Polynômes de Bernstein
Sergei Natanovic Bernstein est né en 1880 et est mort en 1968.
1) Définition.
Soit fune fonction définie et continue sur [0, 1]à valeurs dans C. Pour nentier naturel non nul donné , le n-ième polynôme
de Bernstein associé à fest :
Bn(f) =
n
X
k=0
Ck
nfk
nXk(1X)nk.
2) L’identité
n
X
k=0
Ck
n(knX)2Xk(1X)nk=nX(1X).
a) On suppose dans ce paragraphe que : x[0, 1], f(x) = 1.
Si, pour tout xde [0, 1],f(x) = 1, alors pour nentier naturel non nul donné :
Bn(f) =
n
X
k=0
Ck
nXk(1X)nk= (X+ (1X))n=1.
nN,
n
X
k=0
Ck
nXk(1X)nk=1.
b) On suppose dans ce paragraphe que : x[0, 1], f(x) = x.
Si, pour tout xde [0, 1],f(x) = x, alors pour nentier naturel non nul donné :
Bn(f) =
n
X
k=0
Ck
n
k
nXk(1X)nk.
1er calcul. Pour 1kn,
k
nCk
n=k
n
n!
k!(nk)! =(n1)!
(k1)!((n1) − (k1))! =Ck1
n1.
Donc
Bn(f) =
n
X
k=0
Ck
n
k
nXk(1X)nk=
n
X
k=1
Ck
n
k
nXk(1X)nk=
n
X
k=1
Ck1
n1Xk(1X)nk
=X
n
X
k=1
Ck1
n1Xk1(1X)(n1)−(k1)=X
n1
X
l=0
Ck
n1Xl(1X)(n1)−(l)=X(X+ (1X))n1=X.
nN,
n
X
k=0
Ck
n
k
nXk(1X)nk=X.
2 ème calcul. Pour nN,
n
X
k=0
Ck
n
k
nXk(1Y)nk=X
n
n
X
k=1
Ck
nkXk1(1Y)nk
=X
n
d
dX n
X
k=0
Ck
nXk(1Y)nk!=X
n
d
dX ((X+1Y)n) = X(X+1Y)n1.
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Jean-Louis Rouget, 2007. Tous droits réservés.
Donc
nN,
n
X
k=0
Ck
n
k
nXk(1Y)nk=X(X+1Y)n1.
En particulier, quand Y=X, on retrouve le résultat précédent .
c) On suppose dans ce paragraphe que : x[0, 1], f(x) = x(x1).
Si, pour tout xde [0, 1],f(x) = x(x1), alors pour nentier naturel supérieur ou égal à 2donné :
Bn(f) =
n
X
k=0
Ck
n
k
nk
n1Xk(1X)nk= − 1
n2
n1
X
k=1
Ck
nk(nk)Xk(1X)nk.
1er calcul. Pour 1kn1,
k(nk)Ck
n=n!
(k1)!(nk1)! =n(n1)(n2)!
(k1)!((n2) − (k1))! =n(n1)Ck1
n1.
Donc
Bn(f) = n1
n
n1
X
k=1
Ck1
n2Xk(1X)nk= n1
nX(1X)
n1
X
k=1
Ck1
n2Xk1(1X)(n2)−(k1)
= n1
nX(1X)
n2
X
k=0
Ck
n2Xk(1X)n2k= n1
nX(1X)(X+1X)n2
= n1
nX(1X).
L’égalité précédente restant vraie pour n=1:
nN,
n
X
k=0
Ck
n
k
nk
n1Xk(1X)nk= n1
nX(1X).
2 ème calcul.
n
X
k=0
Ck
n
k
nk
n1Xk(1Y)nk= − 1
n2
n1
X
k=1
Ck
nk(nk)Xk(1Y)nk
=1
n2X(1Y)
∂X
∂Y n
X
k=0
Ck
nXk(1Y)nk!!
=1
n2X(1Y)
∂X
∂Y ((X+1Y)n)= −n(n1)) 1
n2X(1Y)(X+1Y)n2
= n1
nX(1Y)(X+1Y)n2.
Donc
nN,
n
X
k=0
Ck
n
k
nk
n1Xk(1Y)nk= n1
nX(1Y)(X+1Y)n2.
En particulier, quand Y=X, on retrouve le résultat précédent .
d) Calcul de
n
X
k=0
Ck
n(knX)2Xk(1X)nk.
n
X
k=0
Ck
n(knX)2Xk(1X)nk=
n
X
k=0
Ck
nk2Xk(1X)nk2nX
n
X
k=0
kCk
nXk(1X)nk+n2X2
n
X
k=0
Ck
nXk(1X)nk
=
n
X
k=0
Ck
nk(kn)Xk(1X)nkn(2X 1)
n
X
k=0
kCk
nXk(1X)nk+n2X2
=n2
n
X
k=0
Ck
n
k
nk
n1Xk(1X)nkn2(2X 1)
n
X
k=0
k
nCk
nXk(1X)nk+n2X2
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et donc les résultats de a), b) et c)
n
X
k=0
Ck
n(knX)2Xk(1X)nk=n2n1
nX(1X) − (2X 1)X+X2=n2(− 1
nX2+1
nX) = nX(1X).
Finalement
nN,
n
X
k=0
Ck
n(knX)2Xk(1X)nk=nX(1X).
3) Convergence uniforme de la suite des polynômes de Bernstein
Soit fune fonction continue sur [0, 1]à valeurs dans Rou C. On va montrer que la suite (Bn(f))nNconverge uniformément
vers fsur [0, 1].
a) Une majoration de |f(x) − Bn(f)(x)|.
Soit xun réel de [0, 1]et nun entier naturel non nul.
|f(x) − Bn(f)(x)|=
f(x) −
n
X
k=0
Ck
nfk
nxk(1x)nk
=
f(x)
n
X
k=0
Ck
nxk(1x)nk
n
X
k=0
Ck
nfk
nxk(1x)nk
(d’après 1)a))
=
n
X
k=0
Ck
nf(x) − fk
nxk(1x)nk
n
X
k=0
Ck
n
f(x) − fk
n
xk(1x)nk.
b) Pourquoi l’expression précédente est-elle petite ?
Tout d’abord,
n
X
k=0
Ck
nxk(1x)nk=1est une expression bornée uniformément en x.
Ensuite, pour xdonné et pour des ktels que
xk
n
est petit,
f(x) − fk
n
est petit. Pour les ktels que k
nest assez
éloigné de xet décrivant donc un sous-ensemble Jde J0, nK,
f(x) − fk
n
est bornée uniformément en xet il n’y a qu’à
espérer que X
kJ
Ck
nxk(1x)nksoit petit. Mais là, on dispose de
X
kJ
Ck
nk
nx2
xk(1x)nk
n
X
k=0
Ck
nk
nx2
xk(1x)nk=x(1x)
n1
4n ...
c) Soit εun réel strictement positif.
fest continue sur le segment [0, 1]et est donc d’une part bornée sur ce segment, et d’autre part uniformément continue
sur ce segment d’après le théorème de Heine. Par suite, il existe un réel Mtel que pour tout xde [0, 1],|f(x)|Met il
existe un réel α > 0 tel que (x, y)[0, 1]2,|xy|< α |f(y) − f(x)|<ε
2.
d) Soient nun entier naturel non nul et xun réel de [0, 1].
|f(x) − Bn(f)(x)|
n
X
k=0
Ck
n
f(x) − fk
n
xk(1x)nk
=
n
X
k=0
|xk
n|
Ck
n
f(x) − fk
n
xk(1x)nk+
n
X
k=0
|xk
n|α
Ck
n
f(x) − fk
n
xk(1x)nk
et donc
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|f(x) − Bn(f)(x)|ε
2
n
X
k=0
|xk
n|
Ck
nxk(1x)nk+2M
n
X
k=0
|xk
n|α
Ck
nxk(1x)nk
ε
2
n
X
k=0
Ck
nxk(1x)nk+2M
α2
n
X
k=0
|xk
n|α
Ck
nxk
n2
xk(1x)nk
ε
2+2M
α2
n
X
k=0
Ck
nxk
n2
xk(1x)nk
=ε
2+2M
α2
x(1x)
n(d’après 1)),
(dans la deuxième somme, l’inégalité
xk
n
αs’écrit encore 1xk
n2
α2) et donc :
|f(x) − Bn(f)(x)|ε
2+2M
α2
1/4
n=ε
2+M
2nα2,
(si x[0, 1],x(1x) = 1
4x1
22
1
4). En résumé, ε > 0 strictement positif ayant été donné, on a montré que :
x[0, 1],nN,|f(x) − Bn(f)(x)|ε
2+M
2nα2.
Or, ε
2+M
2nα2tend vers ε
2quand ntend vers +. Par suite, il existe un entier naturel non nul n0tel que tout entier
naturel nn0,ε
2+M
2nα2<ε
2+ε
2=εet donc pour tout réel x[0, 1],|f(x) − Bn(f)(x)|< ε.
On a montré que
ε > 0, n0N/x[0, 1],nN,(nn0|f(x) − Bn(f)(x)|< ε,
et donc que
La suite (Bn(f))nNdes polynômes de Bernstein converge uniformément vers fsur [0, 1].
4) Le théorème de Weirstrass.
D’après 2), toute fonction continue de [0, 1]dans Rou Cest limite uniforme sur [0, 1]d’une suite de polynômes.
Plus généralement, soit fune fonction continue sur un segment [a, b]et soit gla fonction définie sur [0, 1]par :
x[0, 1], g(x) = f((ba)x+a).
Comme la fonction x7(ba)x+aest un homéomorphisme de [0, 1]sur [a, b](de réciproque la fonction x7xa
ba)
et que fest continue sur [a, b],gest continue sur [0, 1]. Il existe alors une suite de polynômes (Qn)nNconvergeant
uniformément vers gsur [0, 1].
Pour ndans Net xdans [a, b], posons
Pn(x) = Qnxa
ba.
Soit ε > 0. Il existe n0Ntel que pour xdans [0, 1]et nn0,|g(x) − Qn(x)|< ε. Mais alors, pour nn0et xdans
[a, b],
|f(x) − Pn(x)|=
gxa
baQnxa
ba
< ε.
car xa
baest dans [0, 1].
On a montré que :
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ε > 0, n0N/x[a, b],nN,(nn0|f(x) − Pn(x)|< ε,
et donc la suite de polynômes (Pn)nNconverge uniformément vers la fonction fsur l’intervalle [a, b]. D’où le :
Théorème de Weirstrass. Toute fonction continue sur un segment [a, b]de Rà valeurs dans Rou C
est limite uniforme sur ce segment d’une suite de polynômes.
5) Peut-on généraliser à R?
Soit (Pn)nNune suite de polynômes convergeant uniformément sur Rvers une fonction f. Nous allons montrer que fest
nécessairement un polynôme.
D’après le critère de Cauchy uniforme, il existe un entier n0tel que pour nn0,pn0et xréel,
|Pn(x) − Pp(x)1,
et en particulier pour nn0et xréel,
|Pn(x) − Pn0(x)|1.
Pour nn0, le polynôme PnPn0est borné sur Ret donc constant. Par suite,
nn0,xR, Pn(x) = Pn0(x) + Pn(0) − Pn0(0).
Quand ntend vers +àxfixé, on obtient :
xR, f(x) = Pn0(x) − Pn0(0) + f(0).
On a montré que :
Si (Pn)nNest une suite de polynômes convergeant uniformément sur Rvers une fonction f,
fest nécessairement un polynôme.
Ce résultat montre que les séries entières usuelles de rayons infini (de somme exou cos x...) ne sont pas uniformément
convergentes sur R.
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