Inhibiteurs de mTOR : de la transplantation à l`oncologie

En 1975, dans le cadre d'un programme de recherche de nouveaux
antibiotiques des laboratoires pharmaceutiques Ayerst, VENISA a
isolé à partir de streptomyces hygroscopicus, une bactérie tellurique
de l'Ile de Paques, une molécule de la famille des lactones macro-
cyclique possédant une activité antibiotique. Le nom polynésien de
l'Ile de Pâques étant Rapa Nui, ils nommèrent leur découverte rapa-
mycine. Les propriétés antibiotiques de la rapamycine étaient en
fait modeste in vitro, hormis une activité antifongique sur le candi-
da albicans. En raison de son activité antimicrobienne faible, le pro-
jet fut officiellement abandonné par les laboratoires Ayerst. Seul
SEGHAL convaincu des propriétés immunosuppressive de cette
molécule poursuivra son étude. Ainsi, en l'administrant à des rats,
MARTEL amontré que cette molécule était capable d'inhiber la
réponse immunitaire. En 1983, HOUCHENS,endémontrant que la
rapamycine pouvait inhiber la croissance de xénotransplanstation
de tumeur cérébrale humaine a publié la première description de
l'effet antitumoral de la rapamycine. En 1989 les premiers résultats
de l'utilisation de la rapamycine comme immunosuppresseur dans
des modèles expérimentaux d'allotransplantations chez l'animal ont
été rapportés par CALNE dans le Lancet [1]. La première adminis-
tration chez l'homme interviendra en 1991 chez un receveur d'une
allotransplantation rénale.
Cependant à cette époque, le mécanisme d'action de la rapamycine
n'était pas encore clairement défini. Les équipes de recherche ont
montré que la rapamycine partageait la même molécule de liaison
que le tacrolimus mais que leurs propriétés immunosuppressives
étaient différentes, sous-entendant que les complexes ainsi formés
n'interagissent pas avec les mêmes cibles Au début des années 90 la
FKBP12, immunophiline de liaison commune au FK506 et à la
rapamycine a été séquencée et son gène identifié [2]. L'effet du
complexe FKBP12-rapamycine au sein de la cellule a été précisé
par MORICE et par JAMARAMAN en 1993 [3] mais l'élucidation du
mode d'action de la rapamycine n'a été présenté par WIEDERRECHT
qu'en 1995 avec la découverte de la protéine cible de la rapamyci-
ne : mTOR ou mammalian Target Of Rapamycin [4].
Le but de cette mise au point est d'exposer de façon synthétique le
mode d'action des inhibiteurs de mTOR puis, à la lumière de ces
connaissances, leurs développements cliniques en transplantation
rénale et en oncologie.
MODE D'ACTION DES INHIBITEURS DE MTOR
La protéine mTOR est une sérine-thréonine kinase c'est-à-dire
qu'elle catalyse, lorsqu'elle est activée, la phosphorylation de deux
acides aminés sérine et thréonine sur des protéines cibles intra-cel-
lulaires. L'activation de mTOR se fait par sa phosphorylation :
-Soit à partir de l'activation d'un récepteur de facteur de croissance
(par exemple le récepteur CD25 à l'IL-2) entraînant une cascade
de phosphorylation par la voie de la phosphoinositide 3-kinase
(PI-3K) et Akt. Cette voie est physiologiquement régulée par la
phosphatase “Phosphatase and Tensin Homologue deleted on
chromosome Ten” (PTEN).
-Soit par les kinases dépendant de l'AMP (AMPK) dont l'activation
dépend du ratio des concentrations intra-cellulaires en AMP et
ATP. Cette voie est physiologiquement interrompue lors de stress
cellulaire ou de dépression en nutriment (acides aminés) car ces
situations aboutissent à une accumulation d'AMP intra-cellulaire.
-Soit par les acides aminés, via une interaction avec le complexe
“Tuberous Sclerosis Complex” (TSC) dont les mécanismes ne
sont pas entièrement déterminés.
uMISE AU POINT Progrès en Urologie (2007), 17, 928-933
Inhibiteurs de mTOR : de la transplantation à l'oncologie
(Revue de la littérature du Comité de Transplantation - AFU 2006)
Yann NEUZILLET (1),Georges KARAM (2),Eric LECHEVALLIER (1),François KLEINCLAUSS (3)
et le Comité Transplantation de l'Association Française d'Urologie
(1) Service d'Urologie et Transplantation Rénale, C.H.U. de la Conception, Marseille, France, (2) Institut Uro-Néphrologie, C.H.U., Hôtel Dieu,
Nantes, France, (3) Service d'Urologie et Transplantation Rénale, C.H.U. Saint-Jacques, Besançon, France
RESUME
L'histoire des inhibiteurs de mTOR a débuté il y a environ 30 ans par la découverte de la rapamycine, macroli-
de issu d'un micro-organisme téllurique Streptomices hygroscopicus et doté de propriétés antibiotiques, immu-
nosuppressives et antiproliférative.
Prévu initialement pour être un antibiotique, la compréhension de plus en plus précise du mode d'action de cette
classe médicamenteuse a rationalisé et validé son emploi dans le domaine de la transplantation et de l'oncologie.
Dans ces deux domaines, où l'urologue est partie prenante, de nombreuses études cliniques sur les inhibiteurs
de mTOR ont été menées.
Cette mise au point synthétise les connaissances actuelles sur le mécanisme d'action et les utilisations cliniques
des inhibiteurs de mTOR en transplantation rénale et en oncologie.
Mots clés :immunologie, cancer, transplantation, inhibiteur de mTOR.
928
Manuscrit reçu : mars 2007, accepté : juin 2007
Adresse pour correspondance : Dr.Y. Neuzillet, 280 boulevard Michelet, Le Corbusier,
Appartement 202, 13008, Marseille, France
e-mail :
Ref : NEUZILLET Y., KARAM G., LECHEVALLIER E., KLEINCLAUSS F.
Prog. Urol., 2007, 17, 928-933
Une fois activée, mTOR phosphoryle :
La p34cdc2, dont la phosphorylation permet sa liaison à la cycline
E, sa migration intranucléaire et ainsi la protéolyse de p27 qui est
une protéine frénatrice du cycle cellulaire. Elle inhibe la progres-
sion du cycle de la phase G1 à S par une action inhibitrice sur les
“cyclin-dependent protein kinase” (cdk) , nécessaire au passage en
phase S) et sur l'eIF-4E, inhibiteur de l'apoptose et régulateur de la
traduction de l'ARN messager en protéines, dont celles nécessaire à
la progression du cycle cellulaire.
La p7056k, sérine-thréonine kinase qui phosphoryle la protéine
ribosomale 40S S6. Le recrutement de S6 ainsi provoqué permet la
traduction des ARN messagers en protéines.
Au total l'activation de mTOR aboutit à la progression du cycle cel-
lulaire de la phase G1 à S et donc à la prolifération cellulaire.
La rapamycine une fois liée au FKBP12 est un inhibiteur de la
mTOR. Elle interrompt donc la transduction des signaux mitogènes
par l'inhibition des cyclines nécessaires au passage de la phase G1
àSet par l'inhibition de la synthèse des protéines nécessaires à la
progression du cycle cellulaire. L'inhibition de mTOR aboutit donc
au blocage du cycle cellulaire en phase G1 (Figure 1)
APPLICATIONS
Dans le cas du lymphocyte T CD4, principal acteur de la réponse
immunitaire, ces données s'intègrent dans le modèle des 3 signaux
de la réponse alloimmune (Figure 2). Selon ce modèle, le premier
signal naît de la reconnaissance spécifique du peptide associé à un
antigène du complexe majeur d'histocompatibilité (HLA), présenté
par une cellule présentatrice d'antigène, par le récepteur du lym-
phocyte T (TCR). Ce signal aboutit à la production d'interleukine 2
(IL-2) via une cascade de phosphorylation générée par CD3 et
recrutant les protéines ZAP70 et PLC, à l'augmentation de la
concentration intra-cellulaire en calcium, à l'activation de la calci-
neurine et ainsi à la translocation nucléaire de facteur de transcrip-
tion. Le second signal, ou signal de co-stimulation nécessaire pour
activer le lymphocyte, correspond à des interactions moléculaires
de surface entre la cellule présentatrice d'antigène et le lymphocyte
T. Ce second signal n'est pas spécifique de l'antigène et fait notam-
ment intervenir des voies de la superfamille des Immunoglobulines
et des voies de la famille du TNF/TNF-R. Ces deux signaux abou-
tissent à la synthèse autocrine ou paracrine d'interleukine 2 (IL-2).
Le troisième signal correspond à la fixation de l'IL-2 sur son récep-
teur.Lerécepteur à l'IL-2, comprenant la molécule CD25, n'est pré-
sent qu'à la surface des lymphocytes activés. Il provoque une cas-
cade de phosphorylation recrutant les protéines PI-3K et Akt puis
mTOR et aboutit donc à la prolifération lymphocytaire.
Les inhibiteurs de mTOR bloquent donc spécifiquement le 3e
signal. Ils agissent uniquement sur les lymphocytes Tactivés. Ils
n'inhibent pas le premier signal (contrairement aux inhibiteurs de la
calcineurine) qui entre en jeu dans le mécanisme d'induction de
tolérance immune.
Les cellules malignes peuvent présenter des mutations des gènes de
PTEN, PI-3K, Akt ou AMPK, aboutissant à l'activation dérégulée
de mTOR et ainsi à une prolifération cellulaire.
Les inhibiteurs de mTOR permettent dans ces cas d'interrompre la
transmission du signal anormal.
La connaissance du mode d'action de la rapamycine et notamment
ses ligands FKBP12 et mTOR, a permis le développement de nou-
veaux inhibiteurs de mTOR aux caractéristiques pharmacociné-
tiques et pharmacodynamiques optimisées et la découverte de nou-
velles molécules aux noms parfois prédisposés tel raptor, rictor
etc... L'everolimus (RAD001) et le temsirolimus (CCI-779) ont
ainsi été développés et testés dans des essais cliniques.
DEVELOPPEMENT EN TRANSPLANTATION RENALE
L'utilisation de la rapamycine dans des modèles animaux a permis
de montrer une efficacité dans la prévention du rejet d'allo-
transplantation [5] au prix de peu d'effets secondaires, notamment
néphrotoxiques [6]. Les travaux de SCHUURMAN [7] et STEPKOWSKI
[8] ont montré l'effet synergique de l'association des inhibiteurs de
mTOR et des inhibiteurs de calcineurine. Les premiers essais cli-
niques utilisant la rapamycine en tant qu'immunosuppresseur ont
débuté en 1991 et en 1999 la “Food and Drug Administration” a
approuvé l'utilisation de la rapamycine en association avec la
ciclosporine et les corticoïdes en prévention du rejet après
transplantation rénale. En 2001, l'utilisation de la rapamycine en
traitement d'entretien après transplantation rénale est autorisée en
cas de contre indication à la ciclosporine.
On retrouve dans la littérature 33 essais cliniques randomisés rap-
portés dans 142 articles ou communications (soit 7114 patients
Y.Neuzillet et coll., Progrès en Urologie (2007), 17, 928-933
929
Figure 1. Mode d'action des inhibiteurs de mTOR.
Figure 2. Modèle de la réponse immune entre un lymphocyte T4 et
une cellule présentatrice d'antigène et implication des inhibiteurs de
mTOR.
transplantés rénaux) analysant quatre grandes stratégies d'utilisa-
tion de la rapamycine [9] en transplantation rénale:
La rapamycine remplace les anticalcineurines
Huit essais cliniques recensant 750 patients au total avec un recul
moyen de 2 ans ont été publiés [9]. Le remplacement des anticalci-
neurines par la rapamycine n'a modifié ni la mortalité des patients
ni la perte de greffon par rejet aigu. En revanche, il a permis une
amélioration de la fonction rénale (créatininémie et taux de reprise
retardé de fonction rénale inférieurs) au prix cependant d'effets
secondaires parfois important d'ordre hématologique (risque relatif
d'anémie, de thrombopénie et de leucopénie respectivement égal à
2, 7 et 2), et d'ordre lipidique (risque relatif d'hypertriglycéridémie
égal à 2). Le risque de lymphocèle a été triplé sous rapamycine. Il
n'y a pas eu de modification du taux de cancer post-transplantation
sous rapamycine dans les essais ayant analysé cette variable.
La rapamycine remplace les anti-métabolites, l'azathioprine
(AZA) en particulier, en association avec les anticalcineurines
Onze essais cliniques recensant 3966 patients au total ont été
publiés [9]. Le remplacement des antimétabolites par la rapamyci-
ne a permis une diminution de l'incidence du rejet aigu sans modi-
fication de la survie des greffons, ni de la mortalité des patients
mais avec une dégradation de la fonction rénale et l'apparition d'ef-
fets secondaires hématologiques (risque relatif de 2 sous rapamyci-
ne) et lipidiques (risque relatif de 2 sous rapamycine). Le risque de
lymphocèle a été triplé chez les patients recevant de la rapamycine.
En revanche les infections à CMV ont été moins fréquentes sous
rapamycine.
La rapamycine à des doses variables est associée aux anticalci-
neurines sans anti-métabolites
Huit essais cliniques recensant 3175 patients au total ont été publiés
[9]. Ces études ont comparé de faibles doses à de hautes doses de
rapamycine en association avec un inhibiteur de la calcineurine. La
mortalité des patients et la survie des greffons à deux ans n'étaient
pas différentes. En revanche, les hautes doses de rapamycine ont
diminué l'incidence des rejets aigus et des reprises retardées de la
fonction rénale mais avec une augmentation de fréquence de l'hy-
percholestérolémie. Il n'y a pas eu de différence quant à la survenue
de cancers post-transplantation.
La rapamycine à des doses variables est utilisée avec des anti-
calcineurines à doses variables
Huit essais cliniques recensant 1178 patients au total ont été publiés
[9]. Les résultats de faibles doses de rapamycine associées à des
anticalcineurines à doses habituelles ont été comparés à ceux de
hautes doses de rapamycine associées à des anticalcineurines à fai-
bles doses. Les différentes associations ont abouti à des résultats
similaires. Une diminution des rejets aigus, sans effet sur la perte
des greffons, a été observée avec une altération de la fonction réna-
le et l'apparition d'effets secondaires hématologiques et lipidiques
lors de l'utilisation de rapamycine à fortes doses.
Parmi les nouveaux inhibiteurs de mTOR, l'everolimus est le seul à
avoir été étudié dans des essais thérapeutiques en transplantation
rénale. Un seul essai de petite taille a comparé le sirolimus à l'eve-
rolimus en association avec un anticalcineurine et des corticoïdes.
L'analyse a portée sur 30 patients. Les résultats à 3 mois ont mon-
tré une amélioration de la créatininémie et des taux de reprise retar-
dée de la fonction du greffon mais avec une incidence plus élevée
des troubles lipidiques chez les patients traités par everolimus [9].
L'everolimus utilisé à la place du mycophenolate mofetil a permis
une diminution de l'incidence des infections à CMV [9].
Un nouveau bénéfice à l'utilisation des inhibiteurs de mTOR pour-
rait être envisagé. En effet, l'étude rétrospective de 33249 patients
du registre américain de l'United Network for Organ Sharing
(UNOS) par KAUFFMAN amontré une réduction du risque de cancer
post-transplantation en cas de traitement immunosuppresseur d'en-
tretien par inhibiteur de mTOR [10] avec en particulier une inci-
dence de cancer solide de 0% chez les patients recevant un inhibi-
teur de mTOR. Le bénéfice en termes de réduction du risque néo-
plasique post-transplantation pourrait faire pencher la balance en
faveur de l'emploi des inhibiteurs de mTOR en transplantation
rénale, en particulier chez les patients transplantés à risque ou avec
des antécédents de néoplasie.
Au total l'utilisation des inhibiteurs de mTOR a montré un effet
intéressant sur la survenue du rejet aigu et la fonction rénale sans
cependant améliorer la survie des greffons et au prix d'effets secon-
daires parfois majeurs. En plus, les résultats et les effets secondai-
res à long terme de l'utilisation de la rapamycine sont encore
inconnus et méritent d'être mieux analysés.
DEVELOPPEMENT EN ONCOLOGIE
L'étude pré clinique d'EDINGER apermis de mettre en évidence une
activité anti-tumorale des inhibiteurs du mTOR mais à des degrés
divers : Certaines cellules ont été détruites par de faibles doses, de
l'ordre du nanogramme, tandis que d'autres ont nécessité des doses
beaucoup plus importantes. Un troisième groupe de cellules était
non-répondant [11]. Dans le domaine de l'urologie, l'efficacité des
inhibiteurs du mTOR dans le cancer du rein et de la prostate a fait
l'objet de plusieurs travaux de recherche.
Cancer du rein
La néo-angiogénèse est un mécanisme important dans le développe-
ment du cancer du rein chez l'homme. Elle dépend en partie de l'ex-
pression d'un facteur d'hypoxie Hypoxia Inducible Factor (HIF).
Trois arguments vont dans le sens d'un rôle important de mTOR en
tant qu'élément participant à la transduction du signal pro-mitogène :
Les protéines mTOR et PI3K sont indispensables pour l'activité du
Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF) sur la prolifération, la
survie et la migration des cellules endothéliales [12]. Le blocage de
cette voie d'activation empêcherait le VEGF d'exercer son action et
empêcherait par conséquent la prolifération cellulaire.
La protéine mTOR régule l'activité du HIF [13] dont dépend la néo-
angiogénèse. Les inhibiteurs de mTOR en diminuant l'expression
du HIF, agissent sur l'angiogénèse tumorale.
Des signes directs d'activation augmentée de la voie
Akt/mTOR/p70S6 ont été mis en évidence dans les cancers du rein
[14].
La rapamycine a été testée sur des tumeurs jugées mTOR dépen-
dantes à cause de la perte du PTEN qui sous-régule l'activité
mTOR/AKT [15]. Les études de phase I ont démontré la supériori-
té d'une administration intermittente hebdomadaire sur l'adminis-
tration quotidienne lorsque le temsirolimus était administré par voie
intraveineuse [16].
En phase II, ATKINS amontré la bonne tolérance du temsirolimus
chez 111 patients ayant un carcinome à cellules rénales avancé et
Y.Neuzillet et coll., Progrès en Urologie (2007), 17, 928-933
930
réfractaire à l'immunothérapie et ont rapporté 7% de réponse objec-
tives et 26% de réponses mineures [17]. D'autres essais de phase II
utilisant l'everolimus sont en cours. En phase III, Hudes a rapporté
une augmentation de 3 mois de la survie globale dans le groupe des
patients traités par temsirolimus par rapport au groupe traité par
interféron alpha [18]. Les 626 patients de cette étude avaient un
cancer du rein avec une progression locale et/ou métastatique avec
des critère de “mauvais pronostic” selon la classification de Motzer.
Cancer de la prostate
L'acquisition de l'hormono-indépendance par les cellules carcino-
mateuses prostatiques a été imputée à la mutation ou à la surex-
pression du gène codant pour le récepteur aux androgènes [19]. L'ac-
tivation de ce récepteur dépend entre autres de certains facteurs tel
l'IGF-1, epidermal growth factor (EGF) et de la voie
mTOR/PI3K/Akt. Les mécanismes d'action de la voie mTOR sont
encore mal élucidés. L'activation de la voie mTOR par la dihydro-
testostérone (DHT) serait dépendante de la synthèse d'ARN messa-
ger stimulée par le récepteur aux androgènes [20]. L'activation de la
voie mTOR/S6 kinase jouerait donc un rôle important dans le pas-
sage à l'hormono-indépendance [21]. Par conséquent les inhibiteurs
de mTOR sont une voie de recherche intéressante dans le traitement
des tumeurs hormono indépendantes. Les études pré-cliniques ont
montré l'intérêt des inhibiteurs de mTOR pour potentialiser l'effet de
l'irradiation [22] ou de la chimiothérapie [23], notamment dans les
lignées cellulaires présentant une perte de l'activité PTEN.
Autres cancers
Cancer du sein
Les inhibiteurs de mTOR ont été employés in vitro sur des lignés
cellulaires de cancer du sein. MONDESIRE aainsi rapporté un effet
synergique de l'association rapamycine et carboplatine avec le
paclitaxel et un effet additif de l'association rapamycine et gemci-
tabine et la doxorubicine [24]. ALBERT a montré que les effets cyto-
toxiques des radiations sur les lignés cellulaires MDA-MB-231 et
MCF-7 de cancer du sein sont majorés in vitro par l'everolimus
[25]. L'association everolimus et letrozole (inhibiteur d'aromatase)
testée in vivo a montré un effet synergique et a prévenu le dévelop-
pement de la résistance aux inhibiteurs d'aromatase [26]. Par
ailleurs, l'effet anti-angiogénique du temsirolimus a été démontré in
vivo [27]. En étude de phase II, 9,2% de réponses objectives ont
été observés avec le temsirolimus utilisé chez 109 patientes ayant
un cancer du sein avancé ou métastatique [28].
Leucémies
Les études in vitro ont montré que la voie mTOR/PI3K/AKT est
impliquée dans survie des cellules de leucémie aigue myéloïde et
que l'everolimus potentialise la cytotoxicité de la chimiothérapie
(Ara-C) sur ces cellules [29]. Dans certains modèles de leucémies
lymphoblastiques aiguës, la rapamycine a inhibé in vitro la crois-
sance des précurseurs lymphocytaires B et a permis, in vivo, un
doublement de la survie dans un modèle murin transgénique [30].
Des études de phase I et II ont été menées chez des patients atteints
de leucémies réfractaires aux traitements usuels par chimiothérapie
et ont montré la bonne tolérance de l'everolimus et des réponses
objectives au traitement [31]. Les études de phase III sont en cours.
Tumeurs du système nerveux central
Les gliomes malins sont caractérisés par une surexpression du
récepteur de l'Epidermal Growth Factor (EGFR) et la perte de
PTEN. L'étude de DOHERTY chez 22 patients en récidive après trai-
tement, a montré que l'association de sirolimus et d'un inhibiteur de
l'EGFR (gefitinib, erlotinib) a permis d'obtenir 19% de réponse par-
tielle et 50% de stabilisation de la maladie [32]. Le sirolimus a éga-
lement été employé avec efficacité in vitro dans le traitement de
cellules de neuroblastomes. Son association à la vinblastine a donné
un effet anti-angiogénique synergique in vivo [33].
Mélanome
Parallèlement aux résultats modestes de travaux pré-clinique [34],
l'étude de phase II de MARGOLIN comportant 33 patients ayant un
mélanome métastatique n'a pas montré de résultats intéressants
[35]. L'association à un inhibiteur des kinases B-Raf (BAY43-
9006), pourrait permettre une amélioration de ces résultats [36].
Leiomyosarcome
Un cas de réponse qualifiée d'impressionnante a été rapporté avec
l'association gemcitabine et rapamycine chez un patient métasta-
tique [37]. Cet unique cas n'a pas été corroborée par d'autre publi-
cation.
Mésothéliome pleural
La majorité de ses tumeurs surexprime le récepteur au facteur de
croissance ErbB1 dont le signal est transmis par la voie
mTOR/PI3K/AKT. L'intérêt de l'association de rapamycine et d'un
inhibiteur du récepteur ErbB1 (Lapatinib*) a été démontré in vitro
par MUKOHARA [38].
Cancer de l'ovaire
Le rôle de la voie mTOR/PI3K/AKT dans la prolifération des cel-
lules de ce cancer a été démontré ainsi que l'intérêt des inhibiteurs
de mTOR in vitro. Des études cliniques sont en cours pour connaî-
tre l'intérêt thérapeutique des inhibiteurs de mTOR dans le cancer
de l'ovaire [39].
Malgré ces résultats encourageants, une résistance à la rapamycine
aété rapportée et ses mécanismes ont été décrits. L'inhibition tota-
le de la voie mTOR/PI3K/AKT a été corrélée à une augmentation
de la résistance cellulaire à l'apoptose. L'étude de McMahon et coll.
amontré que l'inhibition exercée sur la voie mTOR/PI3K/AKT est
plus efficace en étant sélective, par exemple en inhibant la protéine
ribosomale S6 (S6K1) [40]. De nouvelles molécules permettant
cette inhibition sélective sont actuellement en cours de développe-
ment.
Par ailleurs l'emploi des inhibiteurs de mTOR en oncologie est limi-
té par le manque de marqueur permettant de prédire l'efficacité du
traitement et de suivre son action. Concernant la prédiction de l'ef-
ficacité, l'étude de PTEN semble intéressante car les inhibiteurs de
mTOR sont plus efficaces en cas de perte de PTEN.
Au total, la voie mTOR très convoitée en immunosuppression,
serait aussi intéressante en oncologie. Les études précliniques ont
apporté le rationnel à des études de phase I et II. Les résultats de ces
études ont été encourageants. Cependant les résultats d'étude de
phase III sont attendus pour démontrer l'intérêt de la prescription
d'inhibiteur de mTOR. Parallèlement, la connaissance de plus en
plus approfondie de la voie mTOR permettra sans doute le déve-
loppement de nouvelles molécules plus efficaces et plus sélectives.
CONCLUSION
Les inhibiteurs de mTOR interrompent le cycle cellulaire en phase
G1 et inhibent ainsi la prolifération cellulaire. Ce mode d'action
Y.Neuzillet et coll., Progrès en Urologie (2007), 17, 928-933
931
leur confère une activité antibiotiques, immunosuppressive et anti-
proliférative. Si l'effet antibiotique, trop faible, a été négligé, l'effet
immunosuppresseur des inhibiteurs de mTOR a été utilisé en
transplantation rénale et a permis d'obtenir une diminution des
rejets aigus au prix d'effet secondaire hématopoïétique et lipidique.
En oncologie, l'association d'inhibiteur de mTOR à d'autre agent
cytotoxique a augmenté la cytotoxicité et a donné des résultats pro-
metteurs dans le traitement de formes métastatiques de certains
cancers (rein, sein). Cependant, les résultats des études de phase III
sont attendus pour confirmer cette efficacité.
Ce double effet des inhibiteurs de mTOR pourrait être tout à fait
intéressant dans le domaine des néoplasies post-transplantation.
Étant donné le risque carcinologique chez les transplantés, les pro-
priétés anti-prolifératives des inhibiteurs de mTOR constituent un
argument en faveur de leur intégration au traitement immunosup-
presseur d'entretien en particulier chez les patients à risque ou ayant
des antécédents néoplasiques.
Membres du Comité Transplantation de l'Association Française
d'Urologie :
Laetitia ALBANO, Lionel BADET, Benoit BARROU, Pascal BLAN-
CHET, Karim BENSALAH, Emmanuel CHARTIER KASTLER, Véro-
nique DELAPORTE, Fabrice DUGARDIN, Benoît FEUILLU, Marc
GIGANTE, Philipe GRISE, Jacques HUBERT, François IBORRA,
Georges KARAM, François KLEINCLAUSS, Eric LECHEVALLIER,
Marie Christine MOAL, Valérie MOAL, Pierre MONGIAT ARTUS,
Marc MOUZIN, Yann NEUZILLET, Jacques PETIT, Michaël PEY-
ROMAURE, Federico SALLUSTO, Laurent SALOMON, Nicolas
THIOUNN, Christophe VAESSEN, Philippe WOLF.
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