation systématique de ces trois ordres limite la production architecturale à 1 solution possible et peut être néfaste pour notre paysage mental. Cependant si l’on permet à au moins un des aspects de s’éteindre, les possibilités de variantes augmentent jusqu’à 8*. Kaijima et Tsukamoto en parle comme d’une libération pour les concepteurs28. *2x2x2=8 62 FOUND IN TOKYO La fin de la ségrégation des catégories La notion de catégorie, telle qu’elle est utilisée dans Made in Tokyo, sous-entend des constructions qui ne relèvent pas de l’architecture à proprement parler. Ils ont distingué : - Architecture - Infrastructure - Structures commerciales (ex : affichage, enseignes) - Volumes sportifs (ex : terrain de sport entouré d’un filet) - Surfaces, sols et murs construits (ex : cimetière, mur de soutènement) Ces catégories émergent selon des intentions et des conditions variées, tels que des opportunités économiques locales, des connexions à des réseaux de transport à grande échelle, un lieu spirituel historique ou selon divers besoins sociaux. Leur apparition non-coordonnée dans le paysage urbain génère des synergies accidentelles qui ont été placées dans la famille des architectures da-me. Tout comme pour les bâtiments, l’atelier Bow-Wow porte un regard neutre et ne fait pas de distinction de valeur entre les catégories citées, il n’y a pas de hiérarchie ou de subordination. Elles sont toutes employées de façon pragmatique selon les opportunités qu’elles présentent. C’est un effet secondaire de la modernisation à grande vitesse du Japon29. Enveloppe fluide Comme vu précédemment dans la partie Tokyo du travail, la majorité des limites entre bâti et espace public possèdent une seconde couche, souvent de catégorie commerciale, qui rend le contour des choses flou. Les notions de façade et d’enveloppe, dans ces hybrides, sont tout aussi fluides, si ce n’est plus. Les limites distinctes entre privé et public, avant et arrière sont floues et se modifient à chaque altération de la composition de ces écologies urbaines30. Relations au contexte On peut distinguer deux types de relations au contexte. Le premier type se rapporte au contexte physique. Les hybrides se lient directement ou indirectement avec les objets de leur environnement. Le second type questionne les typologies que l’hybride trouve dans son contexte immédiat et la manière dont il se lie avec les types composants l’existant adjacent. Les hybrides auront soit tendance à se baser sur ce qui se fait dans le quartier, ou il aura plutôt un effet transformateur sur les bâtiments alentours et leur typologie31. LES PETITS HYBRIDES 63 Fils conducteurs de la visite guidée La situation extrêmement dense de Tokyo l’a amenée à développer toute sortes de réseaux de transports et d’accès pour pouvoir irriguer la masse urbaine jusqu’au plus petit élément. Ces infrastructures ont des formes allant d’autoroutes suspendues tentaculaires se déplaçant dans l’espace aérien urbain, à de petites ruelles piétonnes entre maisons à l’échelle d’un village. La société urbaine japonaise a donc toujours vécu dans un milieu très marqué par ces réseaux. Il est fascinant de s’intéresser aux hybrides da-me qui ont une relation particulière avec ces installations. Nous pouvons apprendre de la manière dont ils interagissent et exploitent des opportunités générées par une infrastructure planifiée presque indépendamment de la ville. Les véhicules sur route et sur rail, sont assimilés dans cette ville à une autre espèce d’habitants. Ils ont leur propre lieu de repos, de transit, d’arrêt, d’entretien, etc. Avec le coût de la vie à Tokyo, un parking est plus rentable qu’un logement. De même l’efficacité des transports publics est primordiale au bon fonctionnement du tissu urbain, tel un organisme alimenté en sang. Les hybrides qui vont principalement nous intéresser dans la suite de ce travail, vont être ceux qui prennent en compte ces autres espèces de citadins. Certains hybrides sont composés uniquement autour des véhicules et les personnes n’y ont une place que minoritaire. D’autres hybrides interagissent directement ou indirectement avec les structures de transits. D’autres encore, incorporent des dérivés de la logistique telles des structures de stationnement. On peut appeler ces exemples qui vont être vus plus en détails, des hybridations logistiques. Leur premier point commun sera l’appropriation et l’utilisation des infrastructures. La logistique n’est pas la seule catégorie que ces hybridations manipulent, mais c’est certainement la plus présente. Elle a permis de rassembler des exemples variés présentant des familles d’hybridations différentes. Les derniers exemples vont rassembler des hybrides moins concernés par la logistique mais illustrant des compositions instructives. La ville européenne, et ainsi la ville suisse, ont au cours de leur développement mis en place une ségrégation très forte des différentes fonctions avec la venue de l’industrialisation. Des plans directeurs délimitant des zones d’activités déterminent jusqu’à aujourd’hui où peuvent se placer les activités nécessaires au fonctionnement de la société. Cette pensée prônant l’hygiène et l’efficacité industrielle en rapprochant les éléments complémentaires, a eu pour conséquence de limiter fortement l’apparition spontanée d’hybrides tels qu’on peut les observer à Tokyo. Les tracés régulateurs de nos villes sont nos 64 FOUND IN TOKYO infrastructures routières. Ce sont des lignes infranchissables la plupart du temps. Les exemples d’architecture da-me qui vont être présentés par la suite sont en majorité des compositions ignorant ce genre de distinctions et de limites. Le pragmatisme de ces bâtiments les pousse à exploiter le moindre espace libre que ce soit sur une parcelle au sens habituel du terme ou dans les recoins libres de l’infrastructure. En premier lieu il s’agira de présenter les tactiques formelles avec lesquelles, ces hybrides s’approprient l’espace et combinent leurs composants. En second lieu, les synergies volontaires et involontaires (on/ off) apparaissant avec ses hybridations seront regardées pour comprendre ce qui les rend si particuliers. Ce afin de reconsidérer notre infrastructure sous un autre oeil, une fois de retour en Suisse. Ces hybrides nous donnerons des pistes pour trouver des opportunités dans les ponts et les routes de Lausanne. De même les techniques de composition, souvent très simples et efficaces, que ces hybrides utilisent pourront aussi nous éclairer sur de nouveaux mélanges intégrant des catégories d’usagers généralement isolés les uns des autres. Ces présentations d’hybrides qui vont suivre, vont se structurer de la manière suivante : Une première double page présentant l’hybride avec les illustrations produites par l’Atelier Bow-Wow dans leur livre Made in Tokyo. Le chiffre suivant le titre en anglais donné au bâtiment par les architectes japonais correspond à sa numérotation dans leur livre. Les trois ordres décrivant l’hybridation seront aussi indiqués sur la première page. La partie suivante sera composée de photographie prises pendant le voyage, de dessins schématiques décryptant les relations de la composition et un texte qui soulignera les aspects suivants : - Le genre de composition; - Les différentes catégories utilisées; - Les tactiques formelles employées par les compositions; - Le jeu des échelles; - Les différentes relations au contexte; - L’appartenance au public ou privé; - Les temporalités de l’hybride. Les exemples seront classés en trois parties : Hybrides logistiques en relation directe avec l’infrastructure, hybrides logistiques utilisant des dérivés de l’infrastructure et des hybrides montrant quelques autres techniques intéressantes. Chaque exemple reste très particulier. Chacun apporte son propre enseignement en plus d’illustrer les principes généraux. Un retour sur les notions extraites de ces exemples suivra cette visite des hybrides da-me. Page de droite : carte de localisation des architectures da-me de Made in Tokyo LES PETITS HYBRIDES 65 66 FOUND IN TOKYO LES PETITS HYBRIDES 67 Hybrides da-me, partie 1 Hybrides interagissant avec les éléments principaux de l’infrastructure. 68 FOUND IN TOKYO electric passage (02) (passage électrique) Site : Sotokanda, Chiyoda-ku Programmes : pont ferroviaire, galerie marchande Catégorie : Structure : Usage : 20201 OFF ON OFF LES PETITS HYBRIDES 69 20202 20203 20204 70 FOUND IN TOKYO Cet hybride se trouve en plein milieu du quartier d’Akihabara dans le nord-est du palais impérial. Ce district est célèbre comme étant la Mecque de la culture du Manga* et comme étant un haut lieu du commerce de l’électronique, d’où son surnom Akihabara Electric Town. * Manga : Bande-dessinées et films d’animation japonais. Dans le prolongement de la ligne de train Sobu depuis la gare d’Akihabara, les chemins de fers prennent la forme d’un pont ferroviaire, sur l’espace de trois blocs dans la grille urbaine (figure 20204). Sa structure touche le sol en une succession d’arcades. Deux ponts traversant deux grands carrefours marquent chaque extrémité de l’hybride (figure 20205). Genre d’hybride Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes : A infrastructure de transit - pont ferroviaire B architecture commerciale - magasins d’électronique Seule la structure est partagée. L’usage n’est pas partagé. Forme La partie B utilise l’espace résiduel sous la partie A. Cet espace sous l’infrastructure a été colonisés par des structures commerciales. 20205 Premier pont entre la gare et l’hybride LES PETITS HYBRIDES 71 Le rythme de la structure de la ligne de chemin de fer donne les dimensions des petits magasins. Ils ont tous un maximum de 3 étages (figure 20202). 20206 Coupe transversale schématique Échelles A - échelle urbaine Elle appartient au large réseau ferroviaire composant le système de transports publics de Tokyo. B - échelle humaine Comme le reste du tissu local, cette partie consiste en de petits commerces à échelle humaine. Relation au contexte typologique La ligne ferroviaire, qui comme la plupart des tentacules du réseau de transport public de Tokyo n’a une relation que très indirecte avec le reste du tissu urbain, prend une forme plus marquée avec ses arcades. Elle intervient dans la substance bâtie en égalisant les dimensions des commerces qu’elle contient. Chose rare pour Tokyo. Cette structure est relativement respectée par les magasins, l’enveloppe d’enseignes commerciales ne touchent pas aux piliers des arcades, ce qui permet de lire la présence du train dans le bâti. Les structures commerciales qui peuplent les espaces sousrail, sont de même nature que les magasins composant la majeur partie de la substance du quartier. Les dimensions de la typologie sont transformées et rythmées par l’encadrement des arcades (figure 20209). Relation au contexte physique Le plan de ce quartier est une grille assez claire. Les commerces n’occupent l’espace sous les arches qu’en correspondance aux autres blocs du quartier. Certaines arches sont libérées pour le passage des ruelles structurant le district (figure 20208). Ces petits magasins d’électronique, de part leur activité lucrative, entretiennent une forte relation avec l’espace public pour des intérêts privés (figure 20206). L’infrastructure ferroviaire n’est pas en rapport avec l’espace public humain ou routier. Vraisemblablement à cause de la petitesse des magasins, ceux-ci sont mono-orientés et ne présentent une façade ouverte que du côté nord (figures 20212 et 20213). Domaines A - infrastructure privée B - surfaces commerciales privées ouverte au public Temporalités Hybridation séquentielle : Au vu de l’utilisation de la structure par les commerces, ceux-ci sont probablement arrivés après les rails. Si l’on compare les photographies 20207 Ruelle nord 72 FOUND IN TOKYO de Made in Tokyo (20303) et celle prise en 2012 (20210) du passage centrale de l’hybride, le magasin faisant l’angle a changé. En vingt ans l’électronique vendue a beaucoup changé. Il est possible que ces magasins changent de propriétaire et de spécialité au cours des années ; la structure des arcades gardant ses dimensions constantes dans le temps. Utilisation intermittente : Les deux catégories d’usage de l’hybride sont privées et donc ont un rythme de vie défini par les horaires de fonctionnement des trains et les heures d’ouvertures des magasins. Cet hybride est un bon exemple d’espaces résiduels générés par une infrastructure superposée de manière forte sur la ville, exploités par les intérêts commerciaux d’un quartier. L’impression d’unité vient du rythme et de la fonction structurante des arcades. Leur déconnexion au niveau de l’usage et de la catégorie des composants en fait une architecture da-me. Cela devient un événement urbain particulier dans le chaos général des façades commerciales très variées. 20208 Ruelle traversant l’hybride, marquant par la même occasion un joint de dilatation dans le pont ferroviaire. 20209 Dernier magasin avant le second pont terminant l’hybride. 20210 Façade commerciale, ruelle nord. LES PETITS HYBRIDES 73 20211 Transition entre l’hybride et le deuxième pont. Retour à des bâtiments non-encadrés. 20213 Façades arrières, ruelle sud. 74 FOUND IN TOKYO highway department store (03) (autoroute grand magasin) Site : Yurakucho, Chiyoda-ku / Ginza, Chuo-ku Programmes : autoroute suspendue, surface commerciale, poste de douane, rampe d’accès parking Catégorie : Structure : Usage : 20301 OFF ON OFF LES PETITS HYBRIDES 75 20302 20303 20304 76 FOUND IN TOKYO En bordure du quartier chic de Ginza, la zone de shopping la plus chère du monde, une autoroute suspendue serpente sur les traces de ce qui fut autrefois la rivière Shiodome32. On y retrouve aussi des grands magasins sinueux avec l’infrastructure. Cet hybride est un autre exemple de l’exploitation ingénieuse et nécessaire des espaces dégagés par l’infrastructure aérienne gigantesque de Tokyo. Genre d’hybride Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes : A infrastructure de transit - autoroute suspendue B architecture commerciale - grands magasins Seule la structure est partagée. L’usage n’est pas partagé. Forme La partie B utilise l’espace résiduel sous la partie A. L’espace sous l’infrastructure clos est desservi par une rue intérieure à la surface commerciale accessible aux extrémités. Contrairement à l’exemple précédent (electric passage) la structure supérieure ne contraint que la largeur du bâtiment en-dessous. L’espace intérieur de ce dernier est régi par sa propre logique hérité de l’aspect linéaire de l’autoroute. 20305 Vue de l’hybride depuis le carrefour sud sur l’avenue Harumi Dori LES PETITS HYBRIDES 77 20306 Vue de l’entrée ouest du deuxième grand magasin. 20307 Coupe transversale schématique. Échelles A - échelle urbaine L’autoroute métropolitaine suspendue fait partie d’un réseau routier très vaste superposé à Tokyo. Comme beaucoup d’infrastructures de ce genre, elle suit le tracé d’une rivière et ne se souci que peu du tissu urbain alentour. À cet endroit-là, la chaussée est élargie par la présence d’un péage connecté à une sortie d’autoroute donnant accès à un parking souterrain. B - échelle ruelle, humaine Les boutiques dans les grands magasins sous l’autoroute sont petites en taille. Elles sont organisées des deux côtés d’une rue intérieure structurant l’espace commercial, la largeur de l’autoroute à cet endroit le permettant. Chaque petit magasin est à échelle humaine, mais l’espace de distribution a une échelle un peu plus urbaine. Une version réduite pour piétons de l’autoroute au-dessus (figures 20310, 20311 et 20313). 20308 Vue orientée ouest de la façade nord du premier grand magasin. Relation au contexte typologique Comme c’est le cas souvent avec ce genre de superstructures de transit à Tokyo l’autoroute est son propre système. C’est une rivière de bitume remplaçant une vraie rivière. Les grands magasins sont des activités très courantes dans ce quartier. Chaque espace, valant très cher, est exploité comme surface commerciale. Au contraire du tissu très fragmenté en petites parcelles aux alentours, ici les espaces clos de l’hybride sont longitudinaux et sinueux suivant les courbes de son système structurel. Les autres grands magasins du district sont très élancés, superposant le plus d’étages possibles. Dans le cas présent, soumis à la forme de l’infrastructure, les surfaces commerciales sont très étalées. Elles ne sont coupées que par les routes traversantes et la largeur de l’autoroute. 20309 Plan d’orientation du l’étage supérieur du deuxième grand magasin. 78 FOUND IN TOKYO 20310 Vue intérieure du deuxième grand magasin. Relation au contexte physique Les usagers de l’autoroute n’ont qu’une relation visuelle distante avec les hauts bâtiments de l’environnement. L’autoroute elle-même possède une sortie avec une mince rampe pour accéder à un parking souterrain à la sortie du péage. Les façades des magasins communiquent peu de l’espace public. C’est souvent le cas avec ce genre de programme concentrant le regard vers les surfaces commerciales à l’intérieur (figure 20308). De plus une couche de végétation ornementale sépare le trottoir de l’hybride (figure 20309). Cette avenue au sud du bâtiment est aménagée de manière très généreuse pour une rue tokyoïte. Elle rappelle plutôt des grandes avenues commerciales européennes. Domaines A - infrastructure publique B - surfaces commerciales privées ouvertes au public Temporalités Hybridation séquentielle : Les apparences des bâtiments composant l’hybride sont bien intégrés avec l’autoroute. Il n’est pas évident de déduire un ordre séquentiel dans la réalisation de cet hybride. On peut supposer qu’en regardant la manière de plaquer les grands axes de communication sur le tissu urbain de Tokyo, l’infrastructure précède les bâtiments commerciaux. Différences d’utilisations : L’autoroute est ouverte en permanence. Les magasins ont des horaires d’ouverture fixés par les propriétaires. Cet exemple, comme le précédent, sont deux exemples de stratégies d’hybridation assez courantes dans le tissu urbain. La place étant limitée, l’espace résiduel d’une activité tend à être vite utilisée, surtout 20311 Plan d’orientation du l’étage inférieur du deuxième grand magasin. LES PETITS HYBRIDES 79 20312 Vue de l’entrée ouest du deuxième grand magasin depuis l’entrée du magasin précédent. dans un quartier aussi financièrement intéressant que Ginza. Dans cet hybride, les composants ne sont rassemblés que par l’utilisation d’une structure commune. Ils ne possèdent pas de relation au niveau catégorie ou usage (off). Pourtant ils se valident mutuellement : l’espace commercial dépend de l’autoroute pour sa structure ; l’autoroute dépend des grands magasins pour sanctionner sa présence dans une zone de commerce intense33. 20313 Plan d’orientation du l’étage supérieur du deuxième grand magasin. 80 FOUND IN TOKYO expressway patrol building (10) (bâtiment de la patrouille d’autoroute) Site : Roppongi, Minato-ku Programmes : bureaux, logement d’entreprise, parking de la patrouille, rampe d’accès d’autoroute Catégorie : Structure : Usage : 21001 OFF OFF ON LES PETITS HYBRIDES 81 21002 21003 21004 82 FOUND IN TOKYO Cet hybride, dans le quartier de Roppongi, a la particularité d’être le seul type bâtiment à avoir son propre accès à l’autoroute suspendue. L’Atelier Bow-Wow a relevé un autre bâtiment de la patrouille autoroutière à Gokokuji, étant le seul autre exemple à avoir un accès directe à l’infrastructure. Genre d’hybride Il s’agit d’un hybride de catégories variées, pour un usage commun : A - infrastructure de transit - autoroute suspendue B - infrastructure privée - rampe d’accès et parking de la patrouille C - architecture - bureaux D - architecture - logements de la compagnie Ces parties ne sont pas arrangées selon un partage d’une structure commune. La partie A n’est reliée aux autres que par le parking de la partie B. Ces deux parties infrastructurales sont à l’usage des véhicules de la patrouille. Les deux autres parties forment le bâtiment dans lequel passe la rampe. Ceux-ci sont à l’usage des employés du service de la patrouille. Forme Le bâtiment est implanté dans une parcelle classique du quartier. À la manière de la plupart des immeuble dans une ville dense comme Tokyo, les programmes s’empilent. Dans ce cas là, les parties C et D suivent ce principe. 21005 Vue du carrefour au nord du bâtiment. LES PETITS HYBRIDES 83 Elles sont traversées par la rampe d’accès qui dépasse de la parcelle pour se greffer sur l’autoroute passant entre les blocs. C’est le seul élément qui dépasse de cette composition et qui relie le tout au réseau de transport supérieur. Échelles A - échelle urbaine L’autoroute fait partie du réseau suspendu de Tokyo. B - échelle infrastructurale La rampe et sa partie parking, étant dédiées à l’usage automobile, sont de dimensions correspondantes. Elle forme la circulation verticale et le logement d’une des espèces participant à l’usage de cet hybride. C - échelle humaine La partie bureau se trouve sous le niveau de la passerelle d’accès. Elle est en relation directe avec le trottoir entourant la base du bâtiment. D - échelle bâtie locale L’immeuble dépassant le niveau de l’autoroute est légèrement plus imposant que les autres bâtiments des environs immédiats, mais il reste dans les dimensions de ce qui se retrouve autour du carrefour. Relation au contexte typologique Cet hybride emprunte deux éléments conventionnels que l’on retrouve à cet endroit. La rampe d’accès fait partie du langage et des formes associées à l’infrastructure de transport. Elle a été intériorisée à 21006 Vue du bâtiment depuis le côté est de l’autoroute. 84 FOUND IN TOKYO l’hybride pour en réserver l’usage aux services de sécurité autoroutier. Le reste de l’immeuble fonctionne sur la base de volumes architecturaux classiques de logements et de bureaux superposés. La déformation typologique par rapport à un bâtiment usuel se passe quand la rampe traverse et restructure la composition interne de l’hybride. Relation au contexte physique Appartenant aux services métropolitains autoroutiers, cet hybride possède un accès unique et direct à l’axe routier suspendu. Cette rampe, qui sort des limites parcellaires pour rejoindre un grand réseau de transport, forme aussi un auvent à l’entrée de l’immeuble. L’immeuble est détaché de ses voisins comme il est d’usage dans Tokyo. Il donne accès à sa partie bureau au niveau du trottoir directement sous la passerelle. 21007 Coupe schématique de la rampe de l’accès à l’autoroute. Domaines A - infrastructure publique B - infrastructure privée C - architecture privée D - architecture privée Les véhicules dans l’hybride ont un accès privé à une structure publique à travers une passerelle surplombant la voie publique. Ce petit morceau de route sert aussi de parking privé suspendu. Temporalités Hybridation simultanée : Les services de patrouilles sont essentiels au bon fonctionnement d’un système de transport aussi grand que l’autoroute métropolitaine de Tokyo. Il est donc nécessaire qu’ils possèdent un accès direct et rapide à la route surélevée. Cet organe de régulation s’est très probablement formé en parallèle du système d’autoroute à Roppongi. Usage simultané : 21008 Vue du bâtiment depuis le nord LES PETITS HYBRIDES 85 21009 Vue de la passerelle d’accès depuis le nord. 21010 Vue du début de la rampe d’accès depuis le trottoir sous la passerelle. Étant un élément essentiel du fonctionnement du système autoroutier, cet hybride fonctionne donc probablement en permanence comme la route surélevée. La présence de logements pour la patrouille ainsi que leurs bureaux, en fait un écosystème complet dédié à cette activité. Cet hybride étant un petit organe de régulation dans le vaste système de transit de Tokyo, il combine plusieurs fonctions essentielles au bon fonctionnement de la patrouille. Il met en lien les deux espèces principales utilisant l’espace urbain, les véhicules et les êtres humains. Sa situation de bâtiment implanté sur parcelle le rend structurellement indépendant de l’infrastructure suspendue. C’est son morceau d’autoroute privé qui en fait un écosystème compact relié à un réseau bien plus vaste que lui-même. 21011 Vue de la circulation verticale pour les humains depuis le nord. 86 FOUND IN TOKYO graveyard tunnel (32) (cimetière tunnel) Site : Sendagaya, Shibuya-ku Programmes : cimetière, tunnel routier, route Catégorie : Structure : Usage : 23201 OFF ON OFF LES PETITS HYBRIDES 87 23202 23203 23204 88 FOUND IN TOKYO 23205 Vue depuis le carrefour ouest. Cet hybride est la rencontre d’une ligne et d’une surface. Dans le quartier de Sendagaya, à l’ouest du palais de l’empereur, un axe routier important traverse un monticule sur lequel est perché un temple bouddhiste et son cimetière. Le tunnel routier traverse en plein cimetière. Cet événement urbain a été surnommé tunnel fantôme34. Genre d’hybride Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes : A infrastructure de transit - route à quatre voies B sol construit - cimetière bouddhiste Forme Cet hybride est composé de deux programmes de surfaces utilisées en volume par des espèces différentes. Il s’agit d’une simple superposition. Aucune des deux parties n’entretien relation avec l’autre. Le cimetière n’est pas visible depuis la route, le contraire est aussi valable. Seule la structure du tunnel est partagée. Elle remplace le morceau de colline enlevé par le passage de la route. Ils n’ont pas d’autre relation directe. Même l’accès au cimetière est clairement séparé de la route (figure 23207). Échelles LES PETITS HYBRIDES 89 23206 Côté ouest du tunnel. A - échelle urbaine La route, comme les infrastructures importantes, fait partie d’un réseau de transport de très grande échelle. B - échelle humaine Le cimetière appartient au petit temple aménagé sur la colline nontraversée par la route, le cimetière est un espace en général renfermé sur lui-même pour permettre aux vivants de s’y recueillir. Relation au contexte typologique Les deux parties sont issues de catégories dont les codes et les apparences sont relativement fixées. D’un côté, la route est un travail d’ingénierie civile très réglementé pour gérer le trafic et sa sécurité. De l’autre côté les traditions bouddhistes structurent le temple et son cimetière, ainsi que l’atmosphère sacrée qui doit y régner. Relation au contexte physique La route, comme la plupart des infrastructures, remplit son rôle sans se soucier du contexte urbain, en traversant les obstacles sur son chemin, telles les collines. Le cimetière placé sur le tunnel possède des parois opaques suffisamment élevées pour isoler le cimetière du contexte de la route. Seuls les bâtiment alentours dépassent et permettent de placer 90 FOUND IN TOKYO 23207 Côté est du tunnel et escalier d’accès à l’entrée du temple sur la droite. visuellement le cimetière en milieu urbain (figures 23210 et 23211). Seule la végétation, venant du cimetière par-dessus les murets, est un indice de sa présence visible depuis la rue (figure 23206). Domaines A - infrastructure publique B - sol construit public Temporalités Hybridation séquentielle : Le temple et son cimetière ont l’air d’avoir longtemps été là. Celui-ci s’est sûrement étendu au fil du temps. La route a dû s’élargir avec l’intensification du trafic routier au cours des décennies. La rencontre des deux a été possible par le fait que le cimetière bouddhiste n’enterre pas ses morts et donc le sol n’est qu’un socle pour les stèles. La masse de terre a donc pu être enlevée pour permettre le passage des véhicules. Le temple étant toujours à cet endroit, le cimetière a continué d’occuper l’espace supérieur. Utilisation constante : Ces deux programmes étant publics, ils sont accessibles en permanence pour des usagers d’espèces différentes. Cet hybride est un autre exemple de l’utilisation de la place restreinte à Tokyo. Leur culture permet ce genre de combinaison ingénieuse de différentes catégories. Ainsi le sacré peur coexister avec le profane en partageant la même structure par nécessité. La synergie involontaire (aspects off de l’usage et de la catégorie) en fait un événement spécial dans la ville. C’est pourquoi le médium japonais Kizoku Ikeda avait déclaré ce lieu comme ayant des grandes qualités psychiques35. 23208 Coupe est-ouest schématique. 23209 Coupe nord-sud schématique. LES PETITS HYBRIDES 91 23210 Vue vers l’est, depuis le cimetière sur le tunnel. 23211 Vue vers l’est, depuis le cimetière sur le tunnel. Détail du garde-corps. 92 FOUND IN TOKYO sports bridge (66) (pont des sports) Site : Shibuya, Shibuya-ku Programmes : court de tennis, tunnel d’autoroute, autoroute Catégorie : Structure : Usage : 26601 OFF ON OFF LES PETITS HYBRIDES 93 26602 26603 26604 94 FOUND IN TOKYO Cet hybride se trouve dans le quartier de Shibuya, à l’est du palais impérial. Il fait partie d’un grand campus universitaire, et comme l’exemple précédent (graveyard tunnel), il montre l’utilisation de l’espace libre au-dessus de l’infrastructure. Genre d’hybride Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes : A infrastructure de transit - autoroute B structure sportive - courts de tennis Forme Cet hybride est de nouveau un exemple de superposition sur la voie publique. La largeur de l’infrastructure routière en-dessous permet l’aménagement de 5 terrains de tennis dans toute leur longueur. Les deux parties ne sont à nouveau que reliées par la structure. Échelles A - échelle urbaine B - échelle humaine sportive Relation au contexte typologique Le tunnel autoroutier est de type classique sans autre particularité que de procurer une surface exploitable pour les terrains de sports. Les courts de tennis se placent dans la continuité des installations sportives du campus. Comme les dimensions des terrains sont réglementées par le sport, c’est leur disposition sur le pont qui permet l’apparition d’espaces résiduels utilisés pour traverser d’un 26605 Vue depuis le côté est. LES PETITS HYBRIDES 95 26606 Vue depuis le côté ouest. 26607 Coupe nord-sud schématique. côté à l’autre et pour accèder aux courts. Relation au contexte physique Ce tunnel se trouve à l’endroit où l’autoroute passe de souterrain à aérien. Il permet la transition d’un milieu à l’autre. De même la surface supérieure du pont permet le passage d’un côté du campus à l’autre, en plus d’être assez large pour accueillir des structures sportives. Des grandes parois coupent les vues depuis les terrains. Ceux-ci ne voient que le ciel et les immeubles alentours. Ces même parois empêchent les automobilistes de voir les passants et les sportifs. Domaines A - infrastructure publique B - structures sportives et passages privés Temporalités Hybridation séquentielle : Les deux catégories des parties n’ont pas de lien traditionnel. Il est donc fort peu probable que la planification routière ait prévu les terrains de sports. Il s’agit d’une hybridation par la suite, venant de l’université et ses aménagements extérieurs. Utilisation à la fois intermittente et constante : L’infrastructure publique est ouverte en permanence. En revanche les structures sportives ne sont accessibles qu’aux étudiants pendant les heures d’ouvertures et quand la météo le permet. Les passages traversant eux sont ouverts en permanence, seulement aux étudiants. C’est un hybride aux temporalités différentes. Un autre exemple d’exploitation de l’espace au-dessus de l’infrastructure, cette fois-ci pour une utilisation privée. Mais son emplacement au croisement de deux systèmes rend cet hybride spécial. 26608 Vue trottoir pour piéton dans le pont. 96 FOUND IN TOKYO apartment station (39) (gare-appartements) Site : Koya, Matsudo-shi Programmes : arrêt de train, appartements, garage pour taxi Catégorie : Structure : Usage : 23901 OFF ON OFF LES PETITS HYBRIDES 97 23902 23903 23904 98 FOUND IN TOKYO 23905 Vue sur la façade est. Cet hybride se trouve à la limite nord-est du Grand Tokyo dans la préfecture de Matsudo. Il est glissé entre la ligne de chemin de fer privée Nagareyama et la rivière Saka. Genre d’hybride Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes : A infrastructure de transit - arrêt de train B architecture - immeuble d’appartements C infrastructure de stationnement - garage de taxis Forme De nouveau la technique de la superposition est utilisée. L’arrêt de train et le garage cohabitent sur le même plan. Par-dessus les appartements sont empilés. Le premier balcon des logements correspond métaphoriquement à l’auvent de la station ferroviaire. Les rails et la rivière contraignent la largeur de l’hybride. La troisième contrainte vient de la ligne de train Musashino surélevée qui croise les autres lignes. Échelles A - échelle urbaine, humaine 23906 Vue sur le train à l’arrêt Koya depuis l’est. LES PETITS HYBRIDES 99 23907 Vue depuis les rails de la ligne Nagareyama. La station de train est en relation directe avec le réseau ferroviaire à grande échelle, mais est conçue pour l’attente de passagers humains, donc est à leur échelle. Elle a pratiquement la même hauteur qu’un étage d’appartement. B - échelle locale, humaine L’immeuble n’est pas particulièrement plus haut que les constructions alentours. Il est certainement plus fin. C - échelle automobile L’entrée du garage est petite et discrète, juste ce qu’il faut pour les véhicules. Relation au contexte typologique La station de train, comme la plupart des arrêts sont très élongés, car ils correspondent au moyen de transport ayant une forme très allongée. Ici c’est un petit arrêt local sur une ligne de banlieue, la plate-forme n’est pas aussi grande que le sont celles de gares centrales comme Shibuya ou Shinjuku. C’est une version réduite qui correspond à la magnitude de la ligne et à la dimension de l’hybride. Les appartements sont disposés le long de coursives accessibles par un ascenseur ou des escaliers de secours collés à l’angle du bâtiment. Les logements sont petits comme la majorité de ceux de Tokyo. Mais à cause de la forme du bâtiment ils sont contraints à être disposés en série horizontalement, plutôt que verticalement, comme c’est le cas avec des immeubles sur une petite parcelle. 23908 Passage longeant la rivière permettant d’accéder à l’entrée des habitants. 100 FOUND IN TOKYO 23909 Entrée garage des taxis et début de l’escalier de secours reliant toutes les coursives distribuant les logements. 23910 L’arrêt de train Koya depuis le nord. Relation au contexte physique La station de train et le garage pour taxi, partageant le rez-dechaussée, n’entre en relation qu’avec leur réseau de transport respectif, les rails à l’est et une petite route au nord. Les logements se superposent et utilisent toute la longueur du bâtiment sur les 3 premiers étages. Puis ils se rétractent dès qu’ils arrivent au niveau de la ligne surélevée de Musashino. Ce qui aménage une sorte de terrasse en relation avec le pont ferroviaire. Domaines A - infrastructure privée ouverte au public B - logements privés C - garage privé Temporalités Hybridation simultanée : Tous les composants de ce bâtiment sont logés dans une même LES PETITS HYBRIDES 101 structure construite. Le tout a donc été réalisé d’un seul geste. L’importance de l’immobilier ayant certainement rendu la combinaison de logement et de parking avec l’installation ferroviaire. Utilisation à la fois intermittente et constante : Les logements sont, bien entendu, accessibles à toute heure de la journée et de la nuit par leurs habitants. L’arrêt de train n’est utilisé que pendant les heures de marches de la ligne ferroviaire. Le garage n’est pareillement utilisé que pour stationner les taxis quand ils ne sont pas de service. 23911 la ligne de chemin de fer Nagareyama depuis une des coursives de l’immeuble hybride. 23912 la ligne de chemin de fer Nagareyama depuis les rails, regardant direction nord. 102 FOUND IN TOKYO 23913 la ligne de chemin de fer Musashino et sa relation avec les retraits en terrasse des immeubles adjacents. 23914 Passage sous la ligne Musashino, traversant la ligne Nagareyama permettant d’accéder à la station Koya dans l’hybride. 23915 Le train à l’arrêt Koya depuis les coursives des logements. LES PETITS HYBRIDES 103 23916 L’entrée de l’arrêt Koya vue depuis le sud, sous la ligne Musashino. Cet exemple combine trois catégories très différentes dédiées à des espèces tout aussi variées. Le mince espace dégagé entre les infrastructures et la rivière a pu être utilisé efficacement pour répondre à différents besoins et différents flux urbains. De la même manière dont la station de train devient un étage public de l’immeuble, le petit chemin de béton longeant la rivière devient aussi l’accès à l’entrée principale des logements. Tous ces usages sont distincts et fonctionnent selon leur propre rythme interne (off), mais l’enveloppe et l’utilisation d’un langage constructif minimal pour réaliser toutes les parties donnent une impression d’ensemble et d’intégration à l’hybride. L’échelle de la ligne Nagareyama, petite et proche du sol, participe beaucoup au charme de ce bâtiment. Une ligne de train plus intense ne participerait pas à cette atmosphère de quartier de banlieue. 23917 et 23918 Coupes schématiques longitudinale nord-sud (gauche) et transversale est-ouest (droite). 104 FOUND IN TOKYO bridge home (51) (crèche du pont) Site : Minami-aoyama, Minato-ku Programmes : crèche, parc public, pont routier Catégorie : Structure : Usage : 25101 OFF ON OFF LES PETITS HYBRIDES 105 25102 25103 25104 106 FOUND IN TOKYO 25105 Vue depuis la partie ouest de la vallée du cimetière d’Aoyama. Cet hybride n’existe plus. C’est un bon exemple du renouvellement incessant de Tokyo. Une fois que son utilité a échu ou que les conditions de sécurités ne sont plus adéquates, on détruit. L’hybride se trouvait sous un pont routier, dans une vallée divisant le grand cimetière d’Aoyama en deux. Genre d’hybride Il s’agissait d’un hybride de catégories variées, coexistantes : A infrastructure de transit - pont routier B architecture - crèche Forme Comme pour l’electric passage et le highway department store, la tactique formelle employée était celle d’exploiter l’espace résiduel dégagé par une infrastructure suspendue. Les piliers du pont servaient de structure porteuse et spatiale aux bâtiments de la crèche. Échelles A - échelle urbaine Un pont routier appartenant au grand réseau de Tokyo. B - échelle locale, humaine L’échelle des bâtiments de l’hybride étaient aussi contraints en dimension par l’infrastructure supérieure. Ils n’exploitaient pas LES PETITS HYBRIDES 107 25106 Vue depuis l’ouest en direction de l’est de la structure du pont routier. cependant la totalité de la hauteur disponible, ce qui en faisait des bâtiments assez bas. Le bâti existant n’est pas non plus très haut, un seul dépasse la hauteur du pont. L’hybride devait donc correspondre assez bien à l’échelle locale. Relation au contexte typologique Il est difficile, en visitant le site où l’hybride existait de savoir à quel point les typologies de bâtiments étaient déformées par le cadre structurel de l’infrastructure. On peut supposer que c’était similaire aux autres exemples analysés employant les mêmes stratégies. L’Atelier Bow-Wow note dans la fiche décrivant cet hybride que les bâtiments de la crèche rappelait l’architecture du Corbusier, utilisant les piliers du pont comme pilotis. Relation au contexte physique La situation de cet hybride était idéal dans un contexte urbain dense comme Tokyo, le cimetière alentour procure un grand espace vert vallonné. Une atmosphère naturelle très rare en milieu urbain. Une partie de l’espace était d’ailleurs un petit parc pour les enfants. Aujourd’hui ces bâtiments ont été démolis et l’espace libéré sert de parking. Domaines A - infrastructure publique 108 FOUND IN TOKYO B - architecture privée Temporalités Hybridation séquentielle : Il est parfaitement clair que la construction de la crèche a succédé à celle du pont qui lui survit aujourd’hui. Ce fut une hybridation temporaire. Utilisation à la fois intermittente et constante : De part le nature publique pour l’infrastructure et privée pour la crèche les période d’usages étaient variées. L’un est en permanence accessible et l’autre n’est accessible que par les employés et les enfants pendant les heures de travail. Deux rythmes différents superposés physiquement. C’est le premier exemple visite qui n’existait plus. Cela montre que le pragmatisme qui est à l’origine de ces hybrides, peut les éliminer tout aussi vite selon les changements des besoins de la ville et de la société. LES PETITS HYBRIDES 109 25107 Vue depuis le sud à l’est du petit parc. 25108 Vue depuis le nord en direction de l’ouest de la structure du pont. 110 FOUND IN TOKYO cine-bridge (04) (pont-cinéma) Site : Ginza, Chuo-ku Programmes : passage souterrain, cinémas, bars, coiffeur, magasins Catégorie : Structure : Usage : 20401 OFF ON OFF LES PETITS HYBRIDES 111 20402 20403 20404 112 FOUND IN TOKYO 20405 Vue depuis le nord sur l’avenue Harumi Dori. Cet hybride se trouve en plein Ginza, un quartier chic, réputé pour être la zone de shopping la plus importante de Tokyo. Il se trouve à cheval sur un des axes principaux du quartier, l’avenue Harumi Dori. Autrefois cette avenue était une des nombreuses rivières découpant Ginza. Après les bombardements, celle-ci fut remblayée et le pont Miharabashi devint le Miharabashi Center, l’hybride en question36. Ce complexe commercial est aussi connu sous le nom de Cine-pathos, du nom du cinéma occupant la moitié de ses fonctions. C’est un des derniers exemples d’architecture moderne japonaise. Il fut dessiné par Kameki Tsuchiura (1897-1996)37 en 1952. Cet architecte japonais fut l’élève de Frank Lloyd Wright quand il vécu au Japon38. C’est un passage souterrain reliant deux bâtiments jumeaux de chaque côté de l’avenue. La ruelle enterrée donne accès à 3 salles de cinéma, des bars et des restaurants de chaque côté. C’est un vestige de Ginza des années 1950. Aujourd’hui, cet ensemble est destiné à la démolition car il ne respecte plus les normes para-sismiques39. Genre d’hybride Écosystème compacte de catégories variées, coexistantes : A infrastructure publique - passage souterrain B architecture - cinéma C architecture - restauration D architecture - commerces Forme LES PETITS HYBRIDES 113 20406 Vue depuis le nord sur l’avenue Harumi Dori. La ligne de métro Hibiya suit l’avenue Harumi Dori. Les deux arrêts Ginza et Higashiginza possèdent de nombreuses sorties de part et d’autre de l’avenue. D’une certaine manière cet hybride participe aussi à ce réseau de passages tout en étant indépendant du système de transit métropolitain. Ce passage souterrain est l’inverse d’un pont, passant en sous-sol. On peut voir que d’après la coupe du pont d’autrefois, on retrouve la courbe de ses arches dans le passage central (figure 20407). Cet hybride exploite l’espace sous l’infrastructure public en allant creuser sous la voie publique. Les deux bâtiments servants de portails de chaque côté du passage sont de simples blocs empilés de deux étages chacun, comportant principalement des commerces et un coiffeur. C’est comme un petit bloc urbain avec une seule ruelle centrale que l’on aurait enterré au passage de l’avenue. Échelles Tout ce petit complexe est bien plus petit que les autres constructions du quartier. Les deux structures dépassant du sol ne font que 2 étages de haut. Le reste des édifices de l’environnement immédiat comptent au moins une dizaine d’étages. Le seul point commun entre l’hybride et les autres, se trouve être la largeur de l’avenue déterminant l’alignement de tous les bâtiments. Relation au contexte typologique 20407 Coupe du pont Miharabashi avant sa destruction pendant les bombardement de Tokyo pendant la Seconde Guerre Mondiale. 114 FOUND IN TOKYO Le passage reprend l’idée du pont habité en remplaçant en sous-sol l’ancien pont d’avant-guerre. Ce genre de passages est aussi utilisé en une version plus contemporaine, dans certaines des grandes stations de métro qui deviennent à la fois des centres commerciaux et des complexes de transit. La différence de cet hybride est l’ambiance rétro, ainsi que les programmes qu’on y retrouve. Ce sont des activités qui amènent les utilisateurs à rester un certain temps dans ce monde souterrain. Cet écosystème reprend une typologie semblables aux petites ruelles que l’on retrouve dans des quartiers où les constructions sont plus basses et plus anciennes. Un morceau du vieux Tokyo. Les autres immeubles alentour sont de la famille des gratteciels, comme le reste du quartier, ils comportent des programmes de divertissement et d’achat. Ils s’organisent majoritairement verticalement. Au contraire du Miharabashi Center qui est longitudinal. Pages suivantes : 20408 (haut gauche) façade nord de l’entrée nord. 20409 (bas gauche) façade sud de l’entrée nord. 20410 (haut droite) façade sud de l’entrée sud. 20411 (bas droite) façade nord de l’entrée sud. Relation au contexte physique La différence d’échelle est très visible. Le reste du paysage a beaucoup changé et grandi en cinquante ans. La symétrie des deux bâtiments aux extrémités participe aussi à son aspect atypique. Le reste de la substance construite étant composée de bâtiment très variés, tous unique en taille, dimension et style. Étant l’oeuvre d’un architecte moderne, il n’est pas étonnant que ce complexe ait marqué sa place avec plus de force sur la trame urbaine locale que les autres hybrides étudiés. En effet les deux bâtiments jumeaux, formant des parenthèses autour de la rue centrale détournent la rue perpendiculaire. L’arrière arrondi des deux entrées, divise cette rue et la fait passer de chaque côté, comme un cours d’eau, et par-dessous dans le passage souterrain. Il créé des remous dans les flux urbains. La rue porte la trace d’un événement spécial, mais ce n’est qu’en descendant que l’on découvre ce monde à part. Domaines A - infrastructure publique B - architecture privée ouverte au public à but lucratif C - architecture privée ouverte au public à but lucratif D - architecture privée ouverte au public à but lucratif Temporalités Hybridation simultanée : Le bâtiment on le sait, a été planifié d’un seul geste par l’architecte Tsuchiura. Donc l’hybride est un système complet réalisé en une fois. Les propriétaires ont peut-être changé au fil du temps, mais l’hybridation est toujours la même et fonctionne comme à l’origine. Utilisations temporaires et à la fois constantes : Le passage public, sert constamment à traverser la rue. Les commerces, les lieux de restaurations et le cinéma ont leur propre rythme. C’est une petite rue commerçante cachée en sous-sol. Cet hybride est un exemple vraiment spécial avec beaucoup d’histoire. 20412 Coupe schématique transversale. LES PETITS HYBRIDES 115 20413 Ruelle souterraine. Cinémas à droite. Bars à saké à gauche. C’est le deuxième passage souterrain encore existant, le plus vieux du Japon40. Il est l’exemple d’un petit morceau de ville, d’une autre époque, préservé dans un lieu isolé par le changement de niveau du reste de la ville. Le cinéma Pathos qui occupe la moitié de l’espace souterrain est un cinéma connu à Tokyo pour être spécialisé dans les films d’art et de films hollywoodien datant du début du XXe siècle. Cet hybridation est intéressante dans son utilisation du concept de passage souterrain, une technique beaucoup utilisée par le métro de Tokyo. Sa particularité est d’en faire un espace public unique et non simplement d’être un lieu de passage efficace. C’est le dernier exemple de cette série d’architecture da-me interrogeant la infrastructure routière et ferroviaire directement. 20414 Entrée d’un bar. 20415 Entrée d’un bar. 20416 Entrée de la salle cinéma 1. 20417 Coupe schématique dans l’axe du passage. 116 FOUND IN TOKYO LES PETITS HYBRIDES 117 118 FOUND IN TOKYO LES PETITS HYBRIDES 119 Hybrides da-me, partie 2 Hybrides interagissant avec des dérivés de l’infrastructure. 120 FOUND IN TOKYO park on park (12) (parc sur parking) Site : Shibuya jingumae, Shibuya-ku Programmes : parc publique, parking Catégorie : Structure : Usage : 21201 OFF ON OFF LES PETITS HYBRIDES 121 21202 21203 21204 122 FOUND IN TOKYO Cet hybride se trouve tout près de la gare centrale de Shibuya, un des cœurs du système de transit de Tokyo. Il s’agit d’un parc public servant de toiture à un parking. Ce parc, nommé Miyashita, a été créé en 1948 par la municipalité entre la Ligne Yamanote provenant de la gare de Shibuya et l’avenue Meiji Dori. En 1960, avec l’essor économique et la prolifération des voitures, le parc fut surélevé et l’espace ainsi dégagé fut transformé en parking couvert. Dans les années 1990, au moment où l’Atelier Bow-Wow s’y intéresse, ce parc était perçu par la population un peu comme une cicatrice dans le paysage urbain. Il s’agit essentiellement d’un terrain sauvage peuplé par des sans abris. Voilà l’hybride tel qu’il a été relevé dans Made in Tokyo. Autour de 2008, des plans ont été dressés pour rénover ce parc. C’est d’ailleurs l’Atelier Bow-Wow qui a reçu le mandat. Il y a eu toute une controverse autour de ce projet. Il fut financé par l’entreprise Nike. Cela amena beaucoup de protestations. Le projet était de nettoyer le parc et d’installer toutes sortes de structures sportives qui pourraient être louées par les usagers. Une partie de la population locale protesta que le parc était vendu au consumérisme et qu’il ne deviendrait qu’un lieu de consommation et non plus un espace public accessible par tous. Lors de la visite de cet hybride en 2012, le projet était terminé et le parc, ainsi que le parking, était utilisés. Le projet avait l’air d’avoir réussi, car il semblait plein de vie. La plus grosse protestation fut contre le changement du nom pour y inclure le nom de l’entreprise Nike. Ce fut abandonné après un compromis avec les manifestants41. Genre d’hybride Écosystème compact de catégories variées, coexistantes A sol construit - parc public B structures sportives - installations Nike C infrastructure de stationnement - parking couvert D infrastructure piétonne - passerelles Forme La première tactique formelle employée est la superposition. C’est le principe mis en place dans les années 1960. On dédouble la surface de la parcelle pour y gagner la place d’y mettre un parking. La deuxième tactique est celle de connecter le parc, à travers des passerelles, escaliers et un ascenseur, aux divers surfaces piétonnes dans ce croisement routier important. La troisième tactique, apparue au moment de la rénovation, est l’exploitation de la surface supérieure du parc pour y installer des structures sportives pour diversifier et dynamiser l’aménagement du parc. Échelles A - échelle locale, humaine Le parc placé sur l’espace résiduel entre une route et des chemins de LES PETITS HYBRIDES 123 fers, correspond bien à la morphologie d’espaces que l’on retrouve souvent dans Tokyo. Il opère malgré tout une rupture d’échelle entre son plateau longitudinal, sa végétation et ses installations sportives et les bâtiments très hauts et minces de ce quartier d’affaire autour de la gare. B - échelle humaine Les structures sportives ajoutées par la suite, sont de petites tailles car le plan très élancé du parc ne permet pas d’occuper des surfaces très larges. Ces installations sont à l’échelle du parc. On y retrouve des programmes faciles à compacter, comme un mur de grimpe ou skatepark. C - Le parc a beau être étroit au sens paysager et urbain du terme, il reste que le parking est relativement profond à l’échelle d’une voiture. Il ne possède qu’une voie centrale et donc les employés du parking doivent garer les voitures en file indienne pour parquer efficacement les véhicules. D - échelle urbaine, humaine Ce genre de passerelles piétonnes urbaines permettant de traverser de grands axes routiers sont très courant des les villes asiatiques comme Tokyo. Elles correspondent à l’échelle de l’infrastructure locale. Relation au contexte typologique Ses dimensions déforment la notion classique des parcs qui sont souvent de dimensions plus équilibrées. Ils sont aussi généralement bien plus grands. Ce parc est symptomatique d’un contexte urbain très dense où le moindre espace peut être exploité pour pratiquement n’importe quel usage. La typologie du parking s’est adaptée étrangement aux dimensions de sa couverture, comme noté précédemment dans la partie échelle. Les places de parc ne sont pas individuelles, se sont des longues rangées de véhicules que le personnel du parking doit gérer. Les installations sportives se sont aussi adaptées aux contraintes d’un parc en forme de mince ruban. Les programmes sont soit miniaturisés (futsal*) ou sont par nature déformables (skateboard). Relation au contexte physique Malgré toute sa végétation, impressionnante si l’on considère que le tout est surélevé, l’usager du parc est relativement isolé du contexte urbain. Seul le haut des bâtiments alentours rappelle sa situation urbaine. Les installations sportives, comme la végétation n’interagissent qu’avec l’espace public du parc et ne regardent pas le contexte urbain. Les passerelles en revanche connectent le parc aux endroits clés du contexte, enjambant les grands axes routiers. Une passerelle plus large connecte aussi les deux parties du parc, celui-ci étant traversé par une route. Cet hybride est à la fois introverti et extraverti sur le carrefour urbain. * Futsal : variante de football en salle. Dans le cas présent, il s’agit d’un terrain de football réduit avec un sol artificiel dur. 124 FOUND IN TOKYO Domaines A - surface publique B - installations privées en location pour le public à but lucratif C - parking privé ouvert au public à but lucratif D - infrastructures piétonnes publiques Temporalités Hybridation séquentielle : Comme on peut le constater en regardant l’histoire de ce parc, l’hybridation fut successive. D’abord ce fut un simple champs aménagé comme parc. Ensuite il fut surélevé pour y amener une seconde espèce cohabitant avec les usagers du parc. Et enfin, des installations sportives sont venues intensifier l’utilisation de l’espace du parc dans ses trois dimensions. Utilisation à la fois intermittente et constante : Le parc et les installations sportives sont ouvertes la majeure partie de la journée. Le parc en revanche est constamment en service. Les deux couches de l’hybride ont des rythmes de vie différents. Ce parc hybride a l’histoire mouvementée est passé d’un stade de monde à part peuplé par les victimes de l’éclatement de la bulle économique vivant dans la rue à un stade de parc public dynamique très en harmonie avec son environnement énergique qu’est Shibuya. Il conserve heureusement un peu de son isolement et de son atmosphère d’île dans la ville perchée sur un parking. Seule la structure est partagée activement dans cet hybride. Pourtant, cet hybride est un bon exemple d’écosystème compact qui s’est adapté à la réalité économique de son quartier et s’est transformé tout en renforçant ses qualités d’hybride. 21205 Coupe schématique. transversale est-ouest LES PETITS HYBRIDES 125 21206 Plan d’orientation du parc. 21207 Vue du carrefour central depuis passerelle piétonne. 126 FOUND IN TOKYO 21208 Vue depuis passerelle piétonne de de l’entrée sud du parking. 21209 Passerelle centrale reliant les deux parties du parc. LES PETITS HYBRIDES 127 21210 Vue depuis passerelle piétonne d’un terrain de futsal. 21211 Espace public et installation privatisée. 128 FOUND IN TOKYO 21212 Installation de skateboard. 21213 Croisement de la route divisant le parc et de la passerelle centrale. 21214 Passerelle piétonne nord. LES PETITS HYBRIDES 129 21215 Voie centrale du parking couvert. 21216 Parking par service de voiturier. Longues rangées de véhicules. 21217 Passerelle piétonne nord. 130 FOUND IN TOKYO 21218 Accès piéton ouest depuis la route divisant le parc. 21219 Vue sur l’environnement urbain depuis la partie nord du parc. LES PETITS HYBRIDES 131 21220 Vue de l’espace public, partie nord du parc. 21221 Vue direction sud depuis la passerelle centrale. 132 FOUND IN TOKYO 21222 Mur de grimpe. 21223 Local principal pour la location du matériel sportif. 21224 Passerelle piétonne atterrissant de l’autre côté de Meiji Dori. LES PETITS HYBRIDES 133 21225 Ascenseur du parc. 21226 Logements des sans-abris ont été déplacés le long du parking sous l’escalier principal. 134 FOUND IN TOKYO bus housing (13) (logement-bus) Site : Higashi, Shibuya-ku Programmes : terminal de bus, appartements Catégorie : Structure : Usage : 21301 ON ON OFF LES PETITS HYBRIDES 135 21302 21303 21304 136 FOUND IN TOKYO Cet hybride au sud de Shibuya est une immense barre de logement partageant sa parcelle avec un terminal de bus. Genre d’hybride Il s’agit d’une hybridation de catégories similaires, coexistantes : A infrastructure d’entretien et de stationnement - terminal de bus B architecture - barre d’appartements Forme Cet hybride revient au schéma déjà vu précédemment comme dans le cas de l’apartment station. Il s’agit d’une simple superposition. Les deux composants ont des formes de base très différentes. Les bus évoluent sur une grande surface plate, les habitants sont empilés verticalement dans l’immeuble. Le terminal de bus est une grande surface équipée de plusieurs service permettant l’entretien des bus. L’élément décisif, faisant le lien entre les deux composants de l’hybride, se trouve dans le parking couvert formé par l’immeuble de logement. Il s’agit en somme du logement des bus. Comme les appartements sont des habitations pour êtres humains. Cette structure accueillant les bus au rez-de-chaussée est dimensionnée pour deux bus par travée. Cette même trame régule les divisions d’appartements. Il y en a aussi deux pas travée. La structure est partagée pour la même catégorie d’usage mais pas pour la même espèce d’usagers. Échelles A - échelle urbaine Il s’agit d’un terminal d’un réseau de bus de Tokyo. On peut supposer à juste titre qu’il dessert une large zone. Ainsi la surface dédiée à cette activité n’est pas démesurée si on la regarde sous cet angle-là. En revanche en la comparant au tissu urbain local, c’est une grande surface dégagée ce qui en fait une place monumentale sans en être une. B - échelle urbaine La barre de logement est dimensionnée par le terminal de bus, donc elle est aussi très haute et longue. Comme une grande surface est dégagée, la distance d’hygiène avec l’existant est large, donc le bâtiment peut s’élever très haut. Il dépasse donc l’échelle locale. Relation au contexte typologique La partie de logement possède la même minceur que n’importe quel bâtiment de logement l’entourant. Seulement cette typologie de petit appartement est répétée sur une longue distance. Il s’agit presque d’un bloc moderniste sur un fond de petits bâtiments dépareillés. Le reste de l’espace est complètement dimensionné pour les bus, une espèce relativement rare à Tokyo si on compare les autres formes de transport public, les piétons et les voitures. Comme il s’agit du terminal, cela veut dire qu’il n’y a pas d’autres zones de rassemblement de bus dans les parages. Il s’agit d’une typologie unique à cet endroit-là. 21305 Vue de l’immeuble depuis le sud. 21305 Vue de la circulation verticale des logements. LES PETITS HYBRIDES 137 Relation au contexte physique Le terminal de bus forme une sorte de lac artificiel séparant la barre de logement du reste du contexte. Il est d’ailleurs longé sur un des côté par la rivière Shibuya, nécessitant une passerelle pour rejoindre l’axe routier passant sur le côté ouest du bâtiment. De même un petit chemin au nord du bâtiment permet d’accéder au bloc de circulation verticale desservant les logements. Le programme du terminal s’étale principalement en deux dimensions sur la surface qui lui est dédiée. Il s’agit d’un lieu technique pour l’entretien et le stationnement de machine, donc il n’y a aucune volonté architecturale de dialoguer avec le contexte. Un simple muret ou un grillage par endroit sépare l’espace public de la zone réservée au bus. Domaines A - infrastructure privée B - architecture privée 21306 Installations d’entretien des bus. Temporalités Hybridation simultanée : Les deux parties de l’hybride dépendent et sont régulées par une même structure. On peut donc conclure que les deux usagers ont eu une influence similaire sur l’hybridation. Utilisation intermittente : Les deux composants de cet hybride sont des formes de logement pour deux espèces différentes cohabitant en milieu urbain. Les horaires d’utilisation sont relativement similaires. Les gens rentrent chez eux plus ou moins en même temps que les bus terminent leur service et rentrent au terminal. Cet hybride combine des usagers d’espèce différentes qui s’influencent mutuellement. Au contraire de l’exemple de l’electric passage où la structure du pont ferroviaire dictait les dimensions des commerces en-dessous, ici il s’agit du programme du niveau inférieur qui dicte la croissance de la structure. De même il s’agit des dimensions d’un véhicule et non d’une infrastructure de transit sur laquelle circule d’autres moyens de transports. 21307 Coupe schématique. transversale est-ouest 138 FOUND IN TOKYO 21308 Vue de l’hybride depuis la ruelle derrière les chemins de fer suspendus de la ligne Toyoko. 21309 Entrée de l’immeuble au nord pour les habitants. LES PETITS HYBRIDES 139 21310 Vue de l’hybride depuis le nord. 21310 Vue depuis l’entrée nord du terminal de bus. 140 FOUND IN TOKYO 21311 Vue de la façade nord de l’immeuble. 21312 Vue de la passerelle des bus traversant la rivière Shibuya à l’est du bâtiment. 21313 Passage reliant la passerelle avec la zone d’entretien des bus. LES PETITS HYBRIDES 141 21314 Logement des bus sous les appartements. 21315 Zone d’entretien des bus avec parking couvert et non-protégé. 142 FOUND IN TOKYO golf taxi building (14) (bâtiment golf taxi) Site : Meguro, Meguro-ku Programmes : structure d’entrainement au golf, bureau des taxis, garage d’entretien des taxis, parking pour taxis Catégorie : Structure : Usage : 21401 OFF ON OFF LES PETITS HYBRIDES 143 21402 21403 21404 144 FOUND IN TOKYO Cet hybride se trouve sur le bord de la rivière Meguro dans le district de Meguro, à l’est du palais impérial. Beaucoup d’installations sportives à Tokyo sont contenues par des filets de couleur verte. Il s’agit d’une protection nécessaire de l’espace urbain contre les balles perdues. Quand on regarde le tissu urbain, on peu repérer ces volumes sportifs sur la ligne d’horizon de la ville. Cet hybride utilise ce genre de volume et en fait un événement au bord de la rivière. Genre d’hybride Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes : A volume sportif - filet pour balles B structure sportive - stand de golf C architecture pour véhicules - garage pour taxi D infrastructure de stationnement - parking pour taxi Forme Cet hybride utilise deux tactiques formelles : superposition et juxtaposition horizontale. La plus grande moitié de l’hybride est dédié aux véhicules au niveau inférieur et aux balles de golf au niveau supérieur. L’autre partie, plus fine, permet au niveau inférieur aux employés de travailler à l’entretien des taxis et à l’étage supérieur aux sportifs de s’entraîner au golf. La présence des êtres humains n’est possible que dans la petite partie. L’autre est réservée aux deux autres espèces utilisant l’hybride. Le parking pour taxi est lui-même superposé en deux couches de structures en acier pour accueillir plus de véhicules de la compagnie. La catégorie sportive se base en général d’une part sur une surface, avec des marquages, sur laquelle les sportifs se déplacent, et d’autre part sur un volume délimité dans l’espace dans lequel évoluent les différents accessoires employés dans le sport pratiqué. Dans le cas de cet hybride, le filet vert est la projection de l’espace des tirs des golfeurs. Cette forme délimite des trajectoires possible en les arrêtant avant qu’elles ne sortent de la parcelle. La pente du filet permet aussi de récupérer les balles revenant en roulant vers la galerie où se trouvent les sportifs. Échelles La composition des différentes parties forme un carré parfait en plan, se pliant légèrement pour suivre la courbe de la route. Pour la surface qu’elle occupe elle n’est pas très haute. Tout de même le gigantesque filet vert dépassant de la rangée d’arbre est un élément non négligeable dans le paysage au long de la rivière. Faisant face à un grand vide dans l’espace urbain, la forme de l’hybride s’évase avec le filet pour accommoder les tirs des golfeurs. C’est relativement sans conséquence directe pour son implantation dans le contexte, car il n’est pas bordé de ce côté là par des constructions. 21405 Vue depuis le chemin longeant la rivière, bordé d’un côté par une rangée d’arbre et de l’autre par le parking pour taxis. 21406 L’entrée à l’étage supérieur. LES PETITS HYBRIDES 145 Le front bâti sur la route au nord du bâtiment est de même niveau que les habitations auquel il fait face. De cette façon le bâtiment est ancré à l’échelle du tissu urbain. Relation au contexte typologique Dans ces environs, on retrouve un nombre assez élevé de structures sportives aériennes. En général elles emballent le volume au-dessus de terrains de sports. Dans le cas présent, le volume d’air délimité par le filet n’est présent que pour récolter les balles de golf tirées depuis la galerie d’entraînement au-dessus du garage. C’est un espace virtuel, habité par les balles uniquement. La proportion d’espace dédié aux humains est très réduite par rapport à un bâtiment classique avec les même programmes. La structure en métal du parking ainsi que les locaux du garage en béton, ne sont pas des typologies rares. Cependant la structure est relativement étendue. Généralement il s’agit de structures de stationnement glissées entre deux bâtiments ou un autre espace résiduel de la même famille. Dans le cas présent cette infrastructure forme la base de l’hybride. 21407 Coupe est-ouest schématique. Relation au contexte physique Le tissu urbain de ce quartier est assez aéré si on le compare avec une zone plus proche du centre. Il s’y trouve en effet plusieurs parcs et établissements scolaires. Ces grandes structures ont tendance à distancer un peu le volume bâti, habituellement fragmenté en une multitude de petites constructions serrées. Du coup le volume de l’hybride émergent au-dessus du niveau bâti ne se confronte pas avec beaucoup de solide. Sachant que cet ensemble est en grande partie fait de vide mis en cage, il aurait été intéressant de la mettre plus en relation avec des structures en dur. Domaines A - volume inaccessible B - structure sportive privée ouverte au public à but lucratif C - architecture privée D - infrastructure privée Temporalités Hybridation simultanée : Les structures des différentes parties sont toutes aussi différentes que leur fonction. Chacune des moitiés horizontales de l’ensemble partagent une même structure. En béton pour la partie humaine et en acier pour l’autre partie. Il est donc probable que le tout ait été réalisé d’un seul tenant. Utilisation intermittente : Étant un hybride composé de parties privées, les plages horaires de fonctionnement définissent le rythme de vie de l’ensemble. Sachant qu’il est partagé entre deux activités sans rapport, les rythmes sont probablement déphasés. 21408 Entrée des compagnie de taxi. bureaux de la 146 FOUND IN TOKYO Le soir le filet est illuminé. Il devient alors un volume vert flottant audessus de l’eau. Son irréalité est encore accentuée pendant la nuit. Cet hybride est un patchwork de structures dédiées à des usagers de nature très différentes. Il est partagés en deux activités, elles-mêmes scindées en deux. Cet ensemble montre la cohabitation possible d’espèces variées sans notion de hiérarchie. Chacun occupe la place la plus sensée pour sa nature. La légèreté du tout en fait un objet spécial au bord de la rivière. 21409 Vue de l’hybride depuis l’autre rive. 21410 Vue de l’hybride depuis la rue passant à l’est du bâtiment. LES PETITS HYBRIDES 147 21411 Vue de l’hybride depuis la rue passant à l’est du bâtiment. 21412 Vue de l’entrée du garage pour taxis. 148 FOUND IN TOKYO 21413 Vue du parking depuis le bord de la rivière Meguro. 21414 Parking pour taxis vus depuis le sud. LES PETITS HYBRIDES 149 21415 Vue de la galerie d’entraînement sur les taxis garés. 21416 Vue en direction du nord de la rivière Meguro. 150 FOUND IN TOKYO car tower (16) (tour de voitures) Site : Higashi-oi, Shinagawa-ku Programmes : showroom, bureaux, ateliers, parking, garage Catégorie : Structure : Usage : 21601 OFF ON ON LES PETITS HYBRIDES 151 21602 21603 21604 152 FOUND IN TOKYO Cet hybride est à Shinagawa en bordure de la zone industrielle sur des polders donnant sur la baie de Tokyo. C’est une zone encore principalement composée d’immeubles résidentiels. Plus au sud, les véhicules lourds se multiplient avec la prolifération des programmes industriels. Ce bâtiment hybride est déjà un signe avant-coureur de l’ingéniosité industrielle employée par l’industrie locale pour densifier l’accès, le stockage et le travail des camions. Dans le cas présent il ne s’agit encore que d’un garage concessionnaire d’automobiles pour la marque Nissan. Son langage architectural rappelle beaucoup la construction pragmatique industrielle. Genre d’hybride Écosystème d’activités de catégories différentes, mais d’usages complémentaires, dans un même emballage : A architecture - salle d’exposition B architecture - bureaux C architecture infrastructurale - atelier de réparation D infrastructure de stationnement - garage Forme Ce bâtiment est composé en deux parties accolées. La partie officielle, contenant les bureaux et la salle d’exposition des voitures à vendre, se trouve au bord de la rue Wangan. C’est un petit volume plein de fenêtres où les humains et les voitures cohabitent. La deuxième partie est le plus gros volume du bâtiment. Il s’agit des fonctions de réparation, entretien et stockage des véhicules. Ces différentes activités toutes au service de la voiture sont empilées les unes sur les autres. La particularité de ce bâtiment est d’avoir choisi d’utiliser un outil de l’infrastructure, la route, comme circulation verticale. En effet un morceau de chaussée s’envole et s’enroule autour du plus gros volume. Ainsi les véhicules ont leur propre rampe d’accès donnant à chaque étage. La déformation de cette infrastructure autour d’un volume cubique a forcé la rampe à tourner à angle droit à la fin de chaque façade. Pour que ce ne soit pas un problème pour les voitures, des miroirs sont présents à chaque angle (figure 21605). Cette circulation est aussi proche de la famille de l’escalier que de celle de la route. Les surfaces horizontales libres, telles que la toiture du volume dédié aux véhicules et la toiture des bureaux, étant reliés à la rampe, servent de parking à ciel ouvert. Échelles A et B - ces deux fonctions contenues dans le petit volume donnant sur la route principale, est à l’échelle humaine. Il est passablement plus bas que les immeubles alentours. LES PETITS HYBRIDES 153 C et D - la tour pour voiture, comme le nomme l’Atelier Bow-Wow, utilise toute la hauteur autorisée par le quartier. Il abrite ses fonctions dédiées aux voitures dans le volume maximal possible. Son échelle est en accord avec les immeubles adjacents. Seule la rampe en spirale l’entourant le dénote. Relation au contexte typologique Cet hybride se trouve dans une partie du district de Shinagawa où l’on retrouve encore beaucoup de bâtiments résidentiels. Il opère un renversement des proportions entre les deux espèces principales d’un bâtiment urbain. Dans le cas présent, les véhicules sont considérablement plus nombreux que les êtres humains. C’est probablement diamétralement l’inverse des proportions d’un immeuble de logement. La typologie de la route est déformée pour devenir une circulation verticale réservée aux véhicules autour du bâtiment. Relation au contexte physique Le petit volume se déforme avec l’axe de la route. La salle d’exposition s’ouvre directement sur l’espace public pour y attirer des clients. La chaussée permettant de circuler autour du bloc réservé aux voitures est clos par un muret, le coupant ainsi du domaine public. La spirale d’accès aux étages supérieurs agit comme un large balcon distançant le volume de la façade de l’alignement des autres volumes du contexte urbain. Domaines A - architecture privée ouverte au public à but lucratif B - architecture privée C - architecture infrastructurale privée D - infrastructure privée Temporalités Hybridation simultanée : Cette tour dédiée à la voiture, a été très probablement dessinée et réalisée en un seul geste. Le volume est clairement défini et son enveloppe est cohérente. Utilisation intermittente : Il s’agit d’une entreprise privée, donc le rythme de vie de cet hybride est dicté par les heures de travail. Comme tout le bâtiment et ses différents usages sont tous concentrés sur un travail commun, les rythmes internes sont tous synchronisés. Cet exemple est le premier cas de la visite manipulant franchement le langage de l’infrastructure à des fins privés. Généralement les parkings superposés au Japon utilisent des ascenseurs à voiture, mais on peut supposer dans ce cas-là que la rampe ne devait pas compter dans la surface d’occupation du sol et donc permettait de maximiser le volume de la tour. 154 FOUND IN TOKYO Cela génère un événement particulier dans l’espace urbain quand une autre espèce (les voitures) habitent un volume leur étant dédié au même niveau que les autres immeubles dédiés aux êtres humains en utilisant des techniques de l’infrastructure pour arriver à une architecture basée sur le véhicule. 21605 Miroirs pour virages de la rampe. 21606 Vue depuis le nord dans la ruelle à l’arrière du bâtiment. LES PETITS HYBRIDES 155 21607 Vue depuis le sud dans la ruelle à l’arrière du bâtiment. 21608 Coupe est-ouest schématique. 156 FOUND IN TOKYO 21609 Vue de la façade des bureaux et de la salle d’exposition depuis l’autre côté de la route principale. 21610 Circulation du côté sud autour de la tour pour voiture. LES PETITS HYBRIDES 157 21610 Vue de l’hybride depuis le sud de la rue principale. 21611 Circulation du côté nord autour de la tour pour voiture. 158 FOUND IN TOKYO double layer petrol station (28) (double station-service superposée) Site : Nishishinjuku, Shinjuku-ku Programmes : station-service, bureaux Catégorie : Structure : Usage : 22801 ON ON OFF LES PETITS HYBRIDES 159 22802 22803 22804 160 FOUND IN TOKYO Cet hybride est en plein coeur du quartier de Shinjuku, un des quartiers les plus animés de Tokyo, où siège notamment le gouvernement métropolitain. Dans cette zone, proche des tours de Kenzo Tange, les axes routiers sont très divisés. Ils sont alternativement superposés les uns sur les autres. Il y a moins de carrefours classiques et plus de ponts. C’est dans une ce des situations de superposition routière que cet hybride profite pour se greffer sur deux niveaux différents. Genre d’hybride Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes : A architecture - bureaux B infrastructure d’entretien - station-service Forme Au croisement d’un pont routier et d’une avenue, ce bâtiment superpose deux stations-service. Celle du niveau inférieur s’oriente vers l’avenue et celle du niveau supérieur donne sur la route surélevée. Le troisième niveau de superposition est occupé par les bureaux. Un programme très courant dans le quartier. 22805 Vue de l’hybride depuis le nord. Échelles La double station-service est composée de deux parties de taille modeste. La zone étant essentiellement peuplée de gratte-ciels, la plupart des programmes s’organisent verticalement. La stationservice fonctionne alors en accord avec son environnement, au lieu de s’étaler. Sachant que c’est une activité ciblée sur les véhicules, ces deux espaces n’ont pas besoin de beaucoup d’hauteur. Cela permet aux bureaux d’occuper toute la partie supérieure en atteignant la hauteur maximale autorisée du bloc dans lequel l’hybride se trouve. Relation au contexte typologique Typologiquement il s’agit d’une petite tour. L’hybride se fond donc bien dans la masse construite de son contexte. Seul le dédoublement et la superposition de la partie service du bâtiment sont une déformation de la station-service classique. Relation au contexte physique C’est justement le contexte construit qui produit cette réaction de la part de la station-service. Les deux axes routiers bordant la parcelle de la tour étant à des niveaux différents, et sa situation étant avantageuse par rapport au reste du quartier, le programme commercial de service s’est adapté. Domaines A - architecture privée B - infrastructure d’entretien privée ouverte au public à but lucratif 22806 Station-service inférieure. LES PETITS HYBRIDES 161 Temporalités Hybridation simultanée : Pour la réalisation de la double station-service et de l’immeuble de bureaux par-dessus, il a fallut un effort concerté. En effet les installations infrastructurelles nécessaires pour les garages ont du être planifiées dès le départ. On peut donc considérer que cet hybride est apparu d’un seul coup. Comme on peut le constater en comparant la photographie prise dans les années 1990 par l’Atelier Bow-Wow (figure 22803) et celles prises pendant le voyage en 2012 (figure 22806), on peut que la station a changé de propriétaire (de Nisseki à Eneos). Son fonctionnement n’a apparemment pas changé. Utilisation intermittente : Les bureaux ont leur propre plages horaires de fonctionnement. Les deux stations-service aussi. Il est cependant intéressant de remarquer que les deux stations ont des heures d’ouvertures différentes d’un étage à l’autre. Les rythmes au sein de cet hybride sont très variés, même entre les parties ayant un même usage. 22807 Station-service supérieure. Cet hybridation est moins complexe que la plupart des autres exemples. Il s’agit pourtant d’une réaction à un environnement particulier marqué par la troisième dimension. C’est un bâtiment très discret qui se conforme bien aux usages architecturaux du quartier. Pourtant il met en place une tactique simple et efficace pour exploiter les opportunités et les contraintes de son environnement. 22808 (gauche) Vue de la rue inférieure. 22809 (ci-dessous) schématique. Coupe est-ouest 162 FOUND IN TOKYO 22810 Vue depuis le côté ouest du pont routier. 22811 Vue sur la station-service supérieure depuis le côté nord de la rue supérieure LES PETITS HYBRIDES 163 22812 Vue sur la partie bureaux depuis le côté nord-ouest du pont routier. 22813 Vue sur la station-service inférieure depuis le côté ouest de la rue inférieure. 164 FOUND IN TOKYO super car school (29) (super auto-école) Site : Kanamachi, Katsusika-ku Programmes : supermarché, auto-école Catégorie : Structure : Usage : 22901 OFF ON OFF LES PETITS HYBRIDES 165 22902 22903 22904 166 FOUND IN TOKYO Cet hybride se trouve au nord-est de Tokyo dans le district de Katsushika. Se trouvant plus dans la périphérie du Grand Tokyo, la zone est moins dense. On y retrouve quelques surfaces dégagées servant de parking ou de petites zones industrielles. Ce bâtiment se retrouve le long d’une des rues principales au nord de l’arrêt Kanamachi sur la ligne Joban. Il combine une auto-école et son circuit d’entraînement, avec un vaste supermarché. Genre d’hybride Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes : A structure commerciale - supermarché B infrastructure commerciale - circuit d’auto-école 22905 Entrée du supermarché. Forme Le site de l’hybride est délimité d’un côté par la courbe d’un chemin de fer, et les rues du quartier de l’autre côté. Le bâtiment est le résultat de l’extrusion directe de la forme du site. Il se compose ensuite par couches. Deux strates de supermarché, recouvertes en toiture par le circuit de conduite et les bâtiments de l’auto-école. Échelles Autour de la gare, le tissu urbain a une atmosphère de petit village. Cet hybride par son étalement vaste oppose un front bâti continu aux multitudes de petites constructions fragmentées en face. C’est un genre de façade rare à Tokyo. L’échelle de l’hybride est en décalage avec celle du tissu urbain local. Au niveau de sa hauteur, il reste dans les normes des constructions locales. Relation au contexte typologique Typologiquement, la rupture d’échelle est aussi sensible. Le grand supermarché sur deux étages est à l’opposé des petits commerces de quartier qui lui font face. Un aspect intriguant de l’hybride est l’utilisation de la typologie et du langage de la chaussée publique sur sa toiture. En effet depuis la rue, on peut observer des lampadaires éclairant la toiture du bâtiment. C’est un morceau d’infrastructure privée utilisant les mêmes outils que l’infrastructure publique. Relation au contexte physique Ce complexe commercial s’étend sur une large parcelle, qui a du être rachetée petit bout par petit bout. On peut observer d’ailleurs dans son plan masse trois terrains qui n’ont pas pu être rachetés. Ces petits bâtiments sont maintenant encadrés par la forme de l’hybride (figure 22904). L’arrière dégagé n’est pas confronté à des constructions. Tout ce qu’on y trouve est un parking et un terrain vague. On peut y apprécier l’étendue de l’hybride. Cette façade, étant libre et visible depuis la ligne de train Joban, elle est utilisée comme surface d’affichage. 22906 Entrée technique du supermarché. 22907 Rampe d’accès au circuit de l’autoécole. LES PETITS HYBRIDES 167 Domaines A - structure commerciale privée B - infrastructure privée Temporalités Hybridation simultanée : L’infrastructure de la toiture étant assez travaillée, on peut émettre l’hypothèse que cet hybride a été réalisé d’un seul tenant. Non seulement le tracé et la présence d’éclairages routiers nous fait dire ça, mais l’installation de la rampe d’accès et les rampes d’entraînement au démarrage en côte sont des indices importants. Utilisation intermittente : Comme on peut le supposer avec la plupart des hybrides exploités pour des activités privées, son utilisation n’est pas constante et correspond à des horaires de travail usuels. Les deux programmes partageant la même structure et étant de tous les deux de catégories commerciales travaillent cependant avec des biens différents. Et donc on peut supposer que leur rythme de fonctionnement de ne sont pas synchronisés. 22908 Enseigne du supermarché autour des bureaux de l’auto-école. Il s’agit de nouveau d’un exemple complètement privé. Son utilisation de l’infrastructure se fait pour y accommoder la présence et l’utilisation de véhicules sur sa toiture dans une activité à but lucratif. Les deux parties composant l’hybride sont introverties. Le supermarché concentre le regard de ses clients sur ses produits et l’auto-école concentre le regard de ses élève sur le circuit. Les deux programmes, partageant la même structure, sont contraints dans leur dimension par l’étalement du bâtiment. 22909 Coupe schématique. transversale est-ouest 168 FOUND IN TOKYO 22910 Vue sur l’hybride depuis la rue principale venant de la gare. 22911 (gauche) Vue aérienne de l’hybride, affichée sur la façade arrière du bâtiment. 22912 Plan d’accès pour les élèves de l’auto-école. LES PETITS HYBRIDES 169 22913 Coin nord de l’hybride. 22914 Vue de l’hybride depuis l’autre côté du terrain vague à l’ouest du bâtiment. 170 FOUND IN TOKYO car parking office (55) (bureaux pour véhicules) Site : Ginza, Chuo-ku Programmes : bâtiment-parking, restaurant Catégorie : Structure : Usage : 25501 ON ON OFF LES PETITS HYBRIDES 171 25502 25503 25504 172 FOUND IN TOKYO Cette petite tour se trouve en plein Ginza non loin des grands magasins logés sous l’autoroute. Elle est placée à l’angle d’un des blocs de la grille orthogonale du quartier. Malgré son apparence, il a servi principalement de structure de parking avec des restaurants au rezde-chaussée. En Août 2012 cet hybride n’accueille plus de voitures. Les entrées du parking ont été bouché par de nouveaux restaurants et autres commerces. Les étages sont probablement désaffectés. Chose étonnante pour un quartier si attractif que Ginza. Il y a probablement des plans de rénovation ou de démolition en chemin. Genre d’hybride Il s’agit d’un hybride unitaire abritant deux usages différents dans une même structure : A architecture commerciale - restauration B architecture infrastructurelle - parking dans l’immeuble Forme La structure en béton et en acier est uniforme sur l’entier du bâtiment. Elle soutient de la même manière les étages dédiés aux véhicules que ceux dédiés aux restaurants. Fonctionnant comme un immeuble classique, il empile simplement les planchers, accueillant dans ce cas là deux usages bien différents. Échelles L’hybride se fond parfaitement dans le bloc bâti. La trame de sa façade correspond à celle de ses voisins. L’autre indice de son hybridation, à part les véhicules que l’on pourrait entr’apercevoir dans les étages supérieurs, est le cylindre de l’ascenseur à voiture dépassant de la toiture. Relation au contexte typologique Typologiquement c’est un bâtiment tout-à-fait similaire à ceux de son environnement. Ceux principalement des immeubles comptant entre 6 et 10 étages en moyenne et contenant des bureaux ou des surfaces commerciales. C’est le cas de cet hybride, sauf que la partie bureau n’est pas dédiée aux être humains, mais à leur véhicule. Relation au contexte physique Son intégration au contexte est évidente. La partie supérieure du volume du bâtiment comporte un chanfrein suivant l’angle déterminant la hauteur autorisée des bâtiments depuis la rue. La trame de la façade et ses matériaux sont urbains et dans le même registre que la majeure partie des constructions du quartier. Les restaurants sont placés sur l’angle du bâtiment, leur donnant ainsi la place la plus avantageuse pour leur activité commerciale. Domaines A - architecture privée ouverte au public à but lucratif B - architecture infrastructurale privée ouverte au public à but lucratif 25505 Vue de la partie restaurant à l’angle du bâtiment. LES PETITS HYBRIDES 173 Temporalités Hybridation simultanée : Ce bâtiment est une structure cohérente qui a été probablement construite en un seul geste. Ses deux voisins immédiats ont une structure de façade très similaire, il est fort possible qu’ils datent de la même époque, malgré le fait qu’ils appartiennent à des parcelles différentes. Utilisation à la fois intermittente et permanente : Autrefois, le parking devait être accessible en permanence. Aujourd’hui n’étant plus accessible, seuls les commerces aux étages inférieurs sont actifs. Ceux-ci continuent leurs ouverture intermittente, comme la plupart des surfaces commerciales. Les rythmes internes de cet hybrides dépendent de chaque partie et ne sont pas uniformes. Voici un hybride bien déguisé dans l’environnement très développé de Ginza. Il a l’apparence et remplit les fonctions d’un immeuble de bureaux et de commerces. La grande différence réside dans ses habitants. Les humains en bas au contact de la ville et les véhicules aux étages au même niveau que les bureaux et les commerces dans les bâtiments alentours. L’infrastructure de stationnement est traitée comme de l’architecture. Il n’y a pas de hiérarchie entre les véhicules et les gens. Dans un milieu aussi dense que Tokyo, un parking est pratiquement plus rentable qu’un immeuble de logement. C’est peutêtre l’une des raisons de l’hybridation de ce bâtiment dans un quartier tel Ginza, où les parcelles valent de l’or. 25506 Le bâtiment suit la trame des bâtiments voisins, tout en étant d’une toute autre catégorie. 25507 Coupe est-ouest schématique. 174 FOUND IN TOKYO 25508 Vue sur l’hybride depuis l’hybride du grand magasin sous l’autoroute. 25509 Façade sud-ouest. LES PETITS HYBRIDES 175 25510 Façade sur rue l’hybride. 176 FOUND IN TOKYO vegetable town (59) (ville de légumes) Site : Kitashinjuku, Shinjuku-ku Programmes : marché de légumes en gros, parking, commerces liés Catégorie : Structure : Usage : 25901 OFF ON ON LES PETITS HYBRIDES 177 25902 25903 25904 178 FOUND IN TOKYO Au nord du district de Shinjuku, au milieu d’un quartier majoritairement résidentiel, cet hybride s’étend telle une nappe de bitume. Cette structure est le dernier exemple analysé d’hybride combinant des dérivés de l’infrastructure. Il est connu sous le nom de Yodobashi, c’est un marché couvert vendant essentiellement des fruits et des légumes. Il fut fondé en 1939 par la municipalité de Tokyo. C’est le troisième plus grand marché de gros de la ville, derrière Tsukiji et Ota*. Genre d’hybride Il s’agit d’un hybride combinant des catégories différentes participant à un même usage : A structure commerciale - marché couvert B infrastructure de stationnement - parking en toiture 25905 Entrée nord-ouest. Forme Ce complexe est le résultat de la déformation de la chaussée sur ce site pour la dédoubler en formant ainsi un marché couvert par un grand parking. De nombreuses rampes relient les niveaux à différents endroits. L’ensemble est ainsi accessible par piétons et véhicules venant de toutes les directions. La structure porteuse partagée entre les niveaux est assurée par des colonnes qui accueillent aussi un système de ventilation pour éliminer les odeurs des fruits et des légumes crus. Échelles Il s’agit d’un grand marché couvert desservant une bonne partie de l’arrondissement. Sa taille est appropriée à sa fonction. Étant un des grands marchés de Tokyo, il peut accueillir beaucoup de monde pendant les périodes de marché. Sa dimension est impressionnante comparée à la petitesse des bâtiments l’entourant. Relation au contexte typologique Cet hybride fait partie d’un réseau plus large de distribution de denrées alimentaires fraîches. Il ne répond pas à une typologie locale. En revanche il a depuis le temps eu une grande influence sur les typologies environnantes. On retrouve maintenant sur la périphérie de nombreux petits magasins d’emballage et autres nécessités pour l’activité du marché. Relation au contexte physique Le marché est accessible sur chaque côté par un portail. Il est sinon entouré d’une grande paroi annulant ainsi toute interaction avec son contexte immédiat. Même le petit temple situé au nord-est du marché est à l’intérieur des murailles. Cette structure constituée de grandes surfaces de béton superposées ne s’élèvent pas beaucoup au-dessus du deuxième niveau. Il est donc peu imposant en taille. C’est son étalement et son emprise au sol qui sont hors d’échelle par rapport à son environnement. * http://www.shijou.metro.tokyo.jp/ english/market/yodobashi.html 25906 Bâtiments à l’ouest du marché. LES PETITS HYBRIDES 179 Domaines A structure commerciale privée B infrastructure privée Temporalités Hybridation simultanée : Cet hybride est le troisième grand marché aménagé à Tokyo par le gouvernement. Il a été réalisé comme un ensemble complet en une fois. À la différence des autres grands marchés situés dans des zones plus industrielles, la présence de celui-ci dans un milieu résidentiel a peut-être forcé le projet à employer des tactiques d’hybridation pour limiter son impact et maximiser la surface à disposition. Utilisation intermittente : Il s’agit d’un marché professionnel où les producteurs vendent directement leurs produits aux distributeurs et restaurateurs de Tokyo. Il fonctionne comme le fameux marché de Tsukiji, célèbre pour ses enchères de thon. Le marché de Yodobashi fonctionne donc avec des horaires particuliers comme tous les lieux d’échange et de distributions de denrées alimentaires dans Tokyo. Ce n’est pas une structure publique, mais elle ouvre ses portes lors d’un festival ouvert au public depuis octobre 201242. 25907 Magasin d’emballages au nord du marché. Ce grand marché couvert est le dernier exemple de l’architecture dame utilisant des dérivés de l’infrastructure dans son hybridation. C’est un espace fluide obtenu par la dilatation, la torsion et la superposition de la chaussée. Une infrastructure devient une structure accueillant les véhicules en toiture et les produits alimentaires et les professionnels en-dessous. 25908 Coupe est-ouest schématique. 180 FOUND IN TOKYO 25909 Face est du marché bordant la route principale. 25910 Entrée sud. 25911 (ci-contre, haut) Entrée camion est. 25912 (ci-contre, bas) Entrée camion ouest. LES PETITS HYBRIDES 181 182 FOUND IN TOKYO 25913 Ruelle longeant le marché au nord. 25914 Petit temple intégré dans l’enceinte du marché au nord-est. LES PETITS HYBRIDES 183 Hybrides da-me, partie 3 Autres hybrides interagissant avec autres catégories. 184 FOUND IN TOKYO ameyoko flying temple (33) (temple flottant d’Ameyoko) Site : Ueno, Taito-ku Programmes : temple, commerces Catégorie : Structure : Usage : 23301 ON OFF ON* LES PETITS HYBRIDES 185 23302 23303 23304 186 FOUND IN TOKYO Au sud du parc public d’Ueno, la zone d’Ameyoko est une zone de marché en plein air. Il s’agit de petites ruelles dont les deux côtés sont remplis de petits étalages. Ces ruelles se trouvent dans une zone très dense de bâtiments très rapprochés longeant les rails de la ligne Yamanote. Le temple bouddhiste Tokudaji se trouve au milieu de cette zone. Il fait partie de l’hybride. Genre d’hybride Il s’agit d’un petit écosystème urbain : A architecture religieuse - temple bouddhiste B architecture commerciale - petits commerces Forme Les deux parties sont structurellement indépendantes. Un sol artificiellement surélevé, soutenu par les commerces, sert de base pour le temple. Un escalier occupant la largeur d’un commerce mène au temple depuis la ruelle. Échelles Le temple malgré sa petite taille, reste un programme plus large que les petits étalages donnant sur la rue. Étant isolé par la surélévation on ne ressent pas un conflit d’échelle. Relation au contexte typologique Typologiquement le temple et le commerce sont très différents. Cependant il était de tradition au Japon pour la rue menant au temple d’être achalandée de petits magasins proposant toutes sortes de choses aux pèlerins. Aujourd’hui ce schéma se répète en un sens dans cet hybride. Les ruelles qu’il faut traverser depuis la gare d’Ueno pour arriver aux escaliers du temple remplissent ce rôle traditionnel. Dans cet hybridation les bannières du temples sont mélangées avec celles des commerces. Une même typologie d’affichage sert aux deux parties. Relation au contexte physique Le temple est peu visible depuis la rue. On ne le découvre vraiment qu’en se plaçant en face des escaliers. Si on lit le japonais les bannières indiquent sa présence bien avant. C’est un endroit spécial, car cet hybride est en quelque sorte un lieu de recueillement et d’isolement caché dans un contexte toujours très animé et très peuplé. D’un autre côté, le temple qualifié de « volant » par l’Atelier Bow-Wow, a en effet une relation plus directe avec le train passant sur les lignes de chemins de fer surélevés de l’autre côté de la ruelle. Domaines A - architecture publique B - architecture privée ouverte au public à but lucratif LES PETITS HYBRIDES 187 Temporalités Hybridation séquentielle : Le temple exploite un terrain artificiel formé par les commerces en-dessous. Il est difficile de savoir qui était là en premier, on peut simplement déduire que la forme de l’hybride actuel est le résultat d’un processus par étapes. Utilisation à la fois permanente et intermittente : Le marché public que sont les ruelles de ce secteur sont actives que pendant une certaine partie de la journée. Le parvis du temple depuis lequel on prie reste ouvert en permanence. L’ambiance y change donc avec le rythme et les bruits venant du bas. Cet hybride est une endroit spécial dans une zone très dense de la ville. Une sorte de petite oasis dans l’agitation du marché d’Ameyoko. Une simple superposition de catégories similaires et ayant des usages apparentés résulte en une petite écologie urbaine, héritée d’une typologie japonaise historique. 188 FOUND IN TOKYO 23305 Ruelle d’Ameyoko longeant les chemins de fer aériens à gauche et le temple à droite (vue vers le sud). 23306 Ruelle perpendiculaire menant à l’escalier du temple sur la droite (vue vers l’ouest). LES PETITS HYBRIDES 189 23306 Vue sur la superposition temple, commerces en-dessous. 190 FOUND IN TOKYO 23307 Escalier d’accès au temple. 23308 Vue sur la ruelle depuis le temple. LES PETITS HYBRIDES 191 23309 Vue sur le train depuis le temple (vue vers l’est). 23310 Le parvis du temple. 192 FOUND IN TOKYO shopping wall/mall (34) (centre commercial mur) Site : Parc d’Ueno, Taito-ku Programmes : magasins, cinéma, parc public Catégorie : Structure : Usage : 23401 OFF ON OFF LES PETITS HYBRIDES 193 23402 23403 23404 194 FOUND IN TOKYO Cet autre exemple d’hybride n’interagissant pas directement avec de l’infrastructure est en réalité un mur de soutènement habité. Il est situé entre une partie du parc d’Ueno formant une colline et l’espace public devant la station de train et de métro. L’hybride tel qu’il a été relevé par l’Atelier Bow-Wow il y a vingt ans, était une vieille structure datant des années 1950. Ce mince centre commercial a depuis été fermé. Il a depuis été rénové. Le nouveau bâtiment est composé principalement de restaurants et quelques commerces. Ces surfaces commerciales occupent trois étages hors terre, comme dans le bâtiment original, et un nouveau soussol. Son fonctionnement est similaire à l’original, mais la version contemporaine tout en verre est sûrement plus lucrative que l’ancienne structure. Genre d’hybride Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes : A architecture commerciale - magasins et restaurants B sol construit - parc public Forme Cet hybride fait partie de la structure du parc. Il retient la colline tout en procurant une extension de l’espace public sur sa toiture. La couche commerciale le long du parc procure aussi une circulation verticale sous la forme d’ascenseurs. L’espace vertical résiduel de la colline du parc est exploitée par cet hybride. Échelles Un front bâti continu sur une telle longueur pour une hauteur de bâtiment si basse est une chose rare à Tokyo. Cet hybride est vraiment la matérialisation commerciale d’un élément structurel du parc. Son échelle correspond bien à la dimension vaste du parc. Sa finesse force les restaurants et les commerces à l’intérieur à prendre une échelle plus humaine. Relation au contexte typologique L’espace public au niveau de la gare est entouré par des bâtiments commerciaux. Un peu plus au sud on retrouve les ruelles du marché en plein air d’Ameyoko. Cet hybride est l’extension de ce type de programme jusque sur les flancs du parc. C’est une zone idéale par sa situation adjacente à la gare d’Ueno. Relation au contexte physique Sa relation au contexte construit est claire. Il se trouve dos à la colline et fait face à un grand carrefour sous la gare. Il s’aligne avec les autres bâtiments dans la continuité de la limite inférieur du parc. Sa hauteur est déterminée par l’espace public du parc au-dessus. LES PETITS HYBRIDES 195 Domaines A - architecture privée ouverte au public à but lucratif B - espace public Temporalités Hybridation séquentielle : D’après la situation du bâtiment et son histoire, on peut déduire qu’il y s’agit d’une hybridation par étape. Le mur de soutènement n’a été habité par l’hybride qu’après la création du parc. Utilisation intermittente : Les espaces commerciaux sont accessibles selon les horaires fixés par les propriétaires. Le parc en revanche est ouvert en permanence. L’hybride est activité par différents rythmes tout au long de la journée. Cet hybride est un bon exemple de reconversion à l’identique d’une structure dont les tactiques avaient déjà fait leurs preuves. La plupart des autres hybrides travaillent avec des superpositions, celui-là a la particularité, à cause de sa situation topographique particulière de travailler à la fois horizontalement et verticalement. 196 FOUND IN TOKYO 23405 Vue sur l’hybride depuis la rue sous les rails. 23406 Vue de l’entrée du parc et de l’angle du bâtiment. LES PETITS HYBRIDES 197 23407 Vue sur l’hybride depuis la rue sous les rails. 23408 Bâtiments adjacents à l’hybride. 198 FOUND IN TOKYO 23409 Vue depuis les escaliers du parc d’Ueno. 23410 (ci-contre) Vue en direction de la gare d’Ueno. 23411 (ci-contre) Vue depuis le parc sur la toiture de l’hybride. 23410 Relation de l’hybride aux murs de soutènement originaux. LES PETITS HYBRIDES 199 200 FOUND IN TOKYO LES PETITS HYBRIDES 201 L’enseignement des da-me Le premier aspect commun à tous les hybrides relevés par l’Atelier Bow-Wow est leur apparence comique. Momoyo Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto en parlent comme du « sérieux ridicule* » de ces bâtiments. Ils les perçoivent comme une libération de tension dans un milieu aussi dense et confus que Tokyo43. Le second aspect commun ressenti, vient de leur qualité d’écosystème locaux. Ils sont souvent utilisés par les habitants locaux et participent à l’identité du quartier par leur apparence atypique44. Cela ajoute beaucoup de variété dans un milieu urbain. Ce sont des qualités à rechercher. Pas constamment, mais quelques cas sont bons pour la santé mentale. La plupart des techniques employées, ainsi que les synergies générées sont involontaires, même pour les exemples dessinés par un architecte connu. Ces hybrides dépassent la simple somme de leurs éléments constitutifs. Leur intelligence vient de leur pragmatisme. Leur qualité vient de l’écologie complexe des aspects allumés et éteints (on/off) de leur composition. Il est bon de noter que la plupart de ces hybrides ont un certain âge. Quelques constructions, comme le vegetable town (p176), remontent à la Seconde Guerre Mondiale. Ils sont issus d’un milieu urbain et économique qui était, dans la plupart des cas, florissant et probablement plus libre. Il faut espérer que cette attitude d’hybridation franche n’était pas uniquement liée à une époque révolue et qu’elle continuera dans la biodiversité de Tokyo. Même si c’est le cas, cela ne nous empêche pas de nous inspirer de cette attitude saine et organique de l’architecture locale envers son contexte urbain. * Traduction personnelle de « ridiculous seriousness ». 202 FOUND IN TOKYO La fin des séparations La première leçon générale tirée de ces hybrides et du regard de l’Atelier Bow-Wow est l’abandon des séparations et des distinctions entre les catégories composant le paysage urbain45. La distinction la plus forte hérité de la planification moderne se trouve entre l’infrastructure et l’architecture. Les autres catégories relevées au début de la partie da-me de ce travail sont aussi dissociées habituellement. Le problème que pose cette vision des choses, est le fait ne pas pouvoir envisager un lieu dans sa totalité avec tous ses composants. Il serait bénéfique d’abandonner ces séparations si strictes pour entretenir et régénérer notre environnement. Si les catégories peuvent être croisées, comme le montre de nombreux exemples relevés, on démultiplie les outils d’organisation du tissu urbain et de son architecture. En regardant les hybrides da-me on est obligé de se libérer de la sur-définition de l’architecture menant toujours à des édifices génériques46. Le potentiel de l’infrastructure La seconde leçon tirée des exemples présentés est celle de « l’affordance* » de l’infrastructure. Leur capacité à lire l’infrastructure existante et à l’exploiter pour leur bénéfice. Un bénéfice qui devient involontairement mutuel (relation off), les parties valident réciproquement leur forme et leur place dans le tissu urbain. Il s’agit peut-être d’espaces que nous utilisons déjà d’une certaine manière dans nos contrée, mais il est important de le relever : L’espace sous une infrastructure aérienne (autoroute, chemin de fer, pont) peut être habité : electric passage (p68), highway department store (p74), bridge home (p104), cine-bridge (p110). L’espace au-dessus d’une infrastructure (route, autoroute) peut être colonisé : graveyard tunnel (p86), sports bridge (p92). L’hybride peut se rattacher volontairement ou involontairement au large réseau infrastructurel en se greffant dessus ou en y étant relié par un composant : expressway patrol building (p80), apartment station (p96). L’hybride dépasse ainsi ses propres limites physiques en étant connecté au reste de la ville par son réseau de transit. Il permet aussi simplement l’incorporation de fonctions en rapport direct avec l’utilisation de l’infrastructure, intériorisant une partie de celle-ci. * « L’Affordance est la capacité d’un objet à suggérer sa propre utilisation »47. Ce terme fut aussi employé par l’Atelier Bow-Wow dans Made in Tokyo. LES PETITS HYBRIDES 203 Le bâtiment n’est plus une île entourée de voies de circulation. L’hybride devient un nœud entre la mosaïque du bâti et la toile infrastructurelle de la ville. Un événement spécial dans la ville. Une certaine urbanité logistique s’est développée à Tokyo. En 20 ans (de 1966 à 1988) le nombre de véhicules a été multiplié par 6,25. Par nécessité, les voitures ont pénétré le monde des humains. Auparavant, la base du confort était la séparation des espaces de transit et ceux de vie. Aujourd’hui, la densité a contraint le mélange des deux. Dans ce sens, l’infrastructure s’est introduite dans l’architecture pour permettre le développement du réseau nécessaire aux transport. Celui-ci a profondément changé la ville. Ces exemples d’hybrides reflètent ces changements et condensent avec élégance ce dynamisme de la ville48. Nos villes suisses n’ont pas de réseaux si importants, mais il est nécessaire d’y introduire ce mélange architecture-infrastructure pour densifier richement nos espaces urbains. Autres espaces résiduels La place étant limitée dans une ville dense, il est important de pouvoir repérer et utiliser efficacement les espaces résiduels de la production architecturale et urbaine de la ville. Comme il a été noté précédemment l’infrastructure est une grande source d’opportunités urbaines. Les constructions de la ville servent chacune un objectif particulier. En plus de répondre à une certaine demande, ces structures génèrent naturellement de l’espace résiduel. Par exemple, les infrastructures suspendues ont de la place en-dessous. les autres types de constructions génèrent de grandes surfaces verticales et horizontales. Ces façades et ces toitures sont très souvent exploitées dans les hybrides vus précédemment. Nous avons vue l’ameyoko flying temple (p184) qui utilise la surface supérieure d’un ensemble de petits commerces, et le shopping mall/ wall (p192) habite un mur de soutènement. La ville est un mélange de produits principaux, l’architecture et l’infrastructure, et de produits secondaires, les espaces résiduels49. Tokyo regorge de ce genres d’espaces. Le projet à Lausanne se fera en cherchant ses espaces en surplus, oubliés et indéfinis. Les exemples de l’architecture da-me nous permettent de les lire et d’apprendre à les utiliser. 204 FOUND IN TOKYO Déformations et connexions Le pragmatisme des hybrides les a amené à développer des relations particulières avec l’espace urbain et l’espace typologique de leur environnement. Ils utilisent et manipulent des langages de construction appartenant à des catégories différentes. Certains hybrides comme le vegetable town (p176), utilise simplement de la chaussée routière et la déforme afin de créé tout un marché couvert accueillant des véhicules à tous les étages pour des raisons pratiques. D’autres encore manipulent la typologie du parking pour l’intégrer à un immeuble (car parking office, p170) ou la typologie de la route pour l’enrouler autour d’une tour dédiée aux voitures (car tower, p150). Les différents composants de chaque partie s’adaptent à l’hybridation. Le filet pour récolter les balles de golf correspond à la dimension en plan du parking pour taxi en-dessous (p142). Afin d’exploiter efficacement les espaces résiduels, une des tactiques formelles employées par les hybrides est celle du redimensionnement automatique de ses composants pour les adapter à la place disponible. Ainsi les commerces de l’electric passage (p68) sont réduits pour tenir dans les arches ; les appartements du bus housing (p134) sont dimensionnés par la longueur des bus ; les grands magasins sous l’autoroute à Ginza (p74) s’organisent dans la longueur de l’infrastructure. Ces hybrides emploient aussi différentes techniques pour se connecter au reste des flux urbains. Le park on park (p120) déploie un petit réseau de passerelles piétonnes pour relier tous les trottoirs autour du carrefour routier ; l’expressway patrol building (p80) possède sont propre morceau de route le reliant à l’autoroute suspendue ; le cine-bridge (p110) transforme un pont en passage souterrain habité ; le shopping mall/wall (p192) relie le parc en haut et la rue en bas avec sa propre circulation verticale dépassant ses étages. Cohabitations La vie dans une ville très dense nécessite la cohabitation. À Tokyo, l’absence de ségrégation des catégories de constructions et d’usagers est très visible dans les hybrides da-me. Différentes espèces (humains, véhicules, structures commerciales, volumes sportifs) coexistent et interagissent par endroits. Les idéaux de l’immobilier (maison avec jardin proche de la ville) sont des rêves lointains à Tokyo. Essayer de les atteindre nécessite une fortune ou bien force les gens à être délocalisés très loin dans la périphérie du Grand Tokyo50. Nous cherchons aussi de notre côté du monde à lutter contre ce phénomène. L’habitat urbain s’est adapté à la situation à Tokyo comme le montre certains hybrides. Les espaces de vie peuvent ainsi pénétrer dans diverses situations urbaines et créer de nouvelles relations parmi les composants de la ville. Les LES PETITS HYBRIDES 205 possibilités de l’habitat urbain augmentent51. Il peut être mélangé à l’infrastructure comme dans l’apartment station (p96) ou le bridge home (p104) ; l’habitat urbain peut être aussi mélangé avec les dérivés de la logistique comme dans le bus housing (p134) ; ou il peut faire partie d’un écosystème intégrant les réseaux infrastructurels comme dans le cas de l’expressway patrol building (p80). Une autre catégorie importante utilisant l’espace de manière particulière est l’installation sportive. Ces structures sont très présentes dans le tissu urbain, autant dans des quartiers d’affaire que dans des régions plus résidentielles. L’action humaine transforme et explore l’espace par le sport. La nappe urbaine de Tokyo s’étalant pratiquement infiniment, il est nécessaire d’y intégrer ces structures pour le bien-être de la population. La taille de la ville ne permet pas de dépendre uniquement d’installations qui seraient en périphérie. Au lieu de n’intégrer qu’uniquement des salles de fitness et autres activités sportives d’intérieur, des surfaces extérieures de la ville sont transformées par ces activités. Elles font partie de l’espace urbain. Ces hybrides utilisent leurs techniques formelles habituelles pour convertir des toitures ou des parois en terrains de sports ou mettre l’espace aérien en cage pour y pratiquer un sport de balle, comme dans le park on park (p120), le taxi golf building (p142) ou le sports bridge (p92). Temporalités La composition des hybride comporte une notion de temporalité très forte. Certains hybrides sont l’associations successive de plusieurs parties au cours du temps. Un espace résiduel se crée, et l’hybridation se forme par son exploitation et les synergies apparaissant par la suite. D’autres hybrides sont des compositions réalisées d’un seul tenant. Les parties constitutives se sont développées en parallèle. Dans les deux cas, de part leur nature possédant toujours un aspect éteint (off) dans leur composition, les différentes parties d’un hybride peuvent avoir des durées de vie différentes. Dans le cas de l’electric passage (p68), les commerces changent, la structure reste. La partie parking du car parking office (p170) n’est plus en fonction, mais l’autre composant l’est toujours. Parfois l’entier de l’hybride est démoli. Parfois ce n’est qu’une partie de la composition qui disparaît (bridge home, p104). C’est souvent parce qu’il n’est plus adapté aux besoins et à la structure de la société urbaine contemporaine. Dans d’autres cas, où l’hybride est encore utile mais vétuste, il sera modifié ou rénové : park on park (p120) et shopping mall/wall (p192). Ces hybrides ne sont pas des monuments fossilisés, ce sont des êtres vivants qui apparaissent et disparaissent avec l’évolution de la ville. Il ne faut donc pas chercher à momifier le tout. 206 FOUND IN TOKYO Pour pouvoir s’adapter à la société urbaine changeant si rapidement il faut pouvoir être flexible et pouvoir transformer ce qui n’est plus adéquat. Par exemple le car parking office (p170) est un hybride à moitié mort. Il devrait être reconverti ou démoli pour pouvoir servir à 100 %. Au cours de leur vie, les différents composants d’un hybride ont des rythmes d’usage différents, qu’ils soient publics ou privés. Ces superpositions de ces cadences enrichissent les synergies au sein de la composition hybride. Différentes formes de vie publique et de vie privées se mélangent et cohabitent, comme le mélange de la rue, du parc et du parking dans le park on park (p120). La diversité d’un hybride est visible autant dans le temps que sur sa façade. Celle-ci est en général fluide et honnête. Elle ne cache pas les composants. Les organes sont tous visibles. On peut ainsi apprécier la complexité de l’hybride tout en lui laissant la possibilité de transformer ses composants si nécessaire. Échelle Ces hybrides sont issus de la ville elle-même. Leur échelle correspond parfois à celle de leur environnement, parfois elle dépasse le local car il est relié à un ordre urbain plus grand. Dans les deux cas, même pour les tailles plus imposantes, l’hybride est intégré. Depuis la rue, il est difficile de juger de toute leur taille. C’est seulement à vol d’oiseau que l’on peut se rendre compte de l’étalement de certains. Ce ne sont pas des gratte-ciels. Ils ne dépassent jamais de beaucoup la hauteur de leurs voisins. Par contre certains ont tendance à occuper une surface étendue. Ce sont ces emprises au sol qui sont généralement hors d’échelle dans quelques cas comme le vegetable town (p176) ou la super car school (p164). Ils ne présentent jamais les caractéristiques d’un monument. C’est leur apparence atypique qui les rend visibles et non leurs dimensions et leur importance dans la ville. Ils sont donc tout-à-fait adaptés au tissu urbain. Le jeu des échelles a lieu aussi à l’intérieur de la composition de l’hybride. Un ensemble que le highway department store (p74), se calque sur l’échelle immense de l’autoroute suspendue et en même temps comporte une multitude de petits magasins à l’intérieur. Ce sont des conditions mixtes émergeant naturellement dans une ville. Les hybrides intègrent ce genre de relations dans leur fonctionnement52. Les différentes échelles des différentes parties de la composition peuvent ainsi interagir avec différents éléments de la ville, eux-même à des échelles différentes. Par exemple, les petits commerces de l’electric passage (p68) sont de même échelle que ceux de l’autre LES PETITS HYBRIDES 207 côté de la rue. Ils partagent une structure avec les chemins de fer appartenant à un réseau de transport à l’échelle de la ville. Écosystèmes En dépit de ces allégations de chaos, le mode de fonctionnement de Tokyo est fascinant. Il ressemble à la forme non-structurée d’une forêt tropicale, dans laquelle coexistent de nombreuses variétés de créatures, ayant chacune leur habitat particulier. C’est en utilisant cette métaphore biologique que l’Atelier Bow-Wow définit ces unités environnementales relevées précédemment. Ils voient ces hybrides sous le regard de l’écologie ; la compréhension d’une créature vivante en relation avec son milieu de vie. C’est en marchant au milieu de la réalité urbaine quotidienne que l’on peut apercevoir des petits écosystèmes, des scènes de la vie urbaine. L’image de la ville se forme par la superposition de ces observations. La vision intégrale d’un bâtiment et les divisions catégoriques entre l’architecture et génie civil perdent leur sens53. C’est hybrides sont des enchevêtrements complexes de personnes, de flux, d’éléments environnementaux et de temporalités. Bernard Rudofsky dans son livre Architecture sans Architectes relève des exemples de flux naturels matérialisés dans l’architecture vernaculaire. Les formes de bâtiments sont déterminés par les flux naturels comme la lumière, les précipitations, etc54. Ces hybrides agissent de manière similaire, avec des flux urbains contemporains, tels que les véhicules. Dans les grands courants composants la ville contemporaine, ces bâtiments relevés sont des petits remous, où les différentes choses se rencontrent55. Si l’on observe ce genre d’écosystèmes, les hybrides prennent une dimension ludique, au lieu d’être alourdies par la gravité du bâtiment solitaire. Momoyo Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto notent à quel point le contrôle de l’esthétique et des technologies de la construction ont limité nos activités. D’un autre côté ce sont ces limitations qui sont à l’origine des détails comiques de la dramaturgie urbaine56. Le tissu urbain de Tokyo peut paraître très chaotique, en contrepartie celui-ci permet une grande liberté dans la production architecturale. D’où l’émergence naturelle de tels hybrides57. Notre espace urbain n’est pas aussi organique, il faut donc par l’action consciente de l’architecte, mettre en place les principes, adaptés à la ville suisse, menant à ce genre d’écologies urbaines pour enrichir notre environnement. 208 FOUND IN TOKYO Les tactiques d’hybridations ne sont pas complexes à la base, c’est la seconde couche apportée par l’usage, dépassant les limites physiques du bâtiment, qui transforme l’ensemble en un écosystème viable58. Comme on a pu le constater avec les hybrides de Tokyo : certains utilisent les mêmes éléments et établissent des relations différentes, d’autres utilisent des éléments différents en établissant des relations similaires. Cette richesse de variation possible participe à la vivacité d’une ville comme Tokyo. L’hybride da-me de Tokyo est une composition de contenus et d’usages et non de contenants. Pour utiliser cette intelligence architecturale, il faut manipuler l’architecture et l’infrastructure, comme la base de l’usage et du comportement. La Behaviorology de Bow-Wow. C’est à travers l’usage que ces structures prennent leur sens et leur beauté. Dans le cas de la ville suisse, il faut y trouver les flux qui vont se matérialiser dans des nouvelles écologies urbaines inspirées de Tokyo. Notre contexte est attaché aux choses anciennes. On préserve volontiers. Il s’agit de construire le neuf avec le vieux. En considérant la ville à travers le regard écologique de l’Atelier BowWow, c’est l’existant qui va nous informer sur ce qui va venir. Ce sont les répétitions des typologies, les flux urbains existants qui vont matérialiser ces nouvelles formes de densification héritées de la ville japonaise. 209 210 FOUND IN TOKYO Le Hyperbuilding (1996) de l’OMA à Bangkok Les Grands Hybrides Le terme d’hybride utilisé par l’Atelier Bow-Wow n’est pas innocent. En biologie, ce mot qualifie le croisement de deux individus de deux espèces différentes. Il a aussi un usage particulier en architecture. La suite de ce travail va faire un aparté pour s’intéresser succinctement à cette notion de manière générale. Il s’agira de voir comment ce type de stratégie architecturale est habituellement employée et ce qu’elle veut dire pour les architectes du reste du monde. Afin de placer les hybrides da-me dans le contexte architectural contemporain. Il y a deux revues d’architectures qui abordent vraiment ce thème et qui vont nous permettre d’avoir une vue générale sur la chose. La première est un pamphlet écrit par l’américain Joseph Fenton en 1985, intitulé simplement Hybrid Buildings. La seconde source d’information sur ce type d’architecture est une série de revues, intitulées HYBRIDS, publiées par l’éditeur espagnol a+t entre 2008 et 2009. Le premier s’est focalisé sur l’apparition de ce type dans la ville américaine. Le second a un regard plus international sur l’architecture contemporaine correspondant à cette catégorie. Il s’agit d’un type de bâtiment ayant émergé dès les premières villes. Cependant Il n’est réapparu que récemment dans le discours des architectes contemporains1. Définition de base d’une architecture hybride Un hybride est une structure capable de combiner différents programmes et capable d’encourager les interactions des différents espaces et de leurs usages2. Cette stratégie a été redécouverte en réponse à trois préoccupations majeures de notre société3 : - La pénurie de terrain à bâtir et leur coût élevé ; - Le besoin de densifier pour contribuer au développement durable ; - Le besoin d’intensifier les usages dans les centres urbains pour contrecarrer l’action centrifuge de l’étalement urbain en exerçant une force centripète attirant la population vers le centre. 211 212 FOUND IN TOKYO Les hybrides dans l’Histoire4 Dès les premières villes de l’Antiquité ce type de bâtiment apparaît. Les murailles de défense de ces cités définissaient clairement la limite entre la civilisation et les régions sauvages. Ce besoin de défense força l’accumulation des bâtiments dans une enceinte close. Ainsi les structures commencèrent à se rassembler et à s’empiler. Les lieux de travail, de commerce et de vie se mélangèrent, même si à l’époque il n’y avait pas beaucoup de distinction spatiale entre des pièces de fonctions différentes. Les différentes fonctions n’étaient pas isolées dans différentes zones de la ville. Elles occupaient la place disponible là où il y en avait. Ainsi les villes se densifièrent organiquement. Avec la modification des moyens de transports et l’abandon des murs de défense, les villes s’étalèrent dans la campagne alentour. À partir de ce moment-là elle évolua comme une collection de structures aux fonctions individualisées, parsemées dans le paysage. L’étalement a permis une baisse du coût de la terre et donc un accès à la propriété plus facile. Cette baisse de valeur a réduit la nécessité de maximiser l’usage de la place en la partageant entre plusieurs fonctions comme dans les villes du Moyen-Âge. Cette stratégie permit aussi de contrôler plus de terres en recouvrant le plus de surface possible. Par la suite, la venue de l’industrialisation et les avancées technologiques dans les transports, ont donné naissance à la planification moderne des villes. Les fonctions furent séparées dans des bâtiments différents et furent regroupés par fonction dans un zonage stricte de la ville. La morphologie urbaine changea par la planification fonctionnelle pour assurer le contrôle de l’hygiène, de la pollution, l’optimisation de la production et afin de réguler les prix fonciers. Après cette disparition des conditions nécessaires pour l’apparition de bâtiments hybrides, Joseph Fenton déclare que c’est en Amérique qu’il renaissent5. Avec l’invention de l’ascenseur et le développement de la structure en acier, les premiers gratte-ciels ont pu apparaître. Grâce à cet outil, les spéculateurs ont pu construire pour le profit en maximisant les volumes. Quand il devint impossible de remplir les tours avec un seul programme, la stratégie de l’hybride refit surface. En 1916, la New York Zoning Resolution a été instaurée. Elle régula les hauteurs et la forme du volume des tours construites à New York, pour permettre un ensoleillement plus hygiénique des structures voisines et de la rue. En plus de la crise esthétique que cela provoqua pour les dessinateurs de gratte-ciels, cette réglementation eut pour conséquence de limiter les mélanges d’usages jugés fonctionnellement incompatibles et elle désigna certaines zones comme exclusivement résidentielles. Cela mit un frein à l’évolution du type hybride6. LES GRANDS HYBRIDES 213 Après la fin du Modernisme, les implications des programmes sur la forme architecturale ont commencé à être explorées par des écrivains et architectes. Le plus célèbre d’entre eux est certainement Rem Koolhaas. Il a identifié la condition particulière du gratte-ciel de Manhattan dans son livre Delirious New York (1978). Il relève les qualités génériques de ceux-ci, leur permettant une combinaison pratiquement infinie de programmes coexistant à différents étages. Le Downtown Athletic Club en est l’exemple phare. Il le compare à un condensateur social constructiviste, capable de générer et d’intensifier les formes désirables d’interactions humaines. Koolhaas en a aussi tiré la théorie de la Bigness, la forme ultime de l’architecture selon lui. Il explora ces thèmes avec son bureau l’OMA. Ses expériences menèrent à des projets comme le Hyperbuilding (1996) ou le projet pour le Parc de la Villette (1982)7. L’intérêt pour l’hybride a repris récemment dans le cadre du boom de l’immobilier poussé par la croissance économique de la Chine et du Moyen-Orient. C’est un climat dans lequel les promoteurs sont enthousiastes à maximiser les volumes et les combinaisons de programmes multiples. Ils sont intéressés à vendre du « lifestyle* » et ils imaginent que l’utilisation d’hybridation permettrait de dynamiser ce qui serait sinon un collage sans vie de fonctions indépendantes. Ainsi l’opportunité existe pour les architectes contemporains de défendre l’effacement des distinctions et de développer de nouvelles combinaisons de programmes. En parallèle de cette spéculation immobilière, les augmentations de coûts de terrain et de construction, ainsi que le conservatisme de certaines approches gouvernementales en terme de dépense pour les infrastructures publiques, ont amené les institutions civiques à trouver de nouveaux moyens de se loger et de se financer, à travers l’hybridation du programme culturel ou civique avec notamment des surfaces commerciales. * Lifestyle : style de vie La coupe du Downtown Athletic Club à New York 214 FOUND IN TOKYO Les grandes familles d’hybrides De cette littérature sur les hybrides en architecture on dégage trois grandes familles. Elles sont liées aux manières dont ces bâtiments se développent physiquement et à leur rencontre avec le logement. Hybrides verticaux Ce sont les premiers hybrides relevés par Fenton dans le tissu urbain américain. Ce sont les gratte-ciels dont Rem Koolhaas vante les mérites. Ils sont l’apogée de la modernité, le triomphe de l’organisation8. Aujourd’hui c’est la typologie par excellence des développements des grandes villes d’Asie. Même la promotion à Tokyo est convaincue que le modèle de Manhattan est celui du futur. On retrouve donc de plus en plus de tours dans Tokyo. Mais ce n’est rien comparé à la Chine qui utilise ces bâtiments à outrance. Le Downtown Athletic Club en est l’exemple historique. Aujourd’hui il prend d’autres formes, comme le Museum Plaza de REX ou la Scala Tower de BIG. Hybrides horizontaux Ces hybrides occupent généralement de très larges surfaces, s’imposent sur les grilles urbaines, modifient la topographie et intègrent les réseaux de transports. Au contraire des hybrides verticaux, les hybrides horizontaux sont d’avantage capables de se fondre dans le paysage. Certains se séparent pratiquement en éléments distincts. C’est un type qui recherche moins le statut emblématique mais plutôt l’invasion du paysage. Cette forme d’hybride commença aussi à New York, avec Raymond Hood dans les années 1930. Il proposa de dépasser la parcelle infranchissable de la grille de Manhattan pour rassembler plusieurs programmes sous un même toit en développant le complexe horizontalement et non verticalement9. Depuis, cette idée a eu de nombreuses incarnations : - L’hybride horizontal indéterminé du collectif Archizoom ; - Le « mat building », une forme d’hybride complet se développant sur plusieurs niveaux intériorisant infrastructure et circulations ; - Les folies monumentales comme la Plug-In City d’Archigram ou les mégastructures des Métabolistes japonais ; - Des hybrides topographiques, créant des paysages artificiels, l’architecture devenait une géographie habitée. Il s’agissait souvent de la création de cités entières. Parmi toutes ces manifestations d’une hybridation se développant à l’horizontale, les shopping mall américains se voient refuser cette appellation. Même s’ils cumulent différents programmes, ils ne sont pas considérés comme des hybrides car ils ne sont pas issus de la LES GRANDS HYBRIDES 215 pression économique et spatiale des centres urbains10. Hybrides résidentiels L’inclusion de programme résidentiel dans les hybrides garanti une continuité dans l’intensité fonctionnelle de ceux-ci. Ces programmes sont aussi souvent l’argument de vente par excellence pour les grands projets hybrides. Il s’agit pourtant de la fonction la plus compliquée à insérer dans un hybride. L’équilibre entre privacité et communauté doit être manipulé délicatement. C’est un mélange nécessaire pour s’adapter à la société contemporaine11. Sa condition particulière fait ressembler l’hybride résidentiel à un autre type historique : le condensateur social. Celui-ci est originaire de la pensée constructiviste d’après-guerre. Il fut surtout testé en Russie soviétique. Cette typologie se voulait transformatrice des relations sociales des citoyens. La plupart des activités de la vie privée s’y déroulaient dans des lieux communs. Le condensateur social réglait la vie de ses habitants jusque dans la chambre à coucher. L’autre différence importante est que le condensateur social est un projet mis en place par un gouvernement totalitaire. L’hybride est issu du capitalisme le plus pur12. Le Museum de Plaza de Rex à Louisville 216 FOUND IN TOKYO La Scala Tower de BIG à Copenhague Le Linked Hybrid de Steven Holl à Pékin LES GRANDS HYBRIDES 217 Stratégies des grands hybrides Dans son article Hybrid vigour and the art of mixing13, Martin Musiatowicz définit les grandes stratégies formelles des grands hybrides : Monolithe Un hybride monolithique efface l’expression des programmes individuels. Cette approche permet la ségrégation de l’image externe, de la logique structurelle bu bâtiment de ses articulations programmatiques et spatiales internes. Ville dans la ville Des hybrides qui combinent l’entier des programmes offerts par une ville. Mené par le rythme des nouvelles constructions en Asie et au Moyen-Orient, d’énormes bâtiments aux limites des centres urbains comportent souvent une large panoplie de programmes permettant ainsi une certaine autonomie en réponse à leur délocalisation. Structures coalescentes Une seule grande tour ne peut répondre aux exigences structurelles d’un hybride gigantesque. Cet hybride fusionne plusieurs éléments ou même plusieurs tours en un seul système. Leur action combinée est économiquement et structurellement plus efficace. Indétermination spatiale de la coupe Précédemment le plan était roi. Maintenant la tendance est à la coupe et à la modélisation tridimensionnelle. La séparation verticale accordée par l’empilage des étages est contestée par des chevauchements et des juxtapositions spatiales croisant les espaces sur plusieurs niveaux et générant une certaine indétermination programmatique. Paysages intégrés Poussés en partie par des incitations gouvernementales et en partie par des intérêts pour l’espace public, de nombreux hybrides travaillent avec le domaine public, soit en attirant une partie de la surface de la ville sur ou à l’intérieur du bâtiment, ou en le distribuant verticalement à travers l’entier de l’édifice en une série de places publiques, de jardins ou d’arcades suspendues. L’espace public et le paysage sont croisés avec d’autres éléments programmatiques du bâtiment. 218 FOUND IN TOKYO LES GRANDS HYBRIDES 219 Petits versus Grands hybrides Ces grands hybrides sont les oeuvres d’architectes connus. Ce sont très souvent des bâtiments monumentaux. Des constructions qui illustrent des grands concepts énoncés par leurs créateurs. Ils n’ont cependant pas l’honnêteté de l’architecture da-me. Ils sont issus de processus de pensée architecturale. Ils ne sont pas la matérialisation pragmatique et impudente de flux urbains. Il y a une grande volonté de contenir les choses dans les grands hybrides. Intérioriser les synergies pour les présenter dans un monument gigantesque. Ces hybrides contemporains sont à l’échelle des villes qui les ont créés. Des villes comme New York ou Pékin. Des villes verticales où la Bigness de Rem Koolhaas a sa place. Dans le contexte de ce travail théorique, dans le but de revenir sur une ville suisse comme Lausanne, l’échelle est un vrai problème. C’est une petite ville, particulièrement allergique aux tours. Des complexes hybrides immenses n’y auraient pas leur place. Les hybrides dame sont bien plus contextuels que les grands hybrides. Ceux-ci sont victimes de leur Bigness*. Ils sont tellement vastes qu’ils ne peuvent qu’ignorer l’environnement urbain. Ce que les deux types d’hybrides ont en commun c’est l’opportunisme de leur raison d’être. Dans les deux cas le manque de place et la valeur des parcelles, force les bâtiments à être économiquement très efficaces. Certaines stratégies formelles sont aussi similaires. Ce qui différencie les petits hybrides c’est leur capacité à lier des flux urbains locaux et à réaliser un événement spécial dans l’espace urbain au niveau architectural. Ils ne dépassent pas l’échelle de la ville, comme les grands hybrides. Les petits sont issus d’une ville basse, Tokyo. Donc leurs processus de création sont plus adaptés à une ville basse comme Lausanne. Les grands hybrides sont le résultat de grands concepts. Ainsi, ils se perdent dans leur propre définition. Les da-me ne cherchent pas à être l’incarnation d’idéaux. Ce sont de simples outils. L’hybridation n’est pas une fin en soit. C’est pourquoi les hybrides da-me ont tous distinctement des aspects de leur hybridation qui sont éteints (off), comme l’a relevé l’Atelier Bow-Wow. Ce sont les synergies involontaires et non forcées qui les rendent attrayants et plus réalistes. Les grands hybrides, comme la plupart des architectures célèbres, cherchent à devenir des monuments permanents. Les qualités plus éphémères des hybrides da-me sont plus adaptées au développement durable. L’utilité d’un composant expire, il peut être remplacé ou reconverti facilement, car le petit hybride est moins déterminé. Ce n’est pas un entité complète et finie. Les petits hybrides expriment ce qu’ils sont de manière plus discrète. Une humilité assez japonaise qui sied bien à la mentalité suisse. * « fuck context »14 220 FOUND IN TOKYO Conclusions Tokyo est une ville à part. Même pour une ville japonaise elle est spéciale. Cette mégalopole est d’une grande richesse sur le plan urbain et le plan architectural. À l’instar de la culture japonaise elle conserve des aspects de sa tradition tout en étant à la pointe de la technologie. En comparaison nos villes peuvent paraître enfermées dans une architecture de pierre figée par l’Histoire. Tokyo n’a en effet jamais eu aucun problème à renouveler sa substance bâtie, peut-être à tort. Ce pragmatisme capitaliste presque borné a permis l’apparition de structures étonnantes ; des mutations du tissu urbain pleines de ruses pour évoluer dans un milieu très dense aux flux complexes. Momoyo Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto avec leur Atelier BowWow on porté leur regard curieux sur ces bâtiments anonymes que l’architecture a l’habitude d’ignorer. En puisant dans une histoire de l’observation de la ville ayant marquée une partie de l’architecture japonaise, ils se sont embarqués dans des explorations de leur lieu de vie à la recherches de perles du chaos de Tokyo. Ce travail a suivi leur exemple. Les petits hybrides purent être visité en suivant le guide publié par le duo d’architectes japonais. La découverte d’une ville étrangère par la marche, en y cherchant des anti-monuments à la gloire de la dynamique organique de Tokyo, fut une expérience rare et enrichissante. Ne serait-ce que pour l’apprentissage d’une méthodologie de l’observation de la ville par les pieds à travers les éléments du quotidien. C’est une attitude très saine à avoir avant d’intervenir dans une ville. L’enseignement de l’architecture da-me n’est pas direct. On ne peut pas importer directement une espèce issue d’un tel milieu en espérant qu’elle survive dans un tout autre habitat écologique. L’observation de ces bâtiments a révélé leur nature très contextuelle. Dans un milieu où toutes les constructions sont uniques et indépendantes, ces hybrides sont la matérialisation de flux urbains, héritant à la fois des conditions de leur environnement et des intentions de leurs créateurs anonymes. Ces écosystèmes compacts ont été conçus en évitant le moindre effort superflu. Ainsi, les tactiques formelles qu’ils utilisent sont probablement les plus adaptées. On peut ainsi considérer qu’elles font partie des outils possibles de l’hybridation contextuelle urbaine utilisable universellement. 221 222 FOUND IN TOKYO L’autre leçon importante que nous pouvons retirer de ces lectures, est la manière dont les hybrides ont su identifier les opportunités du tissu urbain. La relation particulière aux réseaux de circulation et à l’infrastructure est un indice important pour le futur de nos villes. Dans l’enjeu de la densification, il y a celui de l’accès. Un organe meurt s’il n’est pas approvisionné suffisamment en sang. C’est la même chose pour le tissu de la ville. Notre densification va devoir remettre en question la place de l’infrastructure et le jugement qu’on lui porte. La neutralité du regard de l’Atelier Bow-Wow est un bon point de départ pour considérer l’entier de la ville et pour ne pas ignorer des opportunités. Il nous faut aussi apprendre de l’acceptation de la coexistence d’états contraires et d’usagers différents du milieu urbain. Au lieu de détourner le regard des voitures, le pragmatisme les pousse à les intégrer efficacement à leur ville. Et ainsi sans le vouloir, les mettre en valeur. Les hybrides da-me sont de bons exemples de cette attitude. Aucune catégorie n’est rejetée. Elles se mélangent volontiers en s’ignorant parfois préférant la cohabitation muette, ou en formant des liens d’usage inattendus. La temporalité est une autre notion que ces hybrides illustrent parfaitement. Ils ont leur propre durée de vie et ne cherchent pas à la dépasser. Ils sont durables dans le sens où ils ne dépassent généralement pas la perte de leur utilité. De plus leur composition interne est suffisamment flexible pour permettre aux différentes parties de se régénérer ou de se transformer en accord avec les nouveaux besoins du contexte urbain et social. Les grands hybrides, abordés rapidement après les petits, nous parlent de la question de l’échelle. Lausanne et Tokyo sont très différentes au niveau taille, comme au niveau densité. Pourtant l’échelle des choses et la granulosité des deux villes sont assez similaires. Ainsi les petits hybrides étant nés dans un de ces milieux, exemplifient des principes plus adaptés à l’échelle de la ville suisse, que les hybrides monumentaux issus de villes bien plus hautes. L’échelle reste toute fois quelque chose de fluide. Les architectures da-me s’adaptent en fonction du besoin de répondre à un ordre supérieur ou en fonction de son environnement immédiat. Quoi qu’il en soit leur réponse reste honnête et impudente. Une qualité intéressante à rechercher dans notre architecture. La suite de ce travail consistera à considérer la Suisse, Lausanne en particulier avec un regard teinté des enseignements de Tokyo et de l’atelier Bow-Wow. Le but étant d’y proposer de la densification locale par l’architecture en utilisant les leçons des da-me. À suivre. CONCLUSION 223 224 FOUND IN TOKYO NOTES ANNEXES 225 TOKYO, UN MILIEU PROPICE 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137 ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p1-15 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p1-15 ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012 Pons Philippe, La beauté chaotique d’un grand collage architectural en péril, Le Monde, 11 Mais 2002, en ligne, www.lejapon.org/ forum, consulté le 10 janvier 2012 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p1-15 Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011 ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012 Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p112-124 Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011 Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011 Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p16-51 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p1-15 Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011 Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983 Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p110-112 Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p112-124 Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994 Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137 Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p94-96 Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011 Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p16-51 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, pI-XII Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p16-51 Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p16-51 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p52-111 Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p118-120 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p16-51 Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, pI-XII Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p1-15 Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994 Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p112-124 Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983 Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011 Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011 ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012 Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983 Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p94-96 Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994 Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011 Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011 Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994 Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994 Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994 Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983 Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p1-15 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137 Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011 Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994 Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994 Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994 ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012 Tanizaki Junichiro, Éloge de l’Ombre, Tokyo, Verdier, 1978, p65 226 FOUND IN TOKYO 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137 Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994 ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012 ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012 Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p85 Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994 Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p102-104 ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012 ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012 ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012 Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p213 Tsukamoto Lab & Atelier Bow-Wow, Pet Architecture Guidebook, Tokyo, World Photo Press, 2002 Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137 Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p43-44 LES PETITS HYBRIDES 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p321-343 Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p321-343 Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p245-255 Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p122-129 Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p8-15 Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p70-72 Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p8-15 Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p9 Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p9 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p7-17 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p18-20 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p7-17 Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p321-343 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p18-20 Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p321-343 Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p8-15 ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012 Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p30 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p8 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p9 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p9 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p12 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p10 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p13 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p187 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p10 Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p231 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p14-15 Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p231 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p13 Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p213 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p46 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p13 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, 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Tokyo, Inax, 2006, p199 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p18 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p36 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p14-15 Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p231 LES GRANDS HYBRIDES 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008 a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008 a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008 a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008 a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008 a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008 a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008 a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008 a+t 32, HYBRIDS II. Low-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008 a+t 32, HYBRIDS II. Low-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008, p20 a+t 33-34, HYBRIDS III. Residential Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2009, p3 a+t 33-34, HYBRIDS III. Residential Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2009, p6 a+t 32, HYBRIDS II. 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