26 | La Lettre du Cardiologue ̐ n° 450 - décembre 2011
DOSSIER THÉMATIQUE
Le diagnostic de la DVDA Diagnostic de DVDA : aspects génétiques
une atteinte ventriculaire gauche (fraction d’éjection
du ventricule gauche [FEVG] inférieure à 45 %) signifi-
cativement plus fréquente, pouvant dans certains cas
conduire à une insuffisance cardiaque terminale avec
transplantation (5). W.J. McKenna et al. ont observé
que des mutations du gène DSP étaient impliquées
dans des formes de cardiomyopathie prédominantes
sur le VG, voire parfois dans des formes convention-
nelles de cardiomyopathie dilatée (CMD), posant le
problème de formes “frontières” entre CVDA/DVDA
et CMD (13, 14). D’une façon générale, aucune diffé-
rence n’a été mise en évidence selon le mécanisme
de la mutation causale (tronquante ou faux-sens).
En revanche, plusieurs études ont montré que les
mutations multiples (hétérozygotes composites,
doubles hétérozygotes, homozygotes), présentes chez
environ 4 à 15 % des cas index, étaient associées à
un phénotype plus sévère. Dans notre expérience, la
présence d’une mutation multiple était associée à une
atteinte ventriculaire gauche (FEVG inférieure à 45 %)
significativement plus fréquente et à une tendance
à une mort subite plus fréquente (5). Dans les expé-
riences italienne et anglaise, la présence de mutations
multiples était également associée à une plus forte
sévérité et une pénétrance de la maladie (15,16).
Pénétrance des mutations
Alors que la pénétrance (pourcentage de porteurs
de mutation qui expriment la maladie cardiaque)
est le plus souvent complète dans la forme auto-
somique récessive, elle est extrêmement variable
dans la forme autosomique dominante (entre 35 et
65 %) [16]. La variabilité de la pénétrance est proba-
blement multifactorielle. Elle augmente progres-
sivement avec l’âge, les premiers signes cliniques
apparaissant souvent à partir de l’adolescence. Une
série pédiatrique a ainsi observé qu’aucun enfant
porteur de mutation ne présentait de signes cliniques
avant l’âge de 10 ans, puis que la pénétrance attei-
gnait 42 % chez les plus de 14 ans. L’expression
cardiaque est parfois beaucoup plus tardive, elle peut
débuter après l'âge de 40 ou 50 ans. La pénétrance
est également plus importante chez les sujets de sexe
masculin (ce qui explique la relative prépondérance
masculine des patients), et avec la présence de muta-
tions multiples. Des facteurs environnementaux ont
également été suggérés, comme les infections virales
ou la pratique du sport. Soulignons enfin que la péné-
trance dépend beaucoup des critères diagnostiques
utilisés (2), et il est possible que la faible pénétrance
rapportée dans les études puisse être expliquée en
partie par la difficulté du diagnostic des formes débu-
tantes ou frustes (la révision en 2010 des critères
diagnostiques de la maladie avait notamment pour
objectif de pallier ces insuffisances).
Applications en pratique
Les avancées récentes dans la connaissance des
aspects génétiques de la maladie ont conduit au
développement rapide du test génétique (désormais
incorporé aux critères diagnostiques de la maladie et
révisé en 2010) [2]. Ce test doit cependant toujours
être intégré à une démarche globale de conseil géné-
tique, qui comporte d’abord une phase d’information
du patient et de sa famille, puis une phase d’orga-
nisation d’une surveillance cardiologique chez les
apparentés (17).
Enquête cardiologique familiale
Il est souhaitable de préconiser un bilan cardiaque
familial systématique, même devant un cas en appa-
rence sporadique de la maladie, du fait :
➤
que presque toutes les CVDA/DVDA relèvent
d’une origine génétique ;
➤
de la gravité potentielle de la maladie (le risque
de mort subite causée par des troubles du rythme
ventriculaire est d’environ 1 à 2 % par an) ;
➤
du bénéfice d’un traitement précoce (intérêt
du traitement médicamenteux, et d’une restriction
d’activité sportive, vis-à-vis du risque rythmique).
Cette attitude a été récemment préconisée par le
groupe de travail “cardiomyopathies” de la Société
européenne de cardiologie (17) et les modalités en
ont été précisées. Le bilan s’adresse à tous les appa-
rentés au premier degré (fratrie, enfants, parents)
d’un patient atteint de CVDA/DVDA, au moins
à partir de l’âge de 10 ans. Le bilan comporte en
première intention un tracé ECG, une échographie,
un ECG-HA et un holter-ECG. Un bilan anormal
induit des investigations complémentaires. Un
premier bilan cardiologique normal doit conduire
à la poursuite d’une surveillance cardiologique du
fait de l’expression cardiaque souvent retardée (le
bilan peut être renouvelé tous les 1 à 2 ans entre
l’âge de 10 et 20 ans, puis espacé tous les 2 à 5 ans
entre l’âge de 20 et 50/60 ans). Soulignons que,
conformément aux textes de lois, le cardiologue
ne peut pas contacter directement les apparentés.
L’information doit passer par le patient vu initia-
lement et porteur de la maladie (le propositus ou
premier patient malade vu au sein de la famille) et
cela sera facilité par la remise d’une lettre que le
patient distribuera au sein de sa famille (une lettre