Guy CAIRE - fonds pour la recherche en ethique economique

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Le travail dans la globalisation: une lecture systémique
Caire Guy, Professeur émérite Paris X Nanterre
Relisant, quarante ans après sa soutenance en 1957, sa thèse de doctorat republiée grâce à l'obligeance de deux
de ses disciples,- à l'égard desquels il convient de manifester toute notre gratitude- André Nicolaï dit éprouver
deux sentiments : "nausée" d'une part, "autosatisfaction" d'autre part. La première proviendrait de la trop
grande abstraction du texte (qui en fait, il est vrai, est parfois d'une lecture difficile) et d'un certain nombre
d'insuffisances parmi lesquelles nous nous bornerons à retenir "une sous estimation de la faculté du
capitalisme à renaître, tel le Phénix, de ses cendres, par exemple aujourd'hui, grâce à l'informatisation et à la
mondialisation "
1
. Par contre le narcissisme trouverait, quant à lui, autosatisfaction dans " l'hypothèse centrale
de la nécessaire articulation entre schémas de comportement et schémas de structures" (impliquant ) "que les
rapports sociaux et les comportements préexistent aux futurs agents et que ceux-ci les intériorisent sous forme
de normes, d'idéaux et donc de modèles de comportement avant d'en devenir -comme acteurs- les supports,
que ces agents sont effectivement d'abord des agis.. Mais devenus acteurs et supports du système, ils peuvent
aussi en devenir les auteurs
2
Retenant pour notre part cette vision systémique selon laquelle les structures déterminent les comportements
sociaux, nous tenterons de comprendre ce qu' informatisation et mondialisation, caractéristiques de ce qu'il est
convenu aujourd'hui de définir la globalisation
3
apportent comme nouveauté. Ceci en nous centrant sur le
travail (travail salarié) qui est tout à la fois structure sociale et comportement collectif.
Depuis 1957 ( date à laquelle nous soutenions nous même notre thèse de doctorat
4
) le monde a en effet
profondément changé. A cette date nous étions dans ce qu'il est convenu d'appeler Les trente glorieuses: les
préoccupations étaient alors celles de la modernisation de notre économie par la voie de la planification
5
dans
un contexte de plein emploi et d'un essor de l'Etat social. Une politique des revenus
6
tentait de nous préserver
de l'inflation. Le syndicalisme se manifestait sur la scène publique obtenant des résultats positifs comme on a
pu le voir en 1968
7
. Entré aujourd'hui dans Les trente piteuses, le cadre socio-économique et les
préoccupations politiques sont tout autres. Les années qui suivent et qui seront marquées, au plan politique, par
la chute du mur de Berlin à l'automne 1989, seront caractérisées, au plan économique " par l'expansion des
entreprises transnationales, une croissance énorme des flux financiers et commerciaux, des progrès rapides
des techniques de production et des réseaux de communication, par l'influence grandissante sur la scène
internationale des acteurs non étatiques"
8
Dans les entreprises, grandes ou petites, se multiplient les plans de
licenciements des travailleurs. Le chômage, y compris de longue durée, revêt une ampleur inhabituelle. On
comprend , dès lors, qu'un sondage de la SOFRES en février 2995 ait pu montrer que 73% des français
1
André Nicolaï¨, Comportement économique et structures sociales (L'Harmattan 1999 p.8-ç)
2
idem p1O-11
3
Apparu dans les années 1980 et faisant ensuite l'objet d'une large utilisation tant par les géographes, les politistes mais surtout les
économistes, le terme de globalisation mérite quelques précisions. La mondialisation s'est amorcée en 1492 avec la découverte de
l'Amérique. Elle s'est diversifiée et intensifiée au cours du XIXe siècle avec la colonisation et l'essor de l'investissement
international. Elle s'est métamorphosée dans les années I980 avec la montée en puissance des multinationales et la croissance des
marchés financiers favorisée par l'essor des nouvelles technologies, le tout étant constitutif de la globalisation, phase nouvelle du
système capitaliste. On peut sans doute faire remonter cette terminologie à un article de T. Levitt dans un numéro de 1983 la
Harvard Business Review pour désigner la convergence des marchés dans le monde à travers l'action d'une nouvelle forme
d'entreprise, la " firme globale". Ohmae précisera, par la suite, que cette activité des firmes multinationales concerne non
seulement le commerce mais aussi la production, l'ingénierie, la finance , le recrutement et la recherche-développement. L'OCDE
propose un découpage en trois temps de ce processus en cours: " l'internationalisation (depuis le milieu du XIXe siècle) correspond
au développement des flux d'exportation; la transnationalisation (surtout depuis 1945) est liée à l'essor des flux d'investissements
directs étrangers et des implantations à l' étranger; la globalisation (depuis les années 1980) traduit la mise en place de réseaux
mondiaux de production de financement et d'information " (Vincent Baudraud et Gérard Marie Henry , La mondialiisation ,
Studyrama 2012 p.22-23)
4
Guy Caire , Le syndicalisme et l'automation (La pensée universitaire 1957)
5
Guy Caire, La planification, techniques et problèmes (Editions Cujas 1967); Deuxième édition revue et augmentée 1972
6
Guy Caire, Les politiques des revenus et leurs aspects institutionnels ( BIT1968)
7
Guy Caire, Les syndicats ouvriers (PUF 1971)
8
Pierre de Senarclens, La mondialisation, théories, enjeux et débats, P. VII (Armand Colin 2005)
2
considéraient la globalisation comme une menace pour l'emploi Les cours de la Bourse sont surveillés de près
de même que les appréciations des agences de notation. La dépendance à l'égard des agences de Bruxelles ou
d'organismes internationaux lointains comme le FMI ou l'OMC est ressentie fortement. La rentabilité , voire la
survie des entreprises sont dites compromises par des charges fiscales ou sociales jugées excessives. A
l'heure de la financiarisation triomphante jamais les inégalités sociales n'ont été aussi fortes: ainsi la fortune
des 85 personnes les plus riches est équivalente à celle détenue par les 3 milliards d'individus les plus
démunis; La CNUCED ou le PNUD dans ses Rapports sur le développement humain mettent l'accent sur
l'aggravation des inégalités sociales dans un contexte de " croissance sans emploi les emplois sont souvent
de durée aléatoire, précaire ou à temps partiel". Notons aussi, lourd d'implications, le changement dans le
système des valeurs accompagnant cette mutation: " la mondialisation comprend actuellement l'essor d'une
idéologie utilitaire le profit devient la mesure du succès de toute activité humaine, ce qui a pour effet de
déconsidérer les valeurs et projets échappant à cette logique, aussi bien que les institutions contribuant à
l'intégration juridique qui sont fondées sur des principes de justice, d'égalité et de respect des droits de
l'homme"
9
Pour comprendre ce que représente et signifie cette insertion dans un monde nouveau nous nous servirons des
concepts utilisés par André Nicolaî, avec la signification qu'il leur prête, et adopterons, comme lui, une
démarche ternaire en traitant successivement des structures, des comportements et enfin de la dynamique du
système. 1. Structures
Partons de la définition des structures que nous propose André Nicolaï :"agencement cohérent et spécifique de
rapports réels et objectifs entre individus groupés jouant dans cette ou ces activités des rôles complémentaires
et différenciés"
10
. Les structures sont donc "des interdépendances entre agents et qui s'imposent à eux, qu'ils
trouvent constituées et qu'ils perpétuent en en devenant les supports dans une différenciation et une
complémentarité des rôles qui définit leur situation
11
Suivant encore en cela André Nicolaï nous
considérerons tour à tour les structures économiques et les structures sociales
Au plan économique cette phase de la mondialisation qu'est la globalisation, se caractérise par l'explosion des
flux. Tous les analystes qui se sont interessés à la question se rencontrent pour retenir quatre catégories de
flux
12
Ces flux concernent tout d'abord le commerce. Entre I980 et 2006 le commerce mondial a été multiplié
par 3 pour les biens et par 4,1 pour les services, la production ne l'étant, quant à elle, que par 1,8 La part des
produits manufacturés dans les échanges mondiaux est passée de 52 à 82%. Dans ces échanges le commerce
"captif" d'échanges entre les sociétés mères et les filiales représente plus des 2/3 du commerce mondial.
L'argent constitue, lui aussi, un des grands vecteurs de la globalisation ou, ce qui en est une autre
dénomination, de la financiarisation. "La globalisation financière traduit le fait que les capitaux sont
davantage mobiles entre les nations, mais aussi que les actifs financiers sont davantage substituables entre
eux"
13
Pour assurer la circulation et la fructification des eurodollars ou des narcodollars toute une série
d'innovations ont vu le jour : la titrisation qui transforme tout élément économique en titres négociables,sur le
marché, les produits dérivés qui concernent les contrats d'achat ou de vente d'actifs à une date fixée dans le
futur mais à un prix déterminé à l'origine, les swaps qui permettent d'échanger des risques de change ou de
taux. La globalisation financière représente un phénomène massif. Les différentes places financières sont de
plus en plus connectées par les télécommunications et fonctionnent en continu. Sur ce marché, à côté des
institutions financières traditionnelles, interviennent banques, investisseurs institutionnels et firmes
multinationales avec leurs investissements directs à l'étranger (IDE) passés de 50 milliards de dollars en 1980
à 1OOO en 2005. Ces capitaux transitent souvent par les paradis fiscaux. Cette sphère financière est de plus en
plus autonome par rapport à la sphère productive Les flux évoqués concernent également les hommes. Fait
social ordinaire mais complexe la migration se décline en différents modalités: on peut ainsi distinguer les
migrations d'établissement, de travail, familiale, étudiante, de réfugiés et de demandeurs d'asile, illégales, de
9
idem p. 257
10
André Nicolaî, op. cité p.(81
11
André Nicolaï , op. cité p.43
12
Par exemple Philippe Moreau Desfargzes, La mondialisation, PUF 1997 p.27 et sq, J.L Mucchielli, La mondialisation, chocs et
mesure, Hachette 2008 ou Vincent Baudraud et Gérard Marie Henrfy, La mondialisation, Studyrama 2012 p.62 et sq.
13
J.P. Allegret Globalisation financière: quels enjeux pour le système monétaire international, Informations et commentaires avril-
juin 1996 reproduit in Problèmes économiques n°2541 -2542 des 5-12 novembre I997 p.14
3
tourisme
14
. Aux migrations européennes qui caractérisaient encore le XIXe siècle se sont substituées les
migrations multidirectionnelles, internes aux pays avec le développement de l'urbanisation qui engendre des
mégapoles, internationales, que ce soit avec les flux provisoires du tourisme dont les déplacements se sont
multipliés par 14 entre I950 et I990, ou de façon définitive avec des migrations aux origines politiques,
économiques ou sociales. On compterait actuellement quelques 175millions de migrants soit 2,5% de la
population mondiale Dans 41 pays les migrants en viennent à représenter 2O% de la population Quand on
évoque les migrations on pense le plus souvent aux travailleurs des pays en voie de développement à la
recherche d'un gagne pain qui n'hésitent pas à affronter les difficultés d'une traversée maritime vers
Lampedusa mais, répondant aux besoins des firmes multinationale, cette migration concerne aussi une élite
professionnelle, la migration des "cerveaux" générant un marché mondialisé des compétences. La globalisation
concerne enfin un quatrième flux, celui de l'information qui, avec l'internet, assure la connaissance
instantanée de tout événement venant à se produire, où que ce soit, dans le monde. "Les fils du réseau mondial
sont des ordinateurs, des fax, des satellites, des écrans de haute résolution, des modems; ils relient entre eux,
partout dans le monde, les dessinateurs, les ingénieurs, les entrepreneurs, les concessionnaires et les
revendeurs"
15
. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication ( NTIC) génèrent la e-
économie qui, outre les infrastructures électroniques englobe le e-business (production entreprise par
l'utilisation du réseau de médias) et le e-commerce (transactions effectuées par ces mêmes intermédiaires) Le
télétravail concerne des emplois qui ont pu être distanciés grâce à l'introduction des technologies nouvelles de
télécommunication dans le procès de travail; il intègre toute activité de service dont la réalisation s'effectue à
distance du centre de décision, dans des lieux qui sont structurés de façon industrielle; il utilise les moyens de
communication électroniques, permettant l' '"nteractivité". Le concept de travail s'en trouve transformé et la
condition ouvrière en est affectée : " l'éclatement voire la disparition de la notion d'espace géographique du
travail, la distanciation des rapports entre le "travailleur" et son "donneur d'ordre", le séquencement et la
nomadisation des composantes traditionnelles du travail, la place de plus en plus prépondérante de
l'immatériel, sont autant de caractéristiques qui fragilisent les référents comptables traditionnels, interrogent
très sérieusement les aspects juridiques, questionnent les rapports sociaux et posent la question de l'adaptation
des compétences individuelles et collectives des travailleurs"
16
Si nous nous intéressons à l'influence de l'essor
de l'informatique sur la condition ouvrière il nous faut observer qu'Internet peut, à cet égard, remplir un double
rôle. D'une part réaliser dans le travail cette surveillance de tous les instants qu'on peut aussi d'observer pour la
vie privée. Permettre, d'autre part; de travailler ailleurs que dans le lieux habituels d'activité, usine ou bureau,
et aussi en dehors des horaires usuels.:On ne saurait trop insister sur cette dernière caractéristique qui
constituerait à l'heure actuelle un aspect essentiel de la globalisation.Le Harper dictionary of soociology ne
définit-il pas cette dernière comme "un processus multifacettes dans lequel le monde devient de plus en plus
interconnecté et la communication devient instantanée"? L'utilisation des technologies nouvelles de
l'information qui permet à certains Etats de pratiquer un espionnage à l'échelle mondiale permet également aux
multinationales de repérer les goûts et besoins des consommateurs et éventuellement de conditionner leurs
choix.
Si nous passons de l'entreprise avec ses caractéristiques qui permettent de repérer les structures sous leur
aspect technique aux travailleurs qui en sont les acteurs agissant , nous pouvons tenter de cerner leur situation
à l'heure de la globalisation à l'aide d'une série de quelques données statistiques ayant simple valeur
d'illustration
17
. En 2012 la population active en France était estimée à 28, 6 millions de personnes de 15 ans ou
plus (soit 1,2 millions de plus qu'en 2005) dont 25, 8 millions avaient un emploi et 2, 8 millions étaient au
chômage. La population inactive était, quant à elle, au nombre de 21,8 millions. Entre sexes la population
active est relativement équilibrée (13, 639 millions de femmes contre 14,927 millions d'hommes) tandis que la
population inactive est davantage sexuée (12, 666 millions de femmes contre 9,181 millions d'hommes), ce qui
reflète à la fois des rôles sociaux différenciés et une durée de vie féminine plus longue. Les salariés
14
B Badie et autres ,Un autre regard sur les migrations, La Découverte 2008 p.22. D'autres typologies des migrations sont
possibles. On peut ainsi établir des typologies spatiales, sociales et culturelles suivant les logiques migratoires, chacune d'entre elles
se déclinant en différentes variantes C. Wihtol de Wenden , Un essai de typologie des nouvelles mobilités, Hommes et migrations
1233 septembre octobre 2001
15
A. Reich, L'conomie mondialisée, Dunod 1993 p.IO2
16
Carmona, Schneider, Di Ruzza, Le Roux et Vandercammen, Le travail à distance, Analyses syndicales et enjeux européens,
op.cité p.18
17
Une photographie du marché du travail en 2012, INSEE Première n° 1468 septembre 2013 reproduit in Problèmes économiques n
n°3O78 décembre 2013
4
représentent 83,5 % des actifs occupés. Si on considère leur appartenance aux groupes socio-professionnels,
on peut interpréter ( à travers les rubriques cadres et employés) les données disponibles comme révélatrices
d'un plafond de verre pour les femmes et d'un large emploi de celles-ci dans le tertiaire; agriculture , industrie
et surtout construction restant très masculinisées. 86, 5% des salariés sont en CDI, 9, 6% en CDD, 2, 2% en
intérim et 1,7% en apprentissage. Le temps partiel qui concerne 18 % des personnes en emploi est très
largement féminisé (30,3% pour les femmes contre 6,9 pour les hommes). Le chômage touche surtout les
jeunes (23,9%), les ouvriers (14,4%) , les moins diplômés (17,1%). Si le chômage est plus élevé chez les
jeunes il est plus durable chez les plus âgés (54, 6% des plus de 5O ans sont à la recherche d'un emploi depuis
plus d'un an et 34,9% depuis plus de deux ans).tiennent Les firmes multinationales tiennent bien évidement
compte de ces données pour recruter du personnel qui sera emplodans des statuts variés :CDI ou CDD
certes, mais aussi dans de nouvelles formes d'emploi qui se développent actuellement : travail par mission,
détachement, prêt de main d'œuvre, portage salarial, embauche par des groupements d'employeurs ou pratique
des coopératives d'activité qui permettent de créer de l'emploi au sein d'une entreprise que l'on partage avec
d'autres entrepreneurs.
Disposant de ces quelques données qui constituent l'univers dans lequel elles opèrent, il est maintenant temps
de cerner les caractéristiques essentielles de ces firmes multinationales
18
qui, selon un rapport de la CNUCED
de 2005 étaient au nombre de 7000 en I960 mais sont aujourd'hui 75.OOO contrôlant 800.OOO filiales
assurant plus du tiers de la production mondiale et qui, selon le BIT occupaient au milieu des années quatre
vingt environ 65 millions de personnes dont 43 millions dans les pays d'origine et 22 millions à l'extérieur..
L'entreprise multinationale est multifonctionnelle. Sa chaîne de valeur comprend d'une part des activités
hiérarchisées au sein du processus de production (logistique interne, production , logisttque externe,
commercialisation et vente, services) et d'autre part des activités de soutien à ce même processus de production
(fonctions d'achat, de recherche, de gestion des ressources humaines) fonctions qui peuvent être réparties de
façon diverse entre entreprise mère et filiales. La firme multinationale est en même temps multiproduits qui
peuvent être les uns et les autres à différents stades de leur cycle de vie (émergence, croissance; maturité,
déclin) pouvant générer aussi des processus éventuels de délocalisation. Pour acquérir le statut de
multinationale l'entreprise doit disposer d'atouts initiaux, absolus ou relatifs, qui peuvent être de nature divers
(détention d'une marque, avantage technologique ou savoir faire spécifique, accès privilégié aux marchés,
obtention d'économies d'échelle ou de gamme, politiques gouvernementales favorables) et disposer ensuite de
ressources pour surmonter les barrières à l'entrée. Cette implantation à l'étranger " répond à des motivations
très variées: faciliter la pénétration des marchés (en achetant une part de marché, en produisant à proximité des
débouchés, en satisfaisant la clientèle en matière d'après vente); accéder à des ressources rares, comme un
réseau de distribution ou un potentiel d'innovation; diminuer les coûts (salariaux, énergétiques, de transport);
imiter les concurrents (suivre pour être informé, bénéficier des mêmss avantages (bassin de sous traitants
locaux, école française…); renforcer la gamme de produits; contourner certains obstacles protectionnistes
tarifaires ou non (marchés militaires, normes sanitaires)
19
, motivations pouvant en définitive être regroupées
en trois catégories: recherche de meilleures conditions d'offre, de coûts, de position concurrentielle . Les
relations qui s'établissent entre la maison mère et ses filiales peuvent se répartir entre quatre cas de figure " -
Ethnocentrique: la culture organisationnelle de la société mère est supposée meilleure que celle des filiales. En
vertu de ce principe, toutes les décisions stratégiques sont prises au niveau du siège, les filiales sont dirigées
par des expatriés et la gestion du personnel est centralisée; - Polycentrique: dans ce cas, chaque filiale
étrangère a sa propre stratégie, le nombre d'expatriés est faible et il n'existe pas de politique du personnel
unifiée; -Régiocentrique: dans ce cas d'entreprise, le monde est divisé en gions supposées plus ou moins
homogènes culturellement. Seules les décisions très importantes sont prises au niveau mondial, les autres,
selon leur degré, l'étant au niveau du siège régional ou national. La mobilité est importante à l'intérieur d'une
région, et la politique du personnel est déterminée au niveau régional: -Géocentrique: dans cas de figure
souvent présenté comme un ideal type à approcher, il y a égalité des chances pour toutes les nationalités
représentées dans le groupe. Les décisions stratégiques sont prises dans un siège supposé mondial. La politique
du personnel se veut globale et ne doit pas exprimer les préférences d'une nationalité particulière"
20
II Comportements
18
Jean Louis Mucchielli, Multinationales et mondialisation, , Editions du Seuil 1998
19
E. Marthieu, Introduction: l'industrie en première ligne, SESSI Collection , chiffres, clés analyse 1998, extraits in Problèmes
économiques n°2586 du 14 octobre I998
20
A. Mendez, Vers une globalisation de la gestion des ressources humaines ? Les cahiers français n°333 p.39
5
De même que nous avons adopté la définition des structures proposée par André Nicolaï, faisons notre celle
qu'il nous propose pour les comportements : "agencement cohérent et spécifique d'opérations matérielles et
symboliques par lesquelles des individus aux rôles différenciés complémentaires s'adaptent à la situation
objective où ils sont placés comme supports de structures" et par lequel "l'individu reprend implicitement à son
compte les déterminations sociales intériorisées (sa personnalité de base) et extérieures ( sa situation
structurelle) dans la conscience immédiate qu'il a, à tout moment, du milieu qui l'entoure"
21
Entrons à
l'intérieur de ces entreprises multinationales qui nous intéressent au premier chef et dont on ne saurait, à
l'heure actuelle, sous estimer le poids. La CNUCED estimait leur nombre en 2007 à 64.000 contrôlant
870.000 filiales contre à peine 7000 vingt ans plus tôt, employant 86 millions de travailleurs dont 12 millions
dans les pays en voie de développement, 60% d'entre eux travaillant dans les entreprises mères
22
Dans ce
vaste monde trois pratiques entrepreneuriales, ayant une profonde incidence sur la condition ouvrière, peuvent
être évoquées concernant respectivement les types d’organisation des activités productives qui ont vu le jour
dans la riode récente, les objectifs poursuivis par l’entreprise, les nouveaux modes d’évaluation des
aptitudes et les formes de rémunération en résultant, toutes évolutions qui ont déstabilila firme fordiste,
modèle dominant pendant la période des « trente glorieuses » et généré des comportements spécifiques aux
«trente piteuses ».
Une première transformation concerne donc les structures de. La firme fordiste était caractérisée par un degré
d’intégration et de diversification relativement élevé. Mais, avec la conjoncture nouvelle, les grandes firmes
ont opté pour des stratégies d’externalisation et un "recentrage sur leur métier" défini par les compétences
distinctives que possède la firme
23
. C’est ainsi que dans l’automobile, l’électronique, les sièges, les
équipements de bord, les pare-chocs, les blocs optiques ont été confiés à des sous traitants, le constructeur se
consacrant à la conception de nouveaux véhicules, à leur assemblage, au marketing et au financement des
ventes. Un processus analogue s’observe dans l’aéronautique. Ailleurs on peut relever l’externalisation déjà
ancienne des services de nettoyage ou d’entretien et celle, plus récente, de gestion de l’informatique voire de
gestion du personnel. Lorsque les médias évoquent les processus de délocalisations ils se réfèrent très
généralement à des fermetures d'établissements en France et à leur transfert à l'étranger où les coûts de la main
d'œuvre sont beaucoup plus faibles mais il existe aussi des formes de délocalisation dont on parle moins ,
celles notamment permises par l'informatique avec en particulier la délocalisation des centres d'appel dans les
pays du Maghreb ou la gestion informatique en Inde de nombre d'opérations financières d'entreprises
occidentales. La délocalisation n'est dans ce cas qu'une forme particulière de sous-traitance. L’externalisation
permet tout à la fois de réaliser des progrès en matière de performances et de qualité et d’obtenir des baisses de
coûts, le fournisseur réalisant des économies d’échelle en oeuvrant éventuellement pour différents
commanditaires et en offrant le plus souvent des conditions salariales moins intéressantes que la firme qui
externalise et des conventions collectives moins favorables pour ce qui concerne les avantages annexes. On ne
peut donc s'en tenir à l'image d'une entreprise qui serait une sorte de vase clos. S'impose la notion
d'organisations en réseaux, expression qui peut recouvrir soit des ensembles constitués d'unités dispersées mais
appartenant en propre au même groupe, soit des regroupements de plusieurs entités pouvant être fédérées sous
une même autorité (mutuelles ou coopératives par exemple) ou pouvant être simplement reliées entre elles par
des rapports contractuels (du type contrats de concession ou de franchise). Partenariats, alliances, coopérations
inter -entreprises , districts industriels, franchises commerciales sont, parmi bien d'autres, et fortement aidées
par les ressources offertes par les nouvelles technologies de l'information et des communications, autant de
formes d'organisation en réseau qui associent des entreprises évoluant dans des domaines complémentaires.
L'INSEE qui s'est intéressée à ces nouvelles modalités organisationnelles a montré que ces réseaux, de
dimension éventuellement internationale, peuvent prendre différentes formes compte tenu des liens juridiques,
financiers, administratifs, informationnels qui les caractérisent, qu'ils peuvent viser différents objectifs
pouvant concerner des fonctions techniques (mise en commun de documentation, partage des méthodes et de
normes communes, fonction de contrôle-qualité, transfert ou mise en commun de technologie, partage du
marché) ou, plus rarement, des échanges de personnel ou encore, davantage pratiquée, l'organisation de
formations communes
24
Ces nouvelles formes d'organisation ne sont pas sans avoir des répercussions sur le
personnel Avec l’apparition de la firme réseau, qui substitue à la quasi intégration verticale la quasi-
21
André Nicolaï , op. cité p.181
22
Pierre de Senarclens op.cité p.68
23
R. Boyer et J. P. Durand, L’après fordisme, Syros 1993
24
Les réseaux d'entreprises, des collectifs singuliers, INSEE méthodes n°67-68
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