Compte rendu du livre :
LE MYSTÈRE DE LHOMME DE PILTDOWN
Une extraodinaire imposture scientifique
d’Herbert Thomas
Belin (Pour la science), 2002, 288 p., 19,80 euros
En décembre 1912, lors d’une séance de la Société géologique de Londres, est
annoncée la découverte, à Piltdown, dans le sud de l’Angleterre, de plusieurs
fragments de crâne et d’une demi-mandibule. L’extraordinaire aventure de l’homme
de Piltdown commence. Comme le crâne avait l’aspect de celui d’un homme
moderne et que la mâchoire ressemblait à celle d’un chimpanzé, ces ossements,
jugés très anciens, furent attribués à un homme fossile qui pouvait représenter le
fameux « chaînon manquant », entre le singe et l’homme, que les partisans de la
théorie de l’évolution cherchaient désespérément. La découverte fut certes
controversée, puisque quelques spécialistes mirent en doute l’ancienneté des
ossements et leur appartenance à un seul individu, mais ce n’est qu’en 1953 que le
British Museum devait reconnaître officiellement que « le premier Anglais », comme
on l’avait parfois appelé, était un faux : un crâne d’homme moderne avait été
combiné à une mâchoire d’orang-outang, et le tout avait été soigneusement arrangé
pour donner l’impression du « vieux ». Beaucoup des plus grands spécialistes de
l’époque avaient donc été bernés par un faussaire qu’il restait désormais à
démasquer.
Depuis la révélation de la mystification, il y a environ cinquante ans,
différentes enquêtes, en désaccord les unes avec les autres, ont désigné nombre
de suspects dont, pour ne citer que les plus célèbres, Sir Arthur Conan Doyle, le
créateur de Sherlock Holmes, et le Père Teilhard de Chardin. Dubitatif à propos de
ces enquêtes, Herbert Thomas, sous-directeur de la chaire de paléoanthropologie
et préhistoire du Collège de France, nous livre ici sa propre analyse de l’affaire.
Disons tout de suite que c’est un livre très instructif, très agréable à lire et qui
nous maintient en haleine, un peu comme un roman policier. Mais au-delà de la
dimension finalement anecdotique de l’histoire de l’anthropologie, ce livre a le grand
mérite de nous amener à réfléchir sur la fragile frontière qui existe entre l’histoire
et la fiction en ce qui concerne les origines de l’homme. Qu’un canular « si gros »
ait si bien marché auprès de spécialistes reconnus souligne à quel point les
reconstructions des premiers temps de l’humanité peuvent être précipitées. Ce
n’est certes pas le thème de réflexion de l’auteur, mais on ne peut s’empêcher de
se demander à la lecture d’un tel livre si les spécialistes actuels de nos ancêtres ne
seraient pas aussi, tant leurs « pièces à conviction » sont souvent lacunaires, les
dupes, non pas d’un faussaire, mais de leur imagination… Thomas Lepeltier,
Sciences Humains, 138, mai 2003.
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