Troubles du rythme cardiaque lors des crises d`épilepsie

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Épilepsie et coeur
Épilepsies 2010 ; 22 (3) : 181-6
Troubles du rythme cardiaque
lors des crises d’épilepsie
Vincent Navarro
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Unité d’épilepsie et département de Neurophysiologie Clinique, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière,
47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13.
<[email protected]>
Résumé.
Les crises peuvent se propager aux régions corticales contrôlant le système nerveux autonome et
produire des effets différents selon que l’activation prédomine sur le système sympathique ou parasympathique. En
pratique, lors d’une crise partielle, une tachycardie est très souvent observée, alors qu’une bradycardie voire une
asystolie sont des événements beaucoup plus rares. L’asystolie peut entraîner une syncope, souvent traumatisante.
De même, il a été envisagé que de telles asystolies puissent être à l’origine de certaines morts soudaines inexpliquées de l’épileptique (SUDEP). La faible valeur localisatrice et latéralisatrice des troubles du rythme cardiaque
per-critiques peut, en partie, s’expliquer par l’étendue des cortex contrôlant le système végétatif. Le bilan de ces
troubles impose une prise en charge mixte, neurologique et cardiologique. Le traitement doit se décider au cas par
cas, et faire appel systématiquement en première ligne aux médicaments anti-épileptiques, puis, en cas d’inefficacité
de ces deniers et de persistance de syncopes percritiques, à un pacemaker sentinelle.
Mots clés : cœur, troubles du rythme, syncope, épilepsie
Abstract. Heart dysrhythmies during epileptic seizures
Epileptic seizures can propagate to the cortical regions controlling the autonomic nervous system. The clinical
consequences vary according to a preferential activation of sympathetic or para-sympathetic system. Tachycardia is
usually observed during a partial seizure, whereas ictal bradycardia or asystole are rare events. Ictal asytole can provoke
a syncope and head trauma. In addition, it was proposed that ictal asystole may also be at the origin of sudden
unexplained death of epileptic patients (SUDEP). The weak localizing and lateralizing value of ictal heart dysrhythmy
can be explained by the widespread distribution of cortical areas controlling the vegetative system. Both neurologists
and cardiologists must take care of these patients. Treatment must be tailored for each patient, including systematically, as a first line, antiepileptic drugs. A pacemaker can be proposed to the patients with pharmacoresistant epilepsy
and remaining ictal syncopes.
Key words: heart, rythm abnormalities, syncope, epilepsy
doi: 10.1684/epi.2010.0328
Les différents troubles du rythme
cardiaque percritique
Différents troubles du rythme cardiaque
peuvent être observés lors d’une crise partielle
« arythmogénique ».
Tachycardie sinusale percritique
Tirés à part :
V. Navarro
Il s’agit d’une manifestation très fréquente,
observée dans plus de 90 % des crises (Blumhardt
et al., 1986). Lorsqu’elle est précoce et n’est
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accompagnée d’aucune autre manifestation
clinique, cette tachycardie reflète une activation
des centres autonomes directement par la crise,
et non une activation secondaire à la suite d’activités musculaires ou de l’anxiété chez un patient
ressentant une aura épileptique. Certains auteurs
(Zijlmans et al., 2002) considèrent que la tachycardie est un signe clinique « objectif » de crise, une
décharge électro-encéphalographique accompagnée d’une tachycardie devant donc plutôt
être considérée comme une crise électroclinique.
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V. Navarro
un bloc de branche ou des troubles de repolarisation (Nei et al.,
2000). Un cas de tachycardie ventriculaire évoluant en fibrillation ventriculaire, ayant nécessité des mesures réanimatoires, a
aussi été enregistré (Espinosa et al., 2009).
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Bradycardie sinusale (< 40 battements/min) percritique
Elle est plus rare, mais probablement sous-estimée. Chez
des patients épileptiques ayant bénéficié d’un dispositif d’enregistrement de l’ECG implantable (RevealR) 2,1 % des crises
s’accompagnaient d’une bradycardie. Cette dernière est néanmoins survenue chez 7 des 19 patients, enregistrés en
moyenne 18 mois (Rugg-Gunn et al., 2004). Cette bradycardie
est le plus souvent asymptomatique, n’entraînant pas de syncope. L’observation, chez l’un de nos patients enregistrés dans
l’unité d’EEG-vidéo, d’une syncope lors d’une crise, précédée
d’une bradycardie modérée (à 35 battements par minute), suggère d’autres mécanismes à l’origine de l’hypoperfusion cérébrale. Dans le cas particulier de ce patient, nous avons fait
l’hypothèse d’une vasoplégie. Il convient en effet de rappeler
que le système nerveux parasympathique régule non seulement le cœur, mais aussi la pression artérielle. C’est pourquoi
nous n’avons pas proposé à ce patient de pacemaker, mais plutôt un traitement vasoconstricteur.
Valeurs localisatrices et latéralisatrices
des troubles du rythme cardiaque percritique
Les troubles du rythme percritique sont liés à une propagation de la décharge épileptique dans les centres corticaux
contrôlant le système nerveux autonome, incluant notamment
l’insula et l’amygdale. Ces structures se projettent ensuite :
i) dans le tronc cérébral, permettant l’activation du système
nerveux parasympathique – la stimulation du nerf vague
entraîne alors, au niveau du cœur, une bradycardie voire une
asystolie – ; ou ii) au niveau de la moelle cervicale, permettant
l’activation du système nerveux sympathique, à l’origine d’une
tachycardie.
Chez le rat, il semble exister une spécificité des différents
cortex insulaires (Zhang et al., 1998). La stimulation du cortex
insulaire postérieur à gauche active le système parasympathique et provoque une bradycardie. La stimulation du cortex
insulaire postérieur à droite active le système sympathique et
provoque une tachycardie.
Pause sinusale (plus de trois secondes)
ou asystolie percritique
Il s’agit d’une manifestation beaucoup plus rare, mais
potentiellement plus grave. Elle s’accompagne d’une syncope
dès lors que l’asystolie dure plusieurs secondes. Le rôle d’asystolies prolongées a été évoqué dans la genèse des morts soudaines inexpliquées de l’épileptique (SUDEP) (voir la revue d’Alexandra Montavont et collaborateurs). Il semble néanmoins que
les apnées centrales péri-critiques puissent être davantage en
cause dans les SUDEP (Schuele, 2009). Les syncopes percritiques liées à une asystolie s’accompagnent souvent de chutes
traumatisantes. La figure 1 illustre l’enchaînement caractéristique : une crise temporale gauche entraîne rapidement une
bradycardie puis une asytolie, puis survient une syncope,
accompagnée sur l’EEG d’une disparition transitoire de toute
activité corticale. Certaines syncopes, qu’elles soient ou non
secondaires à une crise, peuvent s’accompagner de brèves
myoclonies irrégulières, des membres et de la face. Dans le cas
d’une syncope liée à une asystolie percritique, il conviendra
de ne pas considérer de telles secousses myocloniques
comme résultant d’une généralisation secondaire de la crise
(Rossetti et al., 2005).
Chez l’homme, un trouble du rythme percritique a une
moins bonne valeur localisatrice du foyer épileptogène. Ce sont
les cortex temporaux et insulaires qui ont été identifiés comme
étant à l’origine de la plupart des crises arythmogéniques :
67 % (Tinuper et al., 2001) à 100 % des cas (Britton et al.,
2006). Des troubles du rythme ont été enregistrés lors de crises
dont le foyer a été localisé dans d’autres structures, comme le
cortex orbito-frontal et cingulaire et l’hypothalamus (Kahane
et al., 1999). Pour ces dernières structures, il est possible que
le trouble du rythme soit lié à la propagation rapide de la
décharge vers des structures adjacentes, sièges des centres
corticaux du système autonome.
De même, chez l’homme, un trouble du rythme
percritique a une moins bonne valeur latéralisatrice du foyer
épileptogène. Seules quelques études invasives ont montré
des résultats similaires à ceux obtenus chez le rat. La stimulation peropératoire de l’insula provoque plutôt une tachycardie à droite et une bradycardie à gauche (Oppenheimer
et al., 1992). L’inactivation hémisphérique par de l’Amytal,
lors d’un test de Wada, a montré également une différence
similaire de réponse du rythme cardiaque (Zamrini et al.,
1990), résultat non confirmé par une étude ultérieure (Jokeit
et al., 2000). En revanche, les données de la littérature concernant la latéralisation du foyer chez des patients présentant
une bradycardie percritique sont moins claires. Une prédominance de patients ayant un foyer hémisphérique gauche a
néanmoins été rapportée lors des bradycardies-asystolies
percritiques (Tinuper et al., 2001). Le cas d’un patient ayant
une épilepsie bitemporale, explorée par des électrodes EEG
La fréquence des asystolies percritiques a d’abord été évaluée
lors d’enregistrements EEG-vidéo de plusieurs jours : 0,27
(Schuele et al., 2007) à 0,4 % (Rocamora et al., 2003) des patients
présentent une asystolie. Le recours à un dispositif d’enregistrement de l’ECG implantable (Rugg-Gunn et al., 2004) a montré
que les asystolies, même s’il s’agissait d’un événement rare, ont
été identifiées chez 3 des 19 patients implantés, au moins une
fois lors d’une crise, sur une période de plus d’un an.
Autres troubles du rythme ou de conduction
D’autres troubles du rythme ou de conduction ont été
rapportés lors de crises partielles, tels qu’une fibrillation atriale,
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A
FT10-AVG
T10-AVG
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T4-AVG
T6-AVG
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C4-AVG
P4-AVG
O2-AVG
Fp1-AVG
F3-AVG
C3-AVG
P3-AVG
O1-AVG
F7-AVG
T3-AVG
T5-AVG
FT9-AVG
T9-AVG
TP9-AVG
ECG
1 sec
B
Crise
Bradycardie
FT10-AVG
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T4-AVG
T6-AVG
Fp2-AVG
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C4-AVG
P4-AVG
O2-AVG
Fp1-AVG
F3-AVG
C3-AVG
P3-AVG
O1-AVG
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T3-AVG
T5-AVG
FT9-AVG
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TP9-AVG
ECG
Mouvements
Asystolie (19 sec)
C
Tracé EEG « nul »
+ myogramme
FT10-AVG
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T4-AVG
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Fp2-AVG
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P4-AVG
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C3-AVG
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O1-AVG
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T3-AVG
T5-AVG
FT9-AVG
T9-AVG
TP9-AVG
ECG
Chute
Tracé EEG « nul »
Reprise EEG 15 sec
après reprise de l’ECG
Figure 1. Asystolie lors d’une crise partielle temporale gauche.
Tracés EEG successifs, avec des électrodes de scalp, en montage monopolaire (par rapport à une référence moyenne), co-enregistrés avec
l’ECG (dernière voie), chez un patient de 52 ans, hospitalisé dans l’Unité d’EEG-vidéo de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière dans le cadre de
l’évaluation préchirurgicale d’une épilepsie partielle pharmacorésitante. Les crises ont débuté à l’âge de 33 ans, consistaient en des
hallucinations visuelles simples puis complexes (scènes féodales) suivies de pertes de contacts et d’automatismes. Des chutes étaient rapportées depuis 5 ans. Son IRM cérébrale n’a montré qu’une lésion frontale d’allure post-traumatique. Le premier extrait (A) montre le début
d’une crise, s’exprimant sur l’EEG par une activité rythmique temporale gauche, s’associant rapidement à une bradycardie. Puis (B), survient
une asystolie, qui va durer au total 19 sec. Sur l’EEG (B), on observe un ralentissement de la crise, puis, après des artéfacts de mouvement,
le tracé devient isoélectrique, surchargé d’artéfacts. Sur le tracé suivant (C), alors que l’activité cardiaque est réapparue, les conséquences
d’une anoxie cérébrale sont visibles durant encore 15 secondes : le tracé reste isoélectrique, le patient chute et il n’y plus de myogramme,
ce qui témoigne d’une hypotonie complète.
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V. Navarro
Début crise hippocampique droite (66 Hz)
A
AHipD1-AHipD2
AHipD2-AHipD3
AHipD3-AHipD4
AHipD4-AHipD5
AHipD5-AHipD6
AHipD6-AHipD7
AHipD7-AHipD8
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TantD5-TantD6
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TantD7-tantD8
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TmoyD5-TmoyD6
TposD1-TposD2
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D
G
ECG
1 sec
B
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AHipD3-AHipD4
AHipD4-AHipD5
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AHipD6-AHipD7
AHipD7-AHipD8
TantD1-TantD2
TantD2-TantD3
TantD3-TantD4
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TantD6-TantD7
TantD7-tantD8
TmoyD1-TmoyD2
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TmoyD5-TmoyD6
TposD1-TposD2
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TposD4-TposD5
TantG1-TantG2
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TantG6-TantG7
TantG7-TantG8
TmoyG1-TmoyG2
TmoyG2-TmoyG3
TmoyG3-TmoyG4
TposG1-TposG2
TposG2-TposG3
TposG3-TposG4
TposG4-TposG5
D
G
ECG
Bradycardie Asystolie, lors de la
propagation gauche
Chute atonique
de la tête
Figure 2. Asystolie lors de la propagation à gauche d’une crise partielle hippocampique droite.
Tracés EEG successifs, avec des électrodes intracérébrales, explorant l’hippocampe, ainsi que le néocortex temporal gauche (G) et droit (D),
en montage bipolaire, coenregistrés avec l’ECG (dernière voie), chez une patiente de 44 ans, hospitalisée dans l’unité d’EEG-vidéo de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière dans le cadre de l’évaluation préchirurgicale d’une épilepsie partielle pharmacorésitante. Les crises ont débuté à
l’âge de 37 ans, consistaient en une aura végétative (sensation épigastrique ascendante) et dysmnésique, suivie d’une perte de contact et
d’automatismes, et parfois d’épisodes de chutes. L’IRM était normale. Le premier extrait (A) montre le début d’une crise, s’exprimant sur
l’EEG par une activité rythmique, initialement rapide à 66 Hz, au niveau de l’hippocampe droit. Cette crise se propage secondairement
(B) au cortex temporal antérieur gauche. Une bradycardie, puis une asystolie sont alors observées. Cliniquement, seule une chute de la tête
a été notée après plusieurs secondes.
nous avons observé. D’autres auteurs (Britton et al., 2006) ont
plutôt suggéré qu’il n’existait pas, chez l’homme, une telle différence interhémisphérique du rôle des centres corticaux du
système neveux autonome. Une bradycardie surviendrait plutôt en cas de bilatéralisation de la décharge critique.
intracérébrales, a montré qu’il y avait possiblement une différence interhémisphérique des centres de contrôle du système
nerveux autonome : les crises débutant à droite entraînaient
une tachycardie et celles débutant à gauche une bradycardie
(Kawai et al., 2006). La figure 2 illustre un cas similaire que
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Troubles du rythme cardiaque lors des crises d’épilepsie
Arguments cliniques évoquant un trouble
du rythme cardiaque percritique
Le bilan cardiologique
Le bilan cardiologique a pour but de rechercher une pathologie cardiaque associée, qui potentialiserait l’effet arythmogène d’une crise. L’exploration minimale du rythme cardiaque
repose sur un enregistrement Holter de 24 heures. Le recours
à un dispositif implantable, permettant d’enregistrer l’ECG
durant des mois, peut être proposé dans certaines situations –
par exemple quand l’enregistrement EEG-vidéo n’a pas montré
de syncopes percritiques.
L’accès à un enregistrement EEG-vidéo de longue durée est
le plus souvent limité aux seuls patients ayant une épilepsie
pharmacorésistante lorsqu’une chirurgie de leur épilepsie est
envisagée. Il est donc nécessaire que les cliniciens décèlent
dès l’interrogatoire de leurs patients des arguments évocateurs.
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Neurologue suivant un patient ayant une épilepsie partielle
Il s’agit de la situation la plus fréquente. Même si, le plus
souvent, il s’agit d’une épilepsie ancienne pharmacorésistante,
il est aussi possible qu’il s’agisse de crises de découverte récente.
Traitements
Le traitement de l’épilepsie est l’étape principale de la prise
en charge des troubles du rythme cardiaque percritique.
Il repose sur les médicaments antiépileptiques, en faisant
attention aux effets chronotropes négatifs de certaines molécules, notamment celles inhibant les canaux sodiques. En cas
de pharmacorésistance, une chirurgie de l’épilepsie peut être
envisagée. Il conviendra, à l’inverse, d’éviter le recours à la
stimulation du nerf vague, qui pourrait théoriquement aggraver les conséquences d’une syncope percritique.
Le neurologue devra être alerté par :
– un changement de la sémiologie des crises, souvent des dizaines d’années après le début de son épilepsie, avec notamment
l’apparition de manifestions cliniques évocatrices de syncopes ;
– la survenue de chutes traumatisantes, chez un patient
compliant qui ne présentait, jusqu’alors, plus de crise secondairement généralisée ;
– la constatation d’une pâleur et d’une hypotonie généralisée
lors des pertes de connaissance.
Un stimulateur cardiaque sentinelle peut être proposé
quand l’épilepsie ne peut pas être contrôlée ou en cas de
pathologie cardiaque arythmogène associée, dès lors qu’il
s’agit d’une asystolie suffisamment longue pour être à l’origine
de manifestation syncopale. De façon intéressante, lorsqu’un
stimulateur est implanté, une estimation de la fréquence des
crises pourra être donnée par le nombre de déclenchements
(Rossetti et al., 2005). Les crises peuvent persister, entraînant
une bradycardie, mais le pacemaker se déclenche, évitant
l’asystolie et la syncope (Strzelczyk et al., 2008) et prévenant
la morbidité et la mortalité liée aux traumatismes crâniens
associés (Zubair et al., 2009). Les données récentes suggérant
que les morts soudaines inexpliquées de l’épileptique seraient
davantage dues à des apnées centrales plutôt que des asystolies
n’incitent pas au recours systématique du stimulateur lorsque
la bradycardie ou l’asystolie n’entraînent pas de syncope.
Cardiologue suivant un patient ayant présenté des syncopes,
et chez qui un trouble du rythme cardiaque a été identifié
Cette situation est plus rare, mais souligne que des syncopes liées à des crises peuvent être initialement prises en charge
en cardiologie. Le cardiologue devra être alerté par la persistance de symptômes s’avérant par la suite être des crises partielles, alors que les syncopes ont disparu après l’implantation
d’un pacemaker.
Prise en charge
des troubles du rythme cardiaque percritique
□
Bilan
L’identification d’un trouble du rythme cardiaque percritique impose un bilan tant épileptologique que cardiologique.
Remerciements : À l’équipe de l’Unité d’EEG-vidéo
(Claude Adam, Michel Baulac) et à l’équipe de rythmologie
(Robert Frank, Françoise Hidden-Lucet) de l’Hôpital de la
Pitié-Salpêtrière.
Bilan épileptologique
Le bilan épileptologique comprendra des examens classiques. L’enregistrement de crises lors d’un examen EEG-vidéo
de longue durée est nécessaire pour confirmer l’origine critique
du trouble du rythme cardiaque. Il convient alors de vérifier
régulièrement que les voies ECG, systématiquement enregistrées lors de l’EEG, ne sont pas artéfactées. Une IRM cérébrale,
comportant des coupes spécifiques au bilan d’une épilepsie,
devra être réalisée avant l’implantation d’un pacemaker. Chez
les patients présentant des troubles du rythme cardiaque
percritique, il est parfois difficile de déterminer si des lésions
présentes sur l’IRM cérébrale sont séquellaires de traumatismes
crâniens liés aux syncopes, ou s’il s’agit d’une lésion primitivement épileptogène.
Conflits d’intérêts : aucun.
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