DOSSIER THÉMATIQUE Le diagnostic de la DVDA Diagnostic de DVDA : aspects génétiques ARVD: genetic aspects Ph. Charron¹, ², ³, E. Gandjbakhch¹, ³, E. Villard³, V. Fressart³, ⁴ D epuis la description moderne de la maladie, en 1982, par F. Marcus et al. (1), le terme de “cardiomyopathie” ventriculaire droite a été introduit pour remplacer celui de “dysplasie” (2, 3) et pour insister sur sa survenue fréquemment retardée et progressive avec l’âge. Récemment, c’est à la génétique moléculaire que l’on doit d’avoir franchi une étape majeure dans la compréhension de la maladie. L’objet de cet article est de faire le point sur l’avancée des connaissances en ce domaine et de préciser quelles en sont les implications pratiques pour le cardiologue. Gènes en cause ¹ Département de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. ² Département de génétique, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. ³ Inserm UMRS 956, faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. ⁴ Service de biochimie, UF cardiogénétique et myogénétique, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. La composante génétique de la maladie a été longtemps négligée, mais les formes familiales constituent en fait 30 à 50 % des cas (selon les critères diagnostiques retenus) et la transmission est habituellement autosomique dominante (3, 4). Les premières études génétiques ont cependant porté sur une forme très rare de dysplasie/cardiomyopathie ventriculaire droite (CVDA/DVDA), la maladie de Naxos, caractérisée par une transmission récessive et une expression clinique syndromique (kératose palmoplantaire et anomalies des phanères à type de cheveux laineux). Le criblage du génome dans plusieurs familles grecques atteintes par ce syndrome a permis d’identifier en 2000 une mutation homozygote (tableau I) à type de délétion dans le gène JUP codant la plakoglobine, protéine localisée au niveau des desmosomes. Peu après, une mutation homozygote du gène de la desmoplakine (DSP), un autre constituant des desmosomes, a été mise en évidence dans un syndrome voisin, le syndrome de Carvajal, qui associe une cardiomyopathie du 22 | La Lettre du Cardiologue ̐ n° 450 - décembre 2011 ventricule gauche (VG) et des altérations de la peau et des phanères. Les travaux ont ensuite porté sur les formes communes et autosomiques dominantes de la CVDA/DVDA. Ils ont révélé que les gènes codant les protéines du desmosome étaient également impliqués dans ces formes communes. Il existe en fait une grande hétérogénéité de loci (tableau II) : on en recense 12 différents, dont 7 gènes rapportés à ce jour dans ces formes dominantes de la maladie (3, 4). L’identification de mutations dans les 5 gènes codant pour des protéines du desmosome cardiaque (plakophiline-2 [PKP2], desmoplakine [DSP], plakoglobine [JUP], desmogléine-2 [DSG2] et desmocolline-2 [DSC2]) a permis non seulement d’affirmer l’origine génétique de la DVDA, mais aussi de révéler l’implication jusqu’alors insoupçonnée des desmosomes dans la physiopathologie de la maladie. Les mutations décrites sont multiples : non-sens, insertions-délétions, faux-sens ou mutations des sites d’épissage. L’implication des gènes qui codent pour des protéines autres que celles du desmosome est encore mal déterminée, mais paraît marginale. Le spectre des mutations et la fréquence des gènes ont été analysés dans plusieurs études, notamment au sein d’un réseau franco-suisse coordonné par notre centre de référence pour les maladies cardiaques héréditaires (5), qui a rassemblé l’une des populations les plus importantes en la matière (135 patients indépendants ou propositus recrutés au sein de 10 centres, et plus de 220 apparentés) et qui a permis une analyse approfondie. Dans cette étude portant sur des propositus non apparentés (103 hommes/32 femmes, âge moyen 37 ans, 48 % avec antécédents de défibrillateur, 23 % avec antécédents familiaux), l’analyse des 5 gènes principaux codant les protéines desmo- Points forts » La cardiomyopathie/dysplasie ventriculaire droite arythmogène (CVDA/DVDA) est une maladie génétique à transmission autosomique dominante ; une mutation peut être identifiée chez environ 50 % des patients/ familles dans l’un des gènes codant pour les protéines du desmosome. » Cette dimension familiale et génétique de la CVDA/DVDA doit être prise en compte et conduire dans tous les cas à une surveillance cardiologique des personnes apparentées, y compris à l’âge adulte, de façon à permettre un diagnostic et une prise en charge précoces. » Un test génétique est possible, qui permet d'optimiser la prise en charge des patients et de leurs apparentés, notamment pour guider la surveillance chez les apparentés (test génétique prédictif). Tableau I. Gènes impliqués dans la CVDA/DVDA (formes récessives). Locus Gène Protéine Syndrome de Naxos R JUP Plakoglobine McKoy G et al. Lancet 2000 Syndrome de Carvajal 6p24 DSP Desmoplakine Norgett EE et al. Hum Mol Genet 2000 18p12.1 DSC2 Desmocolline-2 Simpson MÀ et al. Cardiology 2009 Atteinte cardiaque et des phanères Cardiomyopathie Génétique Dysplasie ventriculaire droite Highlights Formes récessives (rares) Syndrome Mots-clés Référence Tableau II. Gènes impliqués dans la CVDA/DVDA (formes dominantes). Référence » Arrhythmogenic Right 7FOUSJDVMBS$BSEJPNZPQBUIZ %ZTQMBTJB"37$"37% JTB genetic disease with autosomal dominant inheritance; a mutation can be identified in about PGQBUJFOUTGBNJMJFTJO genes encoding desmosomal proteins. » The genetic origin should MFBE UP B GBNJMZ DBSEJBD TDSFFOJOHJOBMMGJSTUEFHSFF relatives, including in adults, in order to make an early diagnosis and then an early therapeutic management. » Genetic testing can also be proposed in order to improve UIFNBOBHFNFOUPGQBUJFOUT and relatives, especially predictive testing in asymptomatic relatives to guide the cardiac screening. Formes dominantes (communes) Locus Gène Protéine DVDA 1 14q23-24 TGFb3 TGFb3 DVDA 2 1q42-43 RyR2 Récepteur de la ryanodine DVDA 3 14q11-q12 DVDA 4 2q32.1-q32.3 DVDA 5 3p23.1 DVDA 6 10p12-p14 %7%" 10q22 DVDA 8 6p24 DSP Desmoplakine Rampazzo et al. Am J Hum Genet 2002 DVDA 9 12p11 PKP2 Plakophiline-2 Gerull et al. 2004 Nat Genet Keywords DVDA 10 18q 12 DSG2 Desmogléine-2 Pilichou et al. Circulation 2006 ; Awad et al. Am J Hum Genet 2006 DVDA 11 18p12.1 DSC2 Desmocolline-2 Syrris et al. Am J Hum Genet 2006 ; Heuser et al. Am J Hum Genet 2006 Cardiomyopathy Genetics Right ventricular dysplasia DVDA12 R JUP Plakoglobine "TJNBLJFUBM"N+)VN(FOFU #FGGBHOBFUBM$BSEJPWBTD3FT Tiso et al. Hum Mol Genet 2001 Severini et al. Genomics 1996 3BNQB[[PFUBM(FOPNJDT TMEM43 Merner et al. Am J Hum Genet 2008 Li et al. Am J Genet 2000 Melberg et al. Ann Neurol 1999 somales (PKP2, DSG2, DSP, DSC2 et JUP) a identifié 41 mutations (dont 28 nouvelles) chez 62 probands (46 % de la population d’étude), qu’il y ait un contexte familial (55 % de mutations identifiées) ou pas (43 % de mutations identifiées). Par ailleurs, des variants génétiques de signification inconnue ont été mis en évidence chez 7 % des patients. La distribution des mutations (retenues comme causales) est la suivante : 31 % dans le gène PKP2, 10 % dans DSG2, 4,5 % dans DSP, 1,5 % dans DSC2 et aucune dans JUP. Enfin, des mutations multiples (2 mutations dans le même gène ou dans des gènes différents) ont été identifiées chez 4 % des patients. Ces connaissances toutes récentes ont permis de développer le test génétique dans une perspective d’utilisation en routine. Au sein de notre centre, la stratégie diagnostique consiste en une recherche de mutation par séquençage direct de l’ADN génomique sur les 3 gènes les plus fréquemment impliqués : PKP2, DSG2 et DSP. En cas de résultat négatif, et dans un deuxième temps, l’analyse peut être complétée sur les gènes JUP et DSC2 si le tableau clinique est évocateur (atteinte cutanée associée) ou sur une demande argumentée du prescripteur. L’interprétation des variants génétiques doit être particulièrement précautionneuse dans cette maladie, en raison La Lettre du Cardiologue ̐ n° 450 - décembre 2011 | 23 DOSSIER THÉMATIQUE Le diagnostic de la DVDA Diagnostic de DVDA : aspects génétiques notamment de la fréquence des polymorphismes rares. Cela est particulièrement vrai pour le gène de la plakophiline-2, dont notre équipe a montré par ailleurs que l’exon 6 n’était pas exprimé dans le tissu cardiaque et que les mutations préalablement décrites dans cet exon ne devaient pas être considérées comme causales (6). Vers une meilleure compréhension de la physiopathologie Histologiquement, la DVDA est caractérisée par un remplacement progressif des myocytes par un tissu fibroadipeux (1-3). L’identification de mutations causales dans 5 gènes codant pour les composants principaux du desmosome cardiaque permet d’entrevoir les mécanismes physiopathologiques de cette maladie et de développer des études permettant de Cardiomyocyte n° 1 Cardiomyocyte n° 2 les préciser. Les desmosomes sont des complexes protéiques membranaires qui jouent un rôle important dans l’adhésion intercellulaire et dans le maintien de l’intégrité structurelle des tissus, en particulier ceux soumis à un stress mécanique important comme le cœur (7). Ils sont formés de 3 types de protéines : les cadhérines desmosomales (DSG et DSC), les protéines appartenant à la famille des protéines armadillo (JUP et PKP1-4) et les plakines (DSP, plectine, BPAG1-b et épiplakine). L’ensemble forme la plaque desmosomale qui médie l’ancrage des filaments intermédiaires (composés de desmine dans le cardiomyocyte) à la membrane cellulaire. Cette structure est bien identifiable en microscopie électronique sous l’aspect d’une plaque très dense aux électrons (figure 1). Dans le tissu cardiaque, seuls PKP2, DSC2 et DSG2 sont exprimés et les desmosomes sont spécifiquement localisés au niveau du disque intercalaire (7) [figure 2]. Les mécanismes physiopathologiques menant des mutations à l’expression clinique de la maladie sont encore mal connus. Il est probable que l’atteinte du desmosome cardiaque entraîne un défaut d’adhésion intercellulaire et une moindre résistance du tissu cardiaque au stress mécanique. Des études en microscopie électronique réalisées à partir de myocarde de patients atteints de DVDA ont mis en évidence des anomalies de structure du desmosome cardiaque ainsi qu’un élargissement de l’espace intercellulaire (figure 3). L’étude de l’expression cardiaque des différents composants desmosomaux que nous avons réalisée au sein de notre laboratoire à partir de plusieurs sujets atteints de la maladie suggère Espace intercellulaire DSG2 DSP DSC2 DSC2 DSG2 DSC2 Desmine JUP DSC2 DSC2 DSG2 DSC2 DSG2 DSC2 DSP JUP DSC2 DSG2 Plaque desmosomale Figure 1. Le desmosome est un complexe protéique formé des cadhérines desmosomales DSC2 et DSG2 qui sont responsables de l’interaction intercellulaire. Les cadhérines interagissent via leur domaine intracellulaire avec PKP2, JUP et DSP, qui médient l’ancrage de la desmine dans la plaque. 24 | La Lettre du Cardiologue ̐ n° 450 - décembre 2011 Figure 2. Marquage en immunofluorescence (en vert) de la cadhérine desmosomale DSG2, localisation au disque intercalaire (myocarde humain analysé au laboratoire Inserm U956). DOSSIER THÉMATIQUE Concepts cliniques issus des avancées génétiques Maladie génétique Figure 3. Image en microscopie électronique du myocarde d’un patient atteint de DVDA (laboratoire Inserm U956). Des défauts de structure du desmosome sont mis en évidence, avec des desmosomes très courts (tête de flèche) et des défauts d’adhésion intercellulaire (flèche). que les cadhérines desmosomales jouent un rôle important dans le mécanisme de cette perte d’adhésion. L’origine du remplacement fibroadipeux des myocytes reste mal connue. L’une des hypothèses soulevées (8), étayée par un modèle cellulaire (extinction de DSP par interférence ARN) et par un modèle murin (souris déficiente pour DSP), est que les mutations et la désorganisation du desmosome entraînent une libération de la plakoglobine qui va migrer dans le noyau et modifier l’activité transcriptionnelle par inhibition compétitive de la voie Wnt/bêta-caténine. Cela aboutit à l’activation de l’expression des gènes impliqués dans l’adipogenèse et dans la fibrogenèse, avec modification du phénotype cellulaire vers un phénotype partageant notamment les caractéristiques d’une cellule adipeuse (8). Les mécanismes à l’origine des arythmies ventriculaires semblent quant à eux multifactoriels. En effet, même si la plupart des tachycardies ventriculaires surviennent par un mécanisme de macroréentrée ayant pour substrat les dépôts fibroadipeux, il semble de plus en plus probable que des anomalies associées des canaux ioniques et des jonctions gap participent au substrat. Ainsi, il a été observé dans le myocarde des patients une désorganisation des connexines-43 qui forment les jonctions gap, et des études menées in vitro montrent que l’absence de PKP2 entraîne des défauts de couplage intercellulaire et un défaut de fonctionnement du canal sodique Nav1.5 (9, 10). Enfin, l’inflammation et l’apoptose pourraient jouer un rôle dans le mécanisme de la perte myocytaire (11). Les avancées génétiques ont d’abord conduit à un fait important, celui de devoir considérer la CVDA/ DVDA comme d’origine génétique dans presque tous les cas (3-5). En effet, des mutations sont identifiées, avec une probabilité très proche que l’on s’adresse à un patient avec antécédents familiaux ou que le cas apparaisse comme “sporadique”. Dans ce dernier cas, l’expérience du réseau français a permis de mieux en comprendre les mécanismes (5). Chez certains de ces patients présentant une maladie apparemment sporadique et une mutation identifiée, cette dernière est héritée d’un parent qui n’a, jusque-là, pas développé la maladie, ce qui relève d’un phénomène de pénétrance incomplète de la mutation (la pénétrance est la probablilité de développer la maladie chez un porteur de mutation, et elle est dite incomplète si elle est inférieure à 100 %). Dans d’autres cas, le cas sporadique relève d’une néomutation (ou mutation de novo), avec une mutation absente dans les lymphocytes des parents, en raison de la survenue récente de l’événement mutationnel au sein de la famille. Notre équipe a été la première à rapporter ce mécanisme dans cette maladie (12). Mode de transmission La transmission de la maladie est presque toujours autosomique dominante, ce qui signifie un risque de transmission de 50 % à chaque apparenté au premier degré. Dans de très rares cas, correspondant à une forme syndromique avec atteinte cardiaque, cutanée (hyperkératose palmoplantaire) et des phanères (cheveux laineux), il s’agit d’une transmission récessive (syndrome de Naxos ou de Carvajal). Expressivité variable et corrélations phénotype-génotype Dans sa forme commune autosomique dominante, la maladie est associée à une très grande variabilité d’expression clinique, y compris au sein d’une même famille. Les données sur les corrélations génotype/ phénotype restent limitées et parfois contradictoires, mais des différences d’expression phénotypique en fonction du gène causal ont été suggérées. Dans l’expérience du réseau français, les mutations du gène DSG2 sont associées à un phénotype plus sévère avec La Lettre du Cardiologue ̐ n° 450 - décembre 2011 | 25 DOSSIER THÉMATIQUE Le diagnostic de la DVDA Diagnostic de DVDA : aspects génétiques une atteinte ventriculaire gauche (fraction d’éjection du ventricule gauche [FEVG] inférieure à 45 %) significativement plus fréquente, pouvant dans certains cas conduire à une insuffisance cardiaque terminale avec transplantation (5). W.J. McKenna et al. ont observé que des mutations du gène DSP étaient impliquées dans des formes de cardiomyopathie prédominantes sur le VG, voire parfois dans des formes conventionnelles de cardiomyopathie dilatée (CMD), posant le problème de formes “frontières” entre CVDA/DVDA et CMD (13, 14). D’une façon générale, aucune différence n’a été mise en évidence selon le mécanisme de la mutation causale (tronquante ou faux-sens). En revanche, plusieurs études ont montré que les mutations multiples (hétérozygotes composites, doubles hétérozygotes, homozygotes), présentes chez environ 4 à 15 % des cas index, étaient associées à un phénotype plus sévère. Dans notre expérience, la présence d’une mutation multiple était associée à une atteinte ventriculaire gauche (FEVG inférieure à 45 %) significativement plus fréquente et à une tendance à une mort subite plus fréquente (5). Dans les expériences italienne et anglaise, la présence de mutations multiples était également associée à une plus forte sévérité et une pénétrance de la maladie (15,16). Pénétrance des mutations Alors que la pénétrance (pourcentage de porteurs de mutation qui expriment la maladie cardiaque) est le plus souvent complète dans la forme autosomique récessive, elle est extrêmement variable dans la forme autosomique dominante (entre 35 et 65 %) [16]. La variabilité de la pénétrance est probablement multifactorielle. Elle augmente progressivement avec l’âge, les premiers signes cliniques apparaissant souvent à partir de l’adolescence. Une série pédiatrique a ainsi observé qu’aucun enfant porteur de mutation ne présentait de signes cliniques avant l’âge de 10 ans, puis que la pénétrance atteignait 42 % chez les plus de 14 ans. L’expression cardiaque est parfois beaucoup plus tardive, elle peut débuter après l'âge de 40 ou 50 ans. La pénétrance est également plus importante chez les sujets de sexe masculin (ce qui explique la relative prépondérance masculine des patients), et avec la présence de mutations multiples. Des facteurs environnementaux ont également été suggérés, comme les infections virales ou la pratique du sport. Soulignons enfin que la pénétrance dépend beaucoup des critères diagnostiques utilisés (2), et il est possible que la faible pénétrance rapportée dans les études puisse être expliquée en partie par la difficulté du diagnostic des formes débu- 26 | La Lettre du Cardiologue ̐ n° 450 - décembre 2011 tantes ou frustes (la révision en 2010 des critères diagnostiques de la maladie avait notamment pour objectif de pallier ces insuffisances). Applications en pratique Les avancées récentes dans la connaissance des aspects génétiques de la maladie ont conduit au développement rapide du test génétique (désormais incorporé aux critères diagnostiques de la maladie et révisé en 2010) [2]. Ce test doit cependant toujours être intégré à une démarche globale de conseil génétique, qui comporte d’abord une phase d’information du patient et de sa famille, puis une phase d’organisation d’une surveillance cardiologique chez les apparentés (17). Enquête cardiologique familiale Il est souhaitable de préconiser un bilan cardiaque familial systématique, même devant un cas en apparence sporadique de la maladie, du fait : ➤ que presque toutes les CVDA/DVDA relèvent d’une origine génétique ; ➤ de la gravité potentielle de la maladie (le risque de mort subite causée par des troubles du rythme ventriculaire est d’environ 1 à 2 % par an) ; ➤ du bénéfice d’un traitement précoce (intérêt du traitement médicamenteux, et d’une restriction d’activité sportive, vis-à-vis du risque rythmique). Cette attitude a été récemment préconisée par le groupe de travail “cardiomyopathies” de la Société européenne de cardiologie (17) et les modalités en ont été précisées. Le bilan s’adresse à tous les apparentés au premier degré (fratrie, enfants, parents) d’un patient atteint de CVDA/DVDA, au moins à partir de l’âge de 10 ans. Le bilan comporte en première intention un tracé ECG, une échographie, un ECG-HA et un holter-ECG. Un bilan anormal induit des investigations complémentaires. Un premier bilan cardiologique normal doit conduire à la poursuite d’une surveillance cardiologique du fait de l’expression cardiaque souvent retardée (le bilan peut être renouvelé tous les 1 à 2 ans entre l’âge de 10 et 20 ans, puis espacé tous les 2 à 5 ans entre l’âge de 20 et 50/60 ans). Soulignons que, conformément aux textes de lois, le cardiologue ne peut pas contacter directement les apparentés. L’information doit passer par le patient vu initialement et porteur de la maladie (le propositus ou premier patient malade vu au sein de la famille) et cela sera facilité par la remise d’une lettre que le patient distribuera au sein de sa famille (une lettre DOSSIER THÉMATIQUE type est disponible sur le site de notre centre de référence : www.cardiogen.aphp.fr). Test génétique Le test génétique est réalisé habituellement à partir d’un prélèvement sanguin. Il constitue un outil complémentaire qui peut représenter une aide significative pour le clinicien, dans des situations théoriques variées comme le test diagnostique, pronostique, prédictif ou parfois prénatal. Sa pratique doit s’entourer de précautions afin d'informer au mieux le consultant sur ses enjeux, et de le préserver de répercussions négatives éventuelles (17). Ce test pose en effet des problèmes spécifiques, touchant l’individu dans sa nature intime et dans ses liens avec sa famille. Dans le cadre de la CVDA/DVDA, l’application privilégiée du test génétique consiste en une aide à la prise en charge familiale grâce à un “test génétique prédictif” chez un apparenté − l’aide systématique à la stratification pronostique est encore prématurée. L’identification d’une mutation chez un patient permet en effet de disposer d’un outil diagnostique supplémentaire pour les investigations chez ses apparentés, en accord avec la révision récente des critères diagnostiques internationaux de CVDA/DVDA (2), qui considère l’identification d’une mutation comme un critère “majeur” − le diagnostic étant porté en présence de 2 critères majeurs ou de 1 critère majeur et de 2 mineurs, ou bien de 4 critères mineurs issus de différentes catégories. Le résultat génétique chez un apparenté (avec bilan cardiaque normal ou peu contributif) va ainsi permettre de guider au mieux la prise en charge. En l’absence de mutation, la surveillance cardio- logique de celui-ci, et de ses descendants, devient inutile. Chez l’apparenté porteur de la mutation, un bilan cardiologique plus complet est réalisé et la poursuite d’une surveillance cardiologique est impérative, quel que soit le résultat du bilan cardiaque. L’autre conséquence du test est ici que la descendance de l’apparenté est maintenant clairement à risque et doit faire l’objet à son tour d’une surveillance médicale. Un test génétique prédictif ne peut être proposé à un apparenté que si la mutation a d’abord été caractérisée chez le propositus. La démarche globale commence donc avec un test génétique effectué chez le patient dont la maladie cardiaque est avérée. Dans l’état actuel de nos connaissances, une mutation est identifiée chez ce type de patient dans environ 50 % des cas − l’absence de mutation identifiée dans les autres cas signifie seulement que les gènes testés ne sont pas en cause). Les analyses nécessitent ici souvent un délai de 6 mois, car le travail consiste en un séquençage de l’ensemble des régions codantes des principaux gènes. Mais lorsque la mutation est identifiée, la recherche précise de cette mutation chez un apparenté est simple (une réaction PCR), rapide (quelques jours ou quelques semaines), et parfaitement interprétable (présence ou absence de la mutation). Conformément aux dispositions légales, les enjeux médicaux, socioprofessionnels et psychologiques du test génétique prédictif doivent être abordés largement avec le consultant au sein d’une équipe pluridisciplinaire (déclarée au ministère de la Santé ou à l’Agence de biomédecine), préalablement au test (coordonnées des “centres de compétence” spécialisés dans les cardiomyopathies sur le site Internet du centre de référence). ■ En savoir plus… ̐ Pour plus d’informations, consulter le site Internet du centre de référence pour les maladies cardiaques héréditaires : http://www.cardiogen. aphp.fr Références bibliographiques 1. Marcus FI, Fontaine GH, Guiraudon G et al. Right ventricular dysplasia : a report of 24 adult cases. 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