Introduction 1/ la genèse du projet 2/ Les représentations

Institut Régional
de Formation Sanitaire et Sociale
Rhône-Alpes
Site de Saint-Etienne
« JAMAIS LA 1ERE FOIS SUR LE PATIENT ! »
PLACE DE LA SIMULATION DE SOIN DANS LA FORMATION
Introduction
Depuis Septembre 2009,les étudiants en soins infirmiers bénéficient d’un nouveau référentiel de
formation qui s’inscrit dans la réforme du système de formation post bac en France, et fait entrer la
formation des infirmiers en France dans le système LMD suite aux accords de Bologne de 1999.
Ce référentiel est centré sur l’acquisition progressive, par l’étudiant, de dix compétences. L’acquisition
de ces compétences est formalisée lors des stages par la mise en œuvre d’apprentissages de
situation de travail.
Or, l’allongement de la durée des stages, le nombre croissant d’étudiants à former, et la
restructuration hospitalière des unités de soins en pôles d’activités ont conduit à accentuer la pénurie
de terrains de stages.
Ce constat nous a amenés à prospecter d’autres méthodes pédagogiques complémentaires pour
pallier à l’acquisition du savoir expérientiel en mettant en place des situations de soins simulées dans
des laboratoires de compétences.
Cette nouvelle approche d’acquisition de compétences transférables sur les terrains de stage connaît
un vif succès auprès de nos apprenants. Et l’occasion nous a été donnée cette année de la partager
avec les professionnels lors du colloque ARFI.
1/ la genèse du projet
Ce projet est en juillet 2010 à l’issue de la visite d’études de notre directeur, Mr ABDIRAHMAN,
dans le laboratoire de compétences de la faculté de sciences infirmières d’OTAWA.
Dès son retour du Canada, il nous a fait part de cette expérience et a semé, dans nos esprits, les
premières graines de ce projet… Suite à cela, Mr ABDIRAHMAN et une des formatrices de l’IFSI ont
participé, en octobre 2011, aux premières journées nationales sur la simulation de soins à BREST
pour voir comment cette technique se transposait en France.
En octobre 2012, 5 formateurs sont partis se former à la simulation de soins à CHAMBERY.
Dès mars 2013, le laboratoire de simulation est finalisé à l’IFSI et les mannequins sont achetés. Il ne
restait plus qu’à se mettre au travail pour tester les séquences de situations simulées auprès de nos
étudiants.
En mai 2013, nous nous lançons avec les premiers essais auprès des étudiants IDE 2ème année. Les
retours sont très positifs de la part des étudiants comme des formateurs.
En Septembre 2013, nous décidons de généraliser cette technique pédagogique à toutes les
promotions IDE et élèves aide-soignants.
2/ Les représentations
Au départ de cette aventure et comme à chaque fois qu’un nouveau projet est proposé, nous
partions tous avec des représentations dans la tête.
La première qui nous est venu à l’esprit est celle du mannequin sophistiqué, intelligent, voire du robot,
se rapprochant au plus proche de l’humain.
Ensuite, l’image qui nous est apparue est celle d’un cockpit d’avion : en effet, nous savions tous que
la simulation était utilisée dans l’aéronautique pour former les pilotes de lignes. Nous pensions que
c’était le seul secteur d’activité concerné par cette technique.
De plus, il nous semblait que cet univers était quelque chose de très complexe, seules quelques
têtes pensantes pouvaient avoir accès.
Enfin, et ce n’est pas le moindre écueil, nous avions l’idée d’un coût extrêmement important de ce
type de technique ce qui aurait pu être un frein à sa mise en œuvre.
La découverte en pratique de cette technique d’apprentissage a su faire évoluer les représentations
que nous en avions au départ.
3/ Le concept de simulation le laboratoire de simulation
3.1 LE CONCEPT DE SIMULATION
La simulation en santé correspond « à l’utilisation d’un matériel (comme un mannequin ou un
simulateur procédural), de la réalité virtuelle ou d’un patient standardisé, pour reproduire des
situations ou des environnements de soins, pour enseigner des procédures diagnostiques et
thérapeutiques et permettre de répéter des processus, des situations cliniques ou des prises de
décisions par un professionnel de santé ou une équipe de professionnel »
1
En effet, la simulation en santé s’adresse à tous les professionnels de santé et permet à la fois :
De former à des procédures, à des gestes ou à la prise en charge de situations.
D’acquérir et réactualiser des connaissances et des compétences techniques et non
techniques (travail en équipe, communication entre professionnels, etc…).
D’analyser ses pratiques professionnelles en faisant porter un nouveau regard sur soi-même
lors du débriefing.
D’aborder des situations dites « à risque pour le patient » et d’améliorer la capacité à y faire
face en participant à des scénarios qui peuvent être répétés.
De reconstituer des évènements indésirables, de les comprendre lors du débriefing et de
mettre en œuvre des actions d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.
2
La simulation peut se dérouler en centre de simulation (laboratoire de simulation) in situ, ou en ateliers
de simulation délocalisés.
3.2 LA SIMULATION DITE « PLEINE ECHELLE »
La simulation revêt plusieurs formes :
- jeux électroniques types « serious games »
- jeux de rôle
- simulateurs procéduraux (ex : bras de perfusion)
- simulateurs réalistes aussi appelés salles de simulation ou laboratoires de simulation, dédiés
à la simulation dite « pleine échelle » proposant des situations de soins au plus proche de la
réalité de terrain.
Le déroulement type d’une séance de simulation « pleine échelle » suit le schéma suivant :
- le briefing destiné à la familiarisation des apprenants avec le matériel, l’environnement, les
locaux et la présentation du scénario.
- Le déroulement du scénario par les apprenants guidés par le ou les formateurs qui gèrent la
partie technique (régie son et vidéo).
- Le débriefing, étape essentielle de la séquence de simulation, qui est un temps d’analyse et
de synthèse qui « permet au(x) formateur(s) de revenir sur le déroulement du scénario, selon
un processus structuré, afin de dégager avec les apprenants les points correspondants aux
objectifs fixés »
3
.
1
América’s Authentic Govenment information H.R. 855 To amend the public Health Service Act to authorize
medical simulation enhancement programs, and for other purposes. 111th Congress, 1st session GPO, 2009.
2
Guide des bonnes pratiques en matière de simulation HAS, 2012.
3
Ibid. p 15
3.3 LE LABORATOIRE
Il se compose traditionnellement d’une pièce va se jouer la situation, modulable selon les
thématiques abordées et le contexte souhaité (chambre de patient, salle d’attente, box d’urgence),
d’une salle régie dans laquelle les formateurs vont observer les acteurs de la situation derrière une
glace sans tain, avec la possibilité de filmer les acteurs.
Enfin, certains laboratoires sont équipés d’une troisième pièce dans laquelle a lieu le débriefing réalisé
à l’issue de la situation simulée, qui peut aussi servir de salle de projection de la situation pour les
apprenants non acteurs.
4/ Les bénéfices et les limites
4.1 POUR LE PATIENT :
Le patient reste et restera bien entendu le premier à « tester » les actes de soins des
professionnels de santé. La simulation, même pleine échelle ou avec des mannequins haute fidélité,
ne recréé pas à l’identique la situation de soins à l’inverse de la simulation aéronautique par exemple.
D’autre part, compte tenu du nombre croissant d’étudiants dans les promotions d’infirmier(e)
et d’aides-soignants, il n’est pas possible de pratiquer toutes les situations de soins en atelier de
situation simulée avant d’aller sur les terrains de stage. De ce fait, les « premières fois » peuvent
parfois se pratiquer sur le patient.
Cependant, l’avantage majeur de cette technique de formation se résume dans le titre de
notre intervention : « jamais la première fois sur le patient ». En effet, l’étudiant se retrouve en
situation simulée, au plus proche de la réalité, sans pour autant risquer d’être délétère sur le patient.
Le patient va pouvoir bénéficier de l’expérience du soignant avant même que celui-ci n’ait
vécu la situation en activité professionnelle. Par exemple, la gestion des chutes en EHPAD, travaillée
et débriefée en laboratoire de simulation devrait permettre au soignant d’agir efficacement plus
rapidement.
4.2 POUR L’ETUDIANT :
L’étudiant peut se retrouver en difficulté du fait que les situations se rapprochent au plus près
de la réalité. Pour cela, Il est indispensable de lui rappeler, lors du briefing, que même si tout peut
laisser croire qu’ils sont dans une situation réelle, celle-ci n’est que factice.
Lors du débriefing, le formateur devra avoir une posture d’écoute et d’empathie vis-à-vis des
ressentis exprimés ou non par l’étudiant. Il peut aussi lui laisser la possibilité de le revoir à distance.
L’erreur peut être également source de sentiment d’échec, et de jugement de la part des
observateurs. Il est donc impératif de valoriser ce qui est bien, tout en utilisant les erreurs comme
source d’apprentissage et d’amélioration.
Le mannequin n’est pas un être humain et cela reste de la simulation avec tous les biais que
cela peut induire.
Enfin, l’étudiant peut se sentir en difficulté si la situation simulée lui fait revivre quelque chose
de douloureux de sa vie personnelle. Le formateur doit y être attentif et peut, s’il le faut, revoir
l’étudiant en dehors de la séquence pédagogique pour lui proposer une aide.
Une fois ces quelques inconvénients identifiés auxquels le formateur doit être très attentif, il
s’avère que les bénéfices de cette technique, sur un plan pédagogique, sont nombreux :
Le débriefing favorise la mise en lien dans la mesure le formateur qui anime la séance
va aider les étudiants à mobiliser leurs connaissances, à comprendre l’intérêt de celles-ci
dans la compréhension et l’analyse des situations.
Ces séances permettent également une prise de recul de l’étudiant et une analyse critique
de ses gestes et comportements dans un but de perfectionnement de sa posture.
Les étudiants sont unanimes pour dire que le droit à l’erreur autorisé dans ces séances
permet de comprendre, de s’améliorer et, par ricochet, éviter de reproduire cette
« erreur » lorsqu’ils seront en situation réelle.
Enfin, l’absence de « risque » pour le patient lors des séances permet aux étudiants de
faire baisser le niveau de stress et d’être plus authentiques dans leur manière d’être et de
faire.
Au total, et en lien avec les retours des étudiants à l’issue de ces séances dagogiques,
il semble que cela permette une meilleure appropriation des connaissances à la fois
théoriques et pratiques.
4.3 POUR LE FORMATEUR :
La limite majeure est le temps : en effet, ce sont des séquences pédagogiques chronophages
en amont (écriture et test des scénarii avant validation), pendant : groupes de 12 étudiants maximum
animés par 2 formateurs au minimum. L’animation de ces séances nécessite également le fait que le
formateur soit formé (une semaine de formation). Enfin, il est important que le groupe d’étudiants soit
un groupe motivé, interactif car une séance de débriefing sans participation active peut vite « tomber à
plat ». Par contre, c’est une nouvelle technologie, faisant appel à la créativité des formateurs et
perçue comme une approche ludique, « moderne » par les étudiants. Et comme tout nouveau projet,
l’équipe s’investit : c’est un élément fédérateur d’équipe.
4.4 POUR LE SOIGNANT :
Pour l’instant, nos collègues de terrain connaissent peu cet outil pédagogique et ne peuvent
pas participer aux séances. Il est donc difficile, pour eux, d’en comprendre les finalités et de le
transposer dans leur pratique d’encadrement.
Par contre, dans leur mission d’encadrement des étudiants, la généralisation de cette pratique
pourra, à terme, peut-être leur faire gagner du temps dans la mesure l’étudiant aura pratiqué et
compris, au préalable, la situation de soin à laquelle le tuteur veut le faire participer.
De plus, ces séances facilitent la recontextualisation, le transfert de connaissances et la
compréhension d’une situation de soin en prenant en compte tous les éléments de la situation.
Dans l’avenir, il semble impératif d’associer les référents de stage à la création de scénarii.
4.5 POUR L’IFSI :
La limite majeure est le coût d’investissement relativement élevé (laboratoire, mannequins,
matériel annexe, formation…) mais les nombreux avantages de cette technique pédagogique
correspondent aux finalités de la formation :
L’amélioration de la qualité de la formation répondant aux exigences du référentiel de
formation : former des étudiants réflexifs.
Une technique pédagogique innovante est aussi un critère rendant la formation attractive.
5/ Les perspectives d’avenir
5.1 PERSPECTIVES PEDAGOGIQUES :
Notre expérimentation de l’utilisation de la simulation comme méthode pédagogique a
remporté un vif succès auprès de nos étudiants mais aussi parmi les formateurs.
Conscients que cette méthode pédagogique tend à devenir incontournable, nous souhaitons
la développer au sein de notre établissement de formation.
Nous nous sommes fixés l’objectif que chaque étudiant bénéficie d’une séance de situation de
simulation à chacun de ses semestres de formation, en complexifiant au fur et à mesure les scénarii
afin de viser la professionnalisation de l’étudiant.
5.2 PERSPECTIVES INSTITUTIONNELLES :
Cette méthode innovante ne se limite pas à la formation initiale. Chaque acteur de santé,
médical et paramédical, doit renforcer ses acquis, actualiser ses connaissances, expérimenter de
nouvelles pratiques. La simulation en santé est une méthode dite « active » qui permet de reproduire
une grande variété de situations, rares ou prévalentes, dans lesquelles le professionnel va enrichir sa
pratique avec comme objectif final l’amélioration de la qualité des soins dispensés aux patients.
Le professionnel de santé aura accès à la formation par la simulation dans le cadre de la
formation continue et des programmes de DPC (Développement Professionnel Continu).
Nous avons le projet de créer un Centre de Formation de Situations Simulées (CESIM) afin
d’élargir notre offre de formation aux professionnels.
5.3 PERSPECTIVES DE PARTENARIAT :
En ponse à la directive de la DGOS du 19 novembre 2013 qui vise le développement de la
situation simulée, l’harmonisation des pratiques et le regroupement des moyens, l’IRFSS CROIX
ROUGE RHONE ALPES est en train de développer des partenariats :
Avec les professionnels de terrain pour la co-écriture des scénarii, la co-animation de
séquences de situations simulées.
Avec des universités européennes autour des stratégies pédagogiques innovantes.
Avec d’autres corps de métiers.
6/ Conclusion
Même si le stage reste la ressource d’acquisition du savoir expérientiel .La pratique de la simulation
dans les instituts de formation paramédicale est avant tout une méthode d’apprentissage
complémentaire à l’acquisition de compétences dans un environnement sécurisé et garant d’éthique
« Jamais la première fois sur le patient ».
Equipe des formateurs I.F.S.I. CROIX ROUGE SAINT ETIENNE
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