Thrombopénies aux inhibiteurs de la pompe à protons

Thrombopénies
aux inhibiteurs
de la pompe à protons
Magali Bisch
1
, Thierry Weitten
1
, Pauline Dietsch
2
, Martine Alt
2
,
Emmanuel Andrès
1
1
Service de médecine interne, diabète et maladies métaboliques, Clinique médicale B,
Hôpital Civil, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, 1 porte de lHôpital,
67091 Strasbourg Cedex, France
2
Centre de pharmacovigilance dAlsace, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Strasbourg,
France
Les principales classes médicamenteuses susceptibles dinduire une thrombopénie sont les
médicaments de type anticoagulant dont les plus fréquents sont les héparines, les anti-
infectieux (rifampicine, cotrimoxazole, pénicilline), les sels dor ou encore la quinine, les
quinidiniques et les antidiabétiques oraux. Récemment, les inhibiteurs de la pompe à protons
(IPP) ont également été suspectés comme étant à lorigine dune toxicité plaquettaire. Une
revue de la littérature et linterrogation de bases de données de pharmacovigilance font
apparaître dexceptionnels cas de thrombopénie aux IPP, cette dernière étant en général
peu voire asymptomatique. Néanmoins, en pratique, la connaissance dun tel effet indésirable
des IPP peut être utile à lenquête étiologique dune thrombopénie.
Mots clés : thrombopénie, cytopénie, inhibiteurs de la pompe à protons, effet indésirable,
iatrogénie
Les thrombopénies induites par des
médicaments sont relativement
fréquentes [1]. On estime leur inci-
dence annuelle entre 1 pour 100 000
habitants à 1 pour 15 000 habitants
selon les traitements incriminés (pour
cette dernière, on peut par exemple
citer les diurétiques thiazidiques).
Les principales classes médica-
menteuses susceptibles dinduire une
thrombopénie sont les médicaments
de type anticoagulant dont les plus
fréquents sont les héparines, les anti-
infectieux (rifampicine, cotrimoxa-
zole, pénicilline), les sels dor ou
encore la quinine, les quinidiniques
et les antidiabétiques oraux [1, 2].
Or, il apparaît suite à une analyse
bibliographique et à la consultation
des données du centre régional de
Pharmacovigilance de Strasbourg
que les inhibiteurs de la pompe à pro-
tons (IPP) peuvent également être à
lorigine dune toxicité plaquettaire,
cette dernière étant en général mécon-
nue des praticiens.
En pratique, il sagit dune classe
très fréquemment prescrite. Les IPP
occupaient ainsi en 2006 le troisième
rang des dépenses de lassurance-
maladie et la France, avec 22 compri-
més par an et par habitant, se situe au
deuxième rang de la consommation
des pays européens [4].
Lutilisation massive des IPP et la
méconnaissance de cet effet rendent
lanalyse des données disponibles
intéressante et sont à lorigine de ce
travail et de cette mise au point.
Rappels
sur les thrombopénies
médicamenteuses
Une thrombopénie est définie par
une baisse du nombre de plaquettes
sanguines inférieure à 150 G/L
(150 000/mm
3
) [5]. Sur un plan cli-
nique, un nombre de plaquettes situé
entre 50 et 150 G/L nentraîne généra-
lement pas de conséquence grave, les
doi: 10.1684/met.2009.0214
m
t
Tirés à part : M. Bisch
mt, vol. 15, n° 4, octobre-novembre-décembre 2009
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hémorragies notamment viscérales ainsi que le purpura
thrombopénique napparaissant quà moins de 10 G/L.
Cela explique pourquoi la majorité des thrombopénies
médicamenteuses passent inaperçues et celles-ci ne sont
de ce fait en principe pas rapportées (sous notification des
cas) [2]. Le plus souvent, le médicament incriminé dans la
genèse de la thrombopénie a été pris pendant environ
1 semaine en continu, ou pendant une période plus longue
sil est administré de façon intermittente avant que les pre-
miers symptômes tels que pétéchies et ecchymoses nappa-
raissent. Chez les patients plus sévèrement atteints, on
observe un purpura, ainsi que des épistaxis, saignements
gingivaux, gastro-intestinaux ou encore urinaires [6].
Dans la plupart des cas, le mécanisme de la thrombo-
pénie nest pas précisé dans la littérature relatant des cas
isolés de thrombopénies médicamenteuses. Toutefois, 3
principaux mécanismes à lorigine des thrombopénies médi-
camenteuses sont décrits et ont été plus ou moins bien docu-
mentés et reproduits dans des modèles animaux [2].
Inhibition de la production médullaire
Il sagit dans ce cas dun mécanisme central touchant
une ou plusieurs lignée(s). Les principaux médicaments
responsables sont la colchicine, le tolbutamide et les diu-
rétiques thiazidiques [2]. En outre, les médicaments cyto-
statiques entraînent inévitablement une thrombopénie
centrale par inhibition de la production médullaire.
Consommation périphérique
Ce mécanisme est rare. Il est dû à une agression endo-
théliale provoquée par des inhibiteurs de lactivation pla-
quettaire comme la ticlopidine, la mitomycine ou encore
la gemcitabine [2].
Hyperdestruction immunologique
Cest le mécanisme le plus fréquent, et également le
plus documenté. Il est causé par lapparition danticorps
dirigés contre des glycoprotéines de la membrane pla-
quettaire. Ces derniers nagissent quen présence du
médicament ayant provoqué leur apparition [2].
Les mécanismes de formation de ces anticorps ainsi
que leur action antiplaquettaire sont très divers [7] :
Anticorps haptène-dépendants : les molécules de
petit poids moléculaire (< 2-5 kDa) ne possèdent pas de
pouvoir immunogène. Elles peuvent toutefois stimuler la
production danticorps lorsquelles sont liées de façon
covalente à une protéine de transport. Le mécanisme de
la thrombopénie immunologique est dans ce cas le sui-
vant : le médicament se lie de manière covalente à une
glycoprotéine membranaire de la surface plaquettaire et
se conduit alors comme un haptène pour induire une
réaction immunitaire humorale dirigée contre le com-
plexe ainsi formé. Cest le cas notamment des bêtalacta-
mines (pénicillines).
Thrombocytopénie immunologique « quinine-like » :
ce mécanisme concerne entre autres les traitements par qui-
nine, quinidine, ainsi que les antibiotiques de la famille des
sulfamides. La réaction se produit après 5 à 8 jours de traite-
ment ou en un jour si le patient avait déjà été exposé au
médicament sensibilisant auparavant. Elle est caractérisée
par la présence dIgG et dIgM réagissant avec les épitopes
suivants de la membrane plaquettaire : GPIIb/IIIa (récepteur
du fibrinogène) et GPIb/IX (récepteur du facteur de Wille-
brand) en présence du médicament dans sa forme soluble
uniquement. En effet, la liaison du médicament à la glyco-
protéine membranaire forme un nouvel épitope ou pro-
voque une modification conformationnelle ailleurs dans la
molécule qui sera spécifique de lanticorps produit.
Inhibition GPIIb/IIIa : les molécules impliquées sont
le tirofiban et leptifibatide, médicaments antiagrégants
plaquettaires utilisés dans linsuffisance coronarienne
aiguë, notamment suite à une angioplastie coronaire.
Dans le cas de traitements par un de ces deux principes
actifs, la thrombopénie peut se déclarer dès la première
exposition. A priori, cela suggère un mécanisme non-
immun. Cependant, il a été prouvé [8] quil sagit de
thrombopénies induites par des anticorps reconnaissant
le médicament lié au récepteur GPIIb/IIIa et que ces
anticorps sont naturellement présents ou du moins
préexistants.
Anticorps drogue-dépendants :ilsagit du méca-
nisme impliqué dans les thrombopénies induites par
labciximab qui est un fragment Fab chimérique
(humain/murin) spécifique du récepteur GPIIb/IIIa qui
empêche la réaction avec le fibrinogène par empêche-
ment stérique. Environ 1 % des patients développent une
thrombopénie aiguë lors de la première administration du
médicament. Ce chiffre sélève à 5 à 10 % lors de la
deuxième administration. Ces patients présentent habi-
tuellement des IgG et des IgM spécifiques des plaquettes
recouvertes dabciximab. Au contraire, dans environ
50 % de la population sont présents des anticorps similai-
res spécifiques dun épitope situé à la partie C-terminale
de labciximab mais la liaison de ces anticorps aux pla-
quettes recouvertes dabciximab est facilement inhibée.
Il se pourrait que les anticorps responsables de thrombo-
pénies aiguës soient spécifiques de la partie murine du
fragment Fab. On ne sait toutefois pas encore pourquoi
les anticorps présents naturellement ne provoquent pas
de thrombopénie, ni la raison pour laquelle des anticorps
responsables de la destruction massive de plaquettes sont
présents chez une minorité de patients.
Auto-anticorps induits par un médicament :les
patients chez qui se produit une thrombopénie « quinine-
like » produisent parfois également des anticorps non
drogue-dépendants dirigés contre les glycoprotéines de la
membrane plaquettaire. Il sagit notamment des thrombo-
pénies aux sels dor, qui sont bien connues. Toutefois le
mt, vol. 15, n° 4, octobre-novembre-décembre 2009 323
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mécanisme de production de ces anticorps nest pas encore
élucidé.
Formation de complexes immuns :cest le méca-
nisme impliqué dans les thrombopénies induites par
lhéparine. Après 7 jours de traitement par héparine non
fractionnée, environ 50 % des patients produisent des
anticorps dirigés contre le complexe héparine-facteur 4
plaquettaire. Une thrombopénie est alors induite chez
5 % des patients (rarement sévère), parmi lesquels 10 %
présentent une thrombose paradoxale engageant le pro-
nostic vital.
George et al. ont réalisé une analyse systématique des
cas de thrombopénies médicamenteuses publiés en utili-
sant les critères dimputabilité décrits dans le tableau 1
[9]. Ces critères seront ensuite utilisés pour chaque cas
étudié dans notre travail [7].
Rappels sur les inhibiteurs
de la pompe à protons
Loméprazole a été le premier inhibiteur de la pompe
à protons (IPP) mis sur le marché aux États-Unis et en
Europe à la fin des années 1980. Il a depuis été suivi par
le lansoprazole, et plus récemment par le pantoprazole,
lésoméprazole qui est lisomère S de loméprazole ou
encore le rabéprazole.
Les IPP agissent après absorption par la muqueuse
intestinale, distribution dans lorganisme et sécrétions
dans les cellules pariétales gastriques. Les molécules
sont ionisées dans ces cellules où le pH est proche de 2.
La forme ionisée va alors se lier par liaison covalente à un
groupement SH présent sur la sous-unité alpha de la
pompe à protons H+/K+ATPase, provoquant son inhibi-
tion réversible. Comme le montre la figure 1,linhibition
de cette pompe conduit à une diminution des protons
atteignant la cavité stomacale.
Depuis la mise sur le marché des premiers IPP à la fin
des années 1980, leur utilisation na cessé de croître,
parfois avec un mésusage de ces molécules. Un travail
réalisé en 2006 par la Société nationale française de
gastro-entérologie dans la circonscription de Grenoble a
montré que sur 600 questionnaires envoyés à des
médecins généralistes ayant prescrit de IPP en première
intention, 46,3 % des prescriptions se sont avérées non
conformes aux indications de lAMM et dans 21 % des
cas la posologie nétait pas celle recommandée [3].
Le tableau 2 reprend les principales indications thérapeu-
tiques validées des IPP [10].
Lutilisation massive de cette classe médicamenteuse
a permis une bonne connaissance de ses effets indésira-
bles fréquents (> 1/100) tels que céphalées, douleurs
abdominales, constipation, diarrhées, flatulences, nau-
sées et vomissements qui restent la plupart du temps
bénins, et dêtre convaincu de leur sécurité demploi.
Toutefois, la survenue deffets plus rares (> 1/10 000)
notamment hématologiques (leucopénie, thrombocytopé-
nie) reste mal connue et difficile à évaluer en raison de
leur discrétion, voire de leur sous-notification.
Thrombopénies induites par les IPP
Données issues de la base nationale
de pharmacovigilance
Une recherche dans la base de données nationale de
pharmacovigilance concernant les thrombopénies sous
Tableau 1. Critères dimputabilité utilisés
pour les thrombopénies médicamenteuses [9]
Critères Description
1 Prise du médicament avant la thrombopénie
et
Disparition complète et durable après larrêt
du médicament
2 Traitement unique par ce médicament
avant la thrombopénie
ou
Maintien ou réintroduction dautres médicaments
avec maintien de la normalisation plaquettaire
3 Exclusion dautres causes de thrombopénie
4 Thrombopénie causée par une réexposition
au médicament
Niveaux
dévidence
Imputabilité
I Certain (présence des critères 1, 2, 3 et 4)
II Probable (présence des critères 1, 2 et 3)
III Possible (présence du crire 1)
IV Peu probable (absence du critère 1)
HCO3-
CO2
O2
H2O
Cl-
K+
H+
K+
Cl-
histamine
AMPc
Cellule pariétale
ADP
ATP
H2
ATP
ase
Figure 1. Inhibition de la pompe à protons H+/K+ATPase
conduisant à une diminution des protons qui atteignent la cavité
stomacale.
mt, vol. 15, n° 4, octobre-novembre-décembre 2009
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IPP a donné les chiffres indiqués dans le tableau 3 concer-
nant des dossiers où lIPP est considéré comme suspect.
Il sagit du nombre de cas répertoriés depuis le début de la
commercialisation de chacun des médicaments.
Données issues de Drugdex
®
Les données suivantes sont issues de la banque de
données Drugdex®qui présente des synthèses de données
sur les médicaments, de documents consultés au centre
régional de pharmacovigilance de Strasbourg ainsi que
dune recherche bibliographique à laide de PubMed.
Aucun article relatant une thrombopénie induite par éso-
méprazole ou rabéprazole na été trouvé.
Oméprazole
La banque de données Drugdex
®
fait état de la surve-
nue dévénements hématologiques à type de pancyto-
pénie, thrombopénie, neutropénie, anémie, leucopénie
ou anémie hémolytique chez moins de 1 % des patients
traités par oméprazole. Ci-dessous sont rapportés les 3 cas
de thrombopénies associées à la prise doméprazole.
Cas n°1 [12]
Un homme de 47 ans avec des antécédents déthy-
lisme chronique a été admis pour altération de létat géné-
ral. De loméprazole lui a été prescrit à la dose de 20 mg/
jour suite au diagnostic dœsophagite ulcérative. De plus,
il est traité par cisapride et hydroxydes daluminium et de
magnésium pour une hernie hiatale, et par propranolol
pour hypertension artérielle. Après 4 jours de traitement,
une thrombopénie à 94 G/L est apparue, allant jusquà
64 G/L après 7 jours. Le bilan de coagulation intravascu-
laire disséminée étant négatif et le patient étant apyré-
tique, aucune cause autre que la cause toxique napu
être envisagée. Ladministration doméprazole a donc
été arrêtée, et les plaquettes sont revenues à 122 G/L
après 3 jours pour atteindre le nombre normal de 196 G/L
après 4 jours. Le lien de causalité de loméprazole est dans
ce cas « probable » (critères 1, 2 et 3 du tableau 1) [11].
Cas n°2 [13]
Une femme de 80 ans a été admise pour anémie, ictère
et tendance hémorragique, le tout évoluant depuis environ
5 semaines après linstitution dun traitement par omépra-
zole. À ladmission, elle présentait une hémoglobinémie
de 6,4 g/dL, une numération plaquettaire de 1 G/L, des
leucocytes à 7,5 G/L et des réticulocytes à 325/1 000.
Les tests de Coombs direct et indirect étaient tous deux
positifs à ladmission, et elle présentait une valeur dIgG
associées aux plaquettes (PAIgG) de 110 ng/10
6
(valeurs
moyennes : 2.0-10 ng/10
6
plaquettes [14]). Après larrêt
du traitement par oméprazole, les valeurs de lhémoglo-
bine et des plaquettes ont progressivement augmen
jusquà atteindre un niveau normal. À 27 jours dhospita-
lisation, le test de Coombs direct était positif et lindirect
négatif. Le nombre de PAIgG était également revenu à la
normal. Après 59 jours dhospitalisation, la patiente a pu
sortir, et 40 jours plus tard le test de Coombs direct est
devenu négatif. Il sagirait dans ce cas dune anémie
hémolytique associée à une thrombopénie sévère causée
par loméprazole via un immun complexe. À nouveau, le
rôle joué par lIPP est « probable » (critères 1, 2 et 3 du
tableau 1) [15].
Cas n°3 [16]
Un homme de 58 ans présentant une cirrhose
alcoolique et des varices œsophagiennes a été admis
pour saignement gastro-intestinal. Ce dernier a été traité
efficacement par sclérothérapie. De loméprazole IV a été
administré au patient pendant 6 jours (80 mg/jour), et le
sixième jour les leucocytes étaient à 2,8 G/L et les pla-
quettes à 29 G/L, ce qui correspond à une baisse respec-
tivement de 28 % et 24 % par rapport à la valeur avant le
traitement par IPP. À larrêt du traitement, les numérations
ont augmenté pendant 13 jours de 50 % et 72 %.
Tableau 3. Nombres de cas répertoriés dans la base
de données nationale de pharmacovigilance depuis la commercialisation
de chaque inhibiteur de la pompe à protons
Molécule Nombre de cas Date de commercialisation [11]
Oméprazole 433 15/04/1987
Lansoprazole 40 11/12/1990
Pantoprazole 66 08/02/1995
Esoméprazole 111 12/09/2000
Rabéprazole 13 25/11/2000
Tableau 2. Principales indications validées des inhibiteurs de la pompe à protons [10]
Principales indications reconnues des IPP
En association à une antibiothérapie, pour léradication dHelicobacter pylori en cas de maladie ulcéreuse gastroduonale
En cas dulcère duodénal ou gastrique évolutif
En cas dœsophagite érosive ou ulcérative symptomatique par reflux gastro-œsophagien (RGO)
Pour le traitement symptomatique du RGO associé ou non à une œsophagite
Pour le traitement dentretien des ulcères duodénaux chez les patients non infectés par H. pylori ou chez qui léradication na pas été possible
Pour le traitement dentretien des œsophagites par RGO
En cas de syndrome de Zollinger-Ellison (ulres récidivants sur la muqueuse de lestomac et du duodénum)
Pour le traitement préventif des lésions gastroduonales induites par les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) chez le patient à risque
mt, vol. 15, n° 4, octobre-novembre-décembre 2009 325
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Lansoprazole
Des cas ont également été trouvés dans la littérature
en utilisant Drugdex
®
.
Cas n°1 [16]
Un homme de 85 ans était admis pour asthénie et
melaena depuis 2 jours. Lanalyse sanguine réalisée le
jour de ladmission a montré une hémoglobinémie à
8,6 g/dL et des plaquettes à 160 G/L. Son INR était de
4,3. Après avoir arrêté le traitement habituel du patient
(irbesartan, furosémide, aténolol), il a été transfusé de 2
unités de globules rouges et de 2 unités de plasma frais
congelé. On lui a également administré 5 mg de vitamine
K en sous-cutané. LINR a alors baissé à 2,8. Au même
moment a été débuté le traitement oral par lansoprazole
60 mg 2 fois par jour. Au deuxième jour dhospitalisation,
la numération plaquettaire a baissé à 102 G/L (36 %)
après les 2 premières doses de lansoprazole 60 mg, et
est descendue à 36 G/L (78 %) le troisième jour. Le lan-
soprazole étant la seule médication suspectée de cet effet
toxique, il a été arrêté le troisième jour, soit après 4 doses
de 60 mg de lansoprazole. Entre les jours 4 et 6, la numé-
ration plaquettaire est remontée à 105 G/L. Encore une
fois, le lien entre la thrombopénie et lIPP est « probable »
(critères 1, 2 et 3 du tableau 1) [10]. Les transfusions ont
été répétées durant toute lhospitalisation (8 unités de glo-
bules rouges en tout) et pourraient être la cause dune
hémodilution qui expliquerait la thrombopénie. Cepen-
dant, lhémoglobinémie a été croissante et infirme cette
hypothèse.
Cas n°2 [17]
Une femme de 76 ans a été hospitalisée suite à un
accident vasculaire cérébral ischémique. Le jour de son
admission, le traitement suivant a été mis en place : lan-
soprazole 30 mg/jour et héparine, relayée par du clopido-
grel per os le quatrième jour. Le traitement antihyperten-
seur suivi à domicile par la patiente était de leprosartan,
qui a été remplacé le deuxième jour par lassociation
nicardipine-bisoprolol. Une analyse sanguine réalisée le
quatrième jour a montré une numération plaquettaire de
193 G/L et des leucocytes à 5,3 G/L. Le quatorzième jour
ces valeurs nétaient plus que de 136 et 2,3 soit une baisse
respectivement de 30 % et 57 %, alors que les neutrophi-
les ont été comptés à 0,8 G/L. À nouveau, la seule cause
évidente étant une cause toxique, le lansoprazole a été
arrêté le quatorzième jour. Les valeurs mesurées 4 jours
après larrêt ont été : leucocytes 4 G/L, plaquettes 166 G/L
et neutrophiles 2 G/L. Ce rétablissement rapide après
larrêt du médicament suspect rend probable le lien de
causalité entre thrombopénie, et ici également neutropé-
nie et leucopénie, et le lansoprazole. En effet, il ny a chez
la patiente pas dautre cause apparente de thrombopénie,
celle-ci est apparue lors de ladministration du médica-
ment et a régressé à son arrêt, et enfin la normalisation
plaquettaire a eu lieu malgré le maintien des autres médi-
caments (bisoprolol et nicardipine).
Pantoprazole
La banque Drugdex
®
rapporte également des évène-
ments hématologiques chez moins de 1 % des patients
traités par pantoprazole. Dans la littérature, 2 cas de
thrombopénie associée à la prise de pantoprazole ont
été jusquà maintenant décrits.
Cas n°1 [18]
Il sagit dune femme de 62 ans, africaine-américaine,
hospitalisée pour nausées, vomissements, diarrhées,
hyperleucocytose et troubles psychiques. On note égale-
ment des frissons depuis 2 jours non accompagnés de fiè-
vre. Elle souffre de drépanocytose et a présenté un acci-
dent vasculaire cérébral 5 ans avant lhospitalisation. Son
traitement (acide folique, docusate de sodium (laxatif),
ranitidine, prométhazine, bupropion, paracétamol, oxyco-
done et patch de fentanyl) a été arrêté à ladmission, à
lexception de lacide folique. Hospitalisée, elle a reçu
pipéracilline/tazobactam, métronidazole, paracétamol à
la demande, et pantoprazole 40 mg/jour. Le métronidazole
a été arrêté au troisième jour, le reste de lantibiothérapie a
été suivi pendant toute lhospitalisation. La numération
plaquettaire de la patiente a diminué de jour en jour
jusquau sixième jour où elle a atteint un nadir de 87 G/L
(340 G/L à ladmission) soit une baisse de 74 %. Le panto-
prazole a été arrêté ce jour, et les plaquettes sont alors
remontées à 199 G/L à J8 et 212 G/L à J9.
Cas n°2 [18]
Un homme de 42 ans a été hospitalisé pour douleurs
gastriques et dorsales associées à des nausées et vomisse-
ments. Il présente en outre un syndrome de lintestin court,
une fistule entérocutanée chronique, des douleurs abdo-
minales chroniques et un diabète. Dans ses antécédents
on note une thrombose veineuse profonde et une hépatite
B guérie. Il est séronégatif pour le HIV-1. À domicile, son
traitement était : morphine, lansoprazole, ondansétron,
lorazepam, diphénhydramine, paracétamol, et patch de
fentanyl. Lors de lhospitalisation tous les médicaments
ont été continués sauf le lansoprazole et le paracétamol.
Le premier jour a été instauré un autre IPP : pantoprazole
per os à la dose de 40 mg/jour, remplacé par la voie intra-
veineuse le deuxième jour. La numération plaquettaire du
patient a baissé quotidiennement jusquau cinquième jour
pour atteindre 75 G/L. Le patient avait déjà été admis à
lhôpital un mois auparavant et avait présenté un premier
épisode de thrombopénie. Un point commun entre les
deux épisodes était la prise de pantoprazole, cest pour-
quoi les cliniciens ont décidé de le remplacer au cin-
quième jour par le lansoprazole déjà utilisé à domicile.
Le nombre de thrombocytes est alors passé à 95 G/L le
lendemain, puis 126 G/L 5 jours plus tard.
mt, vol. 15, n° 4, octobre-novembre-décembre 2009
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