La publicité à destination des enfants : entre influence, risques, et réglementation Fatima azzahra HARROUNI; Doctorante, FSJES Rabat-Agdal GSM : 00212 6 61 31 56 33 [email protected] Abdellatif CHAKOR, Faculté de Droit-Souissi, Rabat [email protected] Résumé : La publicité suscite désormais de manière générale des hostilités et des critiques à cause de son emprise croissante sur la vie de tout un chacun, et notamment celle des populations fragiles et vulnérables, les enfants entre autre. Des mouvements « anti publicitaires » ont vu le jour pour contrer la vague ultra-publicitaire De nos jours, la publicité à destination des enfants reste contestée par beaucoup de personnalités et d'organismes d'obédience sociale, culturelle et éducative. Cela n'est sans doute pas surprenant vu que la publicité impacte les styles de vie et les comportements sociaux des enfants. La problématique est d’appréhender la façon dont les enfants perçoivent, et traitent les messages publicitaires en fonction des objectifs recherchés par les annonceurs et le degré de maturité de l’enfant cible. Autrement dit, si la publicité en particulier, et la communication en général, a comme objectif basique d’assurer la promotion de produits et de services, il convient d’étudier de manière approfondie les enjeux et objectifs explicites et implicites, pour les entreprises, de la publicité en direction des enfants à travers l’analyse de ses répercussions, à court et long terme, sur les perceptions et comportement de consommation des enfants. Mots clés Publicité, enfants, comportement d’achat, communication, manipulation, perception. Advertising to children :influence, risk and regulation Abstract Advertising now raises general hostilities and criticism because of his growing influence on the lives of everyone, and especially the fragile and vulnerable, children and more. 'Anti advertising "movements have emerged to counter the ultra-promotional wave Nowadays, advertising to children is contested by many individuals and organizations of social persuasion, cultural and educational. This is perhaps not surprising given that the advertising impact lifestyles and social behavior of children. The problem is to understand how children perceive and treat advertising according sought by advertisers and the maturity of the target child objectives. In other words, if the advertising in particular and communication in general, as a base to promote products and services aim should be to thoroughly study the issues and explicit and implicit objectives for businesses, of advertising aimed at children through the analysis of its impact in the short and long-term perceptions and consumption behavior of children. 1 Keywords Advertising, children, buying behavior, communication, manipulation, perception. Introduction Aujourd’hui, et plus que jamais, l’enfant est une cible marketing primordiale, ce qui fait de lui un centre d’intérêt publicitaire parmi les plus importants. L’évolution des modes d’éducation, la société de consommation et plus communément la nécessité pour les entreprises de trouver de nouveaux marchés, rendent cette cible particulièrement intéressante. L’enfant a de l’argent : argent de poche, argent reçu pour une fête (Aid, Anniversaire, …), mais il a également de plus en plus un rôle décisif dans les décisions d’achats au sein du foyer. Par voie de conséquence, l’enfant est considéré comme « l’étoile la plus brillante de la constellation ». Dans ce sens, le volume et la nature du contenu publicitaire à destination des enfants constitue depuis quelques années un grand sujet de polémique et de recherche académique, notamment dans les pays développés. Cela trouve son explication d’une coté par l’intérêt croissant dont font l’objet les enfants exposés désormais pendant de longues heures aux différents médias, et d’un autre coté cela s’explique par la volonté des chercheurs et des pouvoirs publiques dévaluer et de réglementer le cas échéant ce type de pratique dans la perspective d’une protection adéquate à cette cible. La cible « enfant » se définit généralement par les enfants âgés entre 4 et 14 ans, et qui jouent des rôles et des influences grandissants sur le processus d’achat les concernant. Le faible taux de fécondité, et le nombre de plus en plus limité d’enfants par foyer font que le budget moyen par enfant est en nette augmentation puisqu’il est à répartir entre moins d’enfants. Cela implique dans son sillage une valorisation de la cible conjuguée à une augmentation des fréquences d’achat. Le rôle de l’enfant, évolue tout de même différemment, entre l’enfant acheteur, et l’enfant prescripteur, sans négliger la capacité d’autonomie et d’influence de l’enfant sur l’ensemble des autres aspects du processus d’achat et de consommation le concernant particulièrement, et éventuellement la famille dans sa globalité. Il constitue dès lors un important catalyseur de tout message publicitaire. La publicité ou réclame est une forme de communication, dont le but est de fixer l'attention d’une cible visée (consommateur, utilisateur, usager, électeur, etc.) afin de l'inciter à adopter un comportement souhaité qui peut être : faire connaître, faire aimer ou faire agir. La publicité, « action de rendre public » ou « état de ce qui est public » a pris le sens moderne d'« ensemble des moyens utilisés pour faire connaître au public un produit, une entreprise industrielle ou commerciale » vers 1830. La pratique de la publicité a beaucoup évolué dans le temps et dans l’espace, profitant du développement des techniques et médias de diffusion, et des nouvelles opportunités qu’ils offrent en terme d’accessibilité aux cibles visées, avec plus de pertinence et de précision, sur des créneaux horaires différents et sous des formes largement variés. 2 Cela dit, la publicité suscite désormais de manière générale des hostilités et des critiques à cause de son emprise croissante sur la vie de tout un chacun, et notamment celle des populations fragiles, les enfants entre autre. Des mouvements « anti publicitaires » ont alors vu le jour pour contrer cette tendance ultra-publicitaire. De nos jours, la publicité réservée à destination des enfants reste contestée par beaucoup de personnalités et d'organismes d'obédience sociale, culturelle et éducative. Cela n'est sans doute pas surprenant vu que la publicité impacte notre les styles de vie et comportements sociaux des enfants. Si l'on se réfère à l'étude menée par le BEUC et le « Consumenten Bond » en 2000, nous notons les demandes adressées à l'Union Européenne après avoir constaté les désagréables résultats que les pratiques marketings ont favorisé chez les enfants ; La problématique est d’appréhender la façon dont les enfants perçoivent, et traitent les messages publicitaires en fonction des objectifs recherchés par les annonceurs et le degré de maturité de l’enfant cible. Autrement dit, si la publicité en particulier, et la communication en général, a comme objectif basique d’assurer la promotion de produits et de services à travers ses trois axes : Faire connaître - Faire aimer - Faire agir, il convient d’étudier de manière approfondie les enjeux et objectifs explicites et implicites, pour les entreprises, de la publicité en direction des enfants à travers l’analyse de ses répercussions, à court et long terme, sur les perceptions et comportement de consommation des enfants. A travers une démarche qualitative et quantitative, nous proposons d’étudier dans quelle mesure la publicité en direction des enfants pourrait agir sur les styles de vie, manières de penser, d’être et d’agir de la communauté des enfants? En d’autres termes, on essayera de voir où se termine l’objectif de la publicité au sens strict du terme, et où commence la manipulation du comportement de l’enfant/futur adulte, à travers les « modèles » véhiculés et valorisé par la publicité. C’est à quoi nous allons essayer de trouver des éléments de réponses à travers le plan suivant : Influence de la pratique publicitaire sur les enfants La publicité : entre réglementation et autorégulation Influence de la pratique publicitaire sur les enfants : La pratique publicitaire à l’égard des enfants est différemment appréhendée par les théoriciens d’une part, et les publicitaires de l’autre pour la simple raison de l’importance de la cible « enfant » dans le processus d’achat. 3 L’impact de la publicité sur les enfants : La cible « enfant » présente de nombreux intérêts pour les annonceurs et les publicitaires, et ce pour les quatre raisons fondamentales. Les enfants peuvent jouer un rôle majeur dans la prescription comme dans l’incitation à la concrétisation de l’acte d’achat par les parents. Ils sont ainsi une cible privilégié pour la publicité en raison de sa position aussi influente et déterminante dans le processus d’achat et de consommation. Ce constat peut se faire à divers niveaux et actes d’achat, commençant par l’achat banal, jusqu’à l’achat réfléchi. Dès lors, les entreprises décident de nos jours de communiquer auprès de la cible des enfants avec pour objectifs d’augmenter les ventes des produits destinés aux parents. De même, les parents peuvent être visés pour inciter l’enfant à consommer une marque ou un produit ; ce cas de figure reste parfois plus « rationnel » dans la mesure où la publicité le concernant s’adresse à des matures pour vendre à des enfants. Certaines entreprises vont même jusqu’à mettre en place des stratégies de communication pour cibler simultanément les parents et les enfants. Ce qui s’appelle « la stratégie d'influence partagée ». Au-delà de l’acte d’achat lui-même, le but pour les entreprises est que l’enfant (futur adolescent, adulte puis parent) soit fidélisé. L’influence de la publicité notamment celle qui passe parla télévision à destination des enfants varie selon 3 principaux facteurs : le produit, l’âge et la faible exposition. Le produit selon qu’il concerne directement les enfants ou non constitue un déterminant important du degré d’influence, de même que l’âge qui devient avec le temps un facteur négatif dans l’atteinte des objectif d’influence recherchés. Et enfin, la faible exposition à la télévision – principal média influent-rend la répétition qui constitue le principal moteur de la persuasion, difficile à s’exercer. Toutefois, l’impact de la publicité peut être appréhendé différemment en fonction de l’âge de l’enfant cible, et la nature du message publicitaire. Dans ce sens, la capacité de compréhension des messages publicitaires notamment les spot télévisés dont les enfants sont largement exposés, nécessite comme pour le cas des adultes de disposer de quelques notions pratiques de ce qu'est la communication publicitaire et de ce qu'on appelle le « langage télévisuel » afin d'être relativement conscients de leurs procédés techniques respectifs et d'être en mesure de porter un jugement critique sur leurs manifestations. Kapferer et Brée s'accordent pour dire que c'est seulement vers huit ans, lors de son passage aux opérations concrètes, que l'enfant devient vraiment apte à percevoir la fonction persuasive. Cela ne veut pas toujours dire qu'à partir de cet âge particulièrement, tous les enfants maîtrisent les autres variables en jeu. Par exemple, l’auteur Young considère que ce n'est pas avant 11 ans que les enfants comprennent vraiment l'usage du langage figuré fréquemment utilisé par les publicitaires. 4 « Si l'on ne peut que réfuter la thèse de la toute-puissance du média, l'attitude relativiste à son égard n'en est pas moins hasardeuse. Elle conduit aussi bien à nier les impacts possibles de la publicité (ce qui est contradictoire avec la volonté déterminée d'en diffuser) qu'à dédouaner ses commanditaires, producteurs et diffuseurs »2. Au-delà de la simple vérification du lien, l’influence de la publicité sur le comportement des enfants reste non négligeable, notamment dans le sens du conditionnement des attitudes, des choix et des orientations futures des enfants-futurs adultes. D’où les dérives auxquelles risquent de déboucher la publicité à destination des enfants. Les risques de dérives de la publicité sur les enfants : Les médias en général, et la télévision en particulier, sont souvent accusés de « séduire » les petits espritsdes enfants, et de véhiculer un monde idéal, où tous les besoins réels et irréels peuvent être satisfaits. Cette exaltation du désire et du monde imaginaire est susceptible d’engendrer des frustrations chez les enfants, suscitant des désirs de consommation et des besoins d’achats illimités que le pouvoir d’achat des parents ne peut toujours pas satisfaire. La publicité à travers les images et les clichées qu’elle véhicule, instaure des groupes de pairs auxquels s’identifie la cible « enfant », avec tout ce que cela implique comme représentations socioculturelle qui risque d’être en déphasage avec la réalité, et les normes sociales en présence dans la société. Les manifestations de effets négatifs de la publicité à destination des enfants sont nombreux, et assez divers, et sont aussi importants que l’ampleur de l’effort publicitaire en marche notamment dans les pays développés. Dans ce cadre, les statistiques montrent à quel point les enfants sont désormais « bombardés » de publicité spécialement à travers la télévision, le média le plus regardé par cette cible marketing. Les statiqtiques de l’Amérique du Nord donnent le mauvais exemple à ce niveau ; Aux USA, les dessins animés du samedi matin présentent à eux seuls 33 annonces publicitaire. Les statistiques sont encore plus étonnantes. Avant même d'entrer en maternelle, un enfant nord-américain a déjà regardé en moyenne 5 000 heures de télévision3. Il y a dix ans, en 2002, l'écoute hebdomadaire de la télévision par les enfants canadiens (de 2 à 11ans) était en moyenne de 14,6 heures ; elle était de 15,1 heures pour les enfants québécois francophones (Statistique Canada, 2003). Près de 20 % du temps d'écoute de ces enfants devant la télé est consacré à regarder des annonces publicitaires (12 minutes par heure); « en moyenne un jeune téléspectateur en verrait plus de 30 000 par an » (Jacquinot, 2000 : 151). De ce nombre, un fort pourcentage de messages annonce de la nourriture. 5 Depuis plusieurs années, on assiste alors à une augmentation des problèmes de santé liés à l'alimentation sous toutes ses formes (obésité, diabète, hypertension), et cela, à un âge de plus en plus précoce d’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Cela est d’autant plus inquiétant en raison des mauvaises habitudes alimentaires et comportementales tendant à consacrer un style de vie plus sédentaire, qualifié par certains d'« obésogène », chose qui faitdu rythme de vie trop rapide une incitation majeure des personnes à adopter des habitudes alimentaires souvent constituées de repas déjà confectionnés, pauvres en valeurs nutritionnelles et susceptibles d'entraîner des déséquilibres alimentaires importants. L’industrie alimentaire, qui répond à cette demande et tend à multiplier ces produits, n'est pas étrangère au phénomène, bien au contraire. Avec l'aide des agences de marketing qui en font la promotion, notamment par la publicité télévisuelle, invite elle-même la population, et les enfants en particuliers, à la surconsommation. Une étude menée dans dix pays (Etats Unis, Australie, et huit pays d’Europe) sur l’impact de publicités télévisées diffusées auprès des enfants jusqu’à 12 ans, sur la base de la durée, la fréquence et le choix des produits qui font l’objet des publicités en question, montre à quelle point l’alimentaire occupe une part importante du volume des publicités (entre 38 et 84% du total des communications). Plus concrètement, la publicité de produits à base de sucre, et/ou de matière grasses sont fortement corrélées au surpoids des enfants, et contrairement, plus que les publicités de produits plus conformes aux règles sanitaires augmente, les phénomènes de surpoids chez les enfants diminue. Il faut dire dans ce sens, que la télévision constitue un média particulièrement capable de faire appel aux techniques d’influence émotionnelle sur les téléspectateurs. De nombreux messages publicitaires diffusés sur les différentes chaines de télévision visent à éveiller la sensibilité et l’affectivité auprès des consommateurs. Il semble donc plus facile d’avoir de l’impact sur les enfants et les consommateurs plus jeunes, que sur des populations matures. Minot, conteste dans ce sens les anciennes conceptions de la relation enfants-publicité basées sur l’explication du comportement d’achat et de consommation de cette cible sur la base facteurs cognitifs (théorie piagétienne) et sociaux (théorie de l'apprentissage social de Bandura, 1980), alors que d’après lui l’acte d’achat de l’enfant est tout d’abord de nature affective sur qui renforce l’hypothèse irrationnelle avec tout ce que cela implique comme répercussions sanitaires, comportementales et économiques. Ce postulat est d’autant plus objectif pour toute explication, dans la mesure où la plupart des études qui mesurent de manière indépendante les préférences des messages confirment que ce sont les facteurs affectifs et esthétiques qui expliquent les variations. L’enjeu de la publicité c’est l’enfant en premier lieu ; le pouvoir d’achat géré par cette cible notamment dans les pays développés est objet de compétition, mais en même temps source de malaises sanitaires et alimentaire pour les enfants, ce qui nécessite un effort d’autorégulation et éventuellement plus de réglementation de la pratique publicitaire à destination de cette cible 6 vulnérable. La publicité : entre réglementation et autorégulation L’expérience a montré à quelle point les pratiques des annonceurs et publicitaires présenteraient des risques sur la cible « préférée » des agences de publicité. Cela nécessite d’une part un développement de la réglementation, soumise jusqu’à maintenant aux pressions des lobbyistes, sans tout de même négliger le rôle important que peut jouer le renforcement des capacités des enfants pour faire la distinction entre les différents contenus diffusés. La réglementation de la publicité à destination des enfants : Les expériences en matière de règlementation et d’encadrement des actions publicitaires remontent à la deuxième moitié du XXI ème siècle avec le développement de la conscience collective quant aux effets et risques de la publicité à destination des enfants. La Suède, est considérée comme le pays le plus avancé en la matière, à travers la mise en place une réglementation stricte depuis 1991. La législation suédoise considère dans ce sens que « C’est seulement lorsque les enfants ont l’âge de comprendre les objectifs cachés de la publicité qu’il est souhaitable de les y exposer » ce qui sous-entend que généralement les annonceurs font recours à des techniques de langage e de communication pour faire passer des messages cachés de nature commerciale derrière les images et scènes auxquelles sont exposés « naïvement » des enfants dont les capacités mentales sont en cours de développement. Le législateur conclut ainsi que lapolitique de laisser-faire laisser-aller serait « Contraire aux valeurs démocratiques », ce qui suppose en d’autre terme que la réglementation a comme première priorité de « protéger » les plus vulnérables dont notamment les enfants. Sont ainsi interdites toutes les publicités visant les moins de 12 ans (jouets, vêtements, aliments). Toute publicité est interdite pendant les plages horaires réservées aux enfants. des publicités destinées aux adultes ne peuvent en aucun cas suivre ou précéder immédiatement les émissions pour enfants. De plus, jusqu’à 21 heures, en semaine, et 22 heures, le week-end, les spots mettant en scène des enfants ou des personnages qui leur sont familiers sont prohibés. Au Luxembourg et comme en Belgique, la publicité est interdite cinq minutes avant et après les programmes pour enfants. En Italie, les dessins animés ne peuvent être interrompus par des écrans publicitaires. Plus généralement, au sein de l’Union européenne, la directive sur les services de médias audiovisuels (SMAV) adopté en 2007, interdit le placement de produits dans les œuvres cinématographiques, les fictions audiovisuelles et les vidéo-musiques, si ces œuvres sont destinés aux enfants. 7 Chaque pays membre de l’Union Européenne s’est trouvé ainsi obligé de se conformer à la nouvelle directive dans le sens d’une harmonisation des législations en la matière au sein de l’ensemble des pays membres. Cela ne s’est pas réalisé facilement dans la mesure où de nombreux groupes de pressions représentant les intérêts des lobbies des annonceurs industriels, et des professionnels de la communication, dont l'Eaca (European Association of Communications Agencies), le Advertising Education Forum et le Syndicat des Annonceurs européens, qui ont utilisé une série d’arguments pour empêcher un encadrement strict et ambitieux de la publicité à destination des enfants. Parallèlement à ce dispositif juridique, l’union européenne a fortement encouragé d’autres pratiques extra juridiques d’autorégulation sous différentes formes, soit à travers des chartes ou des règles de bonne conduite. Une charte européenne sur la lutte contre l’obésité a été adoptée en novembre 2006, sous l’impulsion de l’organisation mondiale de la santé (OMS) et des ministères de la santé de certains pays membres de l’union européenne ; des associations de protection de consommateurs continuent à faire pression sur les différentes autorités pour renforcer le dispositif législatif au niveau de chaque pays, chose que les industriels alimentaires ne laissent pas toujours se faire en menant une contre pression sous différents couverts et prétextes. Cela dit, il s’avère assez claire que la règlementation ne peut en aucun cas tout encadrer notamment en matière de protection des mineurs contre les effets pervers de la publicité qui leur est destinée. Cet état de fait implique par voie de conséquence un renforcement des capacités des enfants pour plus de prévention face aux contenus publicitaires dont ils font l’objet. Le renforcement des capacités des enfants : « Rien n’empêchera les chaînes thématiques de diffuser de la publicité aux enfants», explique ainsi Robert Gerson, ancien président pour la France de la firme Mattel, qui vend, entre autres, les poupées Barbie. Cette déclaration montre à quel point l’influence de la publicité et des annonceurs est grandissante dans le contexte de mondialisation, qui transcende tout dispositif législatif ou règlementaire. Le développement des bouquets satellitaires partout dans le monde, empêcherait ainsi une bonne mise en œuvre des législations nationales ou même communautaire, en Europe en particulier), d’où le rôle que doit jouer l’école au profit des enfants.On pouvait lire alors dans le journal britannique The Economist que : « C’est aux parents et aux enseignants d’apprendre aux enfants les réalités du monde commercial. Tout comme on leur apprend à regarder avant de traverser la rue», explique ainsi l’hebdomadaire. Les professeurs sont ainsi appelés à responsabiliser les enfants vis-à-vis de la publicité au sein de l’école. Ainsi, les enfants devraient maitriser les variables opérationnelles pour juger de la bonne ou mauvaise finalité des messages publicitaires ; Cela passe essentiellement à travers plusieurs axes d’actions à savoir : - Le renforcement de la conscience des jeunes de la différence entre les divers messages 8 publicitaires et de pouvoir les détecter comme tels. Le Développement de la publicité clandestine est une raison de plus pour redoubler d’efforts à l’égard des enfants dans la mesure où sont présentés des biens et des services ou marques, en dehors des écrans publicitaires, et ce, dans un « but publicitaire », c’est-à-dire dans le but non pas d’informer, mais de promouvoir ;Cela nécessite d’avoir conscience des fonctions persuasives et des objectifs commerciaux qui les sous-tendent. - Avoir conscience d'une source extérieure agissant par ces messages. Généralement un certain nombre d'enfants pensent que c'est « la télévision » qui choisit les produits et le contenu des messages diffusés, lesquels du même coup peuvent se trouver bénéficier de la confiance et du prestige qui sont accordés à celle-ci ; - L’enfant devrait avoir la conscience rationnelle de l'existence d'une cible extérieure à lui, définie à priori par l'annonceur et saisir que cette cible peut varier selon les messages et leur contenu. En raison des particularités égocentriques du mode de pensée propre à son âge, un jeune enfant peut croire que toutes les publicités sont faites pour lui exclusivement et du coup il risque d’être entrainé dans une spirale de messages publicitaires inutiles; - L’enfant devrait enfin saisir le caractère symbolique, et parfois rhétorique, des représentations figurant dans les messages publicitaires, et de pouvoir les différencier de la réalité sans pour autant se laisser abuser par les pièges d’imagination et de représentation. En revanche une autre tendance se développe en parallèle au sein même de l’école à destination des enfants. Les établissements scolaires dans certains pays développés sont désormais libres de s’associer à une action de partenariat par laquelle une entreprise fournit des documents ou des objets qui seront remis aux élèves, tandis qu’elle peut être autorisée à signaler son intervention comme partenaire dans les documents remis aux élèves. Elle pourra ainsi faire apparaître discrètement sa marque sur ces documents ce qui constitue entre autre une forme de publicité. Toutes sortes de kits pédagogiques et de partenariats sont ainsi actuellement proposés par les entreprises aux établissements scolaires et aux enseignants. On dirait finalement que l’emprise des annonceurs et des publicitaires n’a pas de limites, et se développe partout où la cible des enfants existe, au-delà de toutes les considérations juridiques et règlementaires qui limitent ou encadrent les pratiques promotionnelles à destination des enfants. Conclusion : Il va sans dire que la cible des enfants constitue un objet primordial des publicités, notamment celle diffusés à travers les chaines de télévision. Ces publicités ne sont pas sans effets comportementaux ou sanitaires sur les enfants, en raison de 9 l’ampleur importante des annonces qui leurs sot destinés, ou encore la vulnérabilité de la cible, ce qui fait des enfants la « victime inconsciente » des publicités. Cet état de fait produit par voie de conséquence des répercussions sur les schémas de réflexion, les processus d’achat et les habitudes de consommation. Les différentes tentatives de règlementation et de restrictions imposées aux annonceurs s’avère nécessaire, utiles mais pas vraiment suffisantes pour limiter les effets de la publicité à destination des enfants. Ces derniers sont désormais de plus en plus appelés à renforcer leurs aptitudes pour distinguer entre simple contenus télévisés et les publicités explicites et déguisés. Bibliographie : BANDURA, A. (1979), L'apprentissage social, traduit par Jean-A. Rondal, Bruxelles, Mardaga. BARRIE, G. 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