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LETTRE DE RECHERCHE
Bayes à la rescousse de Markowitz
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Un grand nombre d’acteurs financiers utilisent les fondements de la Théorie Moderne du Portefeuille proposée
par Harry Markowitz [1952] en particulier sous la forme du modèle d’évaluation des actifs financiers de Sharpe
[1964]. Dans ce modèle, le rendement d’un actif est une variable aléatoire, possédant une espérance et une
variance. Un portefeuille est alors une combinaison linéaire pondérée de tels actifs. Par conséquent, le
rendement d’un portefeuille est également une variable aléatoire avec sa propre espérance et sa propre
variance. On peut déduire les paramètres du portefeuille de celui des composantes avec :
et
Où:
• est le rendement du portefeuille ;
• le poids de l’actif i dans le portefeuille
•
sa variance (et sa volatilité) ;
• le rendement de l’actif i ;
• la variance de l’actif i (et la volatilité);
• la corrélation des rendements des actifs i et j.
Sous une double hypothèse d’efficience des marchés et d’aversion rationnelle des investisseurs pour le risque
estimé par la variance, on peut calculer par optimisation quadratique un portefeuille optimal qui maximise le ratio
rendement/volatilité (cette dernière étant la racine carrée de la variance).
La théorie est mathématiquement limpide et désormais largement répandue. Pourtant, avant d’obtenir le prix
Nobel en 1990, Markowitz avait failli voir sa thèse refusée en 1955, car Milton Friedman considérait que ses
travaux n’entraient pas dans le champ de l’économie…
En réalité, le passage de la théorie à la pratique se heurte à de nombreux écueils et se montre souvent
décevant. L’un des plus importants est l’incertitude de l’estimation des paramètres (rendement, volatilité et
corrélation). Pour déterminer un portefeuille optimal de n actifs, il faudrait connaître exactement les n
rendements et variances des actifs sous-jacents ainsi que les n(n+1)/2 corrélations. Alors qu’il faut estimer des
paramètres pour le futur, ne sont disponibles que des réalisations sur le passé. Le praticien est obligé de
remplacer les paramètres par leurs estimations et cela n’est pas sans conséquences sur la qualité du
résultat, d’autant plus lorsque l’estimateur a une forte incertitude.
Prenons une analogie, celle d’un tirage à pile ou face d’une pièce de monnaie parfaitement équilibrée.
Remplacer les paramètres par leurs estimations revient à admettre que le paramètre d’espérance d’un tirage pile
est de 55% parce que lors des 100 derniers tirages, le côté pile est sorti 55 fois. Inutile de préciser qu’utiliser
55% au lieu du paramètre réel 50% pour prédire les prochains tirages risque de ruiner le parieur; si on lui
propose de gagner 90€ à chaque pile et de perdre 100€ à chaque face :
•il pensera gagner en moyenne 55%*90€ + 45%*(-100€) = 4.5€ par tirage…
•… alors qu’il en perdra en moyenne 50%*90€ + 50%*(-100€) = -5€ par tirage.
IL FAUT SAUVER LE SOLDAT MARKOWITZ