S`entrainer a developper sa memoire

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INTRODUCTION
■ Physiologie de la mémoire
Voulez-vous devenir un(e) champion(ne) de la mémoire ? Sachez alors qu’il
vous faudra affronter une série de dix épreuves toutes plus redoutables
les unes que les autres. Comme, par exemple, être capable de vous souvenir
du plus grand nombre de chiffres produits au hasard par un ordinateur,
que vous aurez cinq minutes pour mémoriser — le record mondial est de
324 chiffres. Ou bien encore, vous rappeler le plus grand nombre de mots
proposés au hasard. Record : 174 mots mémorisés en quinze minutes ! Si
vous voulez être un champion de la mémoire, il vous faudra aussi maîtriser
les cartes à jouer. Et parvenir à mémoriser l’ordre du plus grand nombre
de cartes possible en une heure. Le record est établi à 1 170 cartes ! Et
vous, combien de temps vous faudrait-il pour remettre dans l’ordre où vous
l’avez trouvé un jeu de cartes fraîchement battu ? Vous ne disposerez que
de cinq petites minutes pour mémoriser l’ordre. Le recordman du monde,
lui, ne met que trente-quatre secondes pour y parvenir…
Ces performances vous étonnent ? Eh bien, sachez que la championne de
mémoire des États-Unis, capable de retenir en un quart d’heure le nom et
le visage de soixante-dix personnes ou une liste de cinq cents mots énumérés
au hasard par un ordinateur, est par ailleurs incapable de vivre au quotidien
sans ses pense-bêtes !
Voilà un paradoxe qui illustre bien toute la complexité des processus qui
gèrent notre mémoire. Ainsi, lors d’un traumatisme physique ou
psychologique, une partie de nos souvenirs peut se retrouver effacée.
L’amnésique devient tout à coup incapable de se souvenir de son identité,
ignore s’il est marié ou non et ne sait même plus reconnaître ses propres
enfants. Pourtant, ce même amnésique sera tout à fait capable de conduire
une voiture ou de comprendre, s’il a un jour appris cette langue, une phrase
lancée en anglais.
Ces phénomènes curieux, qui ont fasciné et inspiré plus d’un romancier
ou scénariste, montrent à l’évidence que la mémoire n’est pas unique, mais
plurielle. Les structures cérébrales et les systèmes qui gèrent nos souvenirs
sont multiples, variés et interdépendants. Et pour compliquer le tout, ces
différents systèmes sont eux-mêmes sous la dépendance d’autres fonctions,
comme la vigilance, l’attention ou l’humeur.
Ainsi, la mémoire est un système complexe de stockage et de récupération
d’informations, dont le bon fonctionnement rend possible les apprentissages,
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S’ENTRAÎNER
À DÉVELOPPER SA MÉMOIRE
mais également toute vie de relation, qu’il s’agisse de se repérer et d’évoluer
dans notre environnement, de nous adapter aux circonstances ou, tout
simplement, de reconnaître les gens qui nous entourent.
Les informations que notre mémoire doit traiter sont les stimulations qui
parviennent continuellement à notre système nerveux par le biais de nos
cinq sens : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. Ces fonctions forment
une véritable interface entre nous et le monde qui nous entoure. Le traitement
immédiat, mais aussi et surtout la mise en mémoire de ces informations
leur donnent une cohérence et leur permet d’être exploitées et réutilisées
au gré de nos besoins.
Les spécialistes en sciences cognitives ne manquent pas de termes pour
différencier les aspects très variés des processus mnésiques : mémoire à
court et long terme, mémoire explicite et implicite, mémoire sensorielle,
mémoire de travail, mémoire sémantique et procédurale… Ainsi, les
informations qui nous parviennent ne sont pas déversées telles quelles
dans une sorte de réservoir où nous irions puiser à volonté, mais organisées
et archivées en fonction de leur nature et de leur utilisation ultérieure
éventuelle, grâce à différents systèmes qui fonctionnent en relation étroite
et permanente.
Cette intrication rend difficile la compréhension du fonctionnement de la
mémoire. Néanmoins, il est possible de schématiser de grands systèmes
en fonction de leur spécificité.
Encore appelée mémoire primaire ou mémoire immédiate.
C’est une mémoire « de travail », que l’on pourrait comparer
à la mémoire tampon des appareils numériques modernes.
Cette mémoire est limitée, ne permettant de retenir que quelques éléments
d’information à la fois, et encore, pour quelques dizaines de secondes
seulement. Elle se vide et se remplit en permanence, nous permettant de
manipuler instantanément les informations qui nous parviennent pour
pouvoir donner un sens à ce qui nous arrive et y adapter nos comportements.
La mémoire à court terme nous donne également la possibilité, par exemple,
de noter un numéro d’immatriculation que l’on vient de relever, ou un
numéro de téléphone entendu à la radio. Cette mémoire à court terme est
l’instrument de travail privilégié de certains professionnels, comme les
interprètes simultanés. Ces virtuoses sont capables d’effectuer une tâche
complexe de traduction, tout en conservant en mémoire les informations
qui leur parviennent au même moment pour pouvoir les « exploiter »
quelques secondes plus tard. L’exploitation de cette mémoire immédiate
exige par ailleurs une certaine concentration. S’il survient une distraction
entre le moment où un numéro de téléphone est relevé sur un annuaire et
La mémoire à
court terme
INTRODUCTION
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celui où il est noté sur un papier, le numéro sera oublié irrémédiablement,
et le processus devra être repris depuis le début. Mais la mémoire à court
terme n’est pas toujours utilisée ainsi de manière consciente et délibérée.
On s’en sert aussi de manière inconsciente, en permanence, en gardant
temporairement la trace de nos moindres déplacements, ce qui nous permet
de toujours savoir ce que nous sommes en train de faire, sans même avoir
à y réfléchir. À l’inverse, il nous est impossible de retracer spontanément,
à la fin d’une journée, le détail de tous nos déplacements dans notre
environnement, tout simplement parce que leur souvenir n’a pas été stocké,
mais effacé au fur et à mesure. Il serait possible néanmoins d’y parvenir,
mais cette fois au prix d’un apprentissage spécifique et d’un véritable effort
mettant en jeu d’autres systèmes de mémorisation.
Elle concerne tout ce qui se situe au-delà de la mémoire
immédiate. C’est elle qui nous permet véritablement de
nous « souvenir » de quelque chose, que ce soit quelques
minutes ou des dizaines d’années plus tard. De cette mémoire à long terme
dépendent non seulement nos souvenirs, mais aussi nos apprentissages,
nos sentiments. C’est elle finalement qui établit notre identité et qui est
dépositaire de notre histoire ici-bas.
Quels que soient les faits concernés, la mémoire à long terme fonctionne
toujours de la même manière, avec la succession dans le temps de trois
processus élémentaires : l’encodage, le stockage et la restitution des
informations.
• L’encodage des informations est une étape fondamentale et
particulièrement complexe. C’est l’encodage qui classe l’information qui
nous parvient et lui donne sens. Cette information peut être traitée de
manière consciente, lors des apprentissages délibérés par exemple, ou
bien de manière inconsciente, au travers d’associations d’idées qui
établissent un lien entre une information et les circonstances dans
lesquelles elle nous est parvenue. Le processus d’encodage des données
dépend largement des capacités propres à chaque individu. De sa
précision et de sa profondeur vont dépendre l’efficacité de la récupération
de l’information.
• Le stockage permet de conserver presque définitivement la trace des
informations encodées. Mais, contrairement à ce que le terme pourrait
évoquer, le stockage n’est pas un processus passif ; il dépend de
réactivations périodiques qui permettront d’en limiter l’oubli. Un souvenir
ancien qui n’est pas réactivé régulièrement par des faits récents sera
presque toujours condamné à s’effacer progressivement. Quand les
nouvelles informations sont confrontées à celles déjà stockées, ces
dernières subissent alors un véritable rafraîchissement. Pour ne pas être
oublié définitivement, un souvenir ancien doit donc être consolidé
régulièrement grâce aux souvenirs les plus récents. L’importance des
La mémoire à
long terme
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S’ENTRAÎNER
À DÉVELOPPER SA MÉMOIRE
révisions scolaires dans la capacité à restituer les informations stockées
illustre parfaitement cette réalité.
• La restitution, finalement, est le processus qui nous permet de rappeler
un souvenir qui a été préalablement codé et stocké. La facilité avec
laquelle cette restitution s’effectue dépend de la précision et de la
profondeur du codage d’une part, de l’organisation et de l’élaboration
du souvenir d’autre part.
Les spécialistes distinguent des types variés de mémoire à long terme, en
fonction des modes d’acquisition et de restitution des événements mémorisés.
On parle, par exemple, de mémoire explicite quand le souvenir est acquis
de manière consciente et volontaire, puis restitué de manière verbale ou
non. À l’inverse, la mémoire implicite concerne les faits mis en mémoire
de manière inconsciente et restitués de manière indirecte. La mémoire
épisodique nous donne la capacité de nous souvenir du week-end que
nous venons de passer ; les émotions ressenties par le sujet au moment
des faits conditionnent en grande partie la qualité de ce type de mémorisation.
Bien différente, la mémoire sémantique ne concerne pas, cette fois, des
événements personnels, mais des faits connus de tous. C’est la mémoire
des mots, des idées et des concepts. On se souvient ainsi que la Seconde
Guerre mondiale s’est déroulée de 1939 à 1945…, pas forcément parce
qu’on l’a vécue, mais tout simplement parce qu’on l’a appris. Quant à la
mémoire procédurale, c’est elle qui nous donne la capacité d’acquérir des
compétences et d’augmenter progressivement nos performances, sans
pour autant se souvenir volontairement de quelque chose. Conduire une
voiture ou écrire à l’aide d’un clavier d’ordinateur peut se faire de manière
automatique, tout en pensant à autre chose. Au début du processus
d’acquisition des compétences, pourtant, c’est la mémoire explicite qui
intervient puisqu’il y a apprentissage volontaire ; puis, par la suite, le rappel
des enregistrements s’effectuera progressivement, automatiquement et
sans effort.
1 • Le support anatomique de la mémoire
Il n’existe pas de « centre de la mémoire » à proprement parler, une zone
anatomique unique qui serait particulièrement dédiée à la conservation et
à la restitution de nos souvenirs. Leur gestion dépend des interactions
dynamiques qui se produisent au sein de réseaux complexes constitués
de milliards de cellules nerveuses de base : les neurones. Comme c’est le
cas pour toutes les autres grandes fonctions supérieures du cerveau,
plusieurs zones anatomiques sont concernées par la mémoire. C’est d’ailleurs
bien souvent la pathologie qui a permis de les définir au départ : la destruction
d’une zone bien localisée du cerveau se traduisant par un trouble particulier,
INTRODUCTION
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on en a déduit le rôle joué par cette zone anatomique dans tel ou tel
processus mental. Aujourd’hui, les méthodes d’exploration modernes
permettant de voir le cerveau fonctionner en temps réel, comme l’IRM
fonctionnelle, ont permis d’affiner les connaissances dans ce domaine.
Les différentes zones anatomiques du cerveau sont des ensembles
individualisés de neurones dédiés à une tâche particulière. Les cellules
nerveuses qui composent ces différentes structures cérébrales ne se
contentent pas d’y être juxtaposées en constituant un simple tissu nerveux,
mais elles communiquent entre elles, échangent des informations par le
biais de messages électriques et chimiques. C’est le nombre, la nature et
l’ordre de ces communications qui, finalement, confère au tissu nerveux
sa fonctionnalité et permet les prouesses dont nous sommes capables.
Plusieurs de ces structures cérébrales jouent un rôle déterminant dans le
traitement, la conservation et la restitution de souvenirs. Certaines de ces
zones sont situées à la surface du cerveau, au niveau du cortex. C’est là,
au niveau cortical, qu’aboutissent toutes nos stimulations sensorielles et
qu’elles trouvent un sens et une interprétation cohérente. Un son ou une
couleur ne demeure qu’une succession de messages électrochimiques se
propageant à la vitesse de la lumière le long des neurones, jusqu’à ce qu’il
parvienne au cortex, où il sera reconnu comme un si bémol ou un indigo
profond. D’autres structures essentielles sont logées au plus profond de
l’encéphale, à la base des deux hémisphères cérébraux, comme l’hippocampe,
le thalamus ou les noyaux gris ; une autre encore se situe tout à l’arrière
du cerveau, c’est le cervelet.
La mémoire explicite est permise par le système limbique.
La mémoire implicite fait plutôt appel aux ganglions de la base et au cervelet.
2 • Le système limbique
cortex
lobe pariétal
corps calleux
épiphyse
thalamus
lobe occipital
lobe frontal
hypothalamus
cervelet
pont de
Varole
bulbe
rachidien
hypophyse
tronc cérébral
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S’ENTRAÎNER
À DÉVELOPPER SA MÉMOIRE
C’est l’étape « obligatoire » pour une mise en mémoire à long terme.
Les messages sensoriels provenant des aires corticales, puis intégrés par
le cortex associatif, sont pris en charge par le système limbique. Il se
compose du circuit de Papez, de la région septale en rapport avec les
structures de l’hippocampe, de l’amygdale, de la substance réticulée du
tegmentum mésencéphalique, et de zones des lobes frontaux et temporaux.
Le lobe limbique correspond au gyrus cingulaire, partie intégrante du circuit
de Papez.
• Le circuit de Papez
Le cheminement d’une information à mémoriser à long terme va suivre le
circuit de Papez. Une lésion de ce circuit peut être impliquée dans l’apparition
d’un trouble mnésique.
• L’hippocampe ou corne d’Ammon
L’hippocampe, en forme d’anneau, repose sur la cinquième circonvolution
temporale, sur à la face interne de chaque hémisphère.
La partie réceptrice de la formation hippocampique est constituée par le
gyrus denté, qui comprend une couche de neurones granulaires, aux larges
expansions dendritiques.
La partie émettrice est constituée par le subiculum. Les axones des grands
neurones du subiculum se dirigent vers les noyaux sous-corticaux, puis
vers le fornix, ou vers les aires isocorticales avoisinantes.
L’hippocampe est donc situé à l’extrémité d’une chaîne de connexions qui
relient entre elles les aires corticales sensorielles. Ces connexions dites
antérogrades convergent vers l’hippocampe pour l’alimenter en informations
élaborées. Elles sont doublées d’un courant rétrograde, en sens inverse,
de l’hippocampe vers les cortex primaires, qui serviraient à les fixer dans
les synapses corticales par des mécanismes qui restent à élucider.
• L’amygdale
Il s’agit d’un volumineux complexe regroupant des amas de neurones, qui
effleure l’extrémité antérieure de l’hippocampe, au niveau de la queue du
gyrus denté de l’hippocampe.
L’amygdale, dans sa partie baso-latérale, reçoit des informations en
provenance du gyrus parahippocampique et de l’hippocampe. Elle émet
des signaux à destination de l’hypothalamus antérieur et du noyau dorso-
INTRODUCTION
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médian du thalamus. L’amygdale se trouve de plus au sein d’un réseau
unissant les noyaux gris centraux et le lobe frontal. Ce réseau joue
probablement un rôle dans la charge affective liée aux souvenirs.
• Les corps mamillaires
Une lésion des corps mamillaires est responsable d’un syndrome amnésique
caractérisé par une amnésie antérograde, des fabulations, de fausses
reconnaissances et une désorientation temporo-spatiale. La cause la plus
classique est la carence d’apport en vitamine B1, comme on peut le voir
dans l’alcoolisme chronique.
• La région septale
Elle comprend une fine couche de tissu nerveux qui sépare les cornes
frontales des deux ventricules latéraux. Elle reçoit des informations, entre
autres, de l’hippocampe, de l’amygdale, du thalamus, de la formation
réticulée, du gyrus cingulaire. Elle envoie ses signaux vers la formation
réticulée ou vers l’hippocampe.
• Le lobe frontal
Le lobe frontal joue un rôle important dans les processus de mise en mémoire
et de rappel, ainsi que dans l’organisation des données dans l’espace et
le temps. Le lobe frontal droit semble impliqué lorsqu’une tâche réclame
le rappel d’un souvenir appartenant à la mémoire épisodique. La mise en
mémoire d’une donnée épisodique concernerait plutôt le lobe frontal gauche.
Les patients souffrant d’une atteinte du lobe frontal éprouvent des difficultés
à établir une chronologie correcte. Ils apprécient mal la séquence et la
fréquence d’un événement. On considère généralement que la mémoire
de travail dépend du lobe frontal, qui joue un rôle important dans la capacité
d’éloigner les activités parasites pour mener à bien une action. Le déficit
de l’attention peut venir parasiter l’enregistrement des souvenirs.
• Le néocortex
L’acquisition et le stockage se font dans les zones néocorticales, là où
l’information a été traitée : cortex visuel, auditif, tactile…
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