Resynchronisation ventriculaire et insuffisance cardiaque : le temps

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Éditorial
mt cardio 2005 ; 1 : 301-2
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Resynchronisation ventriculaire
et insuffisance cardiaque :
le temps des preuves ?
Paul Milliez
Service de cardiologie, hôpital Lariboisière,
2 rue Ambroise-Paré, 75010 Paris
<[email protected]>
L
a resynchronisation ventriculaire
ou stimulation multisite est
aujourd’hui un traitement reconnu de
l’insuffisance cardiaque sévère. Cette
thérapeutique innovante a vu le jour il
y a maintenant un peu plus de 10 ans,
avec des travaux qui ont initialement
évalué, dans les cardiomyopathies dilatées, le bénéfice de la resynchronisation auriculo-ventriculaire [1-4],
puis celui de la resynchronisation ventricule droit-ventricule gauche [5-7].
Des résultats encourageants ont été
retrouvés sur des études hémodynamiques aiguës, puis sur de petites séries de patients suivis en ouvert mais
de manière prospective.
Par la suite et jusqu’à très récemment, plusieurs études multicentriques randomisées en simple, puis en
double aveugle ont été réalisées, mais
sans qu’aucun bénéfice sur les mortalités totale et cardiaque n’ait été montré. Ces grandes études (PATH-CHF,
MUSTIC, MIRACLE, CONTAK CD,
puis COMPANION [8]) sur la resynchronisation cardiaque avaient cependant montré une amélioration significative des symptômes et de la
qualité de vie (amélioration du stade
NYHA, du test de 6 minutes, de la
VO2 max), ainsi qu’une réduction du
nombre d’hospitalisations pour poussée d’insuffisance cardiaque. De plus,
un effet bénéfique sur le remodelage a
été observé, avec une augmentation
de la fraction d’éjection ventriculaire
gauche (FEVG) ainsi qu’une réduction
des volumes et des diamètres télédiastoliques et télésystoliques du ventricule gauche, témoignant d’une correction du remodelage reverse
mt cardio, vol. 1, n° 4, juillet-août 2005
observé dès le 3e mois suivant la resynchronisation ventriculaire [9, 10].
À ce jour, la mise en place d’un
stimulateur cardiaque multisite se
justifie chez les patients ayant
une FEVG < 35 %, une durée de
QRS > 130 ms, un diamètre télédiastolique > 55 mm et restant en stade
III-IV de la NYHA malgré un traitement médical optimal. Ce traitement
médical doit comporter un inhibiteur
de l’enzyme de conversion (voire
un antagoniste des récepteurs à
l’angiotensine II en cas d’intolérance
aux IEC), un bêtabloquant, un diurétique de l’anse et un épargneur de potassium.
Ainsi, dans notre pratique médicale courante, nous observions un réel
bénéfice sur la qualité de vie des
patients et les symptômes, ainsi
qu’une diminution des réhospitalisations pour poussée d’insuffisance cardiaque. Cependant, deux inconnues
tempéraient l’enthousiasme des défenseurs de cette technique et nourrissaient le scepticisme de ses détracteurs : notre incapacité à définir
préalablement les patients qui pourront bénéficier de la resynchronisation (appelés « répondeurs » en opposition aux « non-répondeurs » qui
n’en tirent aucun bénéfice dans leur
qualité de vie) et l’absence de réduction de la mortalité totale ou cardiaque malgré les résultats encourageants de l’étude COMPANION [8].
Si, pour la première inconnue, des
marqueurs électrocardiographiques et
surtout échocardiographiques (asynchronisme intraventriculaire gauche)
sont en cours d’évaluation afin
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Resynchronisation ventriculaire et insuffisance cardiaque : le temps des preuves ?
d’identifier les patients qui seront répondeurs, une grande
étude publiée en avril 2005 est venue enfin apporter la
preuve formelle que la resynchronisation ventriculaire
isolée permettait de réduire la mortalité totale.
L’étude COMPANION [8] avait apporté un début de
réponse l’année dernière, l’étude CARE-HF [11] a
confirmé ce tournant dans le traitement de l’insuffisance
cardiaque sévère. L’étude COMPANION [8] s’était déjà
illustrée en montrant d’une part une réduction significative du critère combiné mortalité totale et hospitalisation
des patients bénéficiant d’une resynchronisation ventriculaire, et d’autre part que ce bénéfice était présent quelle
que soit la cause de la cardiopathie (ischémique ou non).
En revanche, la réduction de la mortalité totale ne s’observait que lorsque la resynchronisation était associée à un
dispositif anti-tachycardique. L’étude CARE-HF [11] constitue à ce jour la première étude multicentrique randomisée en double aveugle qui a montré un bénéfice significatif de la resynchronisation ventriculaire isolée sur la
mortalité totale. Tous les critères primaires et secondaires
de cette étude, qui a inclus 813 patients en stade III-IV de
la NYHA avec une FEVG < 35 % et des QRS > 120 ms,
ont été significativement réduits par la resynchronisation
ventriculaire par rapport à un groupe témoin ayant un
traitement médical optimal. La seule critique à émettre
dans cette étude est que la mortalité totale était un critère
secondaire. Ainsi, la resynchronisation a réduit significativement de 37 % le critère principal combiné mortalité
totale et hospitalisation pour un événement cardiaque
grave, de 36 % le critère secondaire mortalité totale, de
46 % le critère secondaire combiné mortalité totale et
hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque, tout en confirmant l’amélioration des symptômes, de
la FEVG et du remodelage du VG. Une réduction de 16 %
du risque absolu pour le critère principal, mais surtout de
10 % pour la mortalité totale en faveur de la resynchronisation par rapport au groupe témoin, a donc été établie
dans l’étude CARE-HF [11].
Ces résultats montrent, comme l’ont ébauché ceux de
l’étude COMPANION [8], que la resynchronisation ventriculaire permettait de sauver des vies (sur un suivi moyen
de 29 mois) en plus d’améliorer la qualité de vie des
patients insuffisants cardiaques sévères. Ainsi, le temps
des preuves formelles est arrivé et devrait dans les années
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à venir entraîner une augmentation importante de l’implantation de stimulateurs multisites chez les patients insuffisants cardiaques, dans le respect des recommandations remises à jour.
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mt cardio, vol. 1, n° 4, juillet-août 2005
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