CABINET Forum Med Suisse No50 10 décembre 2003 1225
est l’estimation du bilan hydrique (la volémie).
Il arrive souvent, qu’une fois le diagnostic
d’insuffisance cardiaque décompensée posé les
patients soient traités par diurétiques jusqu’à
l’obtention d’un état normo- à hypovolémique.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de
l’angiotensine (IECA) respectivement les anta-
gonistes du récepteur AT1sont introduits à
doses progressives et sont alors, même lors
d’hypovolémie légère, «mal supportés». On
parle alors de manière erronée «d’insuffisance
cardiaque réfractaire au traitement». Par
ailleurs, lors d’hypovolémie préalable, les
vasodilatateurs entraînent des hypotensions
symptomatiques allant jusqu’à une élévation
de la créatinine. La figure 2 devrait aider à
estimer la volémie dans la pratique quotidienne
[3]. Les patients insuffisants cardiaques «froids
et moites» sont particulièrement exposés [4].
Il est recommandé que les patients en insuffi-
sance cardiaque décompensée soient plutôt en
état de légère hypervolémie lors d’introduction
respectivement de réintroduction d’un traite-
ment aux IECA. La vasodilatation accompa-
gnant le traitement IECA entraîne une euvolé-
mie. L’état de la volémie doit être suivi à ce
stade précoce de l’instauration du traitement
médicamenteux attentivement, éventuellement
même quotidiennement. Il est utile d’hospitali-
ser les patients si l’on ne peut assurer le suivi
en médecine ambulatoire. La recommandation
«start low – go slow – target high» pour les bêta-
bloquants s’applique aussi à la réintroduction
des IECA.
Les apports liquides quotidiens
La limitation des apports liquides à environ
1,5 l/j est un des piliers importants de la prise
en charge des patients avec insuffisance car-
diaque «réfractaire». Il faut bien sûr adapter les
apports les jours de grande chaleur ou lors de
diarrhées. Le patient devrait noter ses apports
au début, pour apprendre à évaluer combien
de ml représentent une tasse de café ou un
verre d’eau par exemple. Le renforcement de
la compliance des patients permet souvent de
venir à bout d’une insuffisance cardiaque
«réfractaire» à un traitement médicamenteux
établi. La meilleure façon de vérifier les apports
en liquide est la mesure quotidienne du poids
du patient.
Le bilan sodé
Il faut prêter attention à une alimentation peu
salée. La limitation des apports liquides à envi-
ron 1,5 l/j diminue déjà la joie de vivre. Les ali-
ments peuvent donc être légèrement salés
(dans une marge de 5–6 g de sel de cuisine par
jour). Il faut cependant avertir les patients de
ne pas rajouter du sel et surtout d’éviter les
mets trop salés.
L’ e ff et n a tr iu r é ti qu e d e s d iu ré t i qu es d e l ’ an se
peut entraîner des hyponatrémies sévères, par-
ticulièrement si le patient respecte trop stricte-
ment sa diète pauvre en sel. Il faut donc veiller
à ce que le taux sérique de sodium ne chute pas
en dessous de 125 mmol/l.
En résumé: l’optimisation du bilan hydrosodé
est une condition sine qua non lors d’insuffi-
sance cardiaque «réfractaire». Le traitement
médicamenteux conventionnel de l’insuffi-
sance cardiaque (IEAC, antagoniste du récep-
teur AT1, bêtabloquants, antagonistes de
l’aldostérone) s’ajoute à ce fondement. Viser
un «optimal medical management» (OMM) est
toujours considéré comme une mesure de
nécessité vitale par les experts. Les formes de
traitement plus poussées (par ex. prescription
intermittente de catécholamines, des inhibi-
teurs de la phosphodiestérase, des prostaglan-
dines, des hormones thyroïdiennes ou – s’ils
sont disponibles en Suisse – des sensibiliseurs
du calcium, respectivement du nésiritide) de-
viennent une option utile uniquement quand les
possibilités des traitements conventionnels
sont épuisées.
L’i nsu ffi san ce ca r di aqu e
réfractaire
L’ i ns uf fi sa n c e c ar d ia qu e r éf r a ct ai r e e st s yn o-
nyme du stade D de la classification ACC/AHA
de l’insuffisance cardiaque [5] (tableau 1). Elle
est aussi appelée «Advanced Heart Failure»
(advanced = avancée). Ces patients sont habi-
tuellement adressés aux spécialistes, une inter-
Figure 1.
Examen clinique après
instauration d’un traitement
adapté individuel chez des
patients adressés pour
une transplantation cardiaque [23].