
Bradycardie sinusale (< 40 battements/min) percritique
Elle est plus rare, mais probablement sous-estimée. Chez
des patients épileptiques ayant bénéficié d’un dispositif d’enre-
gistrement de l’ECG implantable (Reveal
R
) 2,1 % des crises
s’accompagnaient d’une bradycardie. Cette dernière est néan-
moins survenue chez 7 des 19 patients, enregistrés en
moyenne 18 mois (Rugg-Gunn et al., 2004). Cette bradycardie
est le plus souvent asymptomatique, n’entraînant pas de syn-
cope. L’observation, chez l’un de nos patients enregistrés dans
l’unité d’EEG-vidéo, d’une syncope lors d’une crise, précédée
d’une bradycardie modérée (à 35 battements par minute), sug-
gère d’autres mécanismes à l’origine de l’hypoperfusion céré-
brale. Dans le cas particulier de ce patient, nous avons fait
l’hypothèse d’une vasoplégie. Il convient en effet de rappeler
que le système nerveux parasympathique régule non seule-
ment le cœur, mais aussi la pression artérielle. C’est pourquoi
nous n’avons pas proposé à ce patient de pacemaker, mais plu-
tôt un traitement vasoconstricteur.
Pause sinusale (plus de trois secondes)
ou asystolie percritique
Il s’agit d’une manifestation beaucoup plus rare, mais
potentiellement plus grave. Elle s’accompagne d’une syncope
dès lors que l’asystolie dure plusieurs secondes. Le rôle d’asys-
tolies prolongées a été évoqué dans la genèse des morts soudai-
nes inexpliquées de l’épileptique (SUDEP) (voir la revue d’Ale-
xandra Montavont et collaborateurs). Il semble néanmoins que
les apnées centrales péri-critiques puissent être davantage en
cause dans les SUDEP (Schuele, 2009). Les syncopes percriti-
ques liées à une asystolie s’accompagnent souvent de chutes
traumatisantes. La figure 1 illustre l’enchaînement caractéris-
tique : une crise temporale gauche entraîne rapidement une
bradycardie puis une asytolie, puis survient une syncope,
accompagnée sur l’EEG d’une disparition transitoire de toute
activité corticale. Certaines syncopes, qu’elles soient ou non
secondaires à une crise, peuvent s’accompagner de brèves
myoclonies irrégulières, des membres et de la face. Dans le cas
d’une syncope liée à une asystolie percritique, il conviendra
de ne pas considérer de telles secousses myocloniques
comme résultant d’une généralisation secondaire de la crise
(Rossetti et al., 2005).
La fréquence des asystolies percritiques a d’abord été évaluée
lors d’enregistrements EEG-vidéo de plusieurs jours : 0,27
(Schuele et al., 2007) à 0,4 % (Rocamora et al., 2003) des patients
présentent une asystolie. Le recours à un dispositif d’enregistre-
ment de l’ECG implantable (Rugg-Gunn et al., 2004) a montré
que les asystolies, même s’il s’agissait d’un événement rare, ont
été identifiées chez 3 des 19 patients implantés, au moins une
fois lors d’une crise, sur une période de plus d’un an.
Autres troubles du rythme ou de conduction
D’autres troubles du rythme ou de conduction ont été
rapportés lors de crises partielles, tels qu’une fibrillation atriale,
un bloc de branche ou des troubles de repolarisation (Nei et al.,
2000). Un cas de tachycardie ventriculaire évoluant en fibrilla-
tion ventriculaire, ayant nécessité des mesures réanimatoires, a
aussi été enregistré (Espinosa et al., 2009).
Valeurs localisatrices et latéralisatrices
des troubles du rythme cardiaque percritique
Les troubles du rythme percritique sont liés à une propaga-
tion de la décharge épileptique dans les centres corticaux
contrôlant le système nerveux autonome, incluant notamment
l’insula et l’amygdale. Ces structures se projettent ensuite :
i) dans le tronc cérébral, permettant l’activation du système
nerveux parasympathique –la stimulation du nerf vague
entraîne alors, au niveau du cœur, une bradycardie voire une
asystolie –; ou ii) au niveau de la moelle cervicale, permettant
l’activation du système nerveux sympathique, à l’origine d’une
tachycardie.
Chez le rat, il semble exister une spécificité des différents
cortex insulaires (Zhang et al., 1998). La stimulation du cortex
insulaire postérieur à gauche active le système parasympa-
thique et provoque une bradycardie. La stimulation du cortex
insulaire postérieur à droite active le système sympathique et
provoque une tachycardie.
Chez l’homme, un trouble du rythme percritique a une
moins bonne valeur localisatrice du foyer épileptogène. Ce sont
les cortex temporaux et insulaires qui ont été identifiés comme
étant à l’origine de la plupart des crises arythmogéniques :
67 % (Tinuper et al., 2001) à 100 % des cas (Britton et al.,
2006). Des troubles du rythme ont été enregistrés lors de crises
dont le foyer a été localisé dans d’autres structures, comme le
cortex orbito-frontal et cingulaire et l’hypothalamus (Kahane
et al., 1999). Pour ces dernières structures, il est possible que
le trouble du rythme soit lié à la propagation rapide de la
décharge vers des structures adjacentes, sièges des centres
corticaux du système autonome.
De même, chez l’homme, un trouble du rythme
percritique a une moins bonne valeur latéralisatrice du foyer
épileptogène. Seules quelques études invasives ont montré
des résultats similaires à ceux obtenus chez le rat. La stimu-
lation peropératoire de l’insula provoque plutôt une tachy-
cardie à droite et une bradycardie à gauche (Oppenheimer
et al., 1992). L’inactivation hémisphérique par de l’Amytal,
lors d’un test de Wada, a montré également une différence
similaire de réponse du rythme cardiaque (Zamrini et al.,
1990), résultat non confirmé par une étude ultérieure (Jokeit
et al., 2000). En revanche, les données de la littérature concer-
nant la latéralisation du foyer chez des patients présentant
une bradycardie percritique sont moins claires. Une prédomi-
nance de patients ayant un foyer hémisphérique gauche a
néanmoins été rapportée lors des bradycardies-asystolies
percritiques (Tinuper et al., 2001). Le cas d’un patient ayant
une épilepsie bitemporale, explorée par des électrodes EEG
V. Navarro
Épilepsies, vol. 22, n° 3, juillet-août-septembre 2010 182
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