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SOCIÉTÉ |CERVEAU |No14,2AVRIL 2013 |MIGROS MAGAZINE |
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|MIGROS MAGAZINE |No14,2AVRIL 2013 |SOCIÉTÉ |CERVEAU
Les oublis sont un signe précurseur
de la maladie d’Alzheimer.
Vrai et faux. Oublier où l’on a parqsa
voiture, perdre ses clés,ne plus se sou-
venir du nom d’une personne… Ces
troubles sont-ils banals et liés à l’âge ou
pathologiques? Question difficile,
puisque le vieillissement du cerveau
s’accompagne souvent de troubles de la
mémoire, mais que ceux-ci n’évoluent
pasforcément vers une maladie. Une
chose est sûre: plus l’on vieillit, plus le
risque de développer une pathologie de
type Alzheimer est grand. Pour déceler
cette maladie,mieux vaut consulter un
spécialiste, qui emploiera des méthodes
sophistiquées,tests de mémoire et ima-
gerie par résonance magnétique, pour
faire un diagnostic précis.
La maladie d’Alzheimer
est en augmentation.
Vrai. C’est l’effet papy boom! Les socié-
tés occidentales ont vu leur espérance de
vie augmenter de manière considérable,
puisque l’on gagne un trimestre de vie
tous les ans.«Là où les centenaires
étaient une excep-
tion, leur nombre a
été multiplié par
septante en un
siècle. Désormais
quatre générations
cohabitent. Mais
nous découvrons
des conséquences
du vieillissement
que l’on ne voyait
pas auparavant»,
explique Jean-
François Démonet,
neurologue et di-
recteur du Centre
de la mémoire du
CHUV à Lausanne.
Il n’y a donc pas de
Pour entretenir votre mémoire:
continuezà apprendre et
faites-vous plaisir!
Le cerveauet le fonctionnement de la mémoire ont désormais un Centre
de recherche qui leur est consacré au CHUV à Lausanne. L’occasion de se pencher
sur cette boîte noire et de tordre le cou à quelques idées reçues.
virus d’Alzheimer,mais un simple lien
de cause à effet. Si à 50 ans le risque de
développer cette pathologie est faible, à
90 ans,il est de 50%. En Suisse,cette
maladie touche 100 000 personnes sur
une population de 7,5 millions,soit
10 000 patients pour le seul canton de
Vaud et une prévision de 15 000 dans
vingt ans.
Mais de quoi s’agit-il au juste? Rare-
ment génétique (moins de 1% des pa-
tients),cette maladie très lente,qui sur-
vient à un âge tardif,est le plus souvent
une maladie de surcharge.«Le corps
très vieux ne sait plus se débarrasser de
ses déchets encombrants. Comme dans
une grande ville, quand les éboueurs
sont dépassés par les tas d’ordures»,
explique le spécialiste. Ainsi l’accumu-
lation d’une substance, la protéine tau,
qui ne peut plus être éliminée, entraîne
la mort progressive des neurones.
Le déclin cognitif commence
à 50 ans.
Vrai et faux. Si le rythme de remplace-
ment des vieilles parties des cellules par
des nouvelles,à l’instar des pièces d’une
voiture qu’il faut régulièrement changer,
est très rapide chez l’enfant, il est plus
lent chez une personne âgée. Mais il est
difficile de dater le moment exact du dé-
clin cognitif,puisqu’il varie selon les
personnes.Par ailleurs, tout le fonction-
nement cérébral ne décline pas d’un
coup: la capacité d’apprentissage,le
temps de réaction, la vitesse de traite-
ment de l’information ralentissent avant
50 ans,en revanche le vocabulaire, le sa-
voir,la connaissance des mots restent
souvent intacts même à un âge avancé.
Le cerveau ne fait que perdre
des neurones avec le temps.
Faux. On a longtemps cru que le cerveau
ne pouvait que se détériorer avec les an-
nées,mais les neurosciences ont décou-
vert que le mécanisme de
plasticité tissulaire durait
en fait toute la vie.Mieux:
non seulement le cerveau
continue à se modeler en
permanence, mais il pro-
duit de nouveaux neu-
rones à tout âge. «La
neurogenèse chez l’adulte dans la région
germinale,lieu de formation du cerveau,
est l’une des découvertes récentes les
plus importantes dans le domaine des
neurosciences.Et cette capacité germi-
native, avec un rendement qui se ralen-
tit bien sûr,reste valide toute la vie»,
écrit Nicolas Franck, psychiatre et au-
teur de l’ouvrage Entraînez et préservez
La mémoire sous la loupe
Le Centre de la mémoire a été
ouvert le 11 mars dernier au
CHUV à Lausanne. Créé par
l’Etat de Vaud, le Centre parti-
cipera au programme européen
baptisé «Human Brain Project»,
qui devrait permettre de faire
un pas de ant dans la
connaissance de la maladie
d’Alzheimer notamment.Neu-
rologues, rontologues et psy-
chologues unissent leurs com-
tences pour faire avancer la
recherche sur cettepathologie
encore mal connue. «Le fait de
travailler avec d’énormes bases
de données et les nomes de
milliers de gens devrait nous
permettre de guérir un jour
cette maladie», avance Jean-
François monet, directeur du
Centre Leenards de la mémoire.
Qui espère trouver un médica-
ment efficace avant ces dix
prochaines années.
Infos sur www.centrememoire.ch
«Il n’y a pas
de virus
d’Alzhei-
mer
Jean-François
monet
«Une mémoire
a une capacité
infinie.»
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 | |No14,2AVRIL 2013 |  |
votre cerveau(Ed. Odile Jacob 2013). Les
neurones nouvellement créés sont-ils
tous utiles? Pasforcément. Mais tout
apprentissage nouveau se traduit par une
néoneurogenèse. «Il y a plein de
connexions qui poussent de manière ar-
bitraire, un peu comme une forêt avec
des arbres qui se touchent. Mais ce sont
seulement les connexions renforcées,
actives plusieurs fois,qui vont perdu-
rer», précise Jean-François Démonet.
Avec l’âge, les souvenirs anciens
restent et les récents s’estompent.
Faux.S’il est vrai que,dans un cas d’am-
nésie rétrograde, l’on évoque plus faci-
lement les souvenirs anciens que les ré-
cents, il serait une illusion de penser que
la mémoire à long terme est plus fiable.
Quand on vérifie les souvenirs soi-di-
sant bien conservés,ils ne le seraient pas
tant que ça. «La mémoire à long terme
permet de sauver de l’oubli bon nombre
d’informations au prix de leur transfor-
mation.Une mémoire a une capacité in-
finie, mais une fidélité très mauvaise. Le
souvenir est quelque chose de dyna-
mique, ce n’est pas une trace sur un
disque dur.Il ne garde que ce qui fait sens
pour lui, qui a une valeur d’émotion. Il
oublie l’accessoire et garde l’essentiel.
C’est une économie d’efficacité», ob-
serve le spécialiste.
Manger de la vitamine E entretient
le cerveau.
Vrai. En matière d’alimentation, beau-
coup d’hypothèses ont été avancées.
Ainsi la cannelle, le jus de pomme, le vi-
naigre seraient bons pour prévenir le dé-
clin cognitif,d’après Jean Carper,au-
teure de l’ouvrage 100 conseils simples et
efficaces pour lutter contre la maladie
d’Alzheimer (Ed. de l’Homme, 2011).Une
recommandation qui fait sourire Jean-
François Démonet: «Le monde de la
santé est d’autant plus riche en proposi-
tions fantaisistes que la science est
faible. Bien sûr,le régime crétois,fruits-
légumes-poissonvaut mieux que des
frites à tous les repas. Mais il importe
surtout de manger équilibré.» D’une
étude hollandaise, il ressort que seule la
vitamine E et son effet antioxydant joue-
rait un rôle préventif,faisant chuter de
25% le risque de développer une dé-
mence.
Les longues études gardent
le cerveau en bon état plus
longtemps.
Vrai. L’éducation, un long cursus sco-
laire et universitaire, serait un excellent
garde-fou contre le déclin cognitif.
Pourquoi? Parce que l’effort intellectuel
constitue une réserve cognitive,qui
permet de mieux résister aux éven-
tuelles lésions des circuits cérébraux et
peut même retarder l’apparition de la
maladie d’Alzheimer de sept à dix ans,
d’après Nicolas Franck. Un constat qui
reste valable toute la vie: acquérir de
nouvelles connaissances,même à
80 ans,permet de mieux lutter contre
les démences.
Il faut apprendre des listes
parur pour faire travailler
sa mémoire.
Faux. Essayer de mémoriser le bottin, se
bourrer le crâne de listes sans fin ne se-
rait finalement pas si utile que ça. Parce
que le cerveau n’enregistre pasce qui
l’ennuie. «Mieux vaut faire sonjardin!
lance Jean-François Démonet. Parce
que cette activité développe des
capacités,la créativité,qu’il faut
réfléchir à l’emplacement où
l’on mettra son persil et sesto-
mates.Il est important que
l’apprentissage fasse sens
émotionnellement, qu’il fasse
plaisir.Les valeurs hédoniques
sont fondamentales dans le main-
tien de la santé.» Autrement dit,
mieux vaut cultiver une vision de la vie
dynamique, avoir des hobbies,une vie
sociale et familiale riche, apprendre un
nouveau point de tricot ou découvrir un
paysage, plutôt que de rester seul chez
soi, dans l’isolement et la tristesse,loin
de toutes relations sociales.
Le saviez-vous?
Chezl’embryon, le cerveause veloppe dès la qua-
trième semaine après la condation de l’ovule. s le
sixième mois, ce sont quelque 250 000 neurones qui sont
créés à chaque seconde dans le cerveau du tus. Lequel
atteint,à la naissance, un nombre de neurones qui dépasse
largement celui d’un cerveau adulte, qui ne compte
«plus que» 100 milliards de neurones.L’élimination de
certains neurones, qui se fait en grandissant,contribue à la
maturation du cerveau en ne maintenant que ceux qui
prennent part à la transmission de l’information.
«La
mémoire
est quelque
chose de
dyna-
mique»
Jean-François
monet
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N
o
14, 2 AVRIL 2013
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|Migros Magazine |No14,2avril 2013 |
Le sport, c’est bon pour la tête.
Vrai. La vision de Descartes est depuis
longtemps dépassée: corps et esprit ne
sont ni opposés ni séparés,mais intime-
ment liés et interdépendants. L’esprit est
dans le corps et le corps est dans l’esprit.
Ainsi, quand le corps bouge, le cerveau
s’éveille aussi. L’activité physique amé-
liore non seulement l’irrigation de l’hip-
pocampe, mais active toute la région de
la mémoire. «Quand on fait un jogging,
on se souvient des endroits où l’on va.Or
se souvenir,c’est voyager dans un espace
virtuel, comme dans un rêve. Une acti-
vité qui entraîne la néoneurogenèse.»
La musique a un effet bénéfique
sur le cerveau.
Vrai. Les musiciens sont-ils mieux pro-
tégés que les autres? Mystère. Mais la
pratique d’un instrument et l’apprentis-
sage de la musique entretiennent sans
doute la réserve cognitive.Ainsi la
connaissance du piano améliorerait le
raisonnement spatio-temporel. D’après
Nicolas Franck, l’écoute de Khatchatou-
rian ou de Satie améliorerait la résolu-
tion de problèmes d’arithmétique et Les
Quatre Saisons de Vivaldi augmente-
raient les performances cognitives. La
preuve que la musique classique adoucit
les mœurs et stimule les neurones.
Texte: Patricia Brambilla
«Le monde
de la santé
est d’autant
plus riche en
propositions
fantaisistes
que la science
est faible!»
«Se souvenir,
c’est voyager dans
un espace virtuel.»
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