présence constante d’une importante hypoplasie lymphoïde
avait été constatée. Gilman et Goodman testèrent donc l’uti-
lisation du produit sur des souris atteintes de cancer. L’essai
s’avéra un succès. Tant et si bien que notre duo convainquit
un médecin chirurgien d’en faire au plus vite l’essai sur un
humain. L’effet s’avéra tout aussi impressionnant. En moins
de 48 heures, les tumeurs avaient commencé à se résorber.
Au jour cinq, la tumeur avait disparu. Bien sûr, tout comme
chez les souris, la tumeur pouvait réapparaître et alors une
deuxième chimiothérapie n’avait que peu de résultats. Le fait
que la tumeur puisse réapparaître n’enleva rien au fait qu’une
nouvelle thérapie venait de rejoindre la chirurgie et la radio-
thérapie dans les traitements des cancers et cette nouvelle
thérapie allait définitivement porter le nom de chimiothéra-
pie. C’est ainsi qu’est officiellement né le premier agent chi-
miothérapeutique en 1946 : la caryolysine. La caryolysine
forme aussi la première classe d’un type de médicaments
anticancéreux : les agents alkylants. Avec les années, d’au-
tres produits s’ajouteront à cette classe comme les cyclo-
phosphamides, les ifosfamides, le chlorambucil, etc.
Autres classes d'agents
chimiothérapeutiques
Parmi les autres classes, notons les anti-métabolites. L’un
des premiers anti-métabolites découvert fut le sulfamide, qui
fut le fruit de l’effort du Dr G. Domagk qui l’utilisa comme
antibiotique. Arrive ensuite l’aminopterin, que le Dr Sydney
Faber utilisa pour la première fois en 1947 pour lutter contre
la leucémie chez un enfant, ce qui lui valut le titre de père
de l’oncologie pédiatrique. Puis firent leur apparition le mé-
thotréxate suivi par les analogues pyrimidiques vers la fin des
années 1940, début des années 1950.
Quand le pays s'en mêle
En 1955, le NCI (National Cancer Institute) instaure un pro-
gramme de criblage systématisé des molécules sur la base
des expériences qui avaient été effectuées sur la leucémie
des souris. Fort des succès remportés par la Nasa dans le
domaine de la conquête de l’espace (l’homme avait mis le
pied sur la lune en 1969), Richard Nixon lance son programme
Conquête du Cancer. Un tel déploiement de ressources sti-
mula la recherche sur le cancer et plusieurs médicaments
firent leur apparition dans le domaine de la chimiothérapie.
On pourrait parler de James C. Wang, ce professeur de l’Uni-
versité Harvard qui découvrit les topoisomérases, une autre
classe d’agents anticancéreux qui agissent non plus sur la
structure de l’ADN mais sur sa configuration spatiale. Il fau-
drait aussi souligner l’histoire extraordinaire de ce pharma-
cien, Pierre Potier, qui en 1968 perdit son épouse d’un cancer
du sein. Ce drame le convainquit de changer son domaine de
recherche pour celui du cancer. On lui doit les découvertes de
la vinorelbine (Navelbine®) un médicament utilisé dans la lutte
contre le cancer du sein et celui du poumon et le docétaxel
(Taxotère®) principalement utilisé contre le cancer du sein.
De la sérendipité
Issu du terme anglais serendipity, le mot est tiré d’un conte
persan de Michele Tramezzino qui décrit les aventures de
trois princes au Sri Lanka (en vieux Persan, ce pays se
nomme Serendip) qui font des découvertes extraordinaires
par accident. Deux chercheurs canadiens, Robert L. Noble et
Charles T. Beer, ont été témoins privilégiés de la sérendipité.
Ils commencent des recherches sur une fleur que les habi-
tants de Madagascar utilisent comme coupe-faim lors de
leurs longs voyages en mer. Nous sommes alors à la même
époque où l’insuline fut découverte. Nos chercheurs se di-
sent donc que si cette pervenche de Madagascar possède
des propriétés pour couper l’appétit, peut-être joue-t-elle un
rôle dans le contrôle de l’insuline. Mais les résultats escomp-
tés ne sont pas au rendez-vous. Les alcaloïdes extraits de la
plante n’agissent pas sur le contrôle de la glycémie. Par
contre, ceux-ci présentent un effet marqué pour stopper la
prolifération cellulaire en empêchant les microtubules de
pouvoir se structurer pour débuter la division cellulaire. Ainsi
sont apparues la vincristine et la vinblastine.
La polychimiothérapie
En 1974, trois chercheurs du Dana-Farber Cancer Institute
aux États-Unis, les docteurs Emil Frei, Emil Freireich et James
Holland, décident de combiner deux médicaments chimiothé-
rapeutiques pour traiter la leucémie. Le traitement conduisit à
la première guérison d’un cancer. Le 7 avril 2004, les cher-
cheurs furent honorés en recevant l’American Association for
Cancer Research Award en reconnaissance de leurs travaux.
Et pour l'avenir
En 1970, par son programme Conquête du cancer, Richard
Nixon visait à trouver un remède contre le cancer dans les
287juin 2015MÉDECINE
VIE PROFESSIONNELLE
Histoire de la médecine
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