tamoxifène augmente ainsi le risque d’apparition d’un cancer
de l’endomètre dont le risque relatif est de 2,2 (65). De plus,
des résistances au tamoxifène peuvent se développer ou exister
d’emblée. Les traitements de longue durée semblent aussi aug-
menter le risque de thrombose veineuse (22, 42).
Afin de pallier ces inconvénients, les laboratoires se sont
orientés vers deux grandes voies :
– la synthèse de stéroïdes anti-estrogéniques purs dépourvus
d’effets agonistes plutôt réservés pour les cancers du sein
avancés ;
– le développement de molécules de structure proche de celle
du tamoxifène qui posséderaient des effets agonistes béné-
fiques sur l’os, le système cardiovasculaire et le système ner-
veux notamment, mais des effets anti-estrogéniques sur le sein
et l’utérus. Les études in vitro de ces produits se font en les
comparant non seulement aux estrogènes mais aussi au
tamoxifène ou à son métabolite le plus actif (le 4-hydroxyta-
moxifène). Ces produits pourraient s’appeler “les SERM de
seconde génération”.
Les SERM de seconde génération (SERM 2)
C’est la seconde génération de molécules avec des effets anta-
gonistes (ou moins agonistes) des estrogènes plus importants
que le tamoxifène sur le sein et l’endomètre, et des effets ago-
nistes sur les autres tissus cibles en particulier l’os et les cel-
lules endothéliales vasculaires.
Certains sont dérivés du tamoxifène par de simples modifica-
tions de sa structure et ont été commercialisés pour traiter les
cancers du sein.
●
●Le droloxifène (3-hydroxytamoxifène)
Ce dérivé du tamoxifène a une affinité dix fois supérieure à
celle du tamoxifène pour le RE (20, 45). Ses effets sur les tis-
sus ont été comparés à ceux du tamoxifène et des estrogènes in
vitro. Il agirait au niveau du sein peut-être en stimulant l’apop-
tose, sans doute en augmentant l’expression du TP53 (29). Il
est aussi capable d’inhiber la prolifération de la lignée MCF-7
(cellules mammaires cancéreuses RE+) en stimulant l’expres-
sion du TGFβ(48). Les études faites chez la rate ont montré
que ce produit bloquait l’ostéoporose en diminuant la forma-
tion des ostéoclastes (29). Par ailleurs, il exerce un effet utéro-
trophique moins important que le tamoxifène chez la rate (45).
Chez l’humain, il a une demi-vie de 24 heures, plus courte que
celle du tamoxifène (33). Il est utilisé avec de bons résultats
dans le traitement des cancers du sein avancés de la femme
ménopausée (5, 64) et a une activité estrogénique plus faible
sur l’endomètre que le tamoxifène. Ses effets n’ont pas été étu-
diés dans d’autres tissus.
●
●L’idoxifène
C’est un anti-estrogène apparenté au tamoxifène qui a été uti-
lisé dans le traitement des cancers du sein avancés (10). Il a
une affinité pour le REαdeux fois supérieure à celle du
tamoxifène, mais son pouvoir anti-estrogénique est 10 fois
inférieur, tout en ayant un effet agoniste plus faible sur l’endo-
mètre (8). Sur les xénogreffes de cellules mammaires cancé-
reuses chez la souris athymique ovariectomisée, l’idoxifène
induit moins de résistance que le tamoxifène (40).
●
●Le torémifène
C’est aussi un dérivé du tamoxifène qui a un pouvoir anti-
estrogénique plus faible. Il a des effets agonistes partiels sur
l’endomètre, similaires à ceux que produisent le tamoxifène
(73). Il s’est montré efficace dans le traitement des cancers du
sein avancés ayant des RE et dans les cancers du sein résistant
au tamoxifène (25, 35). Il améliore le profil lipidique et proté-
gerait de l’ostéoporose (66).
D’autres composés présentent des caractéristiques structurales
plus éloignées comme les naphtolènes, les benzothiophènes.
Le plus étudié d’entre eux est le raloxifène qui a été déve-
loppé, tout d’abord, pour traiter l’ostéoporose ménopausique.
●
●Le raloxifène
Le raloxifène (anciennement appelé kéoxifène) est un produit
non stéroïdien ayant une structure benzothiophène.
Au niveau moléculaire et cellulaire
Les études cristallographiques du REαmontrent que le raloxi-
fène empêche le recouvrement de la “poche” par l’hélice H12
(partie de la région AF2), ce qui conduit à une absence de
reconnaissance par les co-activateurs du complexe REα-
raloxifène (6). La fixation de la chaîne latérale du raloxifène à
l’asp 351 est étroitement liée à son potentiel anti-estrogénique.
En effet, lorsqu’on fait une mutagenèse dirigée pour transfor-
mer cet asp 351 du REαen tyrosine, le raloxifène, en se liant
au REαmuté, induit alors une configuration spatiale identique
à celle provoquée par la liaison de l’estradiol et produit un
effet estrogénique (53). Il est possible que le complexe REα-
raloxifène puisse se lier à un co-inhibiteur non reconnu par le
complexe REα-E2 comme il l’a été montré pour les complexes
REα-tamoxifène (72) et REα-ICI 182,780 (37).
Un deuxième niveau de différence d’action se situe au sein de
la région de l’ADN sur laquelle se fixe le complexe RE-raloxi-
fène. Il peut se lier à l’ADN sur un endroit différent de l’ERE.
Il active in vitro la transcription du TGF- β3 par le biais d’une
séquence de polypurine appelée “élément de réponse au raloxi-
fène” (RRE) (81) localisée dans la région 5’ non transcrite du
gène et qui n’est pas reconnue par le complexe RE-E2. L’inter-
action du récepteur avec cette région semble se faire par
l’intermédiaire d’une protéine co-activatrice et pourrait être un
des mécanismes de la sélectivité tissulaire des effets estrogé-
niques du raloxifène.
Le complexe RE-ligand est aussi capable de se lier au com-
plexe AP1. En fonction du type de RE qui est lié par le raloxi-
fène, le complexe RE-raloxifène peut avoir des effets opposés.
In vitro, les études de transfection, dans des lignées de cellules
cancéreuses (HeLa, MCF-7), d’un gène rapporteur possédant
un site AP1 dans sa région régulatrice, montrent que le raloxi-
fène, en se fixant au REαn’induit qu’une faible activité trans-
criptionnelle comparable à celle des anti-estrogènes purs mais
moins importante que celle induite par l’E2 ou le tamoxifène
(60). En revanche, en présence du REβ, il activera le processus
transcriptionnel, tout comme le tamoxifène, alors que l’E2 est
dépourvu d’effet. La différence d’activité anti-estrogénique du
raloxifène par rapport au tamoxifène provient probablement de
l’orientation différente de la chaîne latérale de ces deux molé-
cules dans l’espace (32) induisant possiblement des conforma-
33
La Lettre du Gynécologue - n° 258 - janvier 2001