Créance de dépens : utilité pour les besoins de la

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Créance de dépens : utilité pour les besoins de la
procédure
le 25 octobre 2013
AFFAIRES | Entreprise en difficulté
Une créance de dépens, exposés par la société débitrice à l’occasion de l’instance, peut être
considérée comme une créance utile née pour les besoins du déroulement de la procédure et
éligible, à ce titre, au privilège légal assorti du rang attribué aux frais de justice.
Com. 15 oct. 2013, F-P+B, n° 12-23.830
Bien qu’il ne s’agisse que d’une décision d’espèce, le présent arrêt de rejet confirme la prédiction
doctrinale, selon laquelle le nouveau critère téléologique d’utilité, issu de la loi n° 2005-845 du 26
juillet 2005, s’ajoutant au critère chronologique de postériorité, pourrait aboutir, s’agissant des
créances de dépens, à un retour à la lecture jurisprudentielle originelle, abandonnée par la suite,
qui se fondait sur la position procédurale de demandeur ou de défendeur du débiteur, seul le
premier cas générant une créance privilégiée (V. M. Jazottes, Le privilège des créanciers
postérieurs. Quel périmètre?, in La loi du 25 janvier 1985 a 20 ans ! Entre bilan et réforme, RLDA,
mars 2005, suppl., p. 132, spéc. p. 136). En effet, s’il doit demeurer admis que le fait générateur de
la créance réside dans la décision statuant sur les dépens, comme toutes les chambres de la Cour
de cassation le jugent depuis 2002 (V., not., Com. 11 juin 2002, n° 00-12.289, Bull. civ. IV, n° 104 ;
D. 2002. AJ 2121, obs. A. Lienhard ), la vraie question est désormais de savoir, lorsque cette
décision est postérieure au jugement d’ouverture, ce qu’implique la condition, supplémentaire,
formulée par l’article L. 622-17 du code de commerce pour la sauvegarde et le redressement
judiciaire, et par l’article L. 641-13 pour la liquidation judiciaire, que la créance soit, de surcroît, «
née pour les besoins du déroulement de la procédure ».
La Cour de cassation n’avait pas encore eu l’occasion de se prononcer sur ce point, mis à part un
arrêt de la troisième chambre civile qu’il vaut mieux oublier car, manifestement, se contentant de
reproduire la solution antérieure, sans tenir compte de l’apport de la réforme de 2005, la formation
immobilière n’avait pas vu le problème (Civ. 3e, 7 oct. 2009, n° 08-12.920, Bull. civ. III, n° 219 ; D.
2009. AJ 2548, obs. A. Lienhard ). La cour d’appel de Paris, en revanche, avait déjà considéré
qu’une créance de dépens à laquelle le débiteur en liquidation judiciaire a été condamné constituait
une créance postérieure privilégiée (Paris, 8 déc. 2009, RG n° 09/08067), sans la rattacher toutefois
précisément à l’article L. 641-13, ainsi que l’a relevé Pierre-Michel Le Corre (P.-M. Le Corre, Droit et
pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 2013/2014, n° 453.21). D’où l’intérêt de cet
arrêt du 15 octobre 2013.
La Cour de cassation y admet que la créance de dépens bénéficie du privilège de procédure en tant
que « créance utile née pour les besoins du déroulement de la procédure » et que, partant, elle est
« éligible, à ce titre, au privilège légal assorti du rang attribué aux frais de justice ». Mais elle le fait
de façon très circonstanciée.
Comme il s’agissait en l’espèce des dépens générés par l’appel, jugé irrecevable, de la société
débitrice contre le jugement arrêtant son plan de cession (prévue par l’art. L. 661-6, III, c. com.), la
chambre commerciale commence par approuver la cour d’appel d’avoir jugé que « le fait que la
créance de dépens soit née à l’occasion de l’exercice par le débiteur de son droit propre n’est pas
un critère pertinent pour distinguer les créances, postérieures à l’ouverture de la procédure, utiles
au déroulement de celle-ci […] ». Cette affirmation, faite ici à propos d’un recours ouvert par la loi,
devrait aussi valoir pour les droits propres d’origine prétorienne, se traduisant par la faculté offerte
au débiteur d’exercer des voies de recours contre certaines décisions.
C’est ensuite l’analyse très fine tant de la finalité que des résultats effectifs de l’appel du débiteur à
laquelle s’est livrée la cour d’appel, pour en conclure à l’utilité de la créance de dépens, que valide
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la chambre commerciale : « qu’après avoir relevé la convergence entre les stratégies et les intérêts
respectifs de la société débitrice et [du repreneur évincé] lors du litige soumis à la cour en 2007
statuant sur appel du jugement adoptant le plan de cession, l’arrêt retient que l’exercice de son
droit propre par la débitrice portait sur un litige dont la solution juridique a donné lieu à des
divergences fondamentales entre les parties ; qu’elle retient au surplus que l’arrêt du 29 juin 2007
a finalement permis de consolider l’adoption du plan de cession de la société débitrice apportant
ainsi une sécurité juridique nécessaire à la poursuite de la procédure collective impliquant des
décisions ultérieures portant sur la cession des contrats ».
Remarquons, enfin, que, statuant encore sous l’empire de l’article L. 641-13 du code du travaildans
sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, les juges du fond et la
Cour de cassation attribuent logiquement à la créance de dépens le deuxième rang alors assigné
dans le classement « interne »des créances postérieures par le 2° du III de cet article aux « frais de
justice ». La réforme de 2008 a ultérieurement modifié ce texte (de même que l’art. L. 622-17), de
sorte que, désormais, c’est au II que sont visés, dans ces termes, « les frais de justice nés
régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure »,
dont il n’est ainsi plus contestable qu’ils viennent juste après le superprivilège des salaires.
par Alain Lienhard
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