Perfusion de peptides natriurétiques dans le traitement des décompensations cardiaques A

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B S T R A C T S
Analyses de la littérature
Perfusion de peptides natriurétiques dans le traitement
des décompensations cardiaques
La plupart des médicaments utilisés lors des décompensations cardiaques ont été étudiés sur leurs propriétés hémodynamiques ; peu ont été évalués sur leur éventuelle amélioration de la symptomatologie. Le nésiritide est un peptide natriurétique
de synthèse de type B dont la perfusion améliore les paramètres
hémodynamiques (vasodilatation artérielle et veineuse, augmentation de la natriurèse...).
But. Évaluer l’amélioration clinique apportée par une perfusion
de nésiritide chez des patients hospitalisés pour décompensation
cardiaque.
Méthode et patients. Deux études randomisées ont été entreprises : une en double insu versus placebo pour déterminer les
effets hémodynamiques et sur les symptômes du nésiritide (étude
d’efficacité), et une seconde avec les médicaments habituellement utilisés (étude comparative) pour évaluer les effets indésirables et l’efficacité clinique. Quatre centre trente-deux patients
ont été inclus. L’objectif principal de l’étude d’efficacité était une
diminution de la pression capillaire pulmonaire, celui de l’étude
comparative était l’amélioration clinique globale et l’amélioration des symptômes.
Résultats. Les caractéristiques des patients sont présentées dans
le tableau. Le nésiritide entraîne une diminution dose-dépendante
de la pression capillaire pulmonaire, de la pression de l’oreillette
droite, des résistances systémiques et de la pression artérielle.
L’amélioration clinique selon l’avis des patients était significativement plus importante avec le nésiritide (60 ou 67 % selon la
posologie versus 14 % dans le groupe placebo, p < 0,001). L’amélioration clinique selon l’opinion du médecin était également plus
importante avec le nésiritide (55 ou 77 % selon la posologie versus 5 % dans le groupe placebo, p < 0,001). La dyspnée et la
fatigue étaient significativement plus améliorées avec le nésiritide qu’avec le placebo (p < 0,001). L’aldostérone était diminuée
avec le nésiritide et augmentée dans le groupe placebo (p = 0,03).
Le principal effet indésirable observé avec le nésiritide était une
hypotension artérielle (11 %), qui a été le plus souvent asymptomatique (9 %).
Conclusion. Le nésiritide entraîne une amélioration clinique et
hémodynamique importante chez les patients hospitalisés pour
décompensation cardiaque. Un biais pourrait expliquer l’amélioration clinique jugée par les médecins ou les patients du fait
La Lettre du Cardiologue - n° 348 - octobre 2001
Tableau I. Caractéristiques des patients.
Étude d’efficacité
placebo
Âge (ans)
Hommes (%)
Étude comparative
nésiritide 1 nésiritide 2 tt usuel nésiritide 1 nésiritide 2
n = 42
n = 43
n = 42
n = 102
n = 103
n = 100
59 ± 14
57 ± 14
61 ± 12
63 ± 14
63 ± 14
65 ± 12
79
81
60
72
65
67
5
0
2
6
6
12
Classe NYHA
I ou II
III ou IV
FE (%)
96
100
98
94
94
88
22 ± 7
22 ± 8
22 ± 7
–
–
–
–
–
–
–
–
–
Pcap (mmHg)
29 ± 7
Index cardiaque (l/mn/m2) 2,0 ± 0,4
28 ± 7
28 ± 6
1,8 ± 0,5 1,9 ± 0,5
Nésiritide 1 : 0,015 µg/kg/mn ; nésiritide 2 : 0,03 µg/kg/mn, FE : fraction d’éjection. Tt : traitement.
Résultats présentés par moyenne et écart-type.
de l’amélioration des paramètres hémodynamiques liés au nésiritide, ce qui limite la portée de l’étude sur l’efficacité de ce médicament sur la symptomatologie. Il apparaît néanmoins comme
une alternative à l’utilisation du nitroprussiate.
Les données concernant le nésiritide semblent néanmoins limitées et ne permettent actuellement pas de remplacer les traitements vasodilatateurs de référence (nitroprussiate, dérivés nitrés).
Ph. Duc,
service de cardiologie A, CHU Bichat-Claude Bernard, Paris
Intravenous nesiritide, a natriuretic peptide, in the treatment
of decompensated congestive heart failure. Colucci WS,
Elkayam U, Horton DP, Abraham WT, Bourge RC, Johnson AD,
Wagoner LE, Givertz MM, Liang CS, Neibaur M, Haught H,
LeJemtel T ! N Engl J Med 2001 ; 343 : 246-53.
19
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Taux de BNP plasmatique : marqueurs de mortalité et de réadmission
Le natriurétique de type B est sécrété principalement par
les ventricules en réponse à un étirement des myocytes.
Plusieurs études ont montré que le taux de BNP était un marqueur
pronostique dans l’infarctus du myocarde et l’insuffisance cardiaque, mais la variabilité des méthodes de dosage et du taux de
BNP a rendu son utilisation difficile.
But. Les auteurs ont cherché à déterminer si les taux de BNP pouvaient mesurer l’efficacité thérapeutique chez des patients hospitalisés pour décompensation cardiaque.
Méthode et patients. Le taux de BNP a été dosé dans les 24 premières heures d’hospitalisation et en cas de changement thérapeutique chez 72 hommes venus consulter aux urgences pour
décompensation cardiaque.
Résultats. Les patients décédés ou réadmis avaient une tendance
à une augmentation du taux de BNP (+ 239 ± 233 pg/ml), et ceux
ayant eu un traitement efficace avaient une tendance à une diminution de leur taux de BNP pendant l’hospitalisation (– 216 ±
69 pg/ml). Une amélioration du taux de BNP est statistiquement
corrélée à une diminution du caractère combiné réhospitalisationmortalité (figure). La classe NYHA et le taux de BNP lors de la
sortie de l’hôpital sont statistiquement corrélés à un décès dans
les 30 jours ou à une réhospitalisation.
Conclusion. Cette étude montre que le dosage du BNP constitue un marqueur pronostique chez les patients hospitalisés pour
décompensation cardiaque. Cette étude comporte néanmoins
certaines limites : on ne connaît pas les critères de sélection des
72 patients de l’étude ; il n’a pas été possible d’effectuer d’analyse multivariée, car l’effectif était trop faible ; les taux de BNP
permettant de différencier les patients à risque et non à
Réhospitalisation
Décès
2 500
2 500
2 000
2 000
1 500
1 500
1 000
1 000
500
500
0
0
Figure. Taux de BNP et objectifs primaires de l’étude (mortalité et réadmission à 30 jours).
risque d’événements cardiovasculaires sont notablement élevés
(> 1 220 pg/ml alors que les taux normaux sont < 50 pg/ml) ; les
valeurs permettant de différencier la population avec un faible
taux d’événements cardiovasculaires (≤ 430 pg/ml) et la population avec un taux élevé d’événements cardiovasculaires (> 1 220
pg/ml) sont très éloignées, ce qui donne une faible valeur discriminative au taux de BNP.
P. Duc, service de cardiologie A,
CHU Bichat-Claude Bernard, Paris
A rapid bedside test for B-type peptide predicts treatment outcomes in patients admitted for decompensated heart failure :
a pilot study.
Cheng V, Kazanagra R, Garcia A et al. ! J Am Coll Cardiol 2001 ;
37 : 386-91.
Valeur pronostique de l’échocardiographie dobutamine pour les patients en fibrillation
auriculaire
La valeur pronostique de l’échocardiographie dobutamine
a été documentée en rythme sinusal ; qu’en est-il en fibrillation auriculaire (FA) permanente ?
Entre 1989 et 1998, les auteurs néerlandais ont colligé 69 patients
en FA ayant eu une échocardiographie dobutamine (soit 3,9 %
des 1 733 sujets examinés pendant la période considérée) et ont
analysé la valeur pronostique de l’examen par rapport à un groupe
contrôle exploré en rythme sinusal et comportant 1 664 patients.
En cas de prise de bêtabloquant, le traitement n’a pas été arrêté
pour l’examen. Le suivi moyen a été de 35 mois.
La fréquence cardiaque de repos est plus élevée pour les patients
en FA (77 ± 15 battements/mn contre 73 ± 14 battements/mn,
p = 0,04). Cependant, le double produit au pic de l’examen est
comparable (p = 0,46). Pour les sujets en FA, la fréquence cardiaque cible est obtenue avec de moindres doses de dobutamine
(33 ± 8 µg/kg/mn contre 35 ± 9 µg/kg/mn, p = 0,01). Les patients
20
sous bêtabloquants ont nécessité plus souvent l’injection d’atropine. Les arythmies cardiaques (tachycardies à complexes
larges non soutenues ou soutenues pouvant correspondre à des
tachycardies ventriculaires ou des aberrations) sont plus fréquentes en présence de FA (12 % contre 5 %, p = 0,001) sans
relation avec la positivité du test. Elles ont été responsables de
l’arrêt prématuré de l’examen dans 7 % des cas, sans morbidité
supplémentaire associée. Il n’y a pas eu de constitution d’infarctus du myocarde, ni de complication fatale.
Pendant le suivi, on déplore un décès d’origine cardiaque pour
5 patients et un infarctus du myocarde pour 2 patients ; 10 patients
ont eu une revascularisation myocardique à distance.
La valeur pronostique de l’échocardiographie dobutamine
concernant les complications cardiaques tardives est similaire
pour les patients en FA ou en rythme sinusal (p = 0,85) : le
taux annuel d’événements cardiaques pour les patients indemnes
.../...
La Lettre du Cardiologue - n° 348 - octobre 2001
A
.../...
d’ischémie myocardique induite est de 43 % en rythme sinusal
et de 4 % en FA ; en présence d’ischémie, il est respectivement
de 9,3 % et de 10,3 %.
Le facteur prédictif le plus puissant d’événement cardiaque
est la positivité de l’échocardiographie dobutamine, définie
par l’aggravation ou l’apparition d’anomalies de la cinétique
segmentaire.
Conclusion. Cette étude monocentrique comporte un petit
nombre de patients en FA, par comparaison à la majorité des
patients en rythme sinusal ayant eu une échocardiographie dobutamine pendant la même période. Elle a pour intérêt de constater
la faisabilité de l’échocardiographie dobutamine chez
ces patients en FA permanente, au prix de complications
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rythmiques un peu plus fréquentes, avec des résultats comparables à ceux des patients en rythme sinusal en termes de
renseignements pronostiques à long terme.
Les patients indemnes d’anomalies de la cinétique segmentaire
aggravées ou apparues sous dobutamine ont un pronostic satisfaisant, et identique, que le rythme soit sinusal ou en FA.
C. Adams, service de cardiologie, CH Argenteuil
Long-term prognostic value of dobutamine stress echocardiography in patients with atrial fibrillation.
Poldermans D, Bax JJ, Elhendy A et al. ! Chest 2001 ; 119 : 144-9.
Indice doppler et pronostic de l’insuffisance cardiaque
But. Étudier la valeur pronostique de l’indice doppler dP/dt et
– dP/dt chez des patients en insuffisance cardiaque.
Risque élevé vs faible : p = 0,0001
Risque faible vs moyen : p = 0,0002
Risque moyen vs élevé : p = 0,0001
1,0
Survie sans événements
Plusieurs marqueurs pronostiques sont utilisés dans l’insuffisance cardiaque (pic de VO2, aspect du flux mitral,
fraction d’éjection...). Les marqueurs échographiques ont souvent comme limite d’être charge-dépendants. L’indice dP/dt a le
mérite d’être moins charge-dépendant, et donc de mieux refléter
la fonction ventriculaire. Le doppler peut permettre d’obtenir une
estimation de l’indice dP/dt en utilisant le flux mitral.
0,8
0,6
p = 0,0001
0,4
Risque faible : dP/dt ≥ 600 (n = 31)
Risque intermédiaire : dP/dt < 600 et – dP/dt ≥ 450 (n = 11)
0,2
Risque élevé : dP/dt < 600 et – dP/dt < 450 (n = 14)
0
Méthode et patients. Les auteurs ont étudié une cohorte de
61 patients ayant une insuffisance cardiaque chronique avec une
fraction d’éjection < 50 %. Cinq patients ont été exclus pour des
raisons techniques (prothèse valvulaire, flux mitral inadéquat).
Les patients avaient une moyenne d’âge de 60 ± 15 ans, et la
majorité avait une insuffisance cardiaque sévère (55 % en classe
III et 38 % en classe IV de la NYHA). Le suivi a porté sur la survenue d’événements cardiovasculaires majeurs : décès, transplantation cardiaque ou assistance circulatoire. L’indice dP/dt
était mesuré de la manière suivante : le flux mitral était recueilli
par doppler continu, et l’intervalle de temps entre le flux à 1 et
3 m/s mesuré. Selon l’équation de Bernoulli simplifiée, ce dt correspond à un dP de 32 mmHg. L’indice dP/dt est donc égal à 32/∆t
mesuré. L’indice – dP/dt est calculé de la même manière, mais
en mesurant le ∆t du flux mitral pour passer de 3 à 1 m/s. La
valeur retenue correspondait à la moyenne de trois mesures.
patients en trois groupes pronostiques (figure). Par une analyse
multivariée, les éléments pronostiques retrouvés ont été les indices
doppler dP/dt et – dP/dt, le recours à un traitement inotrope et le
taux d’urée.
Résultats. Les courbes de survie montrent une différence de survie pour une valeur seuil de dP/dt de 600 mmHg/s : les patients
ayant une valeur inférieure à ce seuil ont un moins bon pronostic. Pour l’indice – dP/dt, les valeurs seuils étaient de 450 et
550 mmHg/s : le pronostic est d’autant plus mauvais que – dP/dt
est faible. L’utilisation des deux indices permet de séparer les
Doppler-derived dP/dt and – dP/dt predict survival in congestive heart failure.
Kolais TJ, Aaronson KD, Armstrong WF ! J Am Coll Cardiol
2000 ; 36 : 1594-9.
La Lettre du Cardiologue - n° 348 - octobre 2001
0
100
300
200
400
500
Jours
Figure. Courbes de Kaplan-Meier de survie des patients selon la valeur
de dP/dt et de – dP/dt.
Conclusion. Cette étude montre l’intérêt potentiel des indices
doppler dérivés dP/dt et – dP/dt pour l’estimation du pronostic
chez les insuffisants cardiaques.
P. Duc, service de cardiologie A,
CHU Bichat-Claude Bernard, Paris
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Fonction ventriculaire gauche 5 ans après angioplastie ou chirurgie de pontage
aorto-coronaire : BARI
La fonction systolique ventriculaire gauche est un facteur
déterminant de survie pour les patients coronariens. Lors
de l’étude randomisée BARI (Bypass and Angioplasty Revascularization Investigation), deux attitudes initiales de revascularisation myocardique ont été comparées : pontage aorto-coronaire
et angioplastie coronaire. Sur 1 617 patients inclus survivants,
1 220 (75 %) ont eu une analyse isotopique de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) cinq années après leur entrée
dans l’étude.
Pour les 623 patients randomisés dans le groupe pontage, la
FEVG moyenne à 5 ans était de 55,8 ± 12,3 %, et pour les
597 patients randomisés dans le groupe angioplastie, elle était
de 55,7 ± 12,7 % (p = 0,82). Lorsque l’analyse est restreinte aux
1 204 patients qui ont effectivement reçu le traitement auquel ils
étaient assignés, ou aux patients pontés, en distinguant les patients
opérés par seuls greffons veineux saphènes ou ayant au moins un
pontage mammaire interne, les résultats sont toujours comparables. Parmi les patients randomisés dans le groupe angioplastie, certains ont été secondairement pontés : il existe alors une
différence significative (p = 0,017) en faveur des patients traités
en définitive par seule angioplastie coronaire.
L’analyse de sous-groupes (présence ou absence de diabète, de
lésions tritronculaires, de revascularisation complète, d’infarctus
du myocarde préalable...) n’objective pas de différence significative.
naire ou à l’angioplastie coronaire, et cela même en prenant
en compte des sous-groupes à risque (diabète, tritronculaires,
revascularisation incomplète, infarctus du myocarde préalable, absence de pontage mammaire interne...).
À noter cependant, pour les patients traités par angioplastie coronaire sans recours ultérieur au pontage aorto-coronaire, une FEVG
meilleure que pour l’ensemble des patients finalement opérés.
Cette différence est statistiquement significative, mais reste ténue
(56,9 ± 11,9 % contre 52,9 ± 14 % en cas de pontage secondaire
et 55,8 ± 12,2 % pour le groupe initialement traité par pontage).
Il faut rappeler que lors de la randomisation, la majorité des
patients pour lesquels la fonction ventriculaire gauche systolique
avait été évaluée avait une FEVG ≥ 50 % (FEVG < 50 % = 19 %
des sujets et FEVG < 30 % = 0,8 % des sujets). Ces résultats ne
sauraient s’appliquer à l’analyse de la récupération myocardique
après revascularisation. Ils permettent essentiellement de
constater qu’en présence de lésions pluritronculaires accessibles aux deux traitements, le choix de la méthode de revascularisation est ouvert, sans risque de détérioration de la fonction ventriculaire gauche systolique inhérent à une des options
thérapeutiques.
Conclusion. Cette étude ne constate pas de différence significative concernant la fonction ventriculaire gauche systolique
(FEVG) pour les patients inclus dans BARI et survivants à
5 ans, selon leur assignation initiale au pontage aorto-coro-
Similarity of ventricular function in patients alive 5 years after
randomization to surgery or angioplasty in the BARI trial.
Gibbons RJ, Miller DD, Liu P, Guo P, Brooks MM, Schwaiger M
! Circulation 2001 ; 103 : 1076-82.
C. Adams, service de cardiologie, CH Argenteuil
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