Chez le pharmacien, les Français sont champions d'Europe L'OVERDOSE FRANÇAISE Chaque aimée, des médicaments sont retirés du marché : ils ont provoqué des troubles, des maladies, parfois la mort. Pourtant, ce ne sont pas les plus dangereux. Dans leur boulimie de "mieux-être", les Français semblent en effet ignorer que toute préparation pharmaceutique, es médicaments soignent. Ils tuent aussi quelquefois. On l'apprend généralement par la lecture d'un petit entrefilet paru dans « le Monde », qui indique modestement que tel ou tel produit est désormais interdit à la vente: Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il est soupçonné d'avoir provoqué, par exemple, quelques dizaines d'hépatites, dont certaines mortelles !Mais on peut très bien ne pas le voir et continuer son traitement... Souvent, il s'agit d'un médicament de la vie de tous les jours. Le dernier en date est l'exifone (Adlone), suspendu le 12 mai par le ministère de la Santé après la notification de 82 atteintes hépatiques par destruction cellulaire et d'un décès par insuffisance hépatique. Prescrit aux personnes âgées souffrant de troubles de l'attention et de la mémoire, le médicament avait déjà été vendu à 1.200.000 unités... (Voir page 26). 10 LE NOUVEL OBSERVATEUR/DOSSIER • si anodine soit-elle, devient "à risque" si l'on en abuse. Qui sont les responsables ? Les médecins qui prescrivent trop? Les laboratoires qui ne vendent pas au détail ?Les patients qui "surconsomment" ? Notre enquête vous aidera à voir plus clair.., et à vous droguer moins Parfois le nombre des accidents et des morts est plus important. Ce fut le cas en 1985 pour un anti-inflammatoire, le Vectren, prescrit pour de simples tendinites ou même des entorses. Bilan avant interdiction : 8 morts à la suite de graves effets cutanés indésirables (syndrome de Lyell notamment). Est-ce normal ? Non, bien sûr. Est-ce évitable? Non plus. Tous les ans des médicaments (un ou deux) sont suspendus'et interdits à la vente après des accidents plus ou moins graves. Entre 1980 et 1985, 8 produits ont été ainsi interdits et 4 autres depuis 1987. Or tous les médicaments actifs ont des effets indésirables et tous les médicaments nouveaux sont considérés comme « suspects » pendant les douze ou dix-huit premiers mois de leur existence et de leur mise sur marché (lire page 21 l'interviéw du professeur Benhamou). Il n'y a en fait qu'un seul remède : moins de remèdes. Mais c'est là qu'on se heurte à cette grande particularité française, la surconsommation de médicaments. Peu nombreuses, les morts par accident sont la partie spectaculaire d'un mal profond et persistant, la maladie de l'excès de soins. C'est ce que disent la plupart des médecins, sous la forme d'un inquiétant syllogisme. Le professeur Alexandre, président de la Commission d'Autorisation de Mise sur Marché (l'obligatoire AMM) : « Il n'y a pas de médicaments sans effets indésirables. Cela est vrai même dans le cas de placebos, qui peuvent révéler des effets indésirables liés à l'ingestion. » Le professeur Lagier, du centre anti-poisons Fernand-Widal : « Les médicaments ne sont pas des bonbons. Les gens ne doivent pas les prendre n'importe quand, ni n'importe comment. » Le professeur Royer, président de la Commission nationale de Pharmacovigilance, chargée de la surveillance des médicaments : « C'est le principe même d'une