DOSSIER
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La Lettre du Gynécologue - n° 258 - janvier 2001
es estrogènes interviennent dans le développement et
la régulation des tissus gynécologiques (sein, utérus,
ovaire) mais aussi dans celui d’un grand nombre
d’autres tissus. Leur action biologique au niveau des cellules
cibles passe par leur liaison à des protéines nucléaires récep-
trices, les récepteurs aux estrogènes (RE) (38, 39). Les RE sont
des régulateurs transcriptionnels capables de moduler la pro-
duction de facteurs intervenant dans la prolifération et la diffé-
renciation cellulaire. Leur participation dans la cancérogenèse
de certains tissus cibles est bien démontrée (sein, utérus). Les
travaux de Lacassagne dans les années 1930 ont mis en évi-
dence une relation entre les estrogènes et le développement des
cancers du sein (52). Il a fallu attendre la découverte du pre-
mier récepteur des estrogènes (REα) (39) pour développer les
premières molécules anti-estrogéniques (MER 25, nafoxidine,
SERM : concept et mécanismes d’action
P. Pujol*, T. Maudelonde*
* Laboratoire de biologie cellulaire, hôpital Arnaud-de-Villeneuve, CHU de
Montpellier, 371, avenue du Doyen-G.-Giraud, 34295 Montpellier Cedex 5 ;
INSERM U540, 70, rue de Navacelles, 34090 Montpellier.
L
MOTS CLÉS
Récepteurs des estrogènes, SERM, effets agonistes, spécificité tissulaire, cofacteurs.
RÉSUMÉ
Les modulateurs sélectifs des récepteurs aux estrogènes (SERM) représentent un nouveau concept de
traitement ciblé sur les récepteurs des estrogènes (RE). Les effets prolifératifs des estrogènes dans les
cancers du sein ont conduit dans un premier temps au développement de molécules à activité anti-
estrogénique tel que le tamoxifène. La découverte des effets agonistes estrogéniques spécifiques d’un
tissu ou d’un gène cible de ces composés, et parfois délétères (induction de cancer de l’endomètre par le
tamoxifène), a par la suite mené à rechercher de nouvelles molécules possédant des effets plus sélectifs.
Le terme de “SERM” a émergé lors du développement pharmacologique d’autres anti-estrogènes, tels
que le raloxifène. Celui-ci a été commercialisé pour ses effets agonistes sur l’os dans le traitement de
l’ostéoporose postménopausique alors qu’il est antagoniste au niveau du sein et paraît dépourvu d’effets
sur l’endomètre. Le concept de SERM peut s’élargir à toutes molécules endogènes, exogènes ou environ-
nementales, susceptibles de se lier au RE et d’induire des effets agonistes et/ou antagonistes des estro-
gènes. Les connaissances portant sur les mécanismes moléculaires de la modulation de ces effets diffé-
rents en fonction de la cible ont bénéficié d’avancées récentes dans trois domaines fondamentaux :
l’existence de deux formes
α
et
β
des RE, la caractérisation de protéines régulatrices de la transcription
associées aux récepteurs nucléaires (cofacteurs) et la cristallographie du complexe RE-ligand. La distribu-
tion tissulaire spécifique des RE
α
et
β
, ainsi que leur affinité respective variable selon le ligand, les cofac-
teurs transcriptionnels associés (co-activateurs ou co-inhibiteurs) et la structure tridimensionnelle du
complexe SERM-RE, sont donc autant de facteurs modulateurs de l’action d’un SERM.
Les connaissances acquises sur les mécanismes de modulation des RE vont de pair avec l’élaboration
de nouveaux SERM, c’est-à-dire de composés à action estrogénique variable en fonction du tissu.
Les composés idéaux devront conserver un effet estrogénique sur certains tissus cibles (os, cœur
et vaisseaux, cerveau…) tout en étant antagonistes ou neutres au niveau du sein et de l’endomètre.
clomiphène, tamoxifène…). Le tamoxifène, depuis les années
1970, est devenu le traitement antihormonal de référence pour
tous les stades du cancer du sein. L’expérience clinique du
tamoxifène représente 10 millions de femmes-années (avec
actuellement environ 1 million de femmes traitées dans le
monde) (43). Les études in vitro (28) ainsi que les dernières
méta-analyses concernant le produit ont permis de mettre en
évidence des activités agonistes, in vivo, qui ont une spécifi-
cité tissulaire (16, 17). Les effets délétères du tamoxifène au
niveau de l’utérus ont incité les pharmacologues à rechercher
d’autres molécules possédant ses avantages sans ses inconvé-
nients. Le terme d’“anti-estrogène” n’étant plus approprié, ces
molécules sont maintenant désignées sous le terme de SERM
(Selective Estrogen Receptor Modulator). Les connaissances
acquises sur le mécanisme d’action des estrogènes permettent
de mieux appréhender les caractéristiques biochimiques les
plus adaptées à leurs indications spécifiques. Il s’agit d’une
thérapeutique ciblée sur une famille de protéines bien définie :
les récepteurs aux estrogènes. Leurs indications principales
pourraient être le traitement des cancers du sein (préventif et
adjuvant) et une nouvelle approche du traitement de la méno-
pause.
LES RÉCEPTEURS AUX ESTROGÈNES
Il existe deux formes de RE, le REαet le REβ. Leurs gènes
sont situés sur 2 chromosomes différents : le chromosome 6
pour le REαet le chromosome 14 pour le gène du REβ(19).
Ils appartiennent à une grande famille de protéines nucléaires
(plus de 150 membres) qui sont des facteurs de régulation de la
transcription.
Localisation tissulaire
Les REαet les REβont une distribution non uniforme dans les
différents tissus cibles (18) (figure 1). Certains organes,
comme le sein et l’utérus, possèdent plus de REα. Pour
d’autres, comme les cellules endothéliales des vaisseaux, c’est
la forme βqui est prépondérante. Des études récentes menées
dans notre laboratoire et par d’autres équipes permettent de
penser que la forme αpourrait être liée à la prolifération cellu-
laire induite par les estrogènes alors que la forme ß serait plus
investie dans le processus de différenciation dépendant des
estrogènes (63, 49).
Structure
La structure primaire des RE est organisée en 6 domaines (de
A à F) (figure 2) dont les fonctions sont bien définies (80).
Deux régions sont responsables de l’activité régulatrice de la
transcription du RE :
– le domaine A/B a une fonction régulatrice, dite AF1, qui
serait dépendante du tissu et serait activée dès que le RE se
fixe sur l’ADN quel que soit le ligand (composé qui lie le
RE) ;
– la région E/F est la région de liaison des ligands physiolo-
giques (estradiol) et par extension des SERM. Elle est aussi
responsable d’une activité régulatrice AF2 qui va dépendre du
composé qui est lié au récepteur. La faible homologie de
séquence des 2 isoformes du RE dans les régions AF1 et AF2
suggère que leurs fonctions biologiques pourraient être diffé-
rentes ;
– la région C est le domaine de liaison à l’ADN. Il se lie à des
régions spécifiques du RE appelées “éléments de réponse aux
estrogènes” (ERE) et qui sont situées dans les régions régula-
trices des gènes dont la transcription dépend des estrogènes.
Activation du RE
En l’absence d’hormone, le RE est sous la forme d’un com-
plexe oligomérique inactif, lié à un certain nombre de pro-
téines incluant des protéines chaperonnes (certaines sont des
protéines de choc thermique) qui ont pour rôle de maintenir le
RE dans une conformation propice à sa liaison aux estrogènes.
Lorsque l’estradiol se lie au RE, les molécules chaperonnes
s’en détachent, lui permettant ainsi, après sa dimérisation,
d’assurer sa fonction de régulateur transcriptionnel soit en se
liant à l’ADN sur des ERE (figure 3), soit en modulant l’acti-
vité d’autres facteurs transcriptionnels.
DOSSIER
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La Lettre du Gynécologue - n° 258 - janvier 2001
Figure 1. Distribution tissulaire des RE
α
et RE
β
.
α
Sein
Foie
Utérus
β
Vaisseaux
Os
Poumon
Tractus urogénital
αet β
Système nerveux central
Ovaire
αβ
Figure 2. Relation structure fonction des RE.
A/B C D EF
A/B C D EF
α
β
Domaines fonctionnels
protéine
Pourcentage homologie 17 % 96 % 29 % 50 % 17 %
AF1 ADN E2/AF2
1 185 250 302 512
1 96 161 202 447
477
595
Au niveau moléculaire
Le complexe RE-E2 dimérisé et lié à l’ADN pourrait, soit
entrer en contact direct avec le complexe général de transcrip-
tion (ARN-polymérase et facteurs transcriptionnels), soit agir
indirectement par interaction avec des protéines intermédiaires
appelées cofacteurs (44). Ces protéines interfèrent avec tous
les récepteurs nucléaires et favorisent (co-activateurs) ou inhi-
bent (co-inhibiteurs) l’activité transcriptionnelle AF2 (80). Un
de leurs rôles serait, respectivement, d’acétyler ou de désacéty-
ler les histones autour desquelles sont enroulés les gènes à
transcrire. Une fois acétylées, les histones permettent le dérou-
lement de l’ADN qui peut entrer en contact avec les protéines
constituant la machinerie transcriptionnelle. Quel que soit le
mécanisme, ces événements vont entraîner la stabilisation du
complexe de pré-initiation et une modification de l’expression
du gène régulé. Une majorité des co-activateurs (exemple :
CBP, RIP140) mis en évidence à ce jour peuvent se lier au RE
activé par l’E2 (figure 4). Ainsi une balance entre co-activa-
teurs et co-inhibiteurs pourrait-elle être responsable des effets
agonistes partiels des anti-estrogènes selon les tissus (utérus,
os, cardiovasculaire…).
Nos connaissances du mécanisme d’action du REαau niveau
de l’AF2 ont largement progressé grâce aux études de cristallo-
graphie de la région de liaison à l’hormone avec ou sans ligand
(6). Ce domaine est formé de 12 hélices αet de 2 feuillets β
formant une poche dans laquelle se loge l’estradiol ou tout
autre composé ayant une affinité pour le REα. L’extrémité C
terminale comporte l’hélice H12 qui, lors de la liaison de l’hor-
mone, se replie sur la poche de liaison en découvrant probable-
ment des sites de liaison pour différents co-activateurs (RIP140,
SRC1, ...). L’activité agoniste d’une molécule n’est donc pas
corrélée à son affinité pour le RE. Il semblerait plutôt qu’elle
dépende de la faculté qu’a le produit en question de placer
l’hélice H12 dans la même configuration que l’estradiol.
Comme l’activité AF1 ou l’activité AF2 paraissent être suffi-
santes à l’action du RE dans certaines conditions tandis que les
2 sont nécessaires dans d’autres, il est possible que le rôle du
RE dans des cellules différentes ne soit pas le même. Le RE
peut ainsi réguler la transcription par des voies indirectes. Il
peut médier la transcription non seulement en se fixant sur les
ERE mais aussi en interagissant avec les complexes AP1 (79).
Cette voie semble importante dans le mécanisme d’action des
anti-estrogènes (12, 61).
Les isoformes αet βpourraient avoir des fonctions différentes.
En effet, des expériences in vitro utilisant le site AP1 comme
élément de régulation transcriptionnelle, montrent que l’estra-
diol, via le REα, stimule cette activité transcriptionnelle alors
que, via le REβ, il l’inhibe (60).
Au niveau cellulaire
En fait, l’activité de ces RE peut être modulée par un grand
nombre d’intervenants qui agissent de différentes manières :
par une diminution de sa synthèse comme le font certains pro-
duits naturels de l’organisme tels que les androgènes ou la pro-
gestérone ; par une activation via des phosphorylations
induites notamment par les facteurs de croissance ; en se liant
sur le site de liaison hormonale. Ce dernier mécanisme ne pro-
duit pas systématiquement un effet biologique de type estrogé-
nique. Selon la structure biochimique du composé utilisé,
l’action induite pourra être estrogénique (agoniste), anti-estro-
génique pur (antagoniste), agoniste partiel selon le tissu
(exemple : le tamoxifène), voire spécifique du composé
(exemple : l’effet antifacteur de croissance du tamoxifène).
CLASSIFICATION DES SERM
On peut les classer de deux manières. L’une est restreinte et ne
concerne que les dérivés non stéroïdiens de synthèse qui ont
des effets à la fois agonistes et antagonistes. L’autre généralise
le concept et considère que toute molécule capable de lier le
RE et de moduler son activité transcriptionnelle peut être
considérée comme un SERM. Classiquement, on établissait
une relation entre l’affinité d’un produit pour le RE et son effet
biologique. Les connaissances actuelles permettent de penser
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La Lettre du Gynécologue - n° 258 - janvier 2001
Figure 3. Activation transcriptionnelle des RE.
Transcription
dimérisation
cofacteurs
Ligands des RE
Ligands des RE
ER
α/β
(E2) (RLX)
ERE
ADN ARNm
Figure 4. Cofacteurs transcriptionnels.
+ Hormone
+ antihormone
p/CAF
CBP/p300
acétylation des histones
déstabilisation du nucléosome
activation de la transcription
désacétylation des histones
compaction du nucléosome
répression de la transcription
HDAC
N-CoR
SMRT
[RIP 140] SRC-1
Sin3
TAFs
TATA box
ARN Pol II
TBP
que si l’affinité joue certes un rôle important pour la liaison
compétitive avec le RE, les effets agonistes ou antagonistes
sont plutôt liés à la conformation du RE adoptée après la liai-
son du ligand considéré. Ces effets sont évalués par des tests in
vitro faisant appel à la culture de cellules, à des techniques de
biologie moléculaire (exemple : expériences de transfection) et
à des études chez l’animal, avant d’être testés cliniquement
(1, 54, 55). Une représentation biochimique des principaux
SERM utilisés en clinique est donnée dans la figure 5.
Classification restreinte aux composés non stéroïdiens
Les SERM de première génération sont essentiellement les
anti-estrogènes utilisés comme inducteur de l’ovulation (clo-
mifène) ou pour traiter les cancers du sein. Le plus utilisé est le
tamoxifène. D’autres produits ont été conçus par la suite pour
retrouver ses qualités tout en évitant ses inconvénients. Au
niveau du sein, ces composés agissent non seulement comme
des anti-estrogènes, mais aussi comme des “antifacteurs de
croissance”. Au niveau de ce tissu, ils doivent donc être consi-
dérés principalement comme des agents antiprolifératifs dont
l’effet est “médié” par le RE.
Les composés triphényléthyléniques (SERM 1)
Ils sont dérivés du diéthylstilbestrol (DES) et ont été primitive-
ment synthétisés pour obtenir une activité contraceptive (36).
L’activité anti-estrogénique observée sur les cellules tumorales
mammaires de rates (41) a incité à les utiliser dans les cancers
du sein. Le mieux toléré de ces premiers composés sur des
longues périodes fut le tamoxifène dans sa forme trans.
Au niveau moléculaire et cellulaire
Le mécanisme d’action du tamoxifène reste encore assez mal
connu. Ses effets agonistes vont dépendre du type cellulaire,
du voisinage de l’ERE sur l’ADN et de l’isoforme du RE (78).
Le tamoxifène se lie aux RE avec une affinité 100 fois plus
faible que l’estradiol, mais très voisine pour les formes αet β
(50). Il induit la dimérisation du RE et sa liaison à l’ADN. Les
activités transcriptionnelles liées à AF1 seront alors induites,
pouvant expliquer les activités estrogéniques partielles du pro-
duit. En revanche, celles qui sont liées à la région AF2 sont
inhibées. Du fait d’un mauvais repliement de l’hélice H12 du
domaine de liaison à l’hormone (70), les co-activateurs qui s’y
fixent normalement ne vont plus la reconnaître (RIP140, TIF1)
(7). D’autres co-activateurs ou co-inhibiteurs (exemple :
SMRT) (72) peuvent cependant se fixer sur le RE et induire
des activités transcriptionnelles propres au tamoxifène (24).
Celles-ci peuvent être responsables de l’activité antifacteur de
croissance du tamoxifène.
En culture de cellules tumorales mammaires, il inhibe la proli-
fération cellulaire par un effet cytostatique avec un blocage du
cycle cellulaire en G0/G1 ainsi que l’apparition d’une apop-
tose (2) qui s’accompagne de modifications de l’expression de
gènes comme celui de bcl-2 ou c-myc. Si l’effet global est
antiprolifératif au niveau du sein, le tamoxifène a des effets
estrogéniques sur certains gènes (exemple : le récepteur de la
progestérone, la cathepsine D…) et dans certains tissus. Il sti-
mule ainsi la prolifération de lignées de cellules cancéreuses
endométriales (28).
Au niveau de l’organisme
Le tamoxifène s’oppose à l’effet des estrogènes sur la proliféra-
tion cellulaire mammaire. Son effet biologique est long car sa
demi-vie est de 7 jours. Il agit comme une antihormone et
comme une prodrogue puisqu’il se métabolise partiellement
(1 à 3 %) en un produit plus actif, le 4-hydroxytamoxifène qui a
une affinité 100 fois plus grande pour le RE. Il est largement
utilisé dans le traitement adjuvant des cancers du sein de la
femme ménopausée. Dans les cancers du sein avancés ayant
des RE, il permet d’obtenir 50 à 60 % de rémission. En traite-
ment adjuvant d’une durée de 5 ans, il améliore à 10 ans l’inter-
valle libre de récidive (47 %) et la survie globale (26 %) chez la
femme présentant un cancer du sein avec des récepteurs aux
estrogènes aussi bien en pré- qu’en postménopause (17).
De plus, il diminue l’incidence d’apparition d’un nouveau can-
cer du sein controlatéral. En traitement préventif, son effet est
discuté, mais l’étude la plus structurée comportant le plus
grand nombre de sujets suivis sur 4 ans, montre une diminu-
tion de 47 % de l’apparition de cancer du sein (17).
Lors du traitement adjuvant par le tamoxifène des cancers du
sein RE positifs (RE +), ce même groupe montre une diminu-
tion de 15 % de la mortalité de cause coronarienne par rapport
à une population contrôle. Son effet sur la mortalité due à
d’autres causes vasculaires est un peu plus faible. Son activité
agoniste sur les facteurs de risque cardiovasculaire a été large-
ment documentée (cholestérol, LDL…). Il en est de même de
son effet protecteur contre l’ostéoporose chez la femme méno-
pausée (62). En revanche, chez la femme en préménopause, il
semblerait, pour certains auteurs, qu’il induise la résorption
osseuse (62, 26). Ce phénomène pouvant s’expliquer par le fait
qu’une molécule à faible effet estrogénique (le tamoxifène)
déplace une molécule à effet estrogénique fort.
Le tamoxifène n’est pas dépourvu d’effets secondaires. Si la
plupart sont bénins (bouffées de chaleur, troubles digestifs…),
justifiant la réputation de bonne tolérance du produit, d’autres
peuvent avoir un retentissement plus important sur la santé. Le
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32
La Lettre du Gynécologue - n° 258 - janvier 2001
Figure 5. Structure biochimique de l’estradiol et des SERM.
Estradiol Torémifène Droloxifène
RaloxifèneTamoxifène ICI 182,780
Idoxifène
OH
HO
O
N
CI
O
I
N
OH
O
N
HO
OH
(CH2)9 SOC5H4F7
O
N
OH
HO
OON
tamoxifène augmente ainsi le risque d’apparition d’un cancer
de l’endomètre dont le risque relatif est de 2,2 (65). De plus,
des résistances au tamoxifène peuvent se développer ou exister
d’emblée. Les traitements de longue durée semblent aussi aug-
menter le risque de thrombose veineuse (22, 42).
Afin de pallier ces inconvénients, les laboratoires se sont
orientés vers deux grandes voies :
– la synthèse de stéroïdes anti-estrogéniques purs dépourvus
d’effets agonistes plutôt réservés pour les cancers du sein
avancés ;
– le développement de molécules de structure proche de celle
du tamoxifène qui posséderaient des effets agonistes béné-
fiques sur l’os, le système cardiovasculaire et le système ner-
veux notamment, mais des effets anti-estrogéniques sur le sein
et l’utérus. Les études in vitro de ces produits se font en les
comparant non seulement aux estrogènes mais aussi au
tamoxifène ou à son métabolite le plus actif (le 4-hydroxyta-
moxifène). Ces produits pourraient s’appeler “les SERM de
seconde génération”.
Les SERM de seconde génération (SERM 2)
C’est la seconde génération de molécules avec des effets anta-
gonistes (ou moins agonistes) des estrogènes plus importants
que le tamoxifène sur le sein et l’endomètre, et des effets ago-
nistes sur les autres tissus cibles en particulier l’os et les cel-
lules endothéliales vasculaires.
Certains sont dérivés du tamoxifène par de simples modifica-
tions de sa structure et ont été commercialisés pour traiter les
cancers du sein.
Le droloxifène (3-hydroxytamoxifène)
Ce dérivé du tamoxifène a une affinité dix fois supérieure à
celle du tamoxifène pour le RE (20, 45). Ses effets sur les tis-
sus ont été comparés à ceux du tamoxifène et des estrogènes in
vitro. Il agirait au niveau du sein peut-être en stimulant l’apop-
tose, sans doute en augmentant l’expression du TP53 (29). Il
est aussi capable d’inhiber la prolifération de la lignée MCF-7
(cellules mammaires cancéreuses RE+) en stimulant l’expres-
sion du TGFβ(48). Les études faites chez la rate ont montré
que ce produit bloquait l’ostéoporose en diminuant la forma-
tion des ostéoclastes (29). Par ailleurs, il exerce un effet utéro-
trophique moins important que le tamoxifène chez la rate (45).
Chez l’humain, il a une demi-vie de 24 heures, plus courte que
celle du tamoxifène (33). Il est utilisé avec de bons résultats
dans le traitement des cancers du sein avancés de la femme
ménopausée (5, 64) et a une activité estrogénique plus faible
sur l’endomètre que le tamoxifène. Ses effets n’ont pas été étu-
diés dans d’autres tissus.
L’idoxifène
C’est un anti-estrogène apparenté au tamoxifène qui a été uti-
lisé dans le traitement des cancers du sein avancés (10). Il a
une affinité pour le REαdeux fois supérieure à celle du
tamoxifène, mais son pouvoir anti-estrogénique est 10 fois
inférieur, tout en ayant un effet agoniste plus faible sur l’endo-
mètre (8). Sur les xénogreffes de cellules mammaires cancé-
reuses chez la souris athymique ovariectomisée, l’idoxifène
induit moins de résistance que le tamoxifène (40).
Le torémifène
C’est aussi un dérivé du tamoxifène qui a un pouvoir anti-
estrogénique plus faible. Il a des effets agonistes partiels sur
l’endomètre, similaires à ceux que produisent le tamoxifène
(73). Il s’est montré efficace dans le traitement des cancers du
sein avancés ayant des RE et dans les cancers du sein résistant
au tamoxifène (25, 35). Il améliore le profil lipidique et proté-
gerait de l’ostéoporose (66).
D’autres composés présentent des caractéristiques structurales
plus éloignées comme les naphtolènes, les benzothiophènes.
Le plus étudié d’entre eux est le raloxifène qui a été déve-
loppé, tout d’abord, pour traiter l’ostéoporose ménopausique.
Le raloxifène
Le raloxifène (anciennement appelé kéoxifène) est un produit
non stéroïdien ayant une structure benzothiophène.
Au niveau moléculaire et cellulaire
Les études cristallographiques du REαmontrent que le raloxi-
fène empêche le recouvrement de la “poche” par l’hélice H12
(partie de la région AF2), ce qui conduit à une absence de
reconnaissance par les co-activateurs du complexe REα-
raloxifène (6). La fixation de la chaîne latérale du raloxifène à
l’asp 351 est étroitement liée à son potentiel anti-estrogénique.
En effet, lorsqu’on fait une mutagenèse dirigée pour transfor-
mer cet asp 351 du REαen tyrosine, le raloxifène, en se liant
au REαmuté, induit alors une configuration spatiale identique
à celle provoquée par la liaison de l’estradiol et produit un
effet estrogénique (53). Il est possible que le complexe REα-
raloxifène puisse se lier à un co-inhibiteur non reconnu par le
complexe REα-E2 comme il l’a été montré pour les complexes
REα-tamoxifène (72) et REα-ICI 182,780 (37).
Un deuxième niveau de différence d’action se situe au sein de
la région de l’ADN sur laquelle se fixe le complexe RE-raloxi-
fène. Il peut se lier à l’ADN sur un endroit différent de l’ERE.
Il active in vitro la transcription du TGF- β3 par le biais d’une
séquence de polypurine appelée “élément de réponse au raloxi-
fène” (RRE) (81) localisée dans la région 5’ non transcrite du
gène et qui n’est pas reconnue par le complexe RE-E2. L’inter-
action du récepteur avec cette région semble se faire par
l’intermédiaire d’une protéine co-activatrice et pourrait être un
des mécanismes de la sélectivité tissulaire des effets estrogé-
niques du raloxifène.
Le complexe RE-ligand est aussi capable de se lier au com-
plexe AP1. En fonction du type de RE qui est lié par le raloxi-
fène, le complexe RE-raloxifène peut avoir des effets opposés.
In vitro, les études de transfection, dans des lignées de cellules
cancéreuses (HeLa, MCF-7), d’un gène rapporteur possédant
un site AP1 dans sa région régulatrice, montrent que le raloxi-
fène, en se fixant au REαn’induit qu’une faible activité trans-
criptionnelle comparable à celle des anti-estrogènes purs mais
moins importante que celle induite par l’E2 ou le tamoxifène
(60). En revanche, en présence du REβ, il activera le processus
transcriptionnel, tout comme le tamoxifène, alors que l’E2 est
dépourvu d’effet. La différence d’activité anti-estrogénique du
raloxifène par rapport au tamoxifène provient probablement de
l’orientation différente de la chaîne latérale de ces deux molé-
cules dans l’espace (32) induisant possiblement des conforma-
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