Agir vite !
Le traitement approprié de ce genre de
blessure consiste à faire une radiogra-
phie du membre touché, à administrer
une antibiothérapie immédiate et un
vaccin antitétanique. Mais il faut aussi,
et de façon très rapide, pratiquer une
intervention chirurgicale qui norma-
lisera la circulation du sang et évitera
toute infection.
M. Turcot précise : « En faisant une
révision de la documentation médi-
cale internationale existante, j’ai cons-
taté que, dans le passé, des travailleurs
ont hélas dû être amputés parce que
le traitement approprié n’avait pas été
administré assez rapidement (dans les
30 minutes suivant l’arrivée au service
des urgences). Cela s’expliquait par la
conjonction de plusieurs facteurs. D’une
part, ces blessures, pour graves qu’elles
puissent être, sont tout de même très
rares. Au Québec, on observe quatre
ou cinq cas par année au maximum.
D’autre part, elles ne sont généralement
ni spectaculaires ni douloureuses dans
les premiers instants après l’accident.
On comprend pourquoi des travailleurs
peu sensibilisés et le personnel de la
santé peu familiarisé avec ce syndrome
en sous-estiment la gravité. »
Il était donc urgent d’agir,
non pas en raison du nombre de
cas, mais du fait de leur gravité
potentielle. Le comité paritaire
sur l’environnement de la CSST
s’est donc saisi de la question et
a créé un sous-comité ad hoc
rassemblant aussi bien
des représentants
de l’industrie, de
la CSST que du
Projetée à haute pression,
l’eau — ou tout autre liquide, par
exemple l’huile, les solvants — peut
constituer un projectile aussi dange-
reux qu’une balle de fusil. Les travail-
leurs affectés au nettoyage industriel
et au décapage au jet d’eau manipu-
lent des jets de liquide sous très haute
pression — de 210 kg à 1055 kg
au cm
2
(
3000 lb à
15000 lb au po
2
) — à une
vitesse pouvant atteindre 1 500 km/h.
Ils ont donc entre les mains un outil
potentiellement dangereux.
Si par malheur, à l’occasion d’une
mauvaise manipulation ou d’un geste
maladroit, le jet est dirigé contre le
corps d’un travailleur (pied, jambe,
bras, main), du fait de la pression, le
liquide perfore la peau et pénètre dans
le membre. « Un tel accident provoque
ce que les médecins appellent le syn-
drome de compartiment précoce »,
explique Jules Turcot, conseiller à la
Direction de la prévention-inspection
de la CSST. « En pénétrant dans le
membre, le liquide compresse les struc-
tures internes des muscles. Et, bien
que le sang continue d’affluer vers le
membre, il se trouve confiné, compte
tenu des pressions en jeu, ce qui em-
pêche l’oxygénation. Les conséquences
peuvent être très graves : nécrose des
tissus, voire gangrène, qui nécessite-
ront l’amputation du membre touché si
la blessure n’est pas traitée à temps »,
note encore M. Turcot.
ministère de la Santé et des Services
sociaux. M. Turcot, qui présidait ce
comité, raconte qu’il a pris connais-
sance d’initiatives déjà engagées par
l’industrie québécoise. L’une visait à
remettre aux travailleurs du secteur une
lettre destinée à mieux les sensibili-
ser au risque du syndrome de compar-
timent précoce. Ce document pouvait
également être présenté au personnel
des soins de santé en cas d’accident.
« De plus, se rappelle encore le conseil-
ler, dans le cadre de nos recherches,
nous avons appris qu’aux États-Unis,
l’industrie avait muni ses travailleurs
d’une carte d’information destinée au
personnel de santé. » C’est ainsi qu’a
germé l’idée de concevoir une carte
qui serait remise à tous les travailleurs
du secteur et qui pourrait servir à atti-
rer l’attention des urgentologues en
cas d’accident.
Trouver le bon format
Les membres du comité concepteur de
la carte avaient deux défis à relever,
celui du fond et celui de la forme du
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Prévention au travail Hiver 2007
Nettoyage au jet d’eau
Des soins à la carte
Photo : Maurice Vézinet
Les bienfaits de l’eau sur
le corps sont largement
connus. Mais on oublie
parfois que l’eau peut
aussi tuer, et pas seule-
ment par noyade. Les
travailleurs affectés au
nettoyage industriel et
au décapage au jet d’eau
doivent être vigilants.
Anatomie d’un danger.
Par Mikaëlle Monfort