LETTRE DE RECHERCHE
Février 2016
CHRISTOPHE OLIVIER
Directeur
des investissements
RÉMY CROISILLE
Responsable recherche
Gérant sénior
NICOLAS RENAUD
Contrôleur
des risques
AUTEURS :
Bayes à la rescousse
de Markowitz
Dans cette lettre de recherche, nous revenons sur la stratégie
Finaltis EfficientBetaTM et plus particulièrement sur notre méthodologie
propriétaire d’estimation de la volatilité et de la corrélation.
LEWIS MEREDITH SMITH
Gérant
Senior
L’ESSENTIEL
1. La Théorie Moderne du Portefeuille proposée par Harry Markowitz est
mathématiquement limpide. Cependant, le passage de la théorie à la
pratique se heurte à de nombreux écueils et se montre souvent décevant.
2. L’un des problèmes est l’estimation des paramètres (rendement, volatilité et
corrélation) pour le futur alors que seules sont disponibles des réalisations
passées. Le praticien est contraint de remplacer les paramètres par leurs
estimations, ce qui dégrade la qualité des résultats.
3. Le théorème de Bayes permet d’actualiser les estimations d’un paramètre à
partir des observations et de leurs lois de probabilité : il semble donc
particulièrement adapté pour contourner certains écueils de la mise en
pratique de la Théorie Moderne du Portefeuille.
4. La méthode Finaltis EfficientBetaTM applique le théorème de Bayes pour
déduire une estimation de volatilité différente de l’écart-type communément
utilisé. Elle tient compte non seulement de l’information individuelle de
chaque action mais aussi de l’information collective d’observation des
volatilités de toutes les actions. Elle intègre aussi, par un calcul probabiliste,
la notion d’incertitude de l’estimateur.
Réservé aux investisseurs professionnels au sens de la directive MIF.
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Bayes à la rescousse de Markowitz
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Un grand nombre d’acteurs financiers utilisent les fondements de la Théorie Moderne du Portefeuille proposée
par Harry Markowitz [1952] en particulier sous la forme du modèle d’évaluation des actifs financiers de Sharpe
[1964]. Dans ce modèle, le rendement d’un actif est une variable aléatoire, possédant une espérance et une
variance. Un portefeuille est alors une combinaison linéaire pondérée de tels actifs. Par conséquent, le
rendement d’un portefeuille est également une variable aléatoire avec sa propre espérance et sa propre
variance. On peut déduire les paramètres du portefeuille de celui des composantes avec :
 

et

:
est le rendement du portefeuille ;
le poids de l’actif i dans le portefeuille
sa variance (et sa volatilité) ;
le rendement de l’actif i ;
la variance de l’actif i (et la volatilité);
 la corrélation des rendements des actifs i et j.
Sous une double hypothèse d’efficience des marchés et d’aversion rationnelle des investisseurs pour le risque
estimé par la variance, on peut calculer par optimisation quadratique un portefeuille optimal qui maximise le ratio
rendement/volatilité (cette dernière étant la racine carrée de la variance).
La théorie est mathématiquement limpide et désormais largement répandue. Pourtant, avant d’obtenir le prix
Nobel en 1990, Markowitz avait failli voir sa thèse refusée en 1955, car Milton Friedman considérait que ses
travaux n’entraient pas dans le champ de l’économie…
En réalité, le passage de la théorie à la pratique se heurte à de nombreux écueils et se montre souvent
décevant. L’un des plus importants est l’incertitude de l’estimation des paramètres (rendement, volatilité et
corrélation). Pour déterminer un portefeuille optimal de n actifs, il faudrait connaître exactement les n
rendements et variances des actifs sous-jacents ainsi que les n(n+1)/2 corrélations. Alors qu’il faut estimer des
paramètres pour le futur, ne sont disponibles que des réalisations sur le passé. Le praticien est obligé de
remplacer les paramètres par leurs estimations et cela n’est pas sans conséquences sur la qualité du
résultat, d’autant plus lorsque l’estimateur a une forte incertitude.
Prenons une analogie, celle d’un tirage à pile ou face d’une pièce de monnaie parfaitement équilibrée.
Remplacer les paramètres par leurs estimations revient à admettre que le paramètre d’espérance d’un tirage pile
est de 55% parce que lors des 100 derniers tirages, le pile est sorti 55 fois. Inutile de préciser qu’utiliser
55% au lieu du paramètre réel 50% pour prédire les prochains tirages risque de ruiner le parieur; si on lui
propose de gagner 90 à chaque pile et de perdre 100 à chaque face :
il pensera gagner en moyenne 55%*90 + 45%*(-100) = 4.5 par tirage
alors qu’il en perdra en moyenne 50%*90 + 50%*(-100) = -5 par tirage.
IL FAUT SAUVER LE SOLDAT MARKOWITZ
Réservé aux investisseurs professionnels au sens de la directive MIF.
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Bayes à la rescousse de Markowitz
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Poursuivons l’analogie. Supposons que nous voulions sélectionner la ou les pièces qui ont la plus forte
probabilité de tomber sur pile lors du prochain tirage parmi un ensemble de 3 pièces dont :
deux sont équilibrées (paramètre réel 50%) ;
une a un défaut, qui fait qu’elle n’a qu’une espérance réelle de 45% de tomber sur pile.
Il suffit que dans notre phase de test, la pièce biaisée affiche un score de 52% tandis que les autres affichent
51% et 47% pour que nous la sélectionnions, si nous ne faisons confiance qu’à une seule expérience.
La beauté du pile ou face, c’est que l’expérience est reproductible. Pour autant qu’on la fasse suffisamment
longtemps, l’estimateur va converger vers le paramètre. En revanche, les investisseurs en actions n’ont pas le
luxe de reproduire l’expérience. Ils font face à un passé unique. De fait, ils sont condamnés à admettre
l’incertitude de leur mesure.
La conséquence la plus visible des écueils de la mise en pratique de la Théorie Moderne du Portefeuille de
Markowitz est l’extrême concentration des portefeuilles construits par optimisation quadratique à partir de
matrices de variances/covariances estimées par les estimateurs classiques. Le problème théorique est plus
complexe que celui du pile ou face, puisqu’il y a, si l’on ne s’intéresse qu’au dénominateur, deux paramètres, la
variance et la corrélation. En revanche, le problème pratique est le même : on va sélectionner un nombre réduit
d’actions dont les estimations récentes des paramètres sont meilleures que les autres, ce qui ne garantit en rien
que leurs paramètres réels sont différents ou meilleurs que les autres.
Face à ce symptôme de concentration observé par tous les praticiens, une première voie consiste à créer
artificiellement de la diversification par des contraintes soit :
au niveau des poids maximaux par action, par secteur ou par pays ;
par une loi de décroissance des poids des actions.
On constate que les résultats de ces méthodes, qui soignent les symptômes plus que la maladie, sont alors plus
guidés par les contraintes que par l’optimisation.
Une deuxième voie consiste à faire des hypothèses complémentaires comme par exemple :
toutes les corrélations sont nulles ; tous les rendements sont égaux, ce qui mène à des modèles de Risk
Parity ;
les rendements sont proportionnels aux volatilités, ce qui mène à des modèles de maximisation de la
diversification.
La question qui se pose alors est de savoir si ces hypothèses sont conformes à la réalité observée des actions,
ce qui ne nous paraît pas évident.
La méthode Finaltis EfficientBetaTM retient une troisième voie pour sauver le soldat Markowitz.
Réservé aux investisseurs professionnels au sens de la directive MIF.
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Bayes à la rescousse de Markowitz
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On sait peu de choses sur le Révérend Thomas Bayes (1702-1761), en dehors du fait qu’il fut nommé pasteur
près de Londres en 1742 et qu’il ne publia de son vivant que deux textes, dont un philosophique sur la nécessité
de connaître nos imperfections pour avancer sur le chemin du salut. Il n’est même pas certain que son seul
portrait conservé soit authentique. Ses seconds travaux sur les probabilités conditionnelles, qui lui valent la
postérité, ont été publiés après sa mort par un de ses amis et validés ultérieurement par Laplace. Pourtant, il a
laissé son nom à un théorème fondamental et à une branche des probabilités.
Dans sa formulation simple, le théorème de Bayes s’écrit :
LA RECETTE DU RÉVÉREND BAYES
   

Où, pour deux événements A et B :
P(A) est la probabilité de A ;
P(B) est la probabilité de B ;
P(B|A) est la probabilité de B sachant A et P(A|B) la probabilité de A sachant B.
En donnant une formule pour calculer simplement des probabilités conditionnelles, le théorème de Bayes permet
en particulier d’affiner l’estimation d’une probabilité en fonction d’un nouvel événement. Cette possibili de
diminuer l’incertitude par l’apprentissage n’est pas sans rapport avec sa philosophie du salut par la connaissance
de nos imperfections.
Examinons par exemple l’application du théorème au paradoxe de Monty Hall.
COMMENT BAYES FAIT GAGNER À UN JEU TÉLÉVISÉ
Monty Hall était le présentateur du jeu télévisé américain Let’s Make a Deal. Le paradoxe de Monty Hall, sorte
de casse-tête probabiliste, est librement inspiré d’une épreuve du jeu qui oppose le présentateur à un joueur. Le
joueur fait face à trois portes fermées, dont deux cachent une chèvre et la troisième une voiture. Le joueur
commence par désigner une porte. Le présentateur, qui sait est la voiture, ouvre alors une autre porte,
derrière laquelle il y a toujours une chèvre. En supposant que le candidat souhaite gagner une voiture (et non
une chèvre), il demande au candidat s’il veut modifier son choix de porte ou s’il veut garder son choix. Que doit
faire le candidat pour optimiser ses chances, changer ou non ?
Quand on pose ce problème en demandant une réponse rapide, il y a généralement deux groupes :
Ceux qui disent qu’il reste deux portes et que leur probabilité est la même. Il est donc inutile de changer.
Ceux qui disent qu’on avait au départ une chance sur trois de gagner et qu’en gardant son choix de
porte on a toujours une chance sur trois. Donc en changeant on doit avoir deux chances sur trois ; il est
préférable de changer.
Il s’agit en fait d’un problème classique de probabilité conditionnelle, facile à résoudre par le théorème de Bayes.
Supposons, pour la démonstration, que le candidat avait choisi en premier la porte 1 et que le présentateur a
ouvert la porte 3.
Réservé aux investisseurs professionnels au sens de la directive MIF.
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En notant :
P(V2) la probabilité que la voiture soit en porte 2 ;
P(X3) la probabilité que le présentateur ouvre la porte 3 ;
P(V2 | X3) la probabilité que la voiture soit derrière la porte 2 sachant que le présentateur a ouvert la porte 3 ;
P(X3 | V2) la probabilité que le présentateur ouvre la porte 3 sachant que la voiture est en porte 2.
Alors les Bayésiens affirment :
LES ADORATEURS DE BAYES
  

Le présentateur ne peut en effet pas choisir la porte 1 puisque le candidat l’a choisie. S’il ne sait pas que la
voiture est en porte 2, il a 2 choix (probabilité = 1/2). S’il sait se trouve la voiture, il n’a qu’un choix (probabilité
= 1/1).
L’ouverture par le présentateur d’une porte ne contenant pas la voiture apporte une information supplémentaire.
Sa bonne prise en compte par un calcul de probabilité conditionnelle permet d’améliorer nettement les
probabilités de gain. Le candidat doit changer de porte pour multiplier par deux son espérance de gain.
Le théorème de Bayes ne sert pas uniquement à améliorer son espérance de gain dans un jeu lévisé. Il est
largement utilisé dans la méthode dite d’inférence bayésienne pour actualiser les estimations d’une probabilité
ou d’un paramètre à partir des observations et des lois de probabilité de ces observations.
Le statisticien Nate Silver, devenu célèbre pour avoir prédit correctement le vainqueur de l’élection présidentielle
américaine de 2008 dans 49 états sur 50, a consacré à l’approche probabiliste et Bayes un ouvrage The Signal
and the Noise : Why So Many Predictions Fail but Some Don’t, qui a connu un large succès d’édition en 2012.
Il y détaille des applications du théorème de Bayes.
Le poker : la variante la plus populaire, le Texas Hold’em, est un parfait terrain de jeu pour les adeptes de
statistiques bayésiennes. Un premier tour de pari a lieu après la distribution des deux premières cartes à
chaque joueur, puis après le retournement des trois suivantes (the flop), après la distribution de la suivante
(the river) et enfin de la dernière (the turn). A l’origine, votre adversaire peut avoir, tout comme vous, une des
1326 mains possibles. Chaque événement (révélation de cartes, pari) donne une information nouvelle sur la
main possible de votre adversaire. Les grands joueurs sont capables en fonction de ces informations
d’améliorer leur prédiction de la main adverse, jusqu’à réduire le champ des probables à très peu de mains et
faire un pari rationnel. Par une bonne maîtrise des probabilités conditionnelles, un joueur averti peut améliorer
sensiblement son espérance de gain. Cependant, son montant d’argent disponible au départ peut être
insuffisant pour que son avantage de probabilités lui permette de gagner avant d’être ruiné. Sans compter
que l’adversaire fera tout son possible pour masquer son jeu par le bluff
Les élections présidentielles américaines : une grande partie du succès des prédictions de Nate Silver en
2008 et donc de sa notoriété est liée au processus de révision de ses probabilités initiales en fonction des
nouveaux résultats disponibles.
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