Nésiritide : utilisation thérapeutique du BNP

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Dossier – BNP en pathologie cardiovasculaire
mt cardio 2005 ; 1 : 290-6
Nésiritide : utilisation
thérapeutique du BNP
Guillaume Jondeau
Service de cardiologie, hôpital
92104 Boulogne-Billancourt Cedex
<[email protected]>
Ambroise-Paré,
9
avenue
Charles-De-Gaulle,
Résumé
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Le nésiritide est un peptide natriurétique de type B (BNP) recombinant dont les propriétés
pharmacologiques font un médicament intéressant dans le traitement de l’insuffisance cardiaque aiguë : effet vasodilatateur dose-dépendant, inhibition des systèmes rénine-angiotensine
et sympathique, propriétés natriurétiques. Son programme de développement chez les patients
présentant une insuffisance cardiaque aiguë a déjà permis de montrer son efficacité vasodilatatrice, un bénéfice sur les symptômes et une tolérance acceptable. Néanmoins, la supériorité
du nésiritide par rapport à la trinitrine n’est pas établie et il n’y a pas actuellement de données
sur des critères de morbidité/mortalité.
Mots clés : nésiritide, insuffisance cardiaque aiguë, vasodilatateur
Abstract. Nesiritide: a therapeutical use of the BNP.
Nesiritide, a recombinant type B natriuretic peptid (BNP), is potentially an interesting exciting
agent in the treatment of acute heart failure due to its pharmacological properties: dosedependant vasodilator effect, inhibition of renin-angiotensin system as well as sympathetic
system, natriuretic properties. Its clinical development program in acute heart failure demonstrated clear efficacy regarding hemodynamics and congestive heart failure symptoms associated with acceptable tolerance. However, the superiority of nesiritide over nitrates remains
poorly established and effects on morbidity/mortality criteria have not been studied yet.
Key words: nesiritide, acute cardiac failure, vasodilatation
Propriétés
pharmacologiques
mtc
Tirés à part : G. Jondeau
290
Le peptide natriurétique de type B
(BNP ou brain natriuretic peptid) peut
être produit depuis peu par recombinaison génétique. Non absorbable par
voie orale, il nécessite une administration intraveineuse ou éventuellement
sous-cutanée [1]. Son développement
est basé sur le fait que ses propriétés
vasodilatatrices mixtes, sans stimulation hormonale réflexe (puisque le
BNP a un effet suppresseur sur les
système rénine-angiotensine et sur le
système sympathique), associées à des
propriétés diurétiques, en font une
drogue théoriquement idéale pour le
traitement de la décompensation cardiaque aiguë. L’existence d’une action antihypertrophique pourrait également la rendre intéressante au long
cours.
mt cardio, vol. 1, n° 3, mai-juin 2005
Les études hémodynamiques ont
montré que le BNP intraveineux provoquait une vasodilatation dosedépendante. L’effet observé associe
une baisse des pressions de remplissage (pression de l’oreillette droite et
pression capillaire pulmonaire) et une
diminution de la pression artérielle.
Cette hypotension ne s’accompagne
pas d’une tachycardie réflexe, ce qui
différencie le BNP injectable de la nitroglycérine. L’hypotension résulte
d’une baisse des résistances systémiques puisque le volume d’éjection
systémique (et donc le débit cardiaque
en l’absence de modification de la
fréquence cardiaque) augmente légèrement. Un effet diurétique existe également, dont il est difficile d’affirmer
s’il résulte d’une action directe ou s’il
est la conséquence d’une amélioration de l’état hémodynamique.
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Sur le plan hormonal, la perfusion de BNP tend à
diminuer le taux d’aldostérone (y compris en réponse à la
stimulation de la sécrétion d’aldostérone par le furosémide dans un modèle animal [2]) et n’augmente pas le
taux de rénine plasmatique, contrairement à la nitroglycérine. Le taux d’endothéline 1 pourrait également diminuer
[3]. Enfin, sa demi-vie est assez courte (modèle bicompartimental avec t 1/2 10 minutes puis 15 minutes), mais plus
longue que celle de la nitroglycérine [1].
À ce jour, peu d’études randomisées ont été réalisées
avec le BNP et aucune démonstration d’un bénéfice sur la
mortalité n’est disponible.
Études disponibles
Étude Natrecor
Cette première étude randomisée en aveugle a comparé 3 doses de BNP perfusées pendant 24 heures chez
74 patients (bolus de 0,25 lg/kg puis perfusion de
0,015 lg/kg/min ; n = 22, bolus de 0,5 lg/kg puis perfusion de 0,03 lg/kg/min ; n = 26, et bolus de 1 lg/kg puis
perfusion 0,06 lg/kg/min ; n = 26) à du placebo (n = 29)
chez des patients en insuffisance cardiaque de stade III ou
IV de la NYHA, avec dysfonction systolique ventriculaire
gauche (FEVG < 35 %), stables (ils étaient hospitalisés et
la sonde de Swan-Ganz posée pour les besoins du protocole) [4]. L’étude hémodynamique a confirmé l’effet sur
les pressions de remplissage et les résistances systémiques,
sans tachycardie réflexe (figure 1). L’effet hémodynamique était maintenu pendant les 24 heures de perfusion
(absence de phénomène de tolérance) et l’arrêt prématuré
de la perfusion de BNP au cours de ce protocole était en
rapport avec son efficacité : baisse de la pression capillaire
(n = 3) et hypotension artérielle (n = 3) dans le groupe
recevant de fortes doses. La perfusion de BNP ne s’est pas
accompagnée d’une augmentation significative de la diurèse.
Cette étude a permis d’établir que l’effet hémodynamique du BNP était déjà observé après une heure de perfusion (premier temps de mesure) et se poursuivait pendant
24 heures. Enfin, les mesures réalisées à l’arrêt de la
perfusion n’ont pas apporté d’argument pour un effet
rebond.
Étude Nésiritide
La deuxième étude a été réalisée chez les patients lors
d’une décompensation cardiaque [5]. Elle comprenait
deux bras.
La sous-étude ou le bras « d’efficacité » comportait un
monitoring hémodynamique. Elle était réalisée en double
Liste des abréviations
BNP : peptide natriurétique de type B
FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche
aveugle et le critère principal était l’évolution de la pression capillaire pulmonaire à 6 heures. Les 127 patients
inclus avaient une FEVG moyenne de 22 %, une pression
capillaire pulmonaire de 28 mmHg et un index cardiaque
de 1,9 L/min/m2. Le BNP était supérieur à 1 000 pg/mL.
Quarante-deux patients recevant un placebo ont été comparés à 43 patients recevant 0,015 lg/kg/min de nésiritide
en perfusion après un bolus de 0,3 lg et à 42 patients
recevant 0,030 lg/kg/min de nésiritide en perfusion après
un bolus de 0,6 lg (les fortes doses de l’étude précédente
ont été abandonnées). Les résultats hémodynamiques,
rapportés dans le tableau 1, reflètent l’effet vasodilatateur
veineux et artériel, proportionnel à la dose, sans tachycardie réflexe. L’étude hormonale a montré que l’aldostérone
diminuait sous traitement par rapport au placebo et que le
taux des catécholamines n’était pas modifié. L’effet sur la
diurèse était modéré (diurèse de 6 heures de 380 mL dans
le groupe placebo, 560 mL et 659 mL dans les groupes
recevant le nésiritide). La tolérance de la plus forte dose de
nésiritide semblait imparfaite avec 3 arrêts du traitement
avant 6 heures de perfusion (hypotension artérielle, chute
de la pression capillaire, oligurie) contre 1 arrêt dans le
groupe faible dose (aggravation de l’insuffisance cardiaque) et 1 dans le groupe placebo (trouble du rythme).
L’originalité de cette étude est la démonstration d’une
amélioration plus fréquente du statut clinique sous nésiritide que sous placebo, tant du point de vue du patient
(faibles doses, fortes doses et placebo 60 et 67 % versus
14 % respectivement) que de celui du médecin (55 et
77 % versus 15 % respectivement). La dyspnée et la fatigue ressenties par le patient étaient également mieux
améliorées par le nésiritide. Ce qui confortait l’importance
de l’hémodynamique dans la prise en charge des patients
en souffrance cardiaque décomposée.
La sous étude ou le bras sans monitoring hémodynamique comparait en ouvert (n = 102) le traitement habituellement donné par l’investigateur pour une décompensation cardiaque aiguë (dobutamine 57 %, milrinone
19 %, nitroglycérine 18 % dans cette étude américaine)
aux deux mêmes doses de nésiritide que l’étude hémodynamique. En outre, ces doses étaient comparées en double
aveugle entre elles (n = 103 et 100 respectivement). Il n’y
avait donc pas de groupe placebo dans cette sous-étude
(difficile à justifier d’un point de vue éthique). La perfusion
de nésiritide pouvait être maintenue pendant 7 jours, à la
discrétion de l’investigateur. Les critères de jugement
étaient le statut clinique global et les symptômes. Aucune
différence n’a été trouvée entre les 3 groupes, aussi bien
sur l’amélioration du statut global que sur la perception de
la dyspnée, la fatigue, mais il faut bien noter que l’étude
n’avait pas la puissance pour établir l’équivalence d’efficacité des traitements. Il s’agit d’un résultat négatif, à la
différence de ce qui a été fait pour l’étude VALIANT par
exemple (dans laquelle l’équivalence du valsartan et du
captopril dans le post-infarctus a pu être établie) [6]. Seule
mt cardio, vol. 1, n° 3, mai-juin 2005
291
Nésiritide : utilisation thérapeutique du BNP
A
Pression capillaire pulmonaire
B
32
Index cardiaque
2,8
2,6
28
2,4
24
2,2
2,0
20
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1,8
16
1,6
BL1h 3h
6h
10h
24h 2h 4h
BL1h 3h
6h
24h 2h 4h
C
Après perfusion
D
Pression artérielle systolique
Résistances vasculaires systémiques
2 000
140
1 800
130
1 600
120
1 400
110
1 200
1 000
100
BL1h 3h
6h
10h
24h 2h 4h
BL1h 3h
6h
10h
24h 2h 4h
Après perfusion
Après perfusion
Figure 1. Étude hémodynamique chez des patients en insuffisance cardiaque chronique par dysfonction systolique (d’après [4]).
Tableau 1. Modifications des paramètres hémodynamiques à 6 heures dans l’étude hémodynamique (d’après [5])
Placebo
Pression capillaire pulmonaire (mmHg)
Pression auriculaire droite (mmHg)
Résistances vasculaires systémiques (dyn.sec.cm-5)
Index cardiaque (L/mn/m2)
Pression artérielle systolique (mmHg)
Pression artérielle pulmonaire systolique (mmHg)
Pression pulmonaire moyenne (mmHg)
Résistances vasculaire pulmonaires (dyn.sec.cm-5)
Fréquence cardiaque (bpm)
Nésiritide
0,015 lg/kg/min
(n = 43)
0,030 lg/kg/min
(n = 42)
p
(n = 42)
+ 2,0 ± 7,2
+ 0,4 ± 4,6
+ 161 ± 481
- 0,1 ± 0,47
+ 0,3 ± 11
+ 1,7 ± 8,2
+ 2,0 ± 5,9
+ 26 ± 197
+ 1,4 ± 7,5
- 6,0 ± 7,2
- 2,6 ± 4,4
- 247 ± 492
+ 0,2 ± 0,49
- 4,4 ± 10,2
- 9,4 ± 10,3
- 7,0 ± 6,9
- 62 ± 100
- 1,6 ± 7,1
- 9,6 ± 6,2
- 5,1 ± 4,7
- 347 ± 499
+ 0,4 ± 0,69
- 9,3 ± 12,6
- 12,9 ± 12,5
- 7,7 ± 7,6
- 2 ± 142
+ 0,0 ± 8,8
< 0,001
< 0,001
< 0,001
< 0,001
0,001
< 0,001
< 0,001
0,03
0,22
Variables
292
10h
Après perfusion
mt cardio, vol. 1, n° 3, mai-juin 2005
l’utilisation d’un diurétique était moins fréquente dans le
groupe de patients recevant le nésiritide. Une hypotension
artérielle symptomatique était notée chez 11 et 17 % des
patients recevant le nésiritide (faibles et fortes doses)
contre 4 % dans le groupe traitement classique.
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Cette étude confirme donc l’effet vasodilatateur dosedépendant du nésiritide, avec une hypotension artérielle
symptomatique plus fréquente chez ces patients hospitalisés pour décompensation cardiaque.
La sous-étude sans surveillance hémodynamique a fait
l’objet d’une analyse a posteriori, comparant le sousgroupe des patients ne recevant pas le nésiritide mais de la
dobutamine aux patients qui ont reçu du BNP [7]. La
durée d’hospitalisation était identique, mais il y avait une
tendance à la surmortalité à 6 mois avec la dobutamine,
confirmant l’effet potentiellement délétère des inotropes
positifs dans la prise en charge des décompensations
cardiaques (avec les réserves d’usage pour les analyses a
posteriori) [7]. La supériorité de l’utilisation d’un vasodilatateur tel le BNP sur un inotrope a également été illustrée
par l’augmentation du nombre de tachycardies ventriculaires, ESV pairées ou isolées par la dobutamine alors qu’il
n’y avait pas d’augmentation des événements rythmiques
sous BNP injectable [8].
Étude VMAC
La troisième étude, la VMAC (Vasodilation in the Management of Acute Congestive heart failure), portait sur
des patients hospitalisés pour décompensation cardiaque
chez lesquels un traitement intraveineux était nécessaire
du point de vue de l’investigateur [9]. La présence d’une
dysfonction systolique ventriculaire gauche n’était pas
nécessaire (15 % de la population avait une FEVG
> 40 %). Le protocole était un peu complexe (figure 2).
Les patients étaient répartis en fonction de l’utilisation
d’une surveillance hémodynamique dont l’indication était
laissée à la discrétion de l’investigateur. Les patients non
cathétérisés recevaient soit un placebo, soit de la nitroglycérine dont la dose pouvait être modulée selon les souhaits de l’investigateur, soit du nésiritide à une dose fixe
(bolus de 2 lg/kg suivi d’une perfusion de 0,01 lg/kg/min
pendant les 3 premières heures, une dose proche de la
faible dose du protocole précédent), en double aveugle,
double dummy. Après 3 heures, les patients du groupe
placebo recevaient soit la trinitrine à dose modulable, soit
le nésiritide pendant au moins 24 heures. Dans le groupe
des patients qui avaient eu une sonde de Swan-Ganz, les
mêmes 3 groupes étaient constitués initialement, mais
chez la moitié des patients recevant le nésiritide, la dose
pouvait être augmentée si la pression capillaire pulmo-
Période placebo (3 heures)
Période de traitement actif
Randomisation
Nitroglycérine (n = 92)
Nitroglycérine (n = 60)
Stratification
Cathéterisme
(n = 246)
Placebo (n = 62)
Nésiritide : dose fixe (n = 62)
Nésiritide : dose fixe (n = 92)
Nésiritide : dose ajustée (n = 62)
Nésiritide : dose ajustée (n = 62)
Nitroglycérine (n = 83)
Nitroglycérine (n = 124)
Patient
éligible
(n = 489)
Cathéterisme
(n = 243)
Placebo (n = 80)
Nésiritide : dose fixe (n = 119)
Nésiritide : dose fixe (n = 80)
0
3h
Fin de
période
d’étude
6
mois
Temps
Figure 2. Schéma de l’étude VMAC (d’après [3]).
mt cardio, vol. 1, n° 3, mai-juin 2005
293
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Nésiritide : utilisation thérapeutique du BNP
naire était supérieure à 20 mmHg et la pression artérielle
systolique supérieure à 100 mmHg.
La dose de nitroglycérine perfusée à 3 heures était plus
faible dans le groupe sans surveillance hémodynamique
(1,7 ± 2,4 versus 2,5 ± 3,7 mg/h) et les doses n’ont pas été
augmentées entre 3 et 24 heures, à la différence du groupe
avec surveillance hémodynamique (à 3,4 ± 3,8 mg/h). La
dose de nésiritide n’a été augmentée après les 3 premières
heures que chez 23 % des patients chez lesquels cette
augmentation était permise. Les doses de nitroglycérine
utilisées dans cette étude étaient donc faibles selon les
standards européens et les bolus de nitroglycérine (dont
l’efficacité est reconnue) non utilisés, alors que le nésiritide était donné sous forme de bolus suivi d’une perfusion.
Dans le groupe avec surveillance hémodynamique, la
baisse de pression capillaire a été plus importante et rapide
chez les patients recevant du nésiritide (figure 3), la baisse
de la pression auriculaire droite également. La baisse de
pression artérielle systolique a été du même ordre avec la
NTG et le BNP injectable (-5,7 versus -5,6 mmHg) dans le
groupe avec surveillance hémodynamique, et les hypotensions symptomatiques sont survenues chez 5 % de
l’ensemble des patients recevant la nitroglycérine versus
4 % de l’ensemble des patients recevant le BNP. La durée
des épisodes hypotensifs était par contre supérieure chez
les patients recevant le BNP injectable (2,2 versus 0,7 heures pour nitroglycérine ; p = 0,002).
Le deuxième critère principal était fonctionnel : le
score global de statut clinique tendait à être amélioré par
le BNP, mais non différemment de la nitroglycérine, et le
score de dyspnée était amélioré par le BNP par rapport au
placebo, mais non différemment d’avec la nitroglycérine.
La tolérance symptomatique du BNP était bonne, avec
moins de céphalées sous placebo (2 %) ou BNP injectable
(5 %) que sous nitroglycérine (12 %). Enfin les critères de
sécurité étaient similaires dans les groupes TNT et BNP
injectable (réhospitalisations à 30 jours : 23 versus 20 %,
décès à 7 jours 0,5 versus 1,5 %, décès à 6 mois 21 versus
25 %, respectivement groupe nitroglycérine versus BNP
injectable).
Ces études permettent de conclure au bénéfice de
l’utilisation de BNP recombinant pour le traitement des
patients présentant une décompensation cardiaque aiguë,
indépendamment de la fraction d’éjection ventriculaire
gauche. La supériorité par rapport aux inotropes positifs
tels la dobutamine est établie et en accord avec l’effet
délétère reconnu de l’utilisation des inotropes positifs
[10].
Place du nésiritide
dans l’arsenal thérapeutique
Le bénéfice du BNP injectable par rapport aux autres
vasodilatateurs tels la nitroglycérine est plus difficile à
établir : les deux ont un effet vasodilatateur veineux et à un
moindre degré artériel. L’importance de cet effet est directement proportionnel à la dose utilisée décroissante au
Variation moyenne
0
nitroglycérine
-1
nésiritide
-2
placebo
-3
*#
#
-4
-5
*#
*#
#
-6
*#
-7
-8
-9
- 10
BL 15m 30m
n = 246 241 242
1h
2h
3h
241
235
242
Temps
Figure 3. Évolution de la pression capillaire pulmonaire (PCP) chez les patients de l’étude VMAC [3]. Critère de jugements : ∆PCP par rapport
à l’état basal (patients cathéterisés).
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mt cardio, vol. 1, n° 3, mai-juin 2005
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cours des années (cf. supra). Les deux molécules ont un
effet bénéfique sur la circulation coronaire [15]. La perfusion de BNP ne s’accompagne pas d’une tachycardie
réflexe, alors que c’est le cas pour la perfusion de TNT
(mais dans l’étude VMAC qui comparait nitroglycérine et
BNP, l’évolution de la fréquence cardiaque n’est pas rapportée et la démonstration de la différence entre les deux
molécules n’est donc pas disponible). L’utilisation de BNP
injectable ne produit pas d’activation du système rénineangiotensine, contrairement à ce qui a été montré pour la
nitroglycérine. Surtout, la perfusion de BNP ne semble pas
s’accompagner de phénomène d’échappement (peut-être
au moins en partie, car il n’est pas donneur de monoxyde
d’azote et n’active pas le système rénine-angiotensine) et
les céphalées sont plus rares avec la perfusion de BNP
qu’avec la nitroglycérine. Le risque d’hypotension artérielle existe avec tous les vasodilatateurs, mais les épisodes d’hypotension artérielle sont plus prolongés avec le
BNP injectable du fait de sa plus longue demi-vie. À noter
qu’il n’a pas été montré d’effet natriurétique significatif du
nésiritide. Enfin, il n’existe pas à ce jour d’étude montrant
le bénéfice de l’utilisation de BNP par rapport à la trinitrine sur des critères comme la mortalité ou le taux de
réhospitalisation après décompensation cardiaque. L’effet
sur la mortalité du nésiritide a fait l’objet d’une métaanalyse sur les 3 études randomisant le nésiritide à un
traitement témoin noninotrope (une de ces études,
PROACTION, n’est pas encore publiée) et qui rapportaient la mortalité à 30 jours, soit 485 patients traités par
nésiritide, comparés à 377 traités par un traitement autre.
La mortalité à 30 jours n’était pas significativement plus
élevée sous nésiritide, mais la tendance est néanmoins en
défaveur de ce dernier (7,2 % versus 4 %, RR = 1,74,
IC95 % = 0,97-3,12, p = 0,059) même après ajustement
(RR = 1,81, IC95 % 0,98-3,31, p = 0,057) [12]. La nitroglycérine n’a cependant pas bénéficié d’un programme de
développement strict comme celui du BNP recombinant,
ni de bénéfice en termes de qualité de vie comme le BNP
injectable. C’est l’originalité des études réalisées avec
cette molécule d’avoir relié l’amélioration hémodynamique avec l’amélioration fonctionnelle au cours de l’insuffisance cardiaque aiguë, ce qu’on sait ne pas être vrai au
cours de l’insuffisance cardiaque chronique par dysfonction systolique ventriculaire gauche en dehors des
décompensations. Cette démonstration est d’autant plus
importante qu’elle n’a été possible avec aucune autre
thérapeutique de façon aussi probante. Les résultats de ces
différentes études ont permis la mise sur le marché du
nésiritide dans plusieurs pays dont les États-Unis.
La relation observée dans ces études entre amélioration fonctionnelle et amélioration hémodynamique a été
récemment remise en cause par les résultats de l’étude
VERITAS, comparant le tezosentan, un anti-endothéline,
au placebo [13]. Cette molécule a amélioré les paramètres
hémodynamiques des patients sans améliorer les paramè-
tres subjectifs de leur statut clinique (échelle de dyspnée).
Ces résultats récents soulignent l’importance de montrer
des bénéfices sur des critères d’évaluation tels la durée
d’hospitalisation, le taux de réhospitalisation et au mieux
la mortalité. Il est difficile cependant de montrer un tel
bénéfice pour un traitement de l’insuffisance cardiaque
aiguë (actuellement aucune molécule n’a pu montrer un
tel effet). C’est dire qu’on attend avec impatience la réalisation d’une telle étude avec le BNP, qui rassemble beaucoup des propriétés que l’on attend d’un traitement dans
ce contexte.
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Nésiritide : utilisation thérapeutique du BNP
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Insuffisance cardiaque aiguë
Les hospitalisations pour insuffisance cardiaque sont
de plus en plus fréquentes, et représentent le principal
motif d’hospitalisation au-delà de 60 ans [1, 2]. Les
thérapeutiques médicamenteuses dont on dispose sont
les diurétiques, les vasodilatateurs et les inotropes positifs. Le risque des inotropes positifs a été largement
souligné [3]. Les molécules vasodilatatrices commercialisées sont anciennes : le nitroprussiate est peu utilisé et
la nitroglycérine (dérivés nitrés) une vieille molécule.
Des progrès ont été réalisés dans le mode d’utilisation
des vasodilatateurs (préférence sur les diurétiques, sur les
inotropes, utilisation de bolus), mais le phénomène
d’échappement, les céphalées, l’activation hormonale
qu’ils provoquent témoignent de ses imperfections [4].
L’évaluation du retentissement hémodynamique de
l’insuffisance cardiaque est effectuée à l’aide d’un algorithme diagnostique (figure 1), d’où l’on peut déduire
l’intervention thérapeutique (figure 2). La présence de
signes congestifs est attestée par une orthopnée, une
distension jugulaire, la présence de crépitants, d’un reflux hépatojugulaire, d’une ascite, d’œdèmes périphériques, d’une déviation à gauche du bruit pulmonaire et de
l’influence de la manœuvre de Valsalva sur la pression
artérielle. Le retentissement sur la perfusion est évalué
sur la présence d’une pression artérielle pulsée, pincée,
d’un pouls alternant, d’une hypotension artérielle symptomatique, sans orthostatisme, des extrémités froides et
des troubles de la conscience. D’après ses promoteurs
anglo-saxons, ce diagramme évalue le profil hémodynamique des patients présentant une insuffisance cardiaque, dans un délai très court, inférieur à 2 minutes. Son
interprétation doit prendre en considération la possibilité
de la présence de signes d’hypoperfusion, alors que les
pressions de remplissage sont élevées (profil froid et sec)
et d’autres patients avec une élévation des pressions de
remplissage, sans réduction significative de la perfusion
(chaud et humide). Il est donc important d’évaluer avec
attention les symptômes d’insuffisance cardiaque au repos lors des efforts minimes, en l’absence de signe en
faveur d’une élévation des pressions de remplissage ou
d’hypoperfusion (chaud et sec) afin de s’assurer que les
symptômes sont bien liés à une insuffisance cardiaque.
Ariel Cohen
Sec
Signes congestifs au repos ?
Signes congestifs
Chaud et sec Chaud et humide Orthopnée
Non
Distension jugulaire
A
B
Perfusion
Œdème
basse
Hépatomégalie pulsatile
au repos
Chaud et humide
Chaud et sec
Ascite
Oui
L
C
Crépitants
B3
Preuve d'une perfusion diminuée
BB2
Pression artérielle pulsée pincée
Reflux abdomino-jugulaire
Extrémités froides
Valsalva
Somnolence, confusion
Hypotension liée aux IEC
Hyponatrémie
Cause d'altération de la fonction rénale
Non
Oui
Figure 1. Évaluation d’un patient en choc cardiogénique.
Chaud
A
Humide
B
Vasodilatateurs
Peptides
natriurétiques
Froid
L
C
Nitroprossiate
Nitroglycérine
Molécules inotropes
positives
Dobutamine
Milrinone
(Levosimendan)
(Enoximone)
Figure 2. Modalités thérapeutiques en fonction des caractéristiques
hémodynamiques du choc cardiogénique. Les patients « chauds et
humides » (profil B) doivent être déplétés (profil A) – flèche horizontale. Les patients « froids et humides » (profil C) nécessitent un
traitement isotrope et secondairement déplétif – flèche incurvée.
Références
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1. Adams Jr. KF, Fonarow GC, Emerman CL, et al. Characteristics
and outcomes of patients hospitalized for heart failure in the United
States : rationale, design, and preliminary observations from the
first 100 000 cases in the Acute Decompensated Heart Failure
National Registry (ADHERE). Am Heart J 2005 ; 149 : 209-16.
3. Fonarow GC,
Adams Jr. KF,
Abraham WT,
Yancy CW,
Boscardin WJ, ADHERE Scientific Advisory Committee, Study
Group, and Investigators. Risk stratification for in-hospital mortality
in acutely decompensated heart failure : classification and regression tree analysis. JAMA 2005 ; 293 : 572-80.
2. Nohria EL, Stevenson LW. Medical management of advanced
heart failure. JAMA 2002 ; 287 : 628-40.
4. Stevenson LW. Design of therapy for advanced heart failure. Eur
J Heart Fail 2005 ; 7 : 323-31.
mt cardio, vol. 1, n° 3, mai-juin 2005
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