Angine et pharyngites de l`enfant \(et de l`adulte : non traité\)

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C@mpus National de pédiatrie et chirurgie pédiatrique
Auteur : Dr. Robert COHEN
TICEM – UMVF
MAJ : 19/09/2005
Angine et pharyngites de l’enfant (et de l’adulte : non traité)
Objectifs :
Objectifs de l'ECN :
- Diagnostiquer une angine (et une rhinopharyngite cf question 90).
- Argumenter l'attitude thérapeutique (P) et planifier le suivi du patient.
Objectifs du collège des professeurs de pédiatrie :
- Décrire les signes fonctionnels et cliniques d'une angine.
- Enoncer les complications d'une angine bactérienne.
- Décrire les situations cliniques requérant un avis spécialisé.
Sommaire
Introduction
Faq 1 - Clinique des angines
Faq 2 - Etiologies et complications des angines
Faq 3 - Diagnostiquer une angine à Streptocoque du groupe A
Faq 4 - Traitement des angines
Faq 5 - Echec d'éradication et récidive à court terme des angines à SGA
Faq 6 - Angines récidivantes
Bibliographies
Introduction
Le terme de pharyngite décrit l'inflammation, le plus souvent d'origine infectieuse, du pharynx. Les
amygdales sont le plus souvent impliquées. C'est pourquoi les termes d'angine, amygdalite,
pharyngite, pharyngo-amygdalite sont interchangeables.
La rhinopharyngite dominée par les symptômes : rhinorrhée, éternuements, obstruction nasale, toux
est traitée à la question 90.
L'angine est une affection banale et fréquente qui représente une des premières causes de
prescriptions d'antibiotiques. Elle se rencontre à tout âge, mais survient plus souvent chez les enfants
d'âge scolaire.
Si les virus sont les principaux agents des angines, le streptocoque du groupe A (SGA) est la
première bactérie responsable et fait la gravité potentielle de cette affection. L'impossibilité fréquente
de distinguer cliniquement de façon fiable les angines bactériennes des angines virales a conduit
longtemps à recommander en France de traiter toutes les angines par antibiotiques, et en particulier
par la pénicilline V pendant 10 jours. Cette attitude a pour principal inconvénient de traiter inutilement
au moins 3 angines sur 4, les antibiotiques n'ayant pas fait la preuve de leur utilité dans les angines
d'origine non streptococcique. A une période où la résistance aux antibiotiques des bactéries
communautaires pose un problème de santé publique majeur, cette surconsommation d'antibiotiques
est inacceptable.
Un changement de stratégie thérapeutique, fondé sur l'utilisation des tests de diagnostic rapide (TDR)
du SGA, a donc été mis en place.
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Cette stratégie a pour objectif de maintenir les avantages de la prescription d'antibiotique
systématique (prévention du rhumatisme articulaire aigu et des complications suppuratives locorégionales, rétrocession plus rapide des symptômes, diminution de la contagiosité), tout en diminuant
la consommation des antibiotiques et la pression de sélection.
Faq 1 - Clinique des angines
L'angine aiguë est un syndrome, correspondant à de multiples étiologies, qui associe :
- une fièvre,
- une dysphagie,
- des modifications de l'aspect de l'oropharynx.
Les signes révélateurs sont diversement associés en fonction de l'agent étiologique, de l'âge du
patient, de l'importance de l'infection.
Les signes respiratoires sont rarement au premier plan : rhinorrhée, toux, enrouement, gène
respiratoire. Leur présence est très en faveur d'une infection virale.
D'autres signes sont parfois révélateurs : douleurs abdominales, éruption.
L'examen de la gorge permet le diagnostic : angine érythémateuse, érythémato-pultacée, vésiculeuse,
ou ulcéreuse.
Des adénopathies satellites, parfois sensibles, sont souvent présentes.
Faq 2 - Etiologies et complications des angines
De très nombreux virus sont responsables de 70 à 90 % des cas d'angines (Tableau I).
La bactérie à craindre, du fait de sa fréquence et de la possibilité de complications locales et surtout
générales est le SGA.
D'autres bactéries, en particulier d'autres streptocoques bêta-hémolytiques peuvent être en cause
(notamment C et G) sans risque de RAA.
Les angines à SGA évoluent le plus souvent spontanément vers la guérison. comme la majorité des
autres causes d'angines. La justification essentielle du traitement des angines est donc la prévention
des complications post-streptococciques (notamment du RAA).
Les complications sont :
- locales suppuratives : abcès péri-amygdalien, abcès rétro-pharyngé, otites, mastoïdites, sinusites,
adénites cervicales suppurées qui n'étaient pas rares avant l'ère des antibiotiques.
- immunologiques des angines à SGA :
•
•
•
rhumatisme articulaire aigu (RAA),
glomérulonéphrite aiguë (GNA),
chorée
Angine à SGA et risque de RAA
La découverte dans les années 50 que le traitement par la pénicilline des angines à SGA prévenait le
RAA, une des principales causes de mortalité de l'enfant et de l'adulte jeune, fait partie des
découvertes majeures de la médecine moderne. Le risque de survenue après une angine non traitée
était évalué à plus de 3 % dans les années 50. Le traitement ciblé des angines à SGA tel qu'il a été
préconisé aux Etats-Unis ou systématique de toutes les angines tel qu'il a été appliqué en France a
certainement contribué à diminuer de façon considérable l'incidence de cette maladie (0,5 à 1,5 pour
100 000 enfants). Cependant cette maladie reste préoccupante dans les pays en voie de
développement et à un degré moindre dans les départements et territoires d'outre-mer.
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Faq 3 - Diagnostiquer une angine à Streptocoque du groupe A
orrélations bactério-cliniques dans les angines
Les angines à SGA ont des caractéristiques cliniques significativement différentes :
- absence de rhinorrhée, de toux ou de dysphonie,
- âge de survenue : les angines à SGA sont rares avant 3 ans et le pic de fréquence se situe entre 5
et 10 ans.
- saison : il existe une prédominance saisonnière, à la fin de l'hiver et au début du printemps,
- importance de la dysphagie,
- purpura du voile,
- adénopathie.
Ces caractéristiques sont associées dans des scores cliniques. Cependant la sensibilité et la
spécificité de ces scores, inférieures à 70 %, restent insuffisantes pour la décision de prescrire ou non
un antibiotique.
La tendance aux Etats-Unis est cependant de ne proposer un TDR (et/ou un examen bactériologique)
qu'aux patients ne présentant pas de signes suggestifs d'infection virale (rhinorrhée, toux, dysphonie,
conjonctivite, diarrhée, vésicules sur le palais ou dans la bouche).
Culture et test de diagnostic rapide (TDR)
Deux techniques, culture et les TDR, existent pour confirmer le diagnostic d'infection à SGA. La
culture demande un délai de 1 à 2 jours.
Les TDR actuels sont simples de réalisation, ne nécessitant qu'un bref apprentissage, et sont
réalisables en 5 à 10 minutes.
Leur bonne spécificité (> 95 %) traduit un risque faible de faux positif. Tout test positif justifie donc un
traitement antibiotique sans nécessité de contrôle bactériologique. Un TDR positif transforme pour le
clinicien un syndrome (association de symptômes et aspect évocateur de la gorge) en une maladie
dont le diagnostic est défini, les modalités thérapeutiques et l'évolution connues.
La sensibilité des TDR avoisine 90% (comparée à la méthode de culture bactériologique classique
dans un laboratoire de routine). Dans le contexte épidémiologique (faible incidence de RAA) et
médical (médecins libéraux et laboratoires de biologie séparés) français, il apparaît inutile de
demander un prélèvement bactériologique en cas de TDR négatif.
Un seul TDR est en général suffisant. Cependant, chez certains patients dont le TDR est négatif, si les
symptômes (fièvre notamment) persistent au-delà de 3 jours, un deuxième TDR ou un prélèvement
bactériologique peut être réalisé.
En permettant de dépister de façon plus fiable les angines à SGA les TDR pourraient entraîner une
économie de 70 à 80 % des antibiotiques prescrits pour angine et de près de 10 % de l'ensemble de
l'utilisation des antibiotiques en France. Ils ont déjà été utilisés à large échelle en France. Ils ont
permis une diminution sensible de la consommation d'antibiotiques et leur utilisation a été considérée
par les médecins qui ont participé à ces études comme un progrès pour la prise en charge des
angines.
Faq 4 - Traitement des angines
Il repose essentiellement sur l'antibiothérapie. Aujourd'hui, le RAA ayant presque disparu en
métropole, une des préoccupations majeures est de ne pas prescrire inutilement des antibiotiques afin
de ne pas contribuer à l'évolution des résistances. En effet, outre la diminution de la pression de
sélection, les intérêts de la non-prescription d'antibiotiques sont la diminution des effets indésirables
notamment digestifs et allergiques, la meilleure interprétation des signes cliniques. De fait, pour les «
patients-parents », les médecins, toute éruption, tout trouble digestif, ou asthénie apparus sous
traitement, sont attribués à l'antibiothérapie et font classer (souvent à tort) le patient comme allergique
ou intolérant à l'antibiotique. Le plus souvent, ces symptômes sont dus à l'infection virale responsable
de l'angine.
La précocité du traitement n'a pas d'intérêt dans la prévention du RAA, puisque l'antibiothérapie peut
être débutée jusqu'au neuvième jour après le début des signes et être encore efficace sur la
prévention de cette complication. Par contre un traitement précoce permet une résolution plus rapide
des symptômes, une diminution de la contamination de l'entourage, et une diminution des
complications suppuratives. Les antibiotiques actifs sur le SGA sont les ß-lactamines et les
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macrolides. Pour cette dernière famille d'antibiotiques un pourcentage croissant de souches
résistantes est rapporté dans différents pays.
Le traitement historique de référence de l'angine est la pénicilline V 50 à 100.000 UI/kg/j en 3 prises
journalières pendant 10 jours.
Différentes études ont montré que l'observance de ce type traitement du fait du nombre de prises
journalières et de la durée était mauvaise. D'autres études ont montré qu'il n'était pas possible de
raccourcir la durée de traitement avec la pénicilline V.
Des traitements plus courts et mieux observés sont validés pour :
- l'amoxicilline : 50 mg/kg/ j, en 2 prises journalières, pendant 6 j,
- le cefpodoxime :
8 mg/kg/ j, en 2 prises journalières, pendant 5 j,
- le céfuroxime-axétil : 20 mg/kg/ j, en 2 prises journalières, pendant 4 j,
En cas d'allergie à la pénicilline ou plus largement aux β-lactamines (selon recommandations Anaes
à paraître en septembre 2005) :
- la pyostacine 50 mg/kg/ j, en 2 prises journalières, pendant 8 à 10 j, est le traitement recommandé si
on ne peut réaliser une culture avec antibiogramme.
- les macrolides (du fait de la résistance croissante à cette famille) ne doivent être prescrits qu'après
avoir vérifié la sensibilité de la bactérie responsable (culture et antibiogramme nécessaire) :
azithromycine (3 j), clarithromycine et josamycine (5 j) sont validés.
Les tétracyclines, le cotrimoxazole, les quinolones ne doivent pas être prescrits dans les angines.
Faq 5 - Echec d'éradication et récidive à court terme des angines à SGA
Dès les premiers jours de traitement antibiotique, les patients sont améliorés cliniquement, et dès le
deuxième jour, les prélèvements de gorge sont stériles, permettant le retour de l'enfant à l'école.
Cependant, chez nombre de patients (5 à 40 % selon les publications) la même souche de SGA est
de nouveau isolée, soit immédiatement après le traitement, soit dans les semaines qui suivent. Si la
grande majorité de ces patients sont asymptomatiques et ne vont présenter aucune complication,
d'autres vont représenter des symptômes d'angine.
Ces échecs d'éradication sont plus fréquents chez les jeunes enfants (< 6 ans) que chez les enfants
plus âgés et les adultes.
Les causes de ces échecs d'éradication ou de récidives, sont multiples :
- le portage chronique de SGA (asymptomatique et sans risque de complications) concerne 5 à 20
% des enfants selon les études. Le prélèvement est positif alors même que l'angine est virale et les
antibiotiques (péni V notamment) entraînent rarement une éradication du SGA chez ces enfants. Pour
ces raisons, de nombreux experts aux Etats-Unis ne conseillent pas de réaliser un TDR (ou un
prélèvement de gorge) chez les patients présentant une angine avec des signes évocateurs de
maladie virale (toux, dysphonie, rhinorrhée, conjonctivite, vésicules), ni de vérifier l'éradication du
SGA en fin de traitement chez les patients asymptomatiques.
- la ré-infection à partir de l'entourage (« infections Ping-Pong ») est une cause fréquente de
récidive. Des récidives fréquentes peuvent amener à prélever (et en cas de résultat positif, traiter)
l'entourage.
- La mauvaise compliance au traitement qui est favorisée par un nombre de prises journalières élevé
et une durée de traitement longue. La compliance diminue lorsque les symptômes s'amendent et
chute nettement après 5 jours. Or il est démontré que des traitements plus courts (5 à 7 jours) avec la
pénicilline V entraînent une moindre éradication bactériologique que la durée classique de 10 jours.
- La pharmacocinétique des antibiotiques est variable d'un patient à l'autre, et un petit nombre de
patients ont des concentrations amygdaliennes d'antibiotiques indosables.
- La résistance aux antibiotiques est rarement en cause car les souches de SGA sont sensibles à la
péni, et la résistance aux macrolides est évaluée à 6 à 7 % en France.
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Faq 6 - Angines récidivantes (multiples)
La définition des angines récidivantes, internationalement admise, est de 7 épisodes d'angine ou plus
sur une année, ou de 10 durant les 2 à 3 dernières années. La pertinence du diagnostic des épisodes
antérieurs est difficile à affirmer. La généralisation des TDR, en France, devrait permettre de
reconnaître les infections streptococciques récidivantes et les autres.
Aucun autre examen que le TDR n'est nécessaire car il est exceptionnel de découvrir une cause
sous-jacente.
Pour les angines streptococciques récidivantes, des modalités de traitements antibiotiques particuliers
ont prouvé leur efficacité en favorisant une meilleure éradication et/ou une fréquence de récidives
moindre :
- céphalosporines de 2èmes et 3ème génération,
- amoxicilline-acide clavulanique,
- clindamycine (durée de traitement de 10 jours)
- association à la pénicilline V dans les quatre derniers jours de traitement de rifampicine (20 à 30
mg/kg/jour en 2 prises) (6,7).
L'amygdalectomie doit rester rare dans cette indication. Une étude récente confirme que le bénéfice
modeste, attendu dans les suites d'amygdalectomie ne justifie pas ce type d'intervention quand on les
compare aux risques et à la morbidité induite par le geste chirurgical.
Les indications reconnues de l'amygdalectomie sont :
- le syndrome d'apnées obstructives du sommeil en rapport avec une hypertrophie adénoïdoamygdalienne, pour lequel on réalise une adénoïdo-amygdalectomie.
- un adénophlegmon
- une tuméfaction unilatérale d'une amygdale suspecte de malignité
Indications de l'adénoïdectomie et/ou de l'amygdalectomie chez l'enfant Recommandations et
Références Médicales 1997, ISBN 2 910653-33-1 http://www.anaes.fr
Tableau 1. Etiologies des Angines
Bactéries :
10 à 30 %
Autres bactéries : rares
Virus :
70 à 90 %
EBV
SGA
Autres Strepto hémolytiques C, E, F
Adénovirus
Arcanobacterium haemolyticum
Virus influenzae
10 à 30 %
Anaérobies (Bacteroides, melaninogenicus..)
Virus para influenzae
Mycoplama pneumoniae
Coxsackie
Chlamydia pneumoniae
Rhinovirus...
Corynebacterium diphteriae...
Bibliographie
1. Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé. Antibiothérapie par voie
générale en pratique courante : Angine. Med Mal Infect 2003 ;33(S) :1-17
http://afssaps.sante.fr/pdf/5/rbp/angreco.pdf
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Lyon 19 Juin 1996. Med Mal Infect 1997 :27 :434-9
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