Lire l`article complet

publicité
Angio-Clinique
Attitude pratique
face à une
lymphocèle
A. Bonan*
lymphocèle est un épanLdansachement
sérolymphatique
un espace mort créé par
l’ablation de tissu cellulolymphatique réalisée dans un but
diagnostique, pronostique ou
thérapeutique.
Une patiente âgée de 40 ans environ est
adressée à notre unité de lymphologie
pour le traitement d’une lymphocèle
disgracieuse apparue dans les suites
immédiates de l’ablation d’une tumeur
sous-cutanée du tiers supéro-interne de
la cuisse droite. Il s’agit d’une tumeur
de 5,3 cm de diamètre, de structure
mixte, liquidienne et solide. L’examen
histologique révèle une angiodysplasie
lymphatique. Quatre séries de ponction
s’étaient avérées inefficaces, la tuméfaction réapparaissant deux heures
après.
Forts de notre expérience microchirurgicale, nous avons pensé qu’il serait
judicieux d’aborder la lésion chirurgicalement pour en pratiquer l’exérèse
complète et surtout la lymphostase. En
effet, tous les lymphatiques y parvenant, qu’ils aient un trajet vertical ou
* Unité de traitement des lymphœdèmes,
hôpital privé, Antony.
Act. Méd. Int. - Angiologie (15) n° 4, avril 1999
horizontal, ont été minutieusement
repérés et liés. L’intervention se terminera par le capitonnage de la loge sur
un drainage aspiratif par redon, celui-ci
étant retiré au 2e jour en ayant donné
20 cm3 puis 5 cm3. La lymphocèle ne
récidivera pas. Mais un mois après,
quelle ne fut pas notre surprise de voir
apparaître un lymphœdème, surtout
inesthétique, au niveau de la cheville (+
2 à 3 cm), contenu par drainages lymphomanuels et pressothérapie.
Fallait-il laisser évoluer la lymphocèle
ou prendre le risque de créer expérimentalement un lymphœdème ?
À l’occasion de cette observation, nous
avons revu les différentes approches
diagnostiques et thérapeutiques de la
lymphocèle ainsi que les moyens de
prévention.
Fréquence de la lymphocèle
C’est la complication la plus importante
des curages ganglionnaires dans les
cancers génito-mammaires. Elle se rencontre souvent après les greffes rénales.
Elle vient allonger considérablement
les suites opératoires d’un acte parfois
“anodin” ou étiqueté comme tel.
Elle peut survenir dans 5 à 35 % des
cas, et ce dans les jours immédiats ou
dans les deux mois post-opératoires.
Le diamètre peut varier de 2 cm à plus
de 10 cm.
Diagnostic : il est plus ou moins aisé
selon le siège.
Dans les localisations axillaires ou
inguinales, donc superficielles, le diagnostic est clinique :
– il s’agit soit d’une tuméfaction
visible, parfois sensible ;
– soit d’une tuméfaction facilement
palpée, rémittente, plus ou moins tendue, douloureuse, ou volumineuse.
63
Dans les localisations intrapéritonéales et notamment pelviennes, il se
fait parfois au palper combiné au toucher vaginal, l’attention étant attirée par
des signes fonctionnels tels que la douleur, la fièvre, un lymphœdème.
C’est l’échographie pelvienne ou endovaginale ou le scanner, qui permettra le
diagnostic en montrant une collection
cloisonnée liquidienne avec parfois une
coque hyperéchogène, différente d’un
abcès ou d’un hématome.
Les facteurs favorisants semblent être :
– la durée du drainage, la taille du sein
enlevé, l’héparinothérapie et la mobilisation précoce de l’épaule dans les
localisations axillaires ;
– l’héparinothérapie, l’étendue de
l’exérèse cellulolymphatique et le drainage aspiratif après péritonisation dans
les localisations pelviennes ;
– l’exérèse monobloc, l’obésité, l’héparinothérapie dans les localisations
inguinales.
Traitement
L’abstention est la règle lorsqu’il n’y a
pas de signe d’appel (douleur, compression, etc.), car la régression est le plus
souvent spontanée (lymphocèles de
petite taille).
Il convient d’intervenir si la lymphocèle fait parler d’elle (car volumineuse)
ou si la survenue est tardive, supérieure
à six mois, ce qui doit faire craindre une
récidive tumorale.
Dans les localisations axillaires ou
inguinales, on peut réaliser en ambulatoire et de façon itérative des ponctions
à l’aiguille. Si une coque apparaît, il
faut la réséquer et drainer.
Dans les localisations pelviennes, on
peut recourir à différentes techniques dont :
• La ponction à l’aiguille.
• Le drainage percutané sous contrôle
Angio-Clinique
échographique, proposé par Aranowitz
et Conte, qui a entraîné une rémission
complète dans sept cas sur huit.
• Le drainage percutané avec injection
de produits sclérosants, qui est une alternative intéressante en raison du peu de
récidive et de la courte durée du traitement par rapport aux autres techniques.
Zuckerman et Yeager (7) ont traité trentedeux patients, sur une période de six ans
par injection d’alcool absolu avec succès
pour trente d’entre eux. La technique
consiste à injecter grâce à un cathéter de
drainage, mis en place sous échographie
ou scanner, un volume égal à 30 à 50 %
de la taille de la cavité avec un maximum de 60 ml (100 % si la cavité est
petite). Le cathéter est laissé en place un
quart d’heure, le patient changé plusieurs fois de position, puis l’alcool est
réaspiré. Le traitement est jugé efficace
si disparaissent les signes cliniques et
d’imagerie, avec un drainage maximal
inférieur à 10 ml/j. Les cavités drainées
variaient de 2 à 300 ml, la quantité d’alcool de 1 à 60 ml, le nombre de jours
durant lesquels le cathéter est resté en
place a été de dix-neuf en moyenne, le
nombre de séances d’instillation est de
sept en moyenne.
Les complications sont mineures et
essentiellement infectieuses (9 %), sensibles au traitement antibiotique et à
l’ablation du cathéter avec nouveau
drainage.
Ce traitement leur est maintenant familier, et ils le réalisent de première intention, car les autres techniques sont plus
lourdes même sous laparoscopie (complications opératoires, plaies vésicales,
urétérales, vasculaires, voire impossibilité technique).
• L’exérèse avec marsupialisation sous
laparoscopie, rapportée par Molnar (6) à
l’occasion du traitement de deux lymphocèles pelviennes (D et G) apparues après
hystérectomie totale élargie avec lymphadénectomie pour cancer de l’endomètre.
Act. Méd. Int. - Angiologie (15) n° 4, avril 1999
Abord du kyste sous contrôle vidéolaparoscopique, aspiration, lavage de la
cavité, libération des organes voisins,
excision de la paroi kystique avec
marsupialisation par suture de la
paroi restante au péritoine adjacent
(165 minutes d’intervention), et guérison complète à deux ans et demi.
• L’exérèse par laparoscopie ou par laparotomie avec épiploplastie. Gill et coll.
(5) ont fait une étude comparative entre
techniques laparoscopiques (12 cas) et
“open” (26 cas), fénestration du kyste,
mise à plat de différentes logettes après
identification des structures avoisinantes, épiploplastie fixée par clips ou
fils dans la cavité de la lymphocèle.
L’intervention sous cœlioscopie est plus
longue mais les suites plus simples,
l’hospitalisation plus courte, la reprise
du travail plus précoce. Aucune récidive
sur les douze cas contre sept récidives
sur vingt-six en “open” (mais moins de
recul sur les laparoscopies qui restent
néanmoins leur technique standard
après échec des ponctions simples
échoguidées ou instillation de produits
sclérosants).
Il est important pour ceux qui pratiquent
des actes chirurgicaux avec risque de lymphocèles post-opératoires de connaître les
moyens théoriques de prévention.
Le traitement préventif
• En région axillaire
La pulvérisation de colle de fibrine n’est
absolument pas entrée dans les habitudes de la chirurgie du cancer du sein.
Le capitonnage de la loge du curage,
réalisant deux plans superposés de fermeture solidarisés entre eux (musculaires et sous-cutanés) sans drainage,
serait, selon Garnier et coll. (4), le
moyen le plus fiable, mais cette technique est inesthétique et source de douleurs post-opératoires.
Plus intéressante, mais en cours d’éva-
64
luation, serait la technique de lipoaspiration du creux axillaire suivie d’un
curage par voie endoscopique, car elle
permettrait selon les auteurs (Suzanne
et coll., Clermond-Ferrand) de diminuer la durée et la quantité de liquide
ainsi que le nombre de lymphocèles.
• En région pelvienne
La non-péritonisation avec épiploplastie (si l’épiploon est conservé) reste un
geste préventif essentiel qui abaisserait
l’incidence de 30 % à 10 %. Caubel et
Baladur, sur 124 cas, rapportent une
diminution de l’incidence de l’ordre de
20 % sur les 83 cas avec péritonisation,
et de 2,5 % pour les 41 cas sans péritonisation avec épiploplastie.
La lymphadénectomie ilio-obturatrice
laparoscopique permet d’évaluer avec
un rendement comparable et une faible
morbidité le statut ganglionnaire pelvien, seulement 4 % de lymphocèles
sur 200 patients dans la série publiée
par Dargent en 1993 (3). L’explication
avancée serait l’absence de laparotome,
la non-péritonisation habituelle et la
barolymphostase.
• En région inguinale
Il convient de lier tous les éléments du
tissu cellulaire sous-cutané, en sachant
que l’on s’expose au risque de créer un
lymphœdème.
Conclusion
Si une lymphocèle apparaît malgré les
moyens de prévention utilisés – c’est-àdire l’absence de péritonisation et
d’épiploplastie de la région pelvienne,
et l’injection d’anticoagulants dans la
partie supérieure du corps –, il ne faudra la traiter que si elle est symptomatique, volumineuse ou tardive.
On débutera :
– par des ponctions simples ou répétées
en région axillaire ou inguinale, voire
une exérèse complète s’il existe une
coque fibreuse ;
– par un drainage percutané simple puis
une injection de produits sclérosants en
région pelvienne ;
– par la chirurgie, celle-ci étant réservée aux échecs de toutes les techniques
et pratiquée de préférence sous contrôle
vidéo-laparoscopique.
Références bibliographiques
1. Brun J.L.: Lymphocèles et fistules lymphatiques post-opératoires dans les cancers géni-
to-mammaires. Bulletin du cancer, 1995, 82
(9) : 711-6.
2. Caubel P., Baladur A., Fouques H. et coll. :
Intérêt de la non-péritonisation pour le traitement préventif des lymphocèles après lymphadéno-colpo-hystérectomie élargie. Notre expérience sur une série comparative rétrospective
de 124 cas. Ann. Chir., 1989, 43 : 525-9.
3. Dargent D., Arnoult P., Mathevet P. :
Possibilités et limites de l’évaluation des ganglions pelviens dans la prise en charge des
malades atteintes de cancers du col utérin.
Jobgyn., 1993, 1 : 39-46.
4. Garnier J.M., Hamy A., Classe J.M. et coll. : Une
nouvelle approche du creux axillaire : lymphadénectomie axillaire fonctionnelle et capitonnage. J.
Gynécol. Obstét. Biol. Reprod., 1993, 22 : 237-42.
65
5. Gill I.S., Hodge E.E. : Transperitoneal
marsupialization of lymphoceles : a comparison of laparoscopic and open techniques.
Journal of Urology, 1995, 153 : 706-11.
6. Molnar B.G., Magos A.L., Walker P.G. :
Laparoscopic excision and marsupialization of
bilateral pelvic lymphocysto to following extended
hysterectomy and pelvic lymphadenectomy for
endometrial carcinoma. British Journal of
Obstetrics and Gynecology, 1997, 104 (2) : 263-6.
7. Zuckerman D.A., Yeager T.D. : Percutaneous
ethanol sclerotherapy of postoperative lymphoceles. Amer. Journal of Roentgenology, 1997,
169 (2) : 433-7.
Téléchargement