Entorse de cheville
Quelle démarche diagnostique et thérapeutique en 2004 ?
J
N
M
G
SAMEDI APRÈS-MIDI : 1re SESSION
ATELIER N°5
La prévalence du traumatisme aigu de la cheville est éva-
luée à 6 000 par jour en France.1Cette dernière mène le
patient à consulter de préférence dans les services d’ur-
gences hospitaliersoù il est sûr de trouver sur place la possi-
bilité de réaliser des radiographies.Or,la radiographie d’une
cheville1,2 n’est pas le premier acte de prise en charge,elle est
même très souvent inutile.Elle peut être évitée à l’aide des
critères d’Ottawa.
Le plus souvent, la blessure se produit alors que la cheville est
en varus forcé,provoquant une entorse externe caractérisée
par une atteinte plus ou moins importante d’un,deux ou
trois faisceaux du ligament latéral de l’articulation tibio-
tarsienne.Dix pour cent des entorses de cheville se font par
éversion,avec atteinte du ligament deltoïde,principal com-
posant du ligament collatéral médian .
Mais la prise en charge d’un traumatisme fermé récent de
la cheville impose d’évoquer les principaux diagnostics diffé-
rentiels pouvant s’associer à l’entorse (v. tableau I).Aux
urgences hospitalières, ces diagnostics concernent au maxi-
mum 15% des traumatismes de la cheville et seulement 1 à 4%
chez le médecin généraliste en fonction du type de pratique.
La prise en charge de lentorse de cheville se base aujour-
dhui sur les référentiels bien codifiés : les critères dOttawa
pour les indications radiologiques, et le protocole RICE ou
GREC pour le traitement initial, qui permettent au médecin
généraliste de traiter cette pathologie. En France,2 confé-
rences de consensus ont validé cet état de la connaissance en
la complétant par une procédure de prise en charge kinési-
thérapique.1,2
LES CRITÈRES D’OTTAWA POUR EXCLURE UNE
FRACTURE
Lapplication des critères dOttawa,proposés par Stiell en
1992,permet dexclure une fracture en labsence de radio-
graphie (0,3 % de faux négatifs).
Appliqués dans les premières 48 heures sur un trau-
matisme isolé de la cheville, ces critères sont confirmés depuis
par de nombreuses études,3même chez les sujets de moins
de 18 ans et de plus de 55 ans qui étaient exclus à lorigine de
ce test et de la conférence de consensus de la SFUM en 1995 ;
notons quavant 12ans, lentorse de cheville est exception-
nelle au profit du décollement épiphysaire,et quaprès 55 ans
la fragilité osseuse est accrue avec une sémiologie qui semble
moins typique.1
Le test clinique comporte la recherche dune douleur
spontanée de la cheville ou du tarse associée à:
une douleur à la palpation osseuse du bord postérieur ou de
la pointe de lune des deux malléoles sur une hauteur de 6cm ;
ou une douleur à la palpation osseuse de la base du
5emétatarsien ou de los naviculaire (scaphoïde tarsien) ;
ou limpossibilité de faire 4pas.
Si le test est positif, un bilan radiologique orienté sur la
zone douloureuse est demandé:
si une lésion de la cheville est suspectée,il est demandé :
.cheville de profil,
.cheville de face en rotation interne de 20°;
si une lésion du pied est suspectée,il est prescrit une radio-
graphie du pied en précisant le siège de la douleur suspecte.
LE TRAITEMENT INITIAL RICE OU GREC 1, 2
En labsence de fracture,on considère aujourdhui que
le traitement de lentorse de cheville est essentiellement
fonctionnel,privilégiant la mobilité et lappui précoce.
En présence dun test dOttawa négatif ou de radio-
graphies négatives,la prise en charge initiale est symptoma-
tique,luttant contre la douleur, l’œdème et linflammation
par les principes popularisés sous le terme de «RICE» (Rest,
Ice,Compression,Elevation) ou de «GREC» avec:
un Glaçage réalisé soit par une poche de glace et deau
apposée sur la peau par lintermédiaire dun linge mouillé
pendant 20 à 30minutes, et répété 4fois par jour, soit par
limmersion de la cheville dans leau glacée;
le Repos, la diminution ou larrêt de la mise en charge au
stade initial sont maintenus tant que la douleur persiste :la
prescription et lutilisation de cannes anglaises sont justi-
fiées pour les déplacements;
LA REVUE DU PRATICIEN - MÉDECINE GÉNÉRALE. TOME 18. N°664/665 DU 11 OCTOBRE 2004 1091
Dans la majorité des cas, aujourd’hui, la prise en charge d’une entorse externe
de la cheville peut s’effectuer par le médecin généraliste avec ou sans
radiographie en s’appuyant sur le test d’Ottawa et le traitement fonctionnel
RICE ou GREC.
Par Bernard
Desnus,médecin
généraliste
et médecin
du sport,
94300 Vincennes,
bernard.desnus@
wanadoo.fr ;
Yves Demarais,
rhumatologue,
INSEP, 75012 Paris.
yves.demarais@
insep.fr
Atelier ACFM
2004
Entorse : cheville
en varus forcé
(adduction +
supination
+/- flexion
plantaire),
Six centimètres
du bord postérieur
distal de la pointe
des malléoles
internes et externe.
Os naviculaire
scaphoïde ; base
du 5ematatarsien.
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lElévation du membre doit être maintenu le plus long-
temps possible ;
la Compression peut être réalisée avec une chevillère élas-
tique,un bandage en 8 par bande cohésive,un strapping
(bandage adhésif extensible),un tapping (bandage adhésif
non extensible),ou une orthèse stabilisatrice préfabriquée
dont de nombreux modèles sont à la disposition des
patients dans les officines des pharmaciens de ville.
Ce traitement peut se compléter par la prescription
dun antalgique pur comme le paracétamol et (ou) dun AINS
sous forme orale ou locale (gel, crème ou pommade). Un
traitement préventif des thromboses veineuses nest pas néces-
saire en cas de traitement fonctionnel,sauf en cas de facteurs
de risques ou dantécédent de thrombose veineuse, mais
recommandé en cas dimmobilisation stricte.
LA PLACE DE LA KINÉSITHÉRAPIE
DANS L’ENTORSE DE CHEVILLE
Les recommandations de la conférence de consensus sur la
rééducation de la cheville 2concernent lentorse externe
récente sans fracture,chez ladulte non sportif, traitée fonc-
tionnellement quel que soit le stade de gravité.
Le généraliste, en fonction de ses compétences, peut
prescrire la rééducation en rédigeant une ordonnance com-
portant uniquement «rééducation de la cheville droite (ou
gauche) pour entorse» sans autre précision.
Le kinésithérapeuteen effectue le bilan fonctionnel et éta-
blit un protocole de traitement avec pour objectifle rétablisse-
ment de la mobilité et la lutte contre linstabilité de la cheville.
LE PROTOCOLE DE PRISE EN CHARGE1
J0 ou J1 :1re évaluation avec traitement adapté
Évaluer cliniquement un risque de fracture ou de lésion
associée par les critères dOttawa.
En labsence de signes de complications ou de lésions
associées évidentes, avec ou sans radiographie, un examen
à la recherche dune rupture ligamentaire peut être
entrepris; mais en aucun cas, un diagnostic définitif
ne doit être fait.
Mettre en place le protocole RICE ou GREC adapté
à l’état du patient en privilégiant la mobilité et lappui en
fonction de la douleur: de lappui autorisé avec un simple
bandage à limmobilisation plus stricte réalisée par orthèse
ou attelle postérieure.
Fournir au patient les informations sur la nature des
lésions diagnostiquées et les conseils sur les modalités du trai-
tement : la conférence de consensus de 1995 de la SFUM pré-
conise la remise dune feuille-conseil dont un exemplaire se
trouve dans le texte long de la conférence.
Quelle que soit la symptomatologie initiale, le patient
doit être revu à J3-J5.
J3 ou J5 : réévaluer systématiquement
Cette consultation permet de réévaluer la situation clinique,
de relire les radiographies initiales éventuelles,dapprécier le
niveau dimpotence,de réexaminer le patient.
Trois situations se présentent en fonction du degré dimpotence.
Impotence discrète ou absente associée à une simple
sensibilité du faisceau antérieur du ligament latéral:arrêt du
traitement et éviction des activités physiques et sportives pen-
dant 3 semaines.
Impotence modéréeavec marche possible mais dou-
loureuse, associée à un hématome ou une ecchymose de
la région malléolaire externe, une mobilisation passive dou-
loureuse et la palpation douloureuse dun ou deux fais-
ceaux: poursuite du traitement pendant 3semaines avec
immobilisation relative autorisant lappui et prescription
de kinésithérapie demblée si la contention est amovible,
ou à lissue des 3semaines.
Impotence importante avec marche impossible ou très
douloureuse associée à un hématome puis une ecchymose
des faces interne et externe, une mobilisation passive très
douloureuse,une palpation douloureuse du ligament laté-
ral et fréquemment du ligament médian:
si la marche est impossible,le diagnostic doit être réévalué
avec laide dun bilan radiologique orienté en fonction de
lexamen, même si des radiographies initiales ont été
négatives;
immobilisation de 5 à 6semaines dont les 3premières doi-
vent être plus strictes avec prescription de cannes anglaises et
port soit dun plâtre,soit dune résine,soit dune orthèse,
avec appui autorisé sil nest pas douloureux; après
3semaines, le patient est revu,le diagnostic réévalué,un
appui ferme est autorisé avec orthèse ou strappinget pres-
cription de kinésithérapie.
CONCLUSION
Dans la majorité des cas, la prise en charge dune entorse
externe de la cheville peut seffectuer par le médecin géné-
raliste avec ou sans radiographie en sappuyant sur le test
dOttawa et le traitement fonctionnel RICE ou GREC.Mais
en fonction de ses compétences,il ne devra pas hésiter à faire
appel à un confrère plus spécialisé en traumatologie,en
présence de fracture,d’évolution anormale ou dune impo-
tence importante.
TAB LEAU I I – LEXIQUE POUR LES PLUS ANCIENS D’ENTRE NOUS
Latéral=externe
Médian=interne
Fibula=péroné
Talus =astragale
Os naviculaire=scaphoïde tarsien
Ligament latéral=ligament latéral
externe
Ligament médian=ligament latéral
interne
Ligament talo-fibulaire
antérieur=faisceau antérieur du LLE
Ligament talo-fibulaire
postérieur=faisceau postérieur
du LLE
Ligament calcanéo-fibulaire=
faisceau moyen du LLE
La nomenclature anatomique a changé,mais vous pouvez constater
dans les référentiels un mélange des nouveaux et des anciens termes:
1092 LA REVUE DU PRATICIEN - MÉDECINE GÉNÉRALE. TOME 18. N°664/665 DU 11 OCTOBRE 2004
Références
1.Lentorse de cheville au
service des urgences
5eConférence de con-
sensus en médecinedur-
gence de la Société fran-
cophone durgence mé-
dicale Roanne,28 avril
1995.
http://www.sfmu.org/
documents/consensus/
cc_cheville.pdf
http://www.amuhf.com
/consensus/cheville.pdf
2. Rééducation de len-
torse de cheville recom-
mandations pour la pra-
tique de soins Anaes
janvier 2000.
Anaes://www.anaes.fr
3. Bachmann L, Kolb E,
Koller M et al. Accuracy
of Ottawa ankle rules
to exclude fractures of
ankle and mid-food:
systematic review . BMJ
2003 ; 326 : 417-23.
Atelier:
« Diagnostic et
traitement de
l’entorse de cheville
au cabinet
du généraliste »
animé par
Bernard Desnus
et Yves Demarais
le samedi 9 octobre
de 15 h 30 à 17 h.
Les autres entorses :
du tarse (Chopart) ou de la tarso-
métatarsienne (Lisfranc) ;
de larticulation tibio-fibulaire
(péronéo-tibiale),de la membrane
interosseuse parfois associée à
une fracture proximale de la fibula
(fracture de Maisonneuve) ;
de la talo-calcanéenne
(sous-astragalienne).
Les lésions tendineuses :
luxation des tendons des péroniers ;
rupture du tendon dAchille.
Les fractures osseuses :
malléolaire ou du pilon tibial ;
du calcanéum, du talus,
dun métatarsien (base du
5emétatarsien le plus souvent).
Les lésions cartilagineuses (dôme
du talus le plus souvent).
TA BL EAU I – DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS D’UNE ENTORSE DE LA CHEVILLE
ENTORSE DE CHEVILLE
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