FLUX ET CIRCULATION D’UN CHAMP DE VECTEURS Nous allons, dans ce cours, revenir à deux concepts fondamentaux déjà vus en 1ère année et qui seront utilisés dans de nombreux domaines d’étude (électromagnétisme, phénomènes de transport, mécanique des fluides..) : le flux et la circulation d’un champ de vecteurs. I. FLUX D’UN CHAMP DE VECTEURS 1. Définition Définition : Soit A( M ) un champ vectoriel. On définit le flux élémentaire du champ A( M ) au travers de la surface orientée dS( M ) par la grandeur dΦ telle que : € dΦ = A( M ).dS( M ) € € € avec dS( M ) = dS( M )n( M ) , dS( M ) représentant la surface de l’élément considéré € et n( M ) un vecteur unitaire perpendiculaire à l’élément de surface. € € € RQ1 : cette définition autorise deux possibilités d’orientation pour le vecteur n( M ) . Le choix sera arbitraire (mais clairement indiqué) si la surface est ouverte. Si la surface est fermée, le vecteur n( M ) sera conventionnellement orienté de l’intérieur vers l’extérieur du volume délimité par la surface fermée. € n ext ( M ) € n( M ) n( M ) € ou € € S surface ouverte Σ surface fermée RQ2 : Le choix de l’orientation de la surface détermine le signe du flux. A( M ) A( M ) € € dS dΦ < 0 € dS dΦ < 0 € € € FLUX ET CIRCULATION D’UN CHAMP DE VECTEURS DEFINITION : Soit A( M ) un champ vectoriel. On définit son flux au travers de la surface globale S par la grandeur Φ S telle que : € ΦS = ∫∫ A( M ).dS( M ) S € RQ : le flux dépend évidemment de l’orientation que l’on donne aux éléments de surface traversés, et donc € à la surface S. DEFINITION : Le flux sortant de A( M ) au travers de la surface fermée Σ est défini par la grandeur Φ s telle que : € Φs = ∫∫ A( M ).dS ext (M) Σ € où dS ext ( M ) = dS( M )next ( M ) et next ( M ) unitaire orienté vers l’extérieur € € RQ : on peut évidemment définir un flux entrant Φ e = A( M ).dS( M )nint ( M ) mais € Σ dans ce cas, plutôt que de définir un autre vecteur unitaire, on préfèrera écrire Φ e = − A( M ).dS( M )next ( M ) ∫∫ ∫∫ Σ € € 2. Flux conservatif DEFINITION : On dit que le champ vectoriel A( M ) est à flux conservatif si, quelle que soit la surface fermée Σ , le flux sortant est nul Φs = ∫∫ A( M ).dS€ ( M ) = 0 ⇔ Flux conservatif ext Σ € Il existe une autre formulation de la conservation du flux, en séparant sur l’ensemble de la surface fermée Σ une zone d’entrée, de surface Se ouverte, et une zone de sortie, de surface Ss ouverte : PROPRIETE : Φ Se = ∫∫ A.dS Se € int = ∫∫ A.dS ext = Φ Ss ⇔ Flux conservatif Ss FLUX ET CIRCULATION D’UN CHAMP DE VECTEURS Cette relation se démontre à l’aide de la définition du flux conservatif : ∫∫ A( M ).dS ext (M) = 0 = Σ ∫∫ A.dS Se d’où € ext + ∫∫ A.dS ext = − Ss ∫∫ A.dS Se int + ∫∫ A.dS ext Ss −Φ Se + Φ Ss = 0 Une autre propriété découle de cela : € PROPRIETE : Le flux à travers une surface ouverte S d’un champ conservatif ne dépend que du contour sur lequel s’appuie la surface S. dS1 €2 dS Φ S1 = Φ S 2 € € 3. Applications 3.a. Application à la détermination d’un champ vectoriel possédant de hauts degrés de symétries Lorsque la structure du champ est parfaitement connue (à partir de symétries et d’invariances) et correspond à un haut degré de symétrie (1 seule variable d’espace, 1 direction fixe dans le système de coordonnées adapté), le calcul du flux permet de ressortir l’expression du champ en le sortant de l’intégrale de surface. En gros, on peut écrire Φ (haut degré de symétrie) = Champ*Surface Plusieurs exemples de ce type ont été traités à l’aide du théorème de Gauss en électrostatique dans le cours de 1ère année (s’y référer). 3.b. Tube de champ On appelle tube de champ un volume engendré par l’ensemble des lignes de champ s’appuyant sur un contour. En considérant un volume Σ fermé par deux sections droites, S et S’, et une surface latérale représentant un tube de champ, exprimer le flux sortant du champ A( M ) à travers Σ. € Dans le cas d’un champ à flux conservatif, justifier que les tubes de champ s’évasent dans des zones où l’intensité du champ diminue (et se resserrent là où l’intensité augmente). FLUX ET CIRCULATION D’UN CHAMP DE VECTEURS 3.c. Bilans (très important !) Nous serons amenés, dans différentes situations (phénomènes diffusifs, électromagnétisme, mécanique des fluides..), à effectuer des bilans macroscopiques sur des grandeurs telles que énergie interne, quantité de matière, énergie électromagnétique, quantité de mouvement etc... Ces grandeurs pourront varier dans le temps par cause d’échange à la surface-frontière du système déterminé ou de création (au sens algébrique et donc pouvant aussi traduire une perte effective) au sein même du système. Dans tous ces cas, nous pourrons mettre en place un schéma bilan du type : VARIATION dans le temps = ECHANGE à travers la surface + CREATION en volume Le terme d’échange correspond au flux d’un champ vectoriel adapté au système étudié. Nous allons illustrer cette notion en essayant de traduire l’équation de la conservation de la charge électrique dans la matière. Pour cela, nous allons considérer un cas simple dans lequel des particules chargées ne peuvent se déplacer que selon un seul axe (Ox) (description unidimensionnelle). Dans le cours de 1ère année, il a été établi que le courant électrique correspondait au flux d’un vecteur, appelé densité volumique de courant (ou simplement courant volumique), noté j . Si le courant électrique est associé au déplacement de différentes charges, on peut écrire j = ∑ ρ v où ρ i i i désigne la densité volumique de charge de l’espèce mobile « i » et v i sa vitesse moyenne. € Considérons un volume élémentaire conducteur correspondant à un cylindre de € € section S et longueur dx. € On suppose que le courant volumique n’est pas nécessairement uniforme et qu’il s’écrit : j( x,t ) = j( x,t )ex à l’abscisse x et à l’instant t j( x + dx,t ) = j( x + dx,t )ex à l’abscisse x + dx et à l’instant t € ∑ j =€ ρ i v i € j( x + dx,t ) j( x,t ) € € x x x+dx FLUX ET CIRCULATION D’UN CHAMP DE VECTEURS Si, sur une durée dt courte, j( x,t ) > j( x + dx,t ) , cela signifie qu’il entre plus de charges par la surface en x qu’il n’en sort par la surface en x+ dx. Conséquence, la charge totale contenue dans le volume V = Sdx augmenterait. A l’inverse, elle diminuerait. Le bilan sert à quantifier cette relation. € VARIATION dans le temps = ECHANGE à travers la surface + CREATION en volume La grandeur dont on cherche la variation est la charge. L’échange de charges se fait par l’intermédiaire du flux du courant volumique, c’est à dire du courant électrique. La création... le terme de création caractérise l’apparition ou la disparition sans échange de la grandeur étudiée, ici la charge. Dans certains cas, il existera un terme de création (particules créées ou absorbées, énergie absorbée, entropie créée ...), dans d’autres ce terme n’a aucun sens : c’est le cas de la masse et de la charge ! Conséquence : étant donné qu’il ne peut y avoir création de charges, le bilan de charge se simplifie et on parlera alors de l’équation de conservation de la charge. Revenons à l’échange : si on considère la surface d’entrée en x, la quantité de charge ⎛ ⎞ entrant pendant une durée dt élémentaire vaut δQ e = I e ( x)dt = ⎜⎜ j( x).dS int ( x)⎟⎟ dt ⎝ S (x ) ⎠ ∫∫ δQ e = j( x,t )Sdt Soit De même, la charge sortant en x + dx€pendant dt vaut : ⎛ ⎞ € δQ s = I s ( x + dx)dt = ⎜⎜ j( x + dx).dS ext ( x + dx)⎟⎟ dt = j( x + dx,t )Sdt ⎝ S (x ) ⎠ ∫∫ RQ : on notera ici qu’on suppose que la durée dt est suffisamment courte pour considérer que j(x,t) et j(x+dx,t) ne varient pas dans le temps. € On écrira donc, dans le volume V = Sdx et pendant la durée dt: Q(t + dt ) − Q(t ) = δQ e − δQ s = ( j( x) − j( x + dx)) Sdt € Or Q(t ) = ρ ( x,t )Sdx (en considérant ici que dx est suffisamment petit pour supposer que la densité volumique est uniforme dans le tout petit volume) € Q(t + dt ) − Q(t ) = ( ρ ( x,t + dt ) − ρ ( x,tdt )) Sdx Ainsi D’où : (ρ( x,t + dt ) − ρ( x,tdt )) = ( j( x) − j( x + dx)) = − ( j( x + dx) − j( x)) dt dx € Un passage à la limite lorsque dx → 0 et dt → 0 donne alors : € € € dx FLUX ET CIRCULATION D’UN CHAMP DE VECTEURS ∂ρ ∂j =− ∂t ∂x ou encore ∂j ∂ρ + =0 ∂x ∂t NB : en modèle tridimensionnel, nous verrons plus tard que cette équation pourra ∂ρ s’écrire div j + = 0 , où « div » est € un opérateur vectoriel appelé divergence. ∂t € €3.d. Discontinuité de la composante normale du champ électrostatique à la traversée d’une surface chargée Montrer que, de part et d’autre d’une interface chargée avec une densité surfacique de charge σ, la composante normale à l’interface du champ électrostatique est σ E N 2 − E N 1 = n12 on parle de relation de passage discontinue et vérifie : ε0 On utilisera pour cela le théorème de Gauss sur un cylindre élémentaire perpendiculaire à la surface dont on fera tendre la hauteur vers zéro. € Que nous apporterait comme information la même opération sur le champ magnétostatique ? II. Circulation d’un champ de vecteurs 1. Définitions DEFINITION : Soit A( M ) un champ vectoriel. On définit la circulation élémentaire du champ A( M ) le long du déplacement d( M ) par la grandeur dC telle que : € dC = A( M ).d( M ) € € € avec d( M ) = d( M )t(M ) , d( M ) représentant un élément de longueur d’un € contour orienté et t(M ) un vecteur unitaire tangent dans le sens du contour. € € € FLUX ET CIRCULATION D’UN CHAMP DE VECTEURS DEFINITION : Soit A( M ) un champ vectoriel. On définit la circulation du champ A( M ) le long d’un contour Γ orienté par : € CΓ = ∫ A( M ).d( M ) Γ € RQ1 : si le contour est fermé (s’il forme une boucle) la notation est alors € CΓ = A( M ).d( M ) ∫ Γ RQ2 : cette notion de circulation a déjà été vue en 1ère année : • une différence € de potentiel est l’opposé d’une circulation de champ électrique • le théorème d’Ampère • le travail d’une force correspond à sa circulation le long d’une ligne bien particulière : sa trajectoire Signe de la circulation élémentaire A( M, t) A( M, t) € A( M, t) € € d dC(M,t) > 0 d dC(M,t) = 0 € dC(M,t) < 0 € d € PROPRIETE : La circulation d’un champ calculée sur une de ses lignes de champ est - positive si le contour est orienté le même sens de la ligne - négative si le contour est orienté le sens opposé En effet, sur une ligne de champ, A( M ) ∧ d( M ) = 0 : ces deux vecteurs sont colinéaires. De fait si t(M ) est dans le même sens que dC = A( M ).d( M )t(M ) = A( M )d > 0 € € € € A(M ) , alors FLUX ET CIRCULATION D’UN CHAMP DE VECTEURS 2. Circulation conservative DEFINITION : On dit que le champ vectoriel A( M ) est à circulation conservative si, quelle que soit le contour fermé Γ , la circulation est nulle : CΓ = ∫ A( M ).d( M€ ) = 0 ⇔ circulation conservative Γ RQ : la circulation d’un champ évalue la capacité du champ à « tourner ». Si la circulation € sur un contour fermé n’est pas nulle, cela signifie que le champ (ou du moins une de ses composantes) a globalement tourné le long du contour. A l’inverse, dans le cas d’un champ à circulation conservative, on parlera d’un champ irrotationnel. PROPRIETE : Un champ à circulation conservative est un champ dérivant d’un gradient. RQ1 : il s’agit en réalité d’une autre formulation de la définition d’un champ à circulation conservative, les deux étant équivalentes. Exemple : la circulation du champ électrostatique est nulle, la circulation d’une force conservative est nulle. Dans ces deux cas, et de manière plus générale, tous les champs dérivant d’un gradient sont à circulation conservative. En effet, si A( M ) = grad f ( M ) , alors A( M ).d( M ) = df et ∫ df = 0 Γ RQ2 : On choisira très souvent, et par seule convention d’écriture, de donner une € € et le gradient, c’est à dire : relation négative entre le champ € A( M ) = −grad f ( M ) Exemples : E = −gradV ; F = −gradE p ; f v = −gradP ... € PROPRIETE : La circulation entre deux points quelconques d’un champ à circulation € € du contour considéré. conservative€est indépendante En effet, dans ce cas A( M ) = grad f ( M ) et si on calcule la circulation sur un contour Γ orienté de M1 vers M2, alors CΓ = ∫ M2 M1 A( M ).d( M ) = ∫ M2 M1 df = ( f ( M 2 ) − f ( M1 )) ne dépend que de f (M1) et f (M2) et donc pas du contour effectif. € € FLUX ET CIRCULATION D’UN CHAMP DE VECTEURS 3. Applications Reprendre les cas étudiés en 1ère année avec le théorème d’Ampère : 3.a. Fil rectiligne infini 3.b. Solénoïde infini 3.c. Discontinuité de la composante tangentielle du champ magnétostatique à la traversée d’une interface parcourue par un courant surfacique Montrer que, de part et d’autre d’une interface parcourue par un courant surfacique j S , la composante tangentielle à l’interface du champ magnétostatique est discontinue et vérifie : € BT2 − BT1 = µ0 j S ∧ n12 on parle de relation de passage On utilisera pour cela le théorème d’Ampère sur un rectangle élémentaire perpendiculaire à l’interface dont on fera tendre la hauteur vers zéro. € B1 € B2 B 2 Que nous apporterait comme information la même opération € sur le champ électrostatique ? € EXERCICES Exercice 1 : Les noyaux de certains atomes légers peuvent être modélisés par une distribution volumique de charge à l’intérieur d’une sphère de centre O et de rayon a. La densité r2 volumique de charges est donnée par ρ = ρ 0 (1 − 2 ) pour r < a avec ρ0 une constante a positive. 1. Calculer la charge totale Q du noyau. € 2. Etudier les invariances et les symétries de la distribution. En déduire l’orientation et les dépendances du champ électrique créé par cette distribution. FLUX ET CIRCULATION D’UN CHAMP DE VECTEURS 3. Déterminer l’expression du champ électrique a l’extérieur du noyau. 4. Même question a l’intérieur du noyau. 5. En prenant l’origine des potentiels à l’infini, calculer le potentiel électrique à l’extérieur du noyau. 6. Même question à l’intérieur. Exercice 2 : Soit la distribution volumique de charges définie par : ⎧ ρ 0 ρ = ⎨ ⎩ − ρ 0 si si 0≤ x≤a −a≤ x ≤0 1. Etudier les symétries et les invariances de la distribution. 2. Calculer le champ € électrostatique créé en tout point par cette distribution. 3. En déduire l’expression du potentiel électrostatique créé en tout point par cette distribution. On notera V0 la valeur du potentiel en x = 0. Exercice 3: Le soleil, de rayon RS, rayonne une puissance P0 = 4.1026 W. On suppose que le rayonnement est à symétrie sphérique et qu’il n’est pas absorbé dans l’espace. On définit un vecteur densité de puissance j( M ) tel que le flux de ce vecteur au travers d’une surface corresponde à la puissance la traversant. 1) En fonction des hypothèses, proposer une structure pour le champ j( M ) . € 2) Calculer le flux de j( M ) en un point M distant de r ≥ RS du centre du soleil. Le flux est-il conservatif ? € 2 3) Donner la valeur de la puissance traversant S = 1m au niveau de la terre, S étant € à la direction du rayonnement. perpendiculaire 4) On suppose maintenant que le rayonnement est absorbé en partie au cours de sa propagation : cela se traduit par une perte de puissance par unité de volume caractérisée par le coefficient σ >0 (en W.m-3). 4.a. Le flux est-il conservatif ? 4.b. Faire un bilan de puissance dans la couche sphérique comprise entre r et r + dr. 4.c. En déduire l’expression de j(r) en fonction de P0, σ, RS et r. FLUX ET CIRCULATION D’UN CHAMP DE VECTEURS Exercice 4 : Le champ magnétostatique produit par un fil infini d’axe Oz parcouru par un courant I µI s’écrit dans la base cylindrique : B( M ) = 0 eθ 2πr Déterminer le flux de ce champ à travers la surface d’un carré de côté a, situé dans un plan contenant l’axe Oz et à la distance R de celui-ci. € Exercice 5 : Soit un champ vectoriel tel que A( M ) = α (−yex + xey ) . 2 Déterminer la circulation de ce champ le long d’un contour carré délimité par les points A 0,0), B(3,0), C(3,3) et D(3,0) et orienté dans le sens ABCDA. € D C A B FLUX ET CIRCULATION D’UN CHAMP DE VECTEURS Exercice 6 : Une bobine est constituée par un fil conducteur bobiné en spires jointives sur un tore circulaire à section carrée de côté a et de rayon moyen R. On désigne par n le nombre total de spires et par I le courant qui les parcourt. Après avoir étudié les symétries et invariances, déterminer : - l’allure les lignes de champ magnétique - l’expression du champ magnétique en tout point de l’espace. Exercice 7 : On considère les trois distributions « cylindriques » ci-dessous, où J = Juz est un vecteur densité volumique de courant uniforme. Déterminer, dans les deux premiers cas l’expression du champ magnétique créé en € tout point de l’espace. Montrer, dans le troisième cas (cylindre creux excentré), que le champ à l’intérieur de la cavité est uniforme.