Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 265–278 Article original Les psychotropes chez l’adolescent : étude des prescriptions dans une unité de crise pour adolescents et documentation du hors AMM Pychotropic medications used in adolescents: Study of prescriptions in a crisis center for adolescents and off-label prescriptions documentation A. Egron a,∗ , A. Kompe-Tchamgoue b , D. Malet c , E. Queuille c a b Pharmacie, centre hospitalier de Cadillac, 89, rue Cazeaux-Cazalet, 33410 Cadillac, France Centre de crise pour adolescents, centre hospitalier Charles-Perrens, 33076 Bordeaux, France c Pharmacie, centre hospitalier Charles Perrens, 33076 Bordeaux, France Résumé La prise en charge médicamenteuse des adolescents est un sujet d’actualité délicat en psychiatrie. Le Centre de crise pour adolescents (CCA) de notre établissement permet l’accueil et la prise en charge adaptée de ces jeunes patients en « crise » psychique. La récurrence des prescriptions de psychotropes hors AMM a motivé la réalisation par la pharmacie, en lien avec le psychiatre responsable du service, d’un état des lieux sur les pratiques de l’unité, avec pour objectifs l’évaluation de ces prescriptions et la réflexion sur des moyens de documentation et sécurisation du hors AMM. Le contenu de 832 ordonnances prescrites sur une année (2011) est recueilli rétrospectivement dans un fichier Excel® , complété avec les données issues du dossier patient informatisé. Ainsi, 32 psychotropes (DCI) de différentes classes ont été prescrits aux 129 patients, âgés de 11 à 18 ans, hospitalisés dans le service. Le taux de prescriptions hors AMM est de 38 %, si l’on considère uniquement l’âge des patients et de 56,4 % si l’on y ajoute un non-respect de l’AMM vis-à-vis de l’indication. Ce travail confirme la problématique de la prescription médicamenteuse dans cette population, en lien avec le manque de données françaises concernant l’utilisation des psychotropes chez l’adolescent. Il a également permis la mise en place d’actions pour optimiser les conditions de prise en charge des adolescents dans l’unité : documents d’aide à la prescription, rappel de la nécessité de documenter le hors AMM et de l’importance du suivi biologique et clinique, en lien avec la ville, pour les psychotropes. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Adolescent ; Psychotropes ; Prescriptions hors AMM ; Documentation Abstract The medical care of adolescents is a delicate current topic in psychiatry. The Crisis center for adolescents (CCA) of our establishment allows the reception and the adapted medical care of these young patients in a state of psychic “crisis”. The recurrence of off-label prescriptions of psychotropic medications justified the realization by the pharmacy team, in collaboration with the psychiatrist responsible for the service, of an investigation of the service practices, in order to evaluate these prescriptions and reflect on the means of documentation and securisation of off-label prescriptions. The contents of 832 prescriptions made in 2011 were collected retrospectively in an Excel® file, and were supplemented with the data resulting from the computerized patient file. Thus, 32 psychotropic drugs of various classes were prescribed to the 129 patients, aged from 11 to 18, who were hospitalized in the service. The rate of off-label prescriptions is of 38%, if we only consider the age of the patients, and of 56.4% if we add to it a non-observance of respect to the indication. This work confirms the problem of medical prescriptions in this population, due to the lack of French data concerning the use of psychotropics in the adolescents. It also allowed the setting up of actions to optimize the conditions of the medical care of adolescents in the unit: documents of assistance for the medical prescription, recall of the need to document off-label prescriptions and of the importance of biological and clinical follow-ups, in collaboration with the city, for psychotropic drugs. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Adolescents; Psychotropic medications; Off-label prescriptions; Documentation ∗ Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected] (A. Egron), [email protected] (A. Kompe-Tchamgoue), [email protected] (D. Malet), [email protected] (E. Queuille). http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2016.05.008 0222-9617/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 266 A. Egron et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 265–278 1. Introduction L’intérêt suscité par l’utilisation des psychotropes en dehors de leur Autorisation de mise sur le marché (AMM) chez les adolescents a mobilisé notre attention pour plusieurs raisons : la rareté des études à propos de la population pédiatrique ; la particularité de la population adolescente, marquée par les caractéristiques de développement pubertaire et les implications clinicobiologiques qu’elle entraîne, notamment sur la maturation cérébrale et son implication sur l’expression clinique de certaines pathologies (impulsivité) ; et enfin, le contexte clinique de l’hospitalisation : l’unité, dite de crise, reçoit les adolescents âgés de 12 à 18 ans, selon des modalités plus ou moins programmées, en lien avec des situations de crise psychosociales, psychocomportementales ou psychiatriques, susceptibles d’être pour chacune d’elle révélatrice d’une pathologie psychiatrique caractérisée émergente. La prise en charge thérapeutique de ces troubles comprend un volet chimiothérapeutique pour lequel nous avons fait le constat d’une certaine proportion de prescriptions en dehors de l’AMM. Il faut rappeler que les prescriptions « hors AMM » sont possibles dès l’instant qu’elles observent des règles établies. Elles sont autorisées, sous certaines conditions juridiques, économiques et éthiques : absence d’alternative médicamenteuse appropriée (possédant une AMM), justification et documentation scientifique, évaluation rigoureuse de la balance bénéfice-risque, information aux parents et adolescents et indication sur l’ordonnance « prescription hors AMM » pour signaler son caractère non remboursable. Devant le constat de ces prescriptions, il nous a paru intéressant et nécessaire d’analyser notre pratique tout en la confrontant aux données de la littérature. Ce qui permettrait, d’autre part, d’apporter des éléments de réflexion à la communauté scientifique concernée, mais également l’élaboration de documents permettant une amélioration des pratiques. Ce travail est le fruit d’une collaboration entre l’équipe médico-infirmière de l’unité et l’équipe de la pharmacie de l’établissement, découlant d’une réflexion ayant émergé au travers de staff évaluant les pratiques professionnelles (EPP) et, notamment, la pertinence des prescriptions. 2. Patients et méthode Le Centre de crise pour adolescents accueille des adolescents dits « en crise » âgés de 12 à 18 ans, nécessitant une prise en charge psychiatrique. En 2011, un adolescent de 11 ans, présentant ces critères d’hospitalisation, a exceptionnellement été pris en charge dans l’unité. Les motifs d’admission sont principalement des troubles du comportement ou des conduites, des évaluations d’éventuelles décompensations psychiatriques d’allure plus ou moins bruyantes sans adhésion évidente et a priori de l’adolescent. En 2011, l’unité dite « fermable » comptait 10 lits, plus 1 d’appoint. L’étude porte sur les données issues du recueil rétrospectif des ordonnances papier prescrites du 1er janvier au 31 décembre 2011. Le contenu intégral des 832 ordonnances prescrites, pour un total de 129 patients, a été retranscrit dans un tableau Excel® , permettant la constitution d’une base de données complète. Ce tableau Excel® a permis une extraction et analyse de données, dont les résultats exploités ont été les suivants : population étudiée (sexe, âge, durée d’hospitalisation et diagnostic), fonction des prescripteurs, différentes classes pharmacologiques de psychotropes prescrites sur cette période (année 2011), posologies prescrites et prescriptions hors AMM, en fonction de l’âge (premier critère), de l’indication (deuxième critère d’analyse), puis en regroupant les deux critères (âge et indication de l’AMM). Dans le cadre de cet article, nous ciblerons les données concernant le hors AMM. Ainsi, si un médicament avait l’AMM chez les moins de 18 ans dans une indication, quelle qu’elle soit, la prescription n’a pas été considérée comme hors AMM pour le premier critère, même s’il a été prescrit dans une autre indication, considérant que des études avaient montré la tolérance de ce médicament au sein de la population pédiatrique lors des essais cliniques. L’analyse du second critère, hors AMM en fonction de l’indication, s’est basée sur la confrontation du diagnostic posé, selon la codification de la CIM-10, et retranscrit dans le logiciel Hopital Manager® (dossier patient informatisé), avec l’indication AMM du médicament prescrit chez les moins de 18 ans, ou chez l’adulte le cas échéant (données des Résumés des caractéristiques du produit (RCP) du Vidal® , versions papier 2011 et informatique 2012). La fusion de ces deux critères a permis une « quantification » de la proportion de prescriptions de psychotropes hors AMM dans la population de patients hospitalisés dans l’unité. Les actualisations d’AMM (modifications depuis 2012) sont indiquées dans la partie résultats, mais n’ont pas été prises en compte pour l’analyse des prescriptions. Par ailleurs, l’analyse s’est faite en distinguant chaque classe de psychotropes sur le plan pharmacologique. 3. Résultats Le recueil met en évidence la prescription de 32 psychotropes, appartenant aux classes suivantes : antipsychotiques de 1re et 2e génération, normothymiques, antidépresseurs, anxiolytiques et hypnotiques. Ces prescriptions ont été réalisées par sept psychiatres praticiens hospitaliers et les internes ayant effectué leur semestre au sein de l’unité. La Fig. 1 montre la proportion de prescriptions hors AMM de psychotropes (nombre de prescriptions hors AMM par rapport au nombre de prescriptions en accord avec le RCP du point de vue de l’âge et de l’indication, dites « AMM »). Le nombre de prescriptions s’explique par le fait qu’un même patient pouvait avoir une prescription de plusieurs psychotropes de la même classe sur la durée de son hospitalisation. Si l’on s’intéresse premièrement aux prescriptions hors AMM en considérant l’âge du patient, on remarque une proportion non négligeable de 38 %. Il a paru plus judicieux de séparer les formes per os (PO) et injectables, dans la mesure où un même médicament peut avoir l’AMM chez les moins de 18 ans sous sa forme PO, mais pas sous sa forme injectable (exemple de la cymémazine, très utilisée dans le service). Si l’on confronte les données concernant le diagnostic posé et l’indication de l’AMM, le pourcentage de prescriptions hors AMM est de 27,3 %. Si l’on A. Egron et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 265–278 267 Fig. 1. Proportion de prescriptions de psychotropes hors AMM, en fonction de la classe pharmacologique, de l’âge et de l’indication, formes per os (PO) et intramusculaires (IM) différenciées. intègre ces deux critères, la proportion de prescriptions hors AMM, en tenant compte à la fois de l’âge et de l’indication, s’élève alors à 56,4 %. Les résultats concernant les psychotropes prescrits au Centre de crise pour adolescents en 2011 sont regroupés au sein du Tableau 1. Les intitulés des sous-groupes de la classification CIM-10, retrouvés au sein de ce tableau, sont présentés dans le Tableau 2, avec le nombre de patients par sous-groupe. Le Tableau 3 présente, quant à lui, les psychotropes qui possèdent une AMM chez les moins de 18 ans en 2011, mais qui n’ont pas été utilisés dans l’unité cette année-là. 4. Discussion L’enquête effectuée sur les prescriptions de psychotropes dans cette unité de crise pour adolescents a mis en évidence une part importante de hors AMM. Ces résultats sont comparables à ceux de la littérature qui s’intéresse à la prescription de psychotropes en pédiatrie [1–4]. La proportion de prescriptions hors AMM en fonction de l’âge représente 38 %. Ces résultats peuvent s’expliquer par le fait qu’il y a peu de psychotropes ayant l’AMM chez les enfants et adolescents [5]. En effet, parmi les 12 principes actifs de la classe des hypnotiques, ayant une indication en psychiatrie, seuls 6 ont une AMM chez les moins de 18 ans en 2011. En ce qui concerne les normothymiques, aucun n’a l’AMM chez les moins de 18 ans. La question peut se poser pour les sels de lithium, pour lesquels aucune notion d’âge n’est indiquée dans le RCP du produit, selon le Vidal® 2011 [6]. Les prescriptions effectuées pour les deux adolescents de 17 ans, hospitalisés dans l’unité, n’ont pas été comptabilisées parmi les « hors AMM », du fait justement de l’absence de « contre-indication » ou « non recommandation » dans le RCP, mais ce point de vue reste discutable. La proportion de hors AMM est importante pour les antidépresseurs également, mais on peut constater que seuls 3 antidépresseurs sur 8 ont une AMM pour les moins de 18 ans, toutes indications confondues. Il s’agit de la fluvoxamine, la fluoxétine et la sertraline. La loxapine est, dans notre étude, le seul neuroleptique typique per os prescrit hors AMM (AMM à partir de 15 ans). La proportion de hors AMM augmente avec les neuroleptiques injectables, mais ces prescriptions, sont toutes de l’ordre du « si besoin », c’est-à-dire à administrer en cas d’agitation et/ou de refus de la voie per os pour la plupart. L’utilisation des neuroleptiques formes injectables s’explique par la nature de l’unité qui accueille des adolescents en crise, opposants, susceptibles de présenter parfois des agitations résistantes du fait de leurs troubles et pouvant parfois refuser la prise du traitement per os. Ces prescriptions sont toutes hors AMM vis-à-vis de l’âge des patients, mais l’administration ne serait que très limitée. Il en est de même pour la prescription d’anxiolytiques injectables, qui ne concerne ici que le clorazépate dipotassique. Les antipsychotiques atypiques sont de plus en plus utilisés, notamment chez l’adolescent, en raison de leur efficacité et de leur meilleur profil de tolérance [7–10]. En ce qui concerne le hors AMM selon le seul critère de l’indication, la proportion s’élève à 27,3 %. Cette partie de l’analyse est très complexe, dans la mesure où il est difficile pour le médecin de poser un diagnostic précis de pathologie psychiatrique, d’autant plus qu’il s’agit d’adolescents « en crise », qui ne font que de brefs séjours en hospitalisation (1 mois en moyenne). Un diagnostic formel et définitif ne pouvant être posé dans ce contexte particulier : de « crise », lors d’une hospitalisation sur une brève durée et à ce stade de développement psychophysiologique, le prescripteur s’appuie alors sur un faisceau de symptômes, associé à un contexte ayant amené le patient à ce stade de décompensation clinique. Le choix de la prescription va alors se porter sur le principe actif qui lui semble présenter le « meilleur profil » pour tenter de stabiliser l’état du patient, en faisant courir le moins de risques au niveau des effets indésirables. En cas de rechute, ou de suivi, le psychiatre va choisir le médicament qui lui paraît le plus adapté en fonction de l’efficacité et de la tolérance des psychotropes prescrits auparavant. Une autre problématique reste l’existence du hiatus entre les intitulés des indications des AMM et les diagnostics posés. Très peu de diagnostics décrits dans les différentes versions du DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) sont retrouvés tels quels dans les intitulés des AMM. Pour citer un exemple, l’intitulé de l’AMM de la rispéridone, très utilisée en pédiatrie, précise « indiqué dans le traitement symptomatique de courte durée (jusqu’à 6 semaines) de l’agressivité persistante dans le 268 Tableau 1 Psychotropes prescrits au CCA en 2011 et proportion de hors AMM selon l’âge, l’indication et selon les deux critères. Classe Antipsychotiques de 1re génération Médicament Cyamémazine PO (Tercian® ) Cyamémazine IM (Tercian® ) Âge AMM (toutes indications confondues) Nombre de patients par âge (ans) 11 12 13 14 15 16 17 18 Total (% hors AMM) 3 ans (solution buvable) 6 ans (comprimé) « Adulte » 1 3 7 19 24 25 26 6 111 (0) 1 4 7 20 21 26 20 6 105 (94,3) 3 ans (solution buvable) 2 4 5 6 2 19 (0) Lévomépromazine IM (Nozinan® ) « Adulte » 2 4 5 6 2 19 (89,5) Zuclopenthixol PO (Clopixol® ) NR 1 3 4 (0) Zuclopenthixol ASP IM(Clopixol® ) NR 1 1 (0) Zuclopenthixol IM LP (Clopixol® ) « Enfant » 1 2 (0) 1 Diagnostic principal (CIM-10) (nombre de patients) Nombre de prescriptions hors AMM, selon l’indication (%) Nombre de prescriptions hors AMM, selon l’âge et l’indication (%) Troubles graves du comportement avec agitation et agressivité Traitement de courte durée des états d’agitation et d’agressivité au cours des états psychotiques aigus et chroniques F10.25 (1), F20.0 (1), F20.8 (1), F21 (1), F22.9 (1), F23 (1), F23.21 (3), F25.9 (1), F28 (1), F31.0 (1), F31.2 (2), F31.3 (1), F31.4 (1), F32.0 (1), F32.11 (1), F32.2 (4), F32.3 (1), F32.9 (1), F33.9 (1), F40.9 (1), F41.0 (1), F41.8 (1), F43.1 (2), F43.2 (17), F43.25 (1), F43.8 (1), F50.0 (1), F84.8 (4), F90.0 (2), F90.9 (1), F91.0 (1), F91.1 (1), F91.8 (4), F91.9 (10), F92.0 (7), F92.8 (6), F92.9 (14), F98.9 (1), R45.6 (4), Z00.4 (7), Z91.50 (3), « symptomatologie délirante » (1) 0 (0) 0 (0) Troubles graves du comportement avec agitation et agressivité (l’utilisation chez l’enfant de moins de 6 ans est réservée à des situations exceptionnelles en milieu spécialisé) Traitement de courte durée des états d’agitation et d’agressivité au cours des états psychotiques aigus et chroniques États psychotiques aigus et chroniquesd et traitement de courte durée des états d’agitation et d’agressivité au cours des états psychotiques aigus et chroniques Traitement initial des états psychotiques aigus et chroniques États psychotiques aigus et chroniques et troubles graves du comportement de l’enfant avec agitation et agressivité F20.0 (1), F31.3 (1), F43.2 (5), F84.8 (2), F90.0 (1), F90.9 (1), F91.9 (2), F92.8 (3), Z00.4 (3) 0 (0) 0 (0) 0 (0) 99 (94,3) 0 (0) 17 (89,5) F38.0 (1), F43.2 (1), F84.8 (1), F91.8 (1) 0 (0) 0 (0) F84.8 (1) 0 (0) 0 (0) F38.0 (2), F91.8 (2) 0 (0) 0 (0) A. Egron et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 265–278 Lévomépromazine PO (Nozinan® ) Indications AMM (chez les moins de 18 ans, ou chez l’adulte le cas échéant) Tableau 1 (Suite) Classe Médicament Loxapine PO (Loxapac® ) Âge AMM (toutes indications confondues) Nombre de patients par âge (ans) 11 15 ans Loxapine IM (Loxapac® ) 13 14 15 16 17 1 1 1 3 3 9 (22,2) 1 1 1 2 2 7 (28,6) 3 1 5 1 4 Aripiprazole PO (Abilify® ) 15 ansg Amisulpride PO (Solian® ) 18 ans (non recommandé de la puberté à 18 ans, CI < 15 ans) 1 16 ans 1 Amisulpride IM (Solian® ) Clozapine PO (Leponex® ) Rispéridone PO (Risperdal® ) 5 ans 18 10 (30) 2 1 1 2 2 5 10 9 Total (% hors AMM) 7 (71,4) Diagnostic principal (CIM-10) (nombre de patients) Nombre de prescriptions hors AMM, selon l’indication (%) Nombre de prescriptions hors AMM, selon l’âge et l’indication (%) États psychotiques aigus et chroniquesd États d’agitation, d’agressivité et anxiété associée à des troubles psychotiques ou à certains troubles de la personnalité Schizophrénie F23.21 (1), F31.2 (1), F31.3 (1), F38.0 (1), F43.1 (1), F43.2 (1), F91.8 (1), F91.9 (1), Z62.2 (1) 0 (0) 2 (22,2) 0 (0) 2 (28,6) 5 (50) 5 (50) Schizophrénie 1 (100) 1 (0) 8 Indications AMM (chez les moins de 18 ans, ou chez l’adulte le cas échéant) 2 39 (0) 4 (57,1) 7 (100) 1 (100) 1 (100) F20.0 (1) 0 (0) 0 (0) F21 (1), F23.0 (1), F23.2 39 (100) (1), F23.21 (2), F31.4 (1), F43.1 (1), F43.2 (5), F50.0 (1), F84.8 (4), F90.9 (1), F91.1 (1), F91.8 (2), F91.9 (2), F92.0 (4), F92.8 (3), F92.9 (5), R45.6 (1), Z00.4 (2), Z91.50 (1) 39 (100) 269 Patients schizophrènes résistant au traitement et patients schizophrènes qui présentent avec les autres agents antipsychotiques, y compris les antipsychotiques atypiques, des effets indésirables neurologiques sévères, impossibles à corrigere Traitement symptomatique de courte durée (jusqu’à 6 semaines) de l’agressivité persistante dans le trouble des conduites chez les enfants à partir de 5 ans et les adolescents présentant un fonctionnement intellectuel inférieur à la moyenne ou un retard mental diagnostiqués conformément aux critères du DSM-IV, chez lesquels la sévérité des comportements agressifs ou d’autres comportements perturbateurs nécessitent un traitement pharmacologique (+ mesures psychosociales et éducatives)f F20.0 (1), F20.8 (1), F21 (1), F23.2 (1), F23.21 (1), F32.0 (1), F43.2 (2), F91.8 (1), F92.0 (1) F20.0 (1), F22.9 (1), F25.9 (1), F31.2 (2), F31.4 (1), F43.2 (1) F31.2 (1) A. Egron et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 265–278 Antipsychotiques de 2e génération 12 270 Tableau 1 (Suite) Classe Antidépresseurs Âge AMM (toutes indications confondues) Nombre de patients par âge (ans) 11 12 13 14 15 Rispéridone LP IM (Risperdal Consta® ) Adulte (> 18 ans) Olanzapine PO (Zyprexa® ) Adulte (> 18 ans) Acide valproïque PO (Dépakine® ) Enfant Divalproate de sodium PO (Dépakote® ) 18 ans 1 Valpromide PO (Dépamide® ) 18 ans 4 Lithium PO (Téralithe® ) NR Fluoxétine PO (Prozac® ) Fluvoxamine PO (Floxyfral® ) Paroxétine PO (Deroxat® ) 8 ans 8 ans 1 18 ans (« Mises en garde et précautions d’emploi » : « déconseillé chez < 18 ans ») 6 ans 1 Sertraline PO (Zoloft® ) 16 1 1 1 2 5 1 3 1 6 2 17 18 Total (% hors AMM) 1 2 (100) 1 8 (100) 5 (0) 5 5 2 13 (84,6) 5 12 1 28 (96,4) 2 2 (0) 1 1 (0) 1 (0) 1 1 3 2 (50) 8 (0) Indications AMM (chez les moins de 18 ans, ou chez l’adulte le cas échéant) Diagnostic principal (CIM-10) (nombre de patients) Nombre de prescriptions hors AMM, selon l’indication (%) Nombre de prescriptions hors AMM, selon l’âge et l’indication (%) Traitement d’entretien de la schizophrénie chez les patients actuellement stabilisés par des antipsychotiques oraux Schizophrénie, épisodes maniaques modérés à sévères, prévention des récidives chez les patients présentant un trouble bipolaire, ayant déjà répondu au traitement par l’olanzapine lors d’un épisode maniaque Épilepsie F43.2 (1), F92.9 (1) 2 (100) 2 (100) F20.0 (1), F20.8 (1), F23.21 (1), F31.3 (1), F50.0 (1), F84.8 (1), F92.9 (1), Z91.50 (1) 4 (50) 8 (100) Traitement des épisodes maniaques du trouble bipolaire en cas de CI ou d’intolérance au lithium. La poursuite du traitement après l’épisode maniaque peut être envisagée chez les patients ayant répondu au divalproate de sodium lors de l’épisode aigu Prévention des rechutes des troubles bipolaires et des états schizoaffectifs intermittents et traitement curatif des états d’excitation maniaque ou hypomaniaque EDM TOC EDM, trouble anxiété sociale/phobie sociale, TAG, ESPT, TOC et trouble panique, avec ou sans agoraphobie TOC F32.9, F84.8, F92.8, 2 (40) F92.9. Epilespie: avérée (1), non réévaluée (2) 7 (53,8) F20.0 (1), F23.2 (1), F23.21 (1), F31.0 (1), F31.2 (2), F31.3 (1), F31.4 (1), F38.0 (1), F43.2 (2), F90.9 (1), F91.9 (1) F10.25 (1), F21 (1), F22.9 24 (85,7) (1), F31.0 (1), F32.0 (1), F32.11 (1), F32.2 (1), F43.1 (1), F43.2 (2), F84.8 (2), F90.9 (1), F91.9 (5), F92.0 (3), F92.8 (3), F92.9 (1), Z00.4 (1), Z91.50 (2) F31.2 (1), F31.4(1) 0 (0) 2 (40) 12 (92,3) 28 (100) 0 (0) F50.0 (1) F21 (1) 1 (100) 1 (100) 1 (100) 1 (100) F50.0 (1), F92.9 (1) 2 (100) 2 (100) F23.21 (1), F31.4 (1), F84.8 (2), F91.8 (1), F92.0 (1), F92.9 (1), Z00.4 (1) 8 (100) 8 (100) A. Egron et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 265–278 Normothymiques Médicament Tableau 1 (Suite) Classe Âge AMM (toutes indications confondues) Citalopram PO (Seropram® ) 18 ans Escitalopram PO (Seroplex® ) 18 ans Miansérine PO Mirtazapine PO (Norset® ) Hydroxyzine PO (Atarax® ) 18 ans 18 ans 3 ans (sirop) 6 ans (comprimé) Nombre de patients par âge (ans) 11 12 13 14 15 16 1 2 17 1 7 4 12 1 3 (66,7) 1 (100) 1 (100) 1 2 Total (% hors AMM) 3 (100) 2 3 18 8 36 (0) 15 ans Lorazépam PO (Temesta® ) Bromazépam PO (Lexomil® ) Diazépam PO (Valium® ) Prazépam PO (Lysanxia® ) Clorazépate dipotassique IM/IV (Tranxène® ) « Adulte », enfant : comprimé à 1 mga « Adulte »a,b,c « Adulte », utilisation chez l’enfant exceptionnelle et forme comprimé non adaptée pour < 6 ansb « Adulte », utilisation du prazépam non recommandée chez l’enfanta,b « Adulte » 1 1 (0) 1 1 Indications AMM (chez les moins de 18 ans, ou chez l’adulte le cas échéant) Diagnostic principal (CIM-10) (nombre de patients) Nombre de prescriptions hors AMM, selon l’indication (%) Nombre de prescriptions hors AMM, selon l’âge et l’indication (%) EDM, prévention des attaques de panique avec ou sans agoraphobie EDM, trouble panique avec ou sans agoraphobie, phobie sociale, TAG et TOC EDM F32.3 (1), F40.9 (1), Z91.50 (1) 1 (33,3) 3 (100) F32.2 (1), F43.2 (1), F92.9 (1) 2 (66,7) 3 (100) F50.0 (1) F92.0 (1) 1 (100) 0 (0) 1 (100) 1 (100) F20.0 (1), F23.21 (2), F32.11 (1), F32.2 (1), F40.9 (1), F43.2 (6), F90.0 (1), F91.0 (1), F91.8 (3), F91.9 (1), F92.0 (5), F92.8 (1), F92.9 (4), F98.9 (1), Z00.4 (4), Z03.2 (1), Z62.2 (1), Z91.5 (1) 0 (0) 0 (0) F43.2 (1) 0 (0) 0 (0) F92.0 (1) 0 (0) 0 (0) Traitement de 2e intention des insomnies d’endormissement liées à un état d’hyperéveil (vigilance accrue liée à des manifestations anxieuses au coucher), après échec des mesures comportementales seules Manifestations mineures de l’anxiété Traitement symptomatique des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes 1 1 (0) 2 3 (0) F10.25 (1), F43.1 (1), F43.2 (1) 0 (0) 0 (0) 2 3 (0) F43.2 (1), Z91.50 (2) 0 (0) 0 (0) 1 1 (100) F91.0 (1) 0 (0) 1 (100) Urgences neuropsychiatriques : crises d’angoisse paroxystique, crise d’agitation, delirium tremens A. Egron et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 265–278 Anxiolytiques Médicament 271 272 Tableau 1 (Suite) Classe Âge AMM (toutes indications confondues) Alprazolam PO (Xanax® ) « Adulte », enfant : comprimé à 0,25 mgb,c,h Clonazépam PO (Rivotril® ) Clonazépam IM (Rivotril® ) « Enfant » Alimémazine PO (Théralène® ) 3 ans (solution buvable) 6 ans (comprimé) « Adulte » Zopiclone PO (Imovane® ) Zolpidem PO (Stilnox® ) Nombre de patients par âge (ans) 11 12 2 13 1 14 4 15 16 17 18 Total (% hors AMM) 3 3 1 1 8 (0) 4 13 5 3 32 (0) 4 1 2 « Adulte » 1 5 1 (0) 1 1 Diagnostic principal (CIM-10) (nombre de patients) Nombre de prescriptions hors AMM, selon l’indication (%) Nombre de prescriptions hors AMM, selon l’âge et l’indication (%) Traitement symptomatique des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes Épilepsie F32.3 (1), F38.0 (1), F41.8 (1), F43.1 (1), F50.0 (1), F92.9 (3) 0 (0) 0 (0) 7 (0) 1 1 Indications AMM (chez les moins de 18 ans, ou chez l’adulte le cas échéant) 1 9 (88,9) 1 (100) Insomnies occasionnelles et transitoires F20.0 (1), F20.8 (1), F23.0 (1), F23.21 (1), F31.2 (2), F31.3 (1), F31.4 (1), F40.9 (1), F43.2 (3), F84.8 (3), F90.9 (1), F91.8 (2), F91.9 (3), F92.0 (2), F92.8 (2), F92.9 (1), Z00.4 (3), Z62.2 (1), Z91.50 (2), Possible épilepsie (PO) (2) F43.2 (1) F23.21 (1), F43.2 (4), F90.0 (1), F92.0 (1), F92.8 (1), Z00.4 (1) F43.1 (1) 30 (93,8) 30 (93,8) 7 (100) 7 (100) 0 (0) 0 (0) 0 (0) 8 (88,9) 0 (0) 1 (100) PO : per os ; IM : intramusculaire ; IV : intraveineux ; NR : non renseigné ; CI : contre-indiqué ; EDM : épisode dépressif majeur (c’est-à-dire caractérisé) ; TAG : trouble anxiété généralisée ; ESPT : état de stress post-traumatique ; TOC : troubles obsessionnels compulsifs. a Diminuer la posologie de moitié, par exemple. b Rapport bénéfice-risque scrupuleusement évalué et durée du traitement aussi brève que possible. c Aucune étude clinique n’a été conduite chez l’enfant avec. . . d Schizophrénies, délires chroniques non schizophréniques: délires paranoïaques, psychoses hallucinatoires chroniques. e La résistance au traitement est définie comme l’absence d’amélioration clinique satisfaisante malgré l’utilisation d’au moins deux antipsychotiques différents, y compris un agent antipsychotique atypique, prescrits à une posologie adéquate pendant une durée suffisante. f Prescription par un spécialiste en neurologie de l’enfant et en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ou un médecin très familier du traitement du trouble des conduites de l’enfant et de l’adolescent. g Modification de l’AMM de l’aripiprazole en 2014 : épisodes maniaques du trouble bipolaire de type I à partir de 13 ans. h Modification de l’AMM de l’alprazolam : « réservé à l’adulte. La sécurité d’emploi et l’efficacité de l’alprazolam n’ont pas été étudiées chez l’enfant et l’adolescent âgés de moins de 18 ans. Son utilisation n’est pas recommandée dans cette population ». A. Egron et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 265–278 Hypnotiques Médicament A. Egron et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 265–278 Tableau 2 Répartition du nombre de patients en fonction du diagnostic (selon la CIM-10). Sous-groupes de la classification CIM-10 F10–F19 : troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation des substances psychoactives F20–F29 : schizophrénie, trouble schizotypique et troubles délirants F30–F39 : troubles de l’humeur (affectifs) F40–F48 : troubles névrotiques, troubles liés à des facteurs de stress et troubles somatoformes F50–F59 : syndromes comportementaux associés à des perturbations physiologiques et à des facteurs physiques F80–F89 : troubles du développement psychologique F90–F99 : troubles du comportement et troubles émotionnels habituellement (rencontrés) durant l’enfance et l’adolescence R40–R46 : symptômes et signes relatifs à la connaissance, la perception, l’humeur et le comportement Z00–Z13 : sujets en contact avec les services de santé pour des examens divers Z55–Z65 : sujets dont la santé peut être menacée par des conditions socioéconomiques et psychosociales Z80–Z99 : sujets dont la santé peut être menacée en raison d’antécédents personnels et familiaux et de certaines affections Non codé : « symptomatologie délirante » (transféré car hors secteur) Nombre de patients 1 11 16 26 1 5 50 4 9 1 4 1 trouble des conduites chez les enfants à partir de 5 ans et les adolescents présentant un fonctionnement intellectuel inférieur à la moyenne ou un retard mental diagnostiqués conformément aux critères du DSM-IV, chez lesquels la sévérité des comportements agressifs ou d’autres comportements perturbateurs nécessitent un traitement pharmacologique. Le traitement pharmacologique doit faire partie intégrante d’un programme de traitement plus large, incluant des mesures psychosociales et éducatives (. . .) ». Du fait de la durée moyenne d’hospitalisation de l’unité (environ 1 mois), la notion de durée de prescription n’a pas été prise en compte dans cette étude. Par contre, nous avons considéré ces prescriptions hors AMM, dans la mesure où aucun des adolescents hospitalisés à cette période ne présentait de « fonctionnement intellectuel inférieur à la moyenne ou de retard mental diagnostiqués conformément aux critères du DSM-IV ». Ce point peut expliquer en partie la part de prescriptions hors AMM selon l’indication. Par ailleurs, l’analyse s’est faite en distinguant chaque classe de psychotropes sur le plan pharmacologique, mais d’un point de vue thérapeutique et clinique, cette classification n’est pas toujours adéquate (exemple de certains neuroleptiques, telles la cyamémazine ou la loxapine, qui ont été utilisés à visée plutôt anxiolytique). Ainsi, les neuroleptiques conventionnels, utilisés ici principalement pour leur action anxiolytique et non antiproductive, n’ont pas été considérés hors AMM, au vu du contexte d’hospitalisation. Pour les antipsychotiques atypiques, la rispéridone a été notée hors AMM, comme expliqué précédemment. 273 En 2011, l’aripiprazole a l’AMM à partir de 15 ans dans le traitement de la schizophrénie, ce qui correspond au diagnostic de 5 patients hospitalisés cette année-là. Il a également été prescrit pour un trouble de l’humeur, hors AMM. Or en 2014, l’AMM de ce médicament a été modifiée pour le traitement des « épisodes maniaques du trouble bipolaire de type I à partir de 13 ans ». Ce qui conforte le choix du prescripteur. Parmi les normothymiques, le valpromide et le divalproate de sodium sont prescrits hors AMM pour quelques patients. Les diagnostics renseignés sont de l’ordre des troubles du comportement ou troubles schizophréniques, or les symptômes exprimés dans ces circonstances sont difficilement discernables des symptômes de la phase maniaque des troubles bipolaires (indication AMM). L’acide valproïque, indiqué uniquement dans l’épilepsie, est malgré tout utilisé en psychiatrie. Ceci s’explique par le fait qu’il existe une forme solution buvable de l’acide valproïque, qui n’existe pas avec le divalproate de sodium ou le valpromide. Cette forme galénique est parfois préférée aux formes « comprimés », du fait de sa praticité au moment de l’administration. Cette question de l’utilisation des normothymiques, et notamment des valproates dans cette tranche d’âge reste un réel débat dans la littérature [11], et d’autant plus avec les nouvelles recommandations chez les femmes en âge de procréer. Concernant les antidépresseurs, les principaux principes actifs prescrits sont de la famille des Inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine (ISRS). Bien qu’ils ne soient pas prescrits dans le cadre de leurs AMM respectives, si l’on se réfère au diagnostic principal, les ISRS restent les antidépresseurs les plus cités dans les recommandations de prise en charge chez l’adolescent [12]. Les anxiolytiques et hypnotiques n’ont pas été considérés comme hors AMM, du point de vue de l’indication. Les hypnotiques sont indiqués en cas d’insomnies. De même, il est tout à fait compréhensible que les patients aient des difficultés d’endormissement, justifiant une prescription d’hypnotiques (si l’on se concentre uniquement sur l’aspect indication de l’AMM et non l’âge). Cependant, un médicament, le clonazépam, reste prescrit en dehors de son indication AMM qui est l’épilepsie, et ce, pour 93,8 % des patients de l’unité en 2011. L’utilisation fréquente de cet antiépileptique en tant qu’anxiolytique a amené les autorités françaises à renforcer sa réglementation depuis mars 2012. La prescription des psychotropes chez l’adolescent reste un acte délicat, pour le patient comme pour le prescripteur. Le premier document à consulter, qui est le document de référence, est le Résumé des caractéristiques du produit ou RCP. Il indique, à travers différentes rubriques, les modalités de prescription et d’utilisation des médicaments issues du dossier d’AMM. Seulement, ces données concernant les indications, la posologie, la population cible, etc. ne sont pas toujours exhaustives, ni très claires quand il s’agit des enfants ou adolescents [6]. Par exemple, l’âge de l’AMM n’est pas toujours précisé, notamment lorsqu’il est écrit « chez l’adulte ». En effet, selon les AMM, quelles soient françaises ou européennes, l’âge adulte pourrait varier de 15 à 18 ans. Ce manque de données, d’études cliniques réalisées dans la population cible, ou pour une indication précise, incite le prescripteur à rechercher plus d’informations auprès d’autres sources nationales (ANSM, HAS) ou internationales [12,13]. Une des raisons principales reste, outre la notion 274 A. Egron et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 265–278 Tableau 3 Psychotropes ayant une AMM chez les moins de 18 ans, mais non prescrits au CCA en 2011. Classe Médicament Âge AMM (toutes indications confondues) Indications AMM chez les moins de 18 ans Antipsychotiques de 1re génération Chlorpromazine PO (Largactil® ) 3 ans (solution buvable), 6 ans (comprimé) 3 ans (solution buvable) 3 ans (solution buvable) Troubles graves du comportement avec agitation et agressivité Propéciazine PO (Neuleptil® ) Halopéridol PO (Haldol® ) « Enfant » Pipampérone PO (Dipiperon® ) 5 ans (solution buvable) Dropéridol IM (Droleptan® ) « Adolescent » Sulpiride PO (Dogmatil® , Synédil® ) « Enfant » (gélule : > 6 ans solution buvable : âge ?) Tiapride PO (Tiapridal® ) 3 ans (solution buvable), 6 ans (comprimé) Pimozide PO (Orap® ) 6 ans Psychostimulants Méthylphénidate PO (Ritaline® , Quasym LP® , Concerta LP® ) 6 ans Antidépresseurs Clomipramine PO et IM/IV (Anafranil® ) Amitriptyline PO et IM/IV (Laroxyl® ) Moclobémide PO (Moclamine® ) Clotiazépam PO (Veratran® ) 10 ans Anxiolytiques Oxazépam PO (Seresta® ) Clobazam PO (Urbanyl® ) Diazépam IM/IV (Valium® ) Nordazépam PO (Nordaz® ) Clorazépate dipotassique PO (Tranxène® ) Hypnotiques Niaprazine PO (Nopron® ) Témazépam PO (Normison® ) Loprazolam PO (Havlane® ) Estazolam PO (Nuctalon® ) Doxylamine PO (Donormyl® ) Lormétazépam PO (Noctamide® ) « Psychiatrie infantile » 15 ans (CI absolue < 15 ans) « Adulte », enfant : comprimé à 5 mga « Adulte »b,c « Adulte »b « Adulte »b « Adulte »a,b,c « Adulte », utilisation chez l’enfant (> 6 ans) exceptionnelle. Enfant : (gélule à 5 mg)b 3 ans Arrêt de commercialisation en 2012 « Adulte »a,b,c Chorées (mouvements anormaux), maladies des tics de Gilles de la Tourette Troubles graves du comportement (agitation, automutilation, stéréotypie), notamment dans le cadre des syndromes autistiques Traitement de courte durée des états d’agitation et d’agressivité au cours des états psychotiques aigus et chroniques États d’agitation au cours des psychoses aiguës et chroniques et dans les états d’agressivité chez l’adulte (diminution de dose chez l’adolescent) Troubles graves du comportement (agitation, automutilations, stéréotypies) chez l’enfant (de plus de 6 ans pour la gélule), notamment dans le cadre des syndromes autistiques Chorées, maladies des tics de Gilles de la Tourette et troubles graves du comportement avec agitation et agressivité Chorées, maladies des tics de Gilles de la Tourette et troubles graves du comportement, notamment dans le cadre des syndromes autistiques Trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) et narcolepsie (Ritaline® ) Trouble obsessionnel compulsif (TOC) Épisode dépressif majeur (EDM) (c’est-à-dire caractérisé) EDM Traitement symptomatique des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes Urgences neuropsychiatriques : crises d’angoisse paroxystique, crise d’agitation, delirium tremens Traitement symptomatique des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes Insomnie occasionnelle de l’enfant Insomnies occasionnelles et transitoires « Adulte » : 15 ans ? (CI < 15 ans) 15 ans PO : per os ; IM : intramusculaire ; IV : intraveineux ; NR : non renseigné ; CI : contre-indiqué ; EDM : épisode dépressif majeur (c’est-à-dire caractérisé) ; TAG : trouble anxiété généralisée ; ESPT : état de stress post-traumatique ; TOC : troubles obsessionnels compulsifs. a Diminuer la posologie de moitié, par exemple. b Rapport bénéfice-risque scrupuleusement évalué et durée du traitement aussi brève que possible. c Aucune étude clinique n’a été conduite chez l’enfant avec. . . A. Egron et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 265–278 éthique d’effectuer des essais cliniques chez les enfants, le coût élevé de ces études, pour un marché, singulièrement en France, manifestement trop peu rentable. Néanmoins, les pratiques européennes évoluent et suivent le modèle américain avec la mise en place d’une nouvelle réglementation et notamment la « Paediatric use marketing autorisation » (PUMA) [14]. L’objectif affiché de ce règlement est « d’améliorer la santé des enfants en Europe », en incitant au développement de médicaments adaptés aux enfants de toutes tranches d’âge. Une AMM de type PUMA est accordée à une firme pharmaceutique pour l’usage pédiatrique d’une spécialité contenant une substance déjà commercialisée, ou ayant été commercialisée, mais qui n’est plus protégée par un brevet ni par un certificat complémentaire de protection. Afin d’obtenir cette AMM particulière, la firme doit fournir « les renseignements et documents nécessaires pour établir la qualité, la sécurité et l’efficacité du produit auprès de la population pédiatrique, y compris les données spécifiques éventuellement requises pour justifier le dosage, la forme pharmaceutique ou la voie d’administration appropriée du produit ». Par ailleurs, certaines études, essais et exigences en termes de formes pédiatriques et de conditionnement, sont définies dans un plan d’investigation pédiatrique (PIP) validé par l’Agence européenne du médicament (EMA). Afin d’obtenir une AMM de type PUMA, les exigences du PIP doivent être satisfaites. En échange, la firme obtient la protection des données qui ont servi à obtenir l’AMM pour une durée de 10 ans, ce qui revient, en pratique, à un monopole de commercialisation durant cette période. Elle est aussi exemptée de certaines redevances à l’EMA [15]. L’Académie nationale de pharmacie propose en juin 2012 un premier bilan des impacts de la nouvelle réglementation européenne. Bien que la période de cinq ans semble être un délai insuffisant pour mesurer toute la portée de ce règlement, les premiers résultats rapportés apparaissent encourageants. En effet, de 2007 à fin 2011, 29 PIPs ont été considérés comme finalisés et conformes à l’opinion du PDCO (Paediatric committee), soit 29 spécialités pédiatriques nouvelles. Selon la base de données EudraCT, qui permet d’enregistrer les études cliniques en Europe, il apparaît que le nombre d’études cliniques pédiatriques nouvellement enregistrées est en constante augmentation avec environ 350 études par an depuis 2007. De ce fait, au niveau national l’impact de cette nouvelle réglementation devrait avoir un retentissement important pour renforcer le niveau de preuve scientifique dans le domaine pédiatrique et renforcer la sécurité d’emploi des spécialités utilisées dans ce contexte [16]. Certains auteurs critiquent cependant le manque de rigueur quant à l’application du règlement pédiatrique [15]. En dépit des tentatives d’évolution dans ce domaine, le nombre de médicaments possédant une AMM chez les moins de 18 ans est actuellement malgré tout insuffisant. Il est donc important et nécessaire d’encourager le milieu de la recherche clinique dans le but d’améliorer la prise en charge et la protection des jeunes patients, mais également de conforter les prescripteurs dans l’exercice de leurs fonctions. D’autant plus que l’utilisation des psychotropes chez les jeunes patients a augmenté de façon considérable au cours des dernières années. Une étude française, publiée en 2012, fait l’observation d’une augmentation de la prévalence de 275 prescription des psychotropes chez les enfants et adolescents dans des proportions très variables selon les pays et les molécules, pouvant aller de 1,5 à 5 fois dans les 15 dernières années dans de nombreux pays européens et les États-Unis. Ainsi, la prévalence de la prescription pédiatrique des psychotropes en France serait de 2,2 à 3,3 % selon les études contre 6,7 % aux États-Unis. Par contre, la prévalence serait la plus élevée en France pour les hypnotiques et anxiolytiques (2 % vs moins de 1 % pour les autres pays) [17]. Cette tendance est corroborée par d’autres auteurs qui s’intéressent également au sujet en France [18,19] comme à l’étranger [20,21]. Des publications, françaises et internationales, proposent des mises à jour des données de la littérature concernant l’utilisation des psychotropes et des « guidelines » ou recommandations quant aux règles de prescription des psychotropes [22], des antidépresseurs [23], l’utilisation des thymorégulateurs [11,24], ou encore, par exemple, des guidelines concernant la prise en charge pharmacologique de l’agressivité chez les enfants et adolescents [25]. La prescription de psychotropes chez les moins de 18 ans paraît moins problématique à l’étranger qu’en France. Les études publiées sont plus nombreuses et les recommandations concernent les adolescents bien avant l’âge de la majorité française. Ceci peut s’expliquer par une vision différente de la prise en charge psychiatrique dans les pays anglosaxons. Il semble donc intéressant de pouvoir bénéficier de l’apport des études anglosaxonnes, tout en gardant un esprit critique. Il faut noter que les systèmes de classification des maladies mentales sont aujourd’hui sérieusement contestés. La prévalence actuelle des maladies mentales serait, selon certains auteurs, surestimée, à cause des modalités de définition de ces pathologies [11,26]. Une récente publication de François Gonon présente une synthèse des critiques anglosaxonnes concernant les classifications des maladies mentales [27]. Ainsi, selon Lafortune, trois nouvelles tendances peuvent être repérées en matière de pharmacoprescription dans les pays anglosaxons : le rajeunissement des enfants à qui l’on prescrit, une concentration sur les symptômes plus que sur les diagnostics et l’utilisation de plus en plus courante de la polyprescription, souvent motivée par la notion de comorbidité [28]. La critique du modèle américain, avec ses pratiques et notamment son système de classification qui s’avère finalement très contestable, peut s’accompagner de critiques concernant les conséquences de l’utilisation des psychotropes chez les adolescents. L’adolescence est une période de croissance et de développement neurocognitif continus. Les psychotropes, associés à la pathologie, peuvent avoir un impact considérable sur la puberté, la maturation sexuelle, le développement hormonal, la croissance, etc. Bon nombre de publications concernent les effets indésirables des psychotropes chez l’enfant et l’adolescent tels que la pharmacodépendance avec les benzodiazépines [29,30], les problèmes de croissance et de maturation sexuelle avec les ISRS, les effets cardiovasculaires des tricycliques [12], les effets métaboliques (prise de poids, dyslipidémies) dus aux antipsychotiques, amplifiés par l’association avec les normothymiques [11], ou encore les effets neurologiques (sédation, syndromes extrapyramidaux) et endocriniens (hyperprolactinémie, diabète) entraînés par les antipsychotiques [7–9,31–38]. 276 A. Egron et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 265–278 Certains auteurs présentent, par exemple, les risques de survenue de diabète sucré sous antipsychotiques atypiques [39,40]. La survenue de ces effets indésirables chez l’adolescent peut avoir des conséquences néfastes pour son développement physique et psychique. Des effets indésirables non négligeables et mis en exergue récemment comme l’allongement de l’espace QT, retrouvé avec certains ISRS [41], ou encore des anxiolytiques comme l’hydroxyzine [42], font penser qu’il est encore plus important d’effectuer un bilan initial et un suivi cardiologique régulier chez ces jeunes patients. La mise en place d’un traitement incluant des psychotropes chez un adolescent nécessite donc un suivi particulier, mais avant toute instauration, un bilan initial somatique. Le prescripteur est tenu également d’informer les parents et le patient d’une éventuelle prescription hors AMM, dans ce cas, de recueillir leur consentement, à l’aide d’un document approprié. Une fois le traitement prescrit, il est de rigueur de surveiller la survenue d’éventuels effets indésirables. Des guidelines permettant le suivi des enfants et adolescents sous psychotropes ont été publiées dans la littérature [37]. Un document intitulé « Surveillance d’adolescents sous antipsychotiques » a été mis en place dans l’unité, s’appuyant sur les recommandations et les publications existantes [9]. Il propose un suivi à un mois, à trois mois, à six mois puis à un an. Ce type de document est essentiel pour évaluer la tolérance du patient au traitement, mais en pratique, une fois que le patient est sorti d’hospitalisation, le suivi n’est pas toujours effectué à l’extérieur. Ceci nous a conduits à réfléchir à la mise en place d’un outil navette entre l’hôpital et la ville, permettant une prise en charge complète, avec un suivi adapté à chaque adolescent. Il est néanmoins nécessaire de rappeler que prescrire hors AMM n’est pas illégal. En effet, d’un point de vue déontologique, la liberté de prescription est un principe fondamental affirmé par l’article 8 du Code de déontologie médicale, qui reprend l’article R4127-8 du Code de la Santé publique. Selon loi du 29 décembre 2011 (article L5121-12-1 du Code de la santé publique, modifié par loi no 2012-1404 du 17 décembre 2012–art. 57) : « une spécialité pharmaceutique peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’une AMM ou d’une ATU, sous réserve que l’indication ou les conditions d’utilisation considérées aient fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) établie par l’ANSM, ou que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique du patient. . . ». Le médecin reste donc libre de ses prescriptions et peut ainsi, sous son entière responsabilité, prescrire hors AMM. Cette prescription doit être conforme aux données récentes de la science, être nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins et pouvoir être scientifiquement justifiée, notamment par de la bibliographie médicale [43]. De nombreux travaux sur les utilisations hors AMM des psychotropes en pédopsychiatrie sont disponibles dans les banques de données. Le médecin peut ainsi prescrire hors AMM, s’il en informe le patient, si l’ordonnance fait l’objet d’une mention spécifique, et si la prescription est inscrite et motivée dans le dossier médical du patient. C’est donc au médecin d’apporter la preuve « par tout moyen » qu’il a bien informé le patient des risques du traitement proposé. Concernant les patients mineurs, la loi du 4 mars 2002 a de plus souligné le principe de l’autonomie de l’individu et indique qu’il faut informer et rechercher le consentement des titulaires de l’autorité parentale mais qu’il faut aussi informer directement le mineur « d’une manière adaptée à son degré de maturité » et rechercher systématiquement son consentement « s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ». La loi ne fixe pas de limite d’âge et c’est au prescripteur qu’il revient de définir cette « capacité à consentir » de l’enfant ou de l’adolescent, en tenant compte de son âge, mais aussi de son développement pulsionnel, affectif, cognitif et des intrications avec la psychopathologie [44]. Toutefois, le médecin prescripteur n’est pas le seul professionnel de santé dont la responsabilité peut être engagée à l’occasion de la délivrance et de l’administration d’un médicament hors AMM. Elle est partagée avec le pharmacien et les auxiliaires médicaux, notamment les infirmiers. La responsabilité des professionnels de santé peut être lourde en cas de prescription hors AMM, dès lors qu’elle fait courir un risque injustifié au patient. Mais, les autres acteurs du système de santé tels les laboratoires pharmaceutiques, les autorités sanitaires et les organismes d’assurance maladie ont également leur part de responsabilité [45]. En pratique, la prescription hors AMM est possible si l’on respecte les aspects éthique : évaluation de la balance bénéfice-risque, juridique : justification scientifique (niveau de preuve élevé), information au patient (et parents), consentement et traçabilité dans le dossier patient et économique : indication du « hors AMM » sur l’ordonnance (entraînant un non remboursement par la sécurité sociale). L’étude des prescriptions du Centre de crise pour adolescents en 2011 a permis l’analyse de différents aspects, jugés intéressants et pertinents pour le sujet des prescriptions de psychotropes hors AMM chez l’adolescent. Mais elle présente un certain nombre de limites ou de biais dans l’exploitation des résultats : exploitation partielle des données, période d’étude d’une année, sans antériorité ni suivi des patients concernés, analyse du hors AMM subjective, surtout selon l’indication, etc. Ce travail a tout de même permis de faire un état des lieux des prescriptions de psychotropes chez les adolescents au sein de l’unité et de proposer des axes d’amélioration sur différents points. Elle a notamment permis l’élaboration de documents d’aide à l’amélioration des pratiques : tableaux présentant les psychotropes ayant une AMM chez les moins de 18 ans en France, rappel des conditions de prescription hors AMM, mise en place de documents permettant de faire le lien entre l’hôpital et la ville, avec la nécessité d’effectuer un suivi clinicobiologique durant l’hospitalisation, et en ambulatoire. 5. Conclusion La problématique de la prescription des psychotropes chez l’adolescent est un sujet d’actualité controversé. En effet, peu de psychotropes sont autorisés en France chez les moins de 18 ans. Le manque de données, issues des essais cliniques, insuffisamment menés chez ce type de patients, pousse les médecins à A. Egron et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 64 (2016) 265–278 prescrire hors AMM. Or est-ce légal ? La réponse est oui, la prescription hors AMM est autorisée, sous certaines conditions juridiques, économiques et éthiques. L’enquête sur les prescriptions de psychotropes, réalisée sur l’année 2011 au Centre de crise pour adolescents a permis de faire le point sur les pratiques au sein de ce service. Ainsi, 129 patients, âgés de 11 à 18 ans, ont été hospitalisés sur une durée moyenne d’un mois dans l’unité. Le taux de prescriptions hors AMM retrouvé est de 38 %, si l’on considère uniquement l’âge des patients, et de 56,4 % si l’on y ajoute un non-respect de l’AMM vis-à-vis de l’indication. La comparaison aux quelques rares études du même type est difficile à faire, mais la conclusion reste identique: les médicaments autorisés chez les moins de 18 ans sont trop peu nombreux, mais surtout, les psychiatres français sont confrontés à un cruel manque de données concernant ces médicaments et leur utilisation dans cette population. En effet, les RCP ne livrent que peu d’informations concernant de rares essais cliniques, et malgré le souci d’amélioration du système français, avec la publication de recommandations par les autorités compétentes, la proposition de consensus, sur lesquels les différentes « tendances » de la pédopsychiatrie française sont d’accord, reste difficile. C’est pourquoi les psychiatres français sont amenés à se référer aux recommandations anglosaxonnes (pour la plupart), qui permettent de combler les lacunes et besoins de la psychiatrie française, mais restent toutefois critiquables. Les systèmes de classifications des pathologies psychiatriques étant remis en cause par certains auteurs, est-ce vraiment nécessaire et judicieux de prescrire précocement et « largement » des psychotropes, aux effets indésirables parfois graves, pouvant entraîner des séquelles chez les adolescents ? La question se pose. Les résultats de cette étude sont donc à interpréter en fonction de ses limites, elle présente néanmoins des points positifs. C’est avant tout une évaluation des pratiques professionnelles qui a permis de faire un état des lieux de la prise en charge psychiatrique au sein de l’unité, et notamment des prescriptions hors AMM. Ce travail a permis la réalisation de documents d’aide à l’analyse pharmaceutique et la discussion de projets à mettre en place pour améliorer les conditions de prise en charge des adolescents au sein de l’unité, et la nécessité d’un suivi clinique et biologique en ville, après l’hospitalisation. L’importante utilisation hors AMM des psychotropes chez l’adolescent met en exergue la nécessité d’études prospectives évaluant l’efficacité et la sécurité des médicaments en pédopsychiatrie, mais avant tout, la nécessité de documenter la prescription hors AMM. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts. 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