10 D-3-05
17 novembre 2005 - 2 -
INTRODUCTION
Par un arrêt de sa première chambre civile du 20 avril 1983, la Cour de cassation avait considéré la clause
de réversibilité de l’usufruit comme une donation à cause de mort ou donation de biens à venir, l’usufruit faisant
l’objet de la libéralité ne prenant effet qu’au décès du donateur. En matière de publicité foncière, la clause de
réversibilité n’avait pas à être publiée lors de la donation, mais la réversion effective d’usufruit devait être
constatée dans une attestation notariée publiée au moment du décès, en application des articles 28 et 29 du
décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.
Par deux décisions de la première chambre civile en 1997 puis 2000, la Cour de cassation avait amorcé
un revirement de jurisprudence en analysant la réversion d’usufruit en une donation à terme de biens présents.
Cette évolution est confirmée par l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour du 6 novembre 2002.
La présente instruction a pour objet de présenter la nature juridique de la clause de réversibilité d’usufruit
et l’incidence de la qualification désormais retenue par la Cour de cassation en matière de publicité foncière.
Section 1 : Nature juridique de la clause de réversibilité
Dans son arrêt du 6 novembre 2002, la Cour de cassation considère que la clause de réversion d’usufruit
contenue dans un acte de donation s’analyse en une donation à terme de biens présents. Le droit d’usufruit du
bénéficiaire lui est définitivement acquis dès le jour de l’acte, seul l’exercice de ce droit d’usufruit étant différé au
décès du donateur.
La clause est considérée comme une mutation entre vifs. Le donataire a un droit actuel sur le bien dès le
jour de l’acte bien que son exercice soit différé au décès du donateur. En effet, l’usufruit, par son caractère
viager, est intransmissible à cause de mort et s’éteint automatiquement au décès de son titulaire. Le droit figure
dans le patrimoine du bénéficiaire dès le jour de la donation mais ne pourra être exercé qu’au décès du donateur.
Ainsi, le donateur consent, dans le même acte, deux donations entre vifs, l’une de la nue-propriété du bien
ayant un effet immédiat et l’autre de l’usufruit de ce bien dont l’exercice est reporté au décès du donateur. En ce
qui concerne l’usufruit, l’acte de disposition à titre gratuit contient deux clauses : la clause de réserve d’usufruit du
donateur à son profit et la clause de constitution d’un usufruit successif (réversion d’usufruit au profit d’un
membre de la famille, généralement l’époux, ou d’un tiers).
Section 2 : Incidences en matière de publicité foncière
Sous-section 1 : La publication de la clause de réversibilité de l’usufruit
La clause de réversibilité au profit du conjoint survivant de l’usufruit réservé dans un acte de donation est
publiée à la conservation des hypothèques en vertu des dispositions du 1° de l’article 28 du décret du
4 janvier 1955 précité, qui prévoit que sont publiés au bureau des hypothèques les actes qui constatent entre vifs
la constitution de droits réels immobiliers autres que les privilèges ou hypothèques.
Le droit est définitivement acquis dès le jour de la constitution de la réversion d’usufruit. A ce titre, il
constitue un droit actuel au sens du 1° de l'article 4 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 pris pour
l’application du décret du 4 janvier 1955 précité. Il en résulte que le fichier doit être annoté en conséquence lors
de la publication de l’acte de donation contenant la clause de réversibilité. Il n’est donc plus nécessaire d’exiger la
publication d’une attestation notariée au moment du décès du donateur pour constater l’effectivité de la clause de
réversibilité.
La clause de réversibilité contenue dans l’acte de donation doit répondre aux exigences des règles de
publicité foncière notamment en matière d’identification des personnes, telles qu’elles sont prévues à l’article 5 du
décret du 4 janvier 1955 précité. Ainsi, l’identité du bénéficiaire de l’usufruit en second et, le cas échéant des
autres bénéficiaires successifs, doit être certifiée par le rédacteur de l’acte. La publication au fichier immobilier est
effectuée en identifiant le bénéficiaire de l’usufruit en second, et les autres bénéficiaires successifs éventuels, et
en annotant la formalité de l’exercice différé du droit d’usufruit.