Article original
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L’évaluation de la mémoire
chez l’enfant épileptique
Isabelle Jambaqué
1
, Sabrina Chmura
1,2
1
Université Paris Descartes, Institut de Psychologie, Laboratoire Cognition et Comportement,
CNRS-FRE 2987, 1, avenue Edouard Vaillant, 92100 Boulogne Billancourt, France
2
Université Paris Descartes, hôpital Saint Vincent de Paul, Unité de Neuropédiatrie, Paris 14
e
et Sessad
L’Essor, 75015 Paris, France
Résumé. La neuropsychologie de l’enfant est une discipline récente, actuellement en plein essor tant dans le
domaine de l’activité clinique que de la recherche. L’approche neuropsychologique s’est ainsi considérablement
développée. Pourtant, si un profil des aptitudes linguistiques et perceptivo-motrices est fréquemment réalisé, les
activités mnésiques sont moins étudiées. Le recours à des épreuves standardisées est cependant désormais possible
dans le bilan à envisager auprès d’un enfant présentant des troubles de l’apprentissage, de même que l’exploration
de la mémoire paraît indispensable chez les enfants présentant une affection neurologique, en particulier dans le
contexte de l’épilepsie. De plus, les travaux récents sur l’amnésie développementale montrent l’apport de la
neuropsychologie de la mémoire chez l’enfant et mettent l’accent sur l’existence possible de dissociations entre les
différents systèmes mnésiques.
Mots clés :enfant, mémoire, évaluation, épilepsie, amnésie
Abstract. Memory assessment in epileptic children.
Both cognitive development and child clinical neuropsychology are rapidly changing fields. The neuropsychological
evaluation of children tends to focus on language, spatial abilities, executive and motor skills. However, when
children are referred for the assessment of possible learning disabilities, it is often necessary to obtain an estimate of
memory functions particularly in children with epilepsy. A number of standardized measures are now available for
the study of memory efficiency during childhood. Furthermore, recent studies on developmental amnesia evidenced
the role of memory process approach and tend to find specific differential memory deficits.
Key words:child, memory, evaluation, epilepsy, amnesia
La mémoire est la fonction neurocognitive
qui permet d’encoder, de stocker et de restituer
des informations. Cette fonction s’avère parti-
culièrement vulnérable dans le cas d’un dys-
fonctionnement du système nerveux central
notamment dans le contexte de l’épilepsie.
L’exploration de la mémoire est de pratique
courante chez l’adulte cérébrolésé (ou dans le
cas d’une suspicion d’organicité) tandis que
cette évaluation est loin d’être systématique
chez l’enfant. Toutefois, de façon récente, le
praticien dispose d’épreuves mnésiques stan-
dardisées qui vont lui être utiles dans la réalisa-
tion d’un bilan neuropsychologique auprès
d’enfants présentant des troubles de l’appren-
tissage et/ou une affection neurologique.
Aujourd’hui, l’étude du fonctionnement
mnésique se réfère à une conception multisys-
tème de la mémoire.
L’évaluation de la mémoire chez l’adulte
repose sur les hypothèses théoriques des diffé-
rents systèmes de mémoire établis, les tests de
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mémoire étant souvent le fruit de procédures expérimentales
ayant conduit par la suite à des procédures d’évaluation stan-
dardisées et normées (Desgranges et Eustache, 2003).
Aujourd’hui, la neuropsychologie de l’enfant se développe
considérablement de même que l’intérêt clinique et théorique
pour l’évaluation de la mémoire au cours de l’enfance. Cette
nouvelle approche neuropsychologique prend sa source sur les
modèles et les procédures effectuées chez l’adulte mais nécessite
toutefois de prendre en compte les spécificités liées au dévelop-
pement. Ainsi, l’analyse des performances mnésiques doit tenir
compte de l’évolution des processus en fonction de l’âge, du
niveau de conceptualisation et de raisonnement de l’enfant et
ceci en lien avec la dynamique de la maturation fonctionnelle
cérébrale. De façon plus spécifique, il s’avère nécessaire de
mieux appréhender le développement des différents systèmes
mnésiques. Par exemple en ce qui concerne la mémoire à court
terme même s’il a été établi chez l’adulte que l’empan se situait
ordinairement à 7 ± 2 éléments, on ne peut attendre d’un en-
fant de 6 ans, n’ayant pas la maturation cérébrale d’un adulte,
qu’il atteigne le même niveau de performance (Ganoac’h et
Pross, 2005). En ce qui concerne la mémoire épisodique, vu son
émergence tardive, son exploration reste difficile avant l’âge de
5-6 ans. De plus, il faut attendre l’âge scolaire pour que l’enfant
s’adapte facilement à des situations d’apprentissage intention-
nel. Enfin, l’évaluation de la mémoire chez l’enfant nécessite
une estimation de son rendement intellectuel général (raison-
nement, attention...) de même que de ses aptitudes linguisti-
ques et perceptivo-motrices.
Dans le cadre de l’épilepsie, la majorité des enfants ont une
intelligence normale mais présentent souvent des difficultés
scolaires (Bulteau et al., 2000). Des problèmes mnésiques sont
régulièrement évoqués pour rendre compte de leurs difficultés
d’apprentissage et ceci tout particulièrement chez ceux souf-
frant d’une épilepsie du lobe temporal. L’évaluation de la mé-
moire aura pour but de déterminer, d’une part, si les difficultés
scolaires de ces enfants sont en lien avec des troubles mnésiques
et, d’autre part, de tenter de déterminer l’impact de la maladie
sur les différentes étapes du fonctionnement mnésique (enco-
dage, stockage, récupération). Dans le contexte de l’épilepsie,
l’hypothèse de troubles de la consolidation de la trace mnésique
est la plus souvent évoquée mais l’on peut également suspecter
des difficultés dès l’encodage de l’information avec une lenteur
d’apprentissage (Jambaqué, 2005).
Enfin, comme chez l’adulte, l’évaluation de la mémoire doit
pouvoir tenir compte du type de matériel proposé : les capacités
en mémoire sont, en effet, susceptibles d’être en rapport avec la
nature verbale ou visuospatiale du matériel signant l’influence
de l’asymétrie hémisphérique (Jambaqué et al., 1993).
Évaluation mnésique chez l’enfant
L’exploration de la mémoire repose d’abord sur un entretien
avec l’enfant et sa famille afin d’apprécier l’expression d’une
éventuelle plainte mnésique et l’impact possible de difficultés
mnésiques dans la vie quotidienne et dans les apprentissages.
Néanmoins, une évaluation objective s’avère nécessaire de
même que l’analyse plus détaillée des capacités permettant
d’apprendre, de retenir et de rappeler des informations. En ce
qui concerne la mémoire de travail, la mesure de l’empan
mnésique est largement répandue. L’identification des troubles
de la mémoire à long terme repose, en règle générale, sur
différentes échelles permettant de calculer des indices généraux
tout en sachant que les différents types d’épreuves reflètent une
certaine diversité des activités mnésiques. Les techniques les
plus utilisées en neuropsychologie clinique sont les suivantes :
épreuves de reconnaissance d’un matériel visuel (dessins, visa-
ges) et plus rarement verbal (mots, phrases) et ceci par choix
forcé (comme par exemple dans la batterie de Signoret, 1991) ou
par réponse de type oui/non (comme par exemple, dans la CMS,
Cohen, 2001) ; apprentissage d’une liste (mots, signes abstraits),
apprentissage de paires associées, mémoire d’un ensemble plus
ou moins organisé (récit, figure géométrique), situations de
simulation (comme dans le RBMT, Wilson et al. 2000).
Évaluation de la mémoire de travail
Les capacités en mémoire de travail sont intimement liées
aux capacités attentionnelles et jouent un rôle dans les fonc-
tions exécutives. Dans son modèle de 2000, Baddeley a ajouté à
son modèle en trois sous-systèmes une quatrième composante,
qui est réservée au stockage temporaire des informations. Cette
mémoire tampon épisodique permet l’intégration et la manipu-
lation d’informations multimodales en mémoire lors de l’exé-
cution de tâche cognitives. Le nombre d’éléments qui pourra
être intégré en mémoire de travail est sous-tendu par les capa-
cités attentionnelles du sujet. Ainsi, des difficultés attentionnel-
les et/ou en mémoire de travail peuvent interférer dans les
activités cognitives comme, par exemple la résolution de calculs
mentaux qui nécessite notamment de pouvoir maintenir les
informations en mémoire de travail et de les manipuler. De plus,
dans le contexte d’une épilepsie active, le risque de ruptures
attentionnelles et donc de difficultés en mémoire de travail
engendrant des difficultés d’apprentissage est notable (Metz-
Lutz et al., 1999).
Évaluation de la boucle phonologique
L’évaluation s’effectue à l’aide des épreuves d’empan verbal
(empan de mots ou de chiffres) afin de voir si la rétention à court
terme des informations est dans la norme. L’empan verbal est le
plus souvent estimé grâce à une épreuve de répétitions de
chiffres. L’enfant doit répéter des séquences de deux chiffres
puis des séquences de longueur croissante. Quand il échoue à
deux séquences consécutives, l’épreuve est arrêtée et on déter-
mine l’empan comme correspondant à la longueur du dernier
item réussi. Cette épreuve est alors réalisée en ordre inverse (à
partir de 6-7 ans) permettant d’apprécier la capacité de manipu-
ler des informations en rapport avec l’administrateur central.
On retrouve ce type d’épreuve notamment dans les échelles de
développement intellectuel de Wechsler (2005), de McCarthy
(1976) et de Kaufman et Kaufman (1993).
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L’évaluation de la mémoire chez l’enfant épileptique
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Dans le cas d’un faible empan, on peut vérifier l’intégrité du
stock phonologique à court terme en recherchant un effet de
similarité qui attesterait de son bon fonctionnement. Pour cela,
on utilise des tâches d’empans de mots avec, d’une part, une
liste de mots proches phonologiquement et, d’autre part, une
liste de mots dissimilaires au niveau phonologique : en cas de
bon fonctionnement, l’empan de mots similaires est plus court
que l’empan de mots dissimilaires. De plus, afin de vérifier le
bon fonctionnement de la boucle articulatoire, on peut recher-
cher l’effet de longueur des mots. Pour cela on présente à
l’enfant une tâche d’empan de mots courts et une tâche d’em-
pan de mots longs : en cas de bon fonctionnement, l’empan de
mots longs est plus faible que celui de mots courts.
Évaluation du calepin visuospatial
L’empan visuospatial est évalué grâce à l’épreuve de Corsi
où l’enfant doit répéter des séquences de cubes (De Agostini et
al., 1996). On présente à l’enfant une planche de bois compor-
tant neuf cubes et on lui montre tout d’abord une première série
de deux cubes qu’il doit à son tour remontrer, puis on augmente
la longueur des séries. L’épreuve se termine lors de deux échecs
consécutifs de deux séries de même longueur. L’empan corres-
pondant alors au dernier item réussi. De même que pour l’em-
pan de chiffres, on peut déterminer un empan visuospatial
envers en faisant répéter les séries montrées à l’enfant en ordre
inverse.
Évaluation de l’administrateur central
L’administrateur central est supposé être indépendant des
deux systèmes « esclaves », donc de la modalité de présentation.
L’évaluation de l’administrateur central peut être considérée
comme l’évaluation d’une partie des fonctions exécutives. On
évalue ainsi les capacités d’inhibition (ex : Stroop, Go no Go...),
de stockage et de traitement (ex : empans complexes, doubles
tâches...) ou encore de planification (ex : labyrinthes, tour de
Londres...)
Indice de mémoire de travail (WISC-IV)
Au sein de la quatrième édition de l’échelle d’intelligence de
Wechsler (2005) destinée aux enfants de6à15ans,ilest
possible de déterminer un indice de mémoire de travail à partir
du subtest « Mémoire des chiffres » et de l’épreuve de manipu-
lation de « Séquences lettres-chiffres ».
Dans la batterie de la CMS (Cohen, 2001)
Une échelle d’attention/concentration permet également
d’aborder les capacités de mémoire de travail à partir de trois
subtests :
une épreuve d’empan verbal endroit et envers ;
l’épreuve des séquences qui propose l’évaluation des capacités
de manipulation mentale de séquences d’informations
auditivo-verbales (ex : récitation des jours de la semaine à l’en-
vers) ;
une épreuve de localisation d’images dans une grille.
Évaluation de la mémoire à long terme
De façon classique, on oppose mémoire à court terme et
mémoire à long terme, et les enfants souffrant d’épilepsie - en
particulier du lobe temporal - sont désormais considérés « à
risque » de présenter des oublis pouvant notamment révéler
une perturbation de la mémoire épisodique. De plus, les travaux
récents sur l’amnésie développementale mettent l’accent sur
l’intérêt clinique et théorique de mieux cerner la nature des
déficits mnésiques en fonction de la nature de l’information et
des différentes étapes du fonctionnement mnésique (Jambaqué
et al., 1993 ; Mabbott et Smith, 2003 ; Hernandez et al., 2003)
comme les éventuelles dissociations entre les différents systè-
mes de mémoire (Vargha-Khadem et al., 1997 ; Temple 2004).
Mémoire épisodique
L’évaluation de la mémoire épisodique peut s’effectuer à
partir de batteries composites et/ou d’épreuves plus spécifiques.
Nous ne présenterons pas une liste exhaustive des outils et/ou
procédures envisageables mais nous citerons les épreuves les
plus classiques et les plus couramment utilisées dans la pratique
clinique.
Les épreuves d’André Rey
Plusieurs épreuves mnésiques mises au point par André Rey
(1959, 1966) restent couramment utilisées et continuent de
connaître une carrière internationale dans le contexte de la
neuropsychologie de l’épilepsie (Spreen & Strauss, 1991).
L’épreuve des 15 mots de Rey, normée à partir de l’âge de
6 ans, correspond à l’apprentissage d’une liste de 15 mots en 5
essais avec un rappel différé et une épreuve de reconnaissance
après un délai de 20 minutes. Cette épreuve d’apprentissage
sériel et de rappel libre est relativement facile et rapide à admi-
nistrer et elle permet d’établir une courbe de mémorisation, en
appréciant les capacités de récupération.
Le test des 15 signes de Rey, normé à partir de 9 ans, propose
le même type de procédure avec un matériel visuel. Quinze
dessins sont présentés successivement à l’enfant et celui-ci doit
les reproduire de mémoire au cours de 5 essais puis on procède
à une épreuve de reconnaissance.
Chez l’enfant épileptique, comme chez l’adulte, la figure de
Rey (1959) est certainement le test de mémoire visuospatiale la
plus couramment utilisée. Cette épreuve de mémoire visuelle
standardisé par Osterrieth (1944) repose sur la copie d’une
figure complexe puis sa reproduction de mémoire. Deux formes
sont disponibles : la forme A normée à partir de 4 ans (surtout
applicable à partir de 7 ans) et jusqu’à l’âge adulte et la forme B
qui correspond à une forme simplifiée et qui est normée de 4 à
8ans.
La batterie d’efficience mnésique
de Jean-Louis Signoret (BEM)
La BEM 144 de Signoret (1991) a largement démontré sa
sensibilité aux insuffisances mnésiques dans le contexte de
l’épilepsie (Loiseau et al., 1982) et été le premier outil d’évalua-
tion de la mémoire épisodique validé chez l’enfant en France
I. Jambaqué, S. Chmura
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(Jambaqué et al., 1991). Cette batterie, facilement applicable dès
l’âge de 7 ans, évalue des situations variées d’apprentissage et de
récupération de nouvelles informations (apprentissage sériel et
associatif, mémoire de rappel et de reconnaissance) avec un
matériel verbal et non verbal (12 épreuves cotées sur 12). La
BEM 144 a été conçue pour confronter les performances mné-
siques verbales et visuelles en proposant des procédures d’exa-
men aussi proches que possible pour tester les informations de
différente nature perceptive. Elle peut donc être utile pour
rendre compte de l’influence de la spécialisation hémisphérique
notamment grâce au calcul d’un indice de différence relative
entre la mémoire verbale et la mémoire visuelle qui correspond
au score de mémoire verbale moins le score de mémoire visuelle
le tout sur le score global de mémoire (Jambaqué et al., 1993).
Ainsi, cet indice est négatif quand la mémoire visuelle est
meilleure que la mémoire verbale et est positif quand la mé-
moire verbale est supérieure à la mémoire visuelle.
La BEM 144 permet d’apprécier le fonctionnement mnési-
que sur la base :
du rappel immédiat et différé d’un ensemble : histoire courte,
en verbal, et figure géométrique, en visuel (cette figure, moins
« complexe » que la figure de Rey pénalise moins les sujets
dyspraxiques ou présentant un syndrome dysexécutif) ;
de l’apprentissage en 3 essais et rappel libre immédiat et
différé d’une liste : 12 mots bisyllabiques et concrets, en verbal,
et 12 signes abstraits, en visuel ;
de l’apprentissage associatif de 5 couples de mots versus 5
paires de figures : cette tâche originale évalue la mémoire épiso-
dique et non la mémoire sémantique en invitant l’enfant à
mémoriser des informations verbales ou visuelles sans relation
entre elles. Le rappel se fait de manière originale en présentant à
l’enfant le répertoire de réponses ;
reconnaissance différée de 24 phrases versus 24 figures non-
signifiantes. La reconnaissance se fait par choix forcé parmi 4
propositions : la cible et trois distracteurs. Ainsi, un pourcen-
tage de réussite supérieur à 25 % est supérieur au taux de réussite
obtenu au hasard. Pour cette épreuve, des normes sont disponi-
bles dès 4 ans (Jambaqué et al, 1993).
Echelle de mémoire et apprentissage de la Nepsy
La batterie de Meritt Korkman (2003) comporte une évalua-
tion des capacités d’apprentissage et mnésiques chez l’enfant de
5 à 12 ans à partir de 5 subtests :
une épreuve de reconnaissance immédiate et différée de visa-
ges non familiers (« Mémoire des visages ») ;
une épreuve d’apprentissage associatif nom-visage au cours de
5 essais et avec un rappel différé (« Mémoire des prénoms ») ;
une épreuve de « Mémoire narrative » comportant le rappel
libre et indicé d’une histoire ;
l’apprentissage de listes de mots : apprentissage d’une liste de
15 mots en 5 essais suivi de l’apprentissage d’une liste distrac-
trice et d’un rappel de la première liste. La proposition originale
de présenter une liste distractrice permet de voir notamment le
maintien de l’information en mémoire face à l’interférence.
L’échelle de mémoire pour enfants « CMS »
La CMS est la première grande batterie d’évaluation de la
mémoire chez l’enfant âgé de5à16ans(Cohen, 2001) et elle
correspond en quelque sorte à l’échelle de Wechsler mémoire
(dont elle partage certains subtests). Cet outil standardisé per-
met facilement d’effectuer une comparaison entre le quotient
intellectuel et le quotient mémoire. L’échelle se compose de
neuf subtests compris dans trois domaines : auditif/verbal,
visuel/non verbal, attention/concentration (voir mémoire de
travail) et une évaluation différée à 30 minutes permettant de
mesurer l’étendue de l’oubli.
L’échelle de mémoire verbale comprend :
-un rappel d’histoires : deux histoires sont successivement
présentées à l’enfant qui doit les rappeler immédiatement et
après délai avec également une récupération d’informations à
partir de questions ;
-une épreuve d’apprentissage associatif de « mots couplés » au
cours de trois essais avec une possibilité de confronter, après
délai, le rappel et la situation de reconnaissance ;
-l’apprentissage d’une liste de mots avec liste distractive avec,
en différé, un rappel libre et une épreuve de reconnaissance.
L’échelle de mémoire visuelle comporte :
la mémorisation de la localisation spatiale de points sur une
grille avec 3 essais d’apprentissage et un rappel différé ;
une épreuve de reconnaissance immédiate et différée de visa-
ges d’enfants non familiers ;
l’épreuve « Scènes de familles » dans laquelle l’enfant doit se
souvenir, en rappel immédiat et différé, de l’identité de person-
nages - de même que de leur position et de leur action - à partir
de l’observation de quatre scènes visuelles différentes.
Le Rivermead behavioural memory test (RBMT)
Le test de mémoire comportementale de Rivermead (Wilson
et al., 2000) permet une évaluation de la mémoire dans une
approche écologique et son application chez des enfants épilep-
tiques a permis sa validation dans un groupe pathologique
(Wilson et al., 1993). La version originale peut être proposée dès
l’âge de 11 ans et une version adaptée est disponible pour les
5-10 ans. En fait, chez les jeunes enfants ou chez les plus grands
« déficitaires », la mémoire épisodique s’avère effectivement
plus facilement testable par le biais de situations proches de la
vie quotidienne, comme celles proposées dans cette batterie,
qu’en utilisant une situation d’apprentissage formel. De plus, le
RBMT a l’originalité d’inclure des tâches de mémoire prospec-
tive telles que le souvenir d’un rendez-vous ou le rappel d’un
objet caché au début de l’évaluation. Enfin, le clinicien dispose
de 4 versions différentes de la batterie ce qui s’avère très utile en
cas de test à refaire. Le RBMT propose :
des questions d’orientation comportant des questions de sé-
mantique personnelle (prénom, âge...), de connaissances sur le
monde (nom du président...) et concernant le contexte
temporo-spatial (lieu de l’examen, date...) ;
des épreuves de reconnaissance visuelle : l’enfant est invité à
effectuer une reconnaissance différée de type oui/non respecti-
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L’évaluation de la mémoire chez l’enfant épileptique
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vement pour dix images d’objets et pour cinq visages non
familiers ;
le rappel immédiat et différé d’une histoire : pour les 5-10 ans
une image correspond à l’histoire est présentée à l’enfant lors de
la mémorisation et du rappel de l’histoire. Il est possible de
confronter les capacités de rappel libre et de rappel indicé sur la
base de questions permettant d’apporter une aide à la récupéra-
tion ;
le rappel d’un objet caché : l’enfant doit se souvenir à la fin du
test qu’un objet a été caché au début de l’examen ;
le souvenir d’un rendez-vous : un minuteur et programmé
avec l’enfant et celui-ci doit se souvenir à la sonnerie d’une
question à poser à l’examinateur ;
la mémorisation et le rappel d’un court trajet avec un message
à déposer : en plus d’un court trajet à mémoriser dans la pièce
l’enfant doit se souvenir d’emmener et de déposer à une cer-
taine étape du parcours un message ;
le rappel différé du nom d’une personne : le sujet est invité à
rappeler-àpartir d’une photo - le nom d’une personne dont
l’identité lui avait été communiquée en début d’examen.
Évaluation de la mémoire sémantique
La mémoire sémantique n’est pas en lien avec un contexte
particulier contrairement à la mémoire épisodique et fait réfé-
rence à nos connaissances générales et à l’organisation de notre
savoir. Elle est généralement évaluée à l’aide d’épreuves de
fluence de vocabulaire, de questions de culture générale et de
l’évaluation des acquisitions académiques.
Les échelles d’intelligence pour enfants
de Wechsler (2005)
Elles comportent un certain nombre de subtests faisant
appel aux connaissances académiques de l’enfant et donc à sa
mémoire sémantique, en particulier :
le subtest vocabulaire permet d’évaluer la « mémoire des
mots » et la formation de concepts verbaux ;
le subtest information se propose d’apprécier la culture géné-
rale de l’enfant et nombreuses questions correspondent à des
acquisitions effectuées dans le milieu scolaire (histoire-
géographie) ;
l’épreuve de compréhension permet d’estimer la compréhen-
sion de concepts généraux et de situations sociales.
L’échelle d’intelligence du K-ABC (Kaufman
et Kaufman, 1993)
Celle-ci qui repose, en partie, sur l’opposition entre intelli-
gence fluide et cristallisée, a l’avantage d’inclure une échelle de
connaissances visant à situer le niveau de lecture et de calcul. De
plus, cette échelle comporte deux épreuves originales pour
l’évaluation des connaissances sémantiques :
l’épreuve « Personnages et lieux connus » mesure la capacité
de l’enfant à nommer des personnages réels ou fictifs ou des
lieux connus à la vue d’une image les représentant ;
le subtest « Devinettes » mesure la capacité de l’enfant à
inférer, deviner un concept verbal concret ou abstrait sur pré-
sentation orale d’indices correspondant à des caractéristiques
du concept.
Fluences verbales sémantiques et dénomination d’images
Les tâches de fluence verbale catégorielle et de dénomina-
tion d’images (Jambaqué et Dellatolas, 2000 ; Jambaqué et Le-
loup, 2000) permettent d’évaluer l’accès au lexique chez l’en-
fant sur la base de l’énoncé verbal d’une catégorie ou de la
présentation d’images (manque du mot, pauvreté du lexique...).
Évaluation des connaissances académiques
Les capacités d’intégration des connaissances en mémoire
sémantique peuvent être évaluées à travers le parcours académi-
que de l’enfant : faits arithmétiques, capacités de lecture, de
compréhension, niveau scolaire dans les matières nécessitant
l’apprentissage de connaissances factuelles comme l’histoire et
la géographie ou les sciences naturelles. Ainsi, l’expérience
montre que, chez les enfants épileptiques présentant des diffi-
cultés mnésiques, il est fréquent d’observer des difficultés sco-
laires dans ces différents domaines.
Conclusion
Au total, l’évaluation de la mémoire représente une étape
importante dans l’examen neuropsychologique et celle-ci
s’avère tout particulièrement indispensable chez les enfants
souffrant d’épilepsie devant être considérés « à risque » de pré-
senter des troubles de mémoire. Cette évaluation doit concerner
la mémoire de travail comme la mémoire à long terme - épiso-
dique et sémantique - afin de mieux appréhender la nature et la
sévérité des insuffisances concernant les différents systèmes de
mémoire. Il s’avère désormais possible d’apprécier les compé-
tences de l’enfant en confrontant, par exemple, ses performan-
ces lors de l’encodage, avec ses scores en rappel ou reconnais-
sance et ceci en prenant en compte la nature verbale ou non
verbale du matériel. La recherche actuelle vise à adapter et/ou
développer de nouveaux outils afin de permettre une évaluation
encore plus fine des stratégies utilisées lors des activités mnési-
ques et de mieux rendre compte de la conception actualisée de
la mémoire épisodique.
M
Remerciements
:
La réalisation de ce travail a bénéficié
d’un BQR (bonus qualité recherche) de l’Université René Des-
cartes Paris 5.
Références
Baddeley A. The episodic buffer : a new component of working
memory? Trends Cogn Scienc 2000 ; 4 : 417-23.
Bulteau C, Jambaqué I, Viguier D, Kieffer V, Dellatolas G, Dulac O.
Epileptic syndromes, cognitive assessment and school placement : a study
of 251 children. Dev Med Child Neurol 2000 ; 42 : 319-27.
Cohen MJ. Echelle de Mémoire pour Enfants. Paris : ECPA, 2001.
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