Paroles d'images Les méthodes projectives appliquées aux études marketing Auteur : Georges Guelfand Directeur général d’Ipsos Insight, enseignant à l’université Paris Dauphine, l’EAP et HEC Managemement Volume : 166 pages Date de parution : 1999 Editeur : Gaëtan Morin, collection Pertinence / Impertinence dirigée par Olivier Badot INTERET(S) DE L’OUVRAGE Dans le domaine des études mercatiques, les approches qualitatives sont souvent utilisées pour rechercher et comprendre les raisons qui poussent le consommateur à agir. Depuis les années 60, les méthodes utilisées lors de ces approches ont évolué de façon importante. Parmi elles, les méthodes projectives jouent un rôle essentiel. L’ouvrage de Georges Guelfand présente : • • les principales familles de méthodes projectives en mettant en lumière leurs fondements théoriques et leur intérêt en mercatique, chaque méthode sous une forme claire et opérationnelle (y compris avec les formulations adoptées par les animateurs). Cet ouvrage permet de bien comprendre les techniques projectives. Il offre aussi un guide de référence très utile à ceux qui souhaiteraient mettre en œuvre ces méthodes avec des préoccupations pédagogiques (sans évidemment prétendre au professionnalisme nécessaire). CONCEPTS ET IDEES CLES Composition de l’ouvrage : 5 chapitres, références bibliographiques. Idées principales Une introduction générale assez longue : • Resitue l’approche projective dans les diverses conceptions des études qualitatives : • approche behavioriste et rationnelle (plutôt anglo-saxonne) : découvrir ce que font, pensent et ressentent les consommateurs, approche analytique et interprétative (plutôt latine) : analyser à un niveau abusivement appelé " inconscient " le déclaratif des consommateurs, approche projective : le choix d’un objet (produit, marque…) relève à la fois de la raison et des affects et non exclusivement de l’un ou de l’autre. Elle se fonde sur la capacité des consommateurs : • • X à exprimer leur implication à l’égard d’un objet (produit, marque, " packaging ", message publicitaire, etc.) ainsi que la manière dont ils s’approprient ses qualités, X • • • • • à projeter leurs propriétés et à anticiper leurs effets. Définit les concepts essentiels : projection (faculté de l’esprit d’imaginer autrement ce qui est et d’imaginer ce qui n’est pas encore), imaginaire (aire des images), image (forme privilégiée de représentation mentale qui permet à l’esprit humain de conserver et de manipuler l’information extraite de son environnement). Indique les apports des méthodes projectives dans le domaine de la mercatique. Présente un historique de l’évolution de l’approche qualitative : essor des études qualitatives classiques dans les années 50 à la suite des travaux de la psychologie analytique mettant en avant l’importance de l’inconscient comme élément de la personnalité humaine, sous la forme notamment des études de motivation (voir Dichter) ; développement dans les années 70 de nouvelles approches : X psychologies corporelles (réhabilitant le corps et l’émotion dans la thérapeutique ; analyse bioénergétique, Gestalt thérapie) et anti-psychiatrie (faire émerger un discours sincère, non conventionnel car chargé d’émotion - contact de la personne avec ses ressentis, verbalisation des émotions - et reposant sur l’implication de l’interviewé) ; méthodes de créativité (brainstorming d’Osborn, synectique de Gordon, écoles de Palo Alto) ; X • ces nouvelles approches impliquent des règles de mise en œuvre précises, notamment : l’animateur - psychologue suscite les réactions les moins conventionnelles, les plus spontanées des participants, dans un climat ludique permettant au négatif de s’exprimer aussi librement que le positif. Il s’implique dans la relation (au lieu de rester neutre comme cela est préconisé dans les approches traditionnelles), X X les interviewés ne doivent pas seulement exprimer ce qu’ils pensent et ressentent face à un objet mais aussi en parler sur un mode analogique pour que les images qu’ils en ont puissent émerger. Ces " images de la réalité " permettent de saisir les contenus d’implication. • Le recours aux techniques projectives lors des études mercatiques est d’autant plus nécessaire et utile en raison de l’évolution du comportement des consommateurs (compétence accrue, notamment, dans les domaines mercatiques et commerciaux). Cette compétence se traduit, en effet, par un risque de distance plus grande entre le déclaratif et l’implication réelle à l’égard du produit, de la marque, du message publicitaire… dont les consommateurs parlent. Le 1er chapitre décrit les méthode d’association d’idées. Les participants doivent exprimer (ex. : des consommateurs) toutes les pensées qui leur viennent à l’esprit, soit à partir d’un élément donné (mot, image, représentation quelconque..), soit de façon spontanée. - Les participants doivent respecter plusieurs règles : • s’exprimer le plus rapidement possible pour : X briser le langage conventionnel, souvent stéréotypé et convenu, découvrir les perceptions et les évocations liées à l’objet ainsi que les déterminants les plus concrets comme les plus abstraits. L’association de mots offre une " chaîne de sens dont on ne peut arrêter le déroulement " (Todorov) ; X X lever les freins liés à une trop grande rationalité, s’affranchir de la syntaxe et de la grammaire qui risquent de limiter le foisonnement des idées. X • • se répéter : les contenus les plus répétitifs sont considérés comme les plus prégnants ; se contredire : la contradiction libére les contenus les plus proches du ressenti d’un objet, les plus difficiles à émettre… parce que plus personnels que d’autres, plus chargés d’émotion… ce qui révèle les désirs, phobies vis-à-vis des objets étudiés. • Principales méthodes : • La radiographie : associations de mots à partir d’une grille d’association structurée en fonction de thèmes préétablis qui sont souvent les suivants : Quatre thèmes principaux à aborder : Perceptions / évocations de l’objet étudié sous forme de noms ou d’adjectifs • • • Fonctions de l’objet, sous forme de verbes ou d’expressions verbales Univers d’utilisation / consommation de l’objet : ambiances, contextes, occasions associées… Profil de l’utilisateur ou du consommateur : son physique, son caractère, son style de vie Le réservoir créatif : variante de la radiographie qui consiste à jeter au centre du groupe comme dans un grand " réservoir " tous les mots évoqués par l’objet étudié en exprimant les associations relatives à ses caractéristiques, son style général (aspect, forme, etc.), ses fonctions et les promesses induites, les valeurs portées, etc. La pyramide des items : chaque participant produit 15 items décrivant la personnalité d’un objet en écrivant d’abord 8 mots qui lui viennent à l’esprit deux à deux. Il écrit ensuite l’idée ou l’évocation découlant de chaque couple soit 4 mots. Il écrit ensuite l’idée ou l’évocation découlant de chaque couple de mots précédant soit 2 idées. La dernière étape consiste à exprimer l’idée découlant de ces 2 derniers mots. Finalement, les 15 mots forment une pyramide inversée. Des questions sont ensuite posées afin de synthétiser ce que pensent les personnes de l’objet étudié. Les scénarios créatifs : la 1ère étape consiste à créer un univers sémantique (ex. : univers du luxe) en utilisant la technique de la radiographie (cf. supra) : Thèmes à aborder Mots associés " le luxe est… " Mots associés contraire : " le luxe n’est pas… " Evocations Fonctions Eternité, puissance Etre libre, aimer, dominer Ambiance Clientèle Obscurité, Tomber, mourir, oubli, solitude.. oublier… Lors de la 2ième étape, chaque participant crée un scénario avec un ou deux mots choisis dans chaque liste. Il raconte l’histoire créée en précisant le contexte, les protagonistes, les événements qui surviennent, les conséquences... A partir de questions posées par l’animateur, chaque participant croise ensuite son histoire (et celle des autres) avec la notion étudiée (ex. : " en quoi chaque élément de votre histoire est-il lié à la notion de luxe ? ") et précise son degré d’implication (ex. : " si vous deviez entrer dans cette histoire, où iriez-vous ? Avec qui ? "). Le 2ième chapitre consacré aux méthodes analogiques, présente plusieurs techniques : • • • • • Les territoires : transposition de l’objet étudié sous la forme d’un pays imaginaire (ex. : " imaginez que la marque Kellogg’s se transforme en un pays imaginaire. Décrivez ce pays imaginaire Kellogg’s. "). Les régions : technique des territoires appliquée à des sous-parties de l’objet étudié. Par exemple, description du concept " poisson surgelé " sous forme de territoire puis description des régions " marque ", " packaging ", " communication "… Le couplage territoires et régions : systématiquement utilisé pour étudier les positionnements et territoires de communication d’une collection d’objets (ex. : plusieurs marques ou concepts de produits concurrents). Elle permet par exemple d’étudier l’image d’une marque en elle-même et en comparaison avec celles des marques concurrentes. Le bestiaire : afin de découvrir la présentation, le style, les caractéristiques et les fonctions d’un objet étudié, transposition de celui-ci sous la forme d’un animal imaginaire (son apparence générale, ses traits de caractère, sa manière d’être avec les autres…). Des questions complémentaires permettent de comprendre le degré d’implication et d’affinité des participants avec l’objet étudié (ex. : " décrivez la personne qui se sentirait bien avec cet animal "). La généalogie : transposition de l’objet sous la forme d’un enfant qui n’existe pas, mais que l’on peut décrire (physique, présentation, caractère, réussite scolaire, univers relationnel et familial…). Le 3ième chapitre décrit la méthode d’anticipation qui vise à découvrir l’authenticité des réponses et l’implication réelle de la personne interrogée. Elle repose sur le principe de contradiction considéré comme présent dans toute création (Bellmer : " l’opposition est nécessaire afin que les choses soient et que se forme une réalité troisième "). De nombreux travaux montrent que les contradictions sont organisées en quatre pôles ce qui permet de construire un " carré d’anticipation " dont il existe deux types principaux : • Le carré projectif ou carré d’associations : la recherche des contradictions des associations positives et négatives permet de faire émerger leur sens réel et de • distinguer ce qui exprime une adhésion réelle à l’objet étudié (ex. : une marque, un message publicitaire), le carré symbolique ou carré d’images : méthode identique mais en faisant appel aux méthodes analogiques (cf. chapitre 2 de l’ouvrage) pour remplir les quadrants. Le 4ième chapitre aborde la méthode des jeux de rôle. Le jeu de rôle permet de sensibiliser aux relations humaines et à la dynamique de groupe. Comme le psychodrame, il appartient à la famille des méthodes projectives de la psychologie clinique caractérisées par : • • • • l’aspect dramatique : mise en scène de personnes engagées dans une situation déterminée ; l’interactivité : communication entre les personnes lors de la situation jouée ; la dimension analytique : mise en valeur des qualités et faiblesses des personnes, des influences réciproques, des positions de leadership adoptées… ; la faculté d’anticipation : information sur le devenir des différents protagonistes et sur l’issue de la situation dans laquelle ils se trouvent engagés. Les jeux de rôle donnent des informations sur les forces / faiblesses respectives des objets étudiés, leurs influences réciproques, leurs atouts respectifs, les chances de certains de l’emporter sur les autres… Plusieurs techniques sont utilisées : • • L’analogie interactive : à partir de la technique du bestiaire ou de la généalogie, les participants font se rencontrer et dialoguer les objets comme des êtres vivants. La croisière : plusieurs objets analysés (ex. : des produits, des marques…) sont censés embarquer pour une traversée difficile à laquelle ne survivront que les plus forts. Les participants doivent : attribuer aux objets des statuts et des rôles (par exemple, pour chaque marque dans le navire : capitaine, cuisinier, matelot…) ce qui renseigne sur leur hiérarchie ; X expliquer la place, la position de chaque objet dans le navire ce qui informe sur leurs forces, faiblesses, atouts… ; X X expliquer les réactions de chaque objet dans une situation d’urgence (ex. : naufrage) ce qui permet d'appréhender la réactivité de chaque objet, sa capacité de survie… et ainsi de comprendre les fondements de ses performances... • Le briefing créatif : jeu de rôle reposant sur un dialogue entre deux groupes : • l’un décrit une entreprise, ses dirigeants et ses responsables marketing puis, au nom de cette entreprise, adresse à une agence conseil en communication fictive une demande de campagne publicitaire ; l’autre décrit l’agence, ses créatifs, directeurs de clientèle… puis indique ses intentions créatives en ce qui concerne la campagne demandée. • • Le concassage : technique issue de la Gelstat thérapy consistant à demander à une personne de jouer tout ou partie d’un objet et / ou de s’exprimer en son nom. Le concassage consiste à faire varier les perceptions de l’objet en changeant ses dimensions (augmentation, diminution), en le déformant, en lui ajoutant / retirant des éléments, etc. Elle permet d’étudier diverses hypothèses mercatiques sur les caractéristiques des produits, les composantes des services, les traits de personnalité des marques, etc. Le dernier chapitre présente la méthode projective graphique inspirée de la psychologie clinique (ex. : thematic Aperception Test de Morgan / Murray, test de Rorschac). Les participants créent des scénarios en dessinant (ex. : compléter un dessin de base ou continuer une bande dessinée) ou en collant des images tirées de magazines : • dessins : • les participants dessinent tout ce qui leur vient à l’esprit en relation avec l’objet analysé (ex. : un produit) sur la partie gauche puis tout ce qui leur vient à l’esprit qui est contraire à cet objet sur la partie droite ; ils racontent ensuite aux autres l’histoire de leur dessin ; un bilan permet de dégager les principales idées à retenir concernant l’objet étudié. • • • collages : étapes similaires à la technique des dessins mais à partir permet d’images et de mots trouvés dans des magazines fournis aux participants. Cette technique permet de lever le frein que représente pour certains participants le fait de dessiner. Globalement, la mise en œuvre des techniques présentées nécessite que les participants adoptent plusieurs attitudes créatives : UTILITE OPERATIONNELLE Niveau Pour la pratique pédagogique Commentaires Terminale ACC -- Absence d’utilité opérationnelle directe. BTS action commerciale + BTS force de vente - Des approches qualitatives simples peuvent être mises en œuvre dans le cadre des actions professionnelles en action commerciale. Ce livre donne des éléments concrets pouvant être utilisés (sous une forme simplifiée) lors de ces actions. Sur le plan pédagogique, plusieurs techniques sont utilisables pour faire émerger les représentations des élèves lors de l’étude de certaines notions, par exemple, évidemment, celles relatives au comportement du consommateur ou à l’analyse de la création publicitaire. Pour la préparation à un concours Capet interne /externe – écrit / oral Agrégation interne/externe écrit/ oral Pour la culture générale professionnelle + L’ouvrage permet d’acquérir une bonne maîtrise des différents aspects des approches qualitatives en mercatique : intérêts, techniques, méthodes, évolution. De nombreux développements sont en relation avec le comportement du consommateur. Les éléments sur les fondements théoriques des méthodes projectives sont particulièrement intéressants. ++ ++ Les liens avec d’autres disciplines (philosophie, psychologie, création artistique ou poétique) sont nombreux et permettent de resituer les techniques utilisées dans les études mercatiques qualitatives par rapport à leurs origines scientifiques et culturelles.